[Lieu] La Vallée Fertile

[Galathée]

" Chiche !" s'exclama Victor en tirant la langue.
Il jeta ensuite un oeil sous la table.
" Je songeais à la jambe... C'est spectaculaire... Douloureux sûrement un peu, mais j'en ai vu d'autres..."

[Taliesin]

Ce gosse était fou.
Mais plutôt que de lui faire la leçon, de lui parler de Baptiste qui était déjà passé par là, il décida d'en rajouter.
-Gare, mon gars : si tu insistes, je risque de t'empêcher également de te faire la moindre égratignure et de te salir aussi peu que ce soit. Là, tu comprendrais le véritable sens du terme ennui.

[Galathée]

Victor rit joyeusement.
" Et comment au juste, Monsieur le Geôlier, entends-tu réussir pareille prouesse ? Crois-tu vraiment pouvoir me faire renoncer à ma nature d'enfant humain prompt à la crasse ? Disposes-tu du sortilège adéquat ? Immobilisation de gosse ? Pétrification de Victor ? Un truc comme ça ?"

[Taliesin]

-J'ai mieux : Domination. C'est un sortilège qui donne à celui qui le lance tout contrôle sur sa cible : ainsi m'obéirais-tu au doigt et à l’œil sans pouvoir t'en empêcher. Bon, c'est un peu violent, c'est vrai... Mais il me reste encore les musiques de barde. L'une d'entre elle recèle un pouvoir de suggestion permettant de donner des ordres simples aux auditeurs. Par exemple... "Reste immobile".
Il sourit de toutes ses dents.
-Alors, jeune rebelle, comprends-tu que tu as tout intérêt à être sage ?

[Galathée]

" Tu ne pourrais pas me dominer très longtemps : tu seras obligé de rester tout le temps avec moi, de penser tout le temps à moi..."
Son sourire s'élargit aussi.
" Et même avec ton sortilège, tu ne pourrais pas m'empêcher de souiller mes chausses ! Haha ! Il y a toujours moyen de se crotter quand on en a vraiment envie !"

[Taliesin]

Ce gosse était pire que fou.
-Je pourrais t'obliger à rester immobile dans un baquet, un abreuvoir, une rivière... Je pourrais, aussi, t'obliger à te laver à la moindre tâche. Imagine : vingt bains par jour ! Mais, je l'admets, la domination serait de loin la plus confortable pour moi : je pourrais t'oordonner de rester à la maison, de te tenir propre et... de ne rien faire d'autre. Comme cela dure une dizaine de jours, comme rien n'oblige à rester à proximité de la cible, je serais tranquille. Ah oui : ça n'empêcherait pas que tu manges et que tu dormes de ton propre chef; Donc, vraiment, aucun inconvénient !

[Galathée]

" Tu me connais mal. Je trouverais toujours une manière de contourner tes directives, dit l'enfant sans se démonter. Et puis tu sous-estimes la force de ma volonté. Je ferais semblant d'être affecté par ton sortilège alors qu'en réalité, je demeurerais libre comme l'air."
Il poussa un bref soupir.
" Mais nous avons dévié : ce n'était pas le sujet de la conversation. Le sujet c'était que tu t'étais ramolli."

[Taliesin]

-En trois ou quatre ans, j'ai vécu assez d'aventures pour remplir toute une vie : j'ai donc simplement besoin de souffler, ce qui est très différent d'être ramolli. Pour le reste...
Il but une gorgée de bière.
-Le vrai sujet, c'était les relations entre hommes et elfes et les différence existant entre les deux races.

[Galathée]

La porte s'ouvrit alors sur Phelan. Il commanda une bière avant même d'être assis, puis tira une chaise et s'installa entre le barde et son fils.
" Bon. J'ai fait ma petite visite chez mes amis de la guilde. Cette bande de bâtards protectionnistes."
Il se tourna vers Victor.
" Pardonne mon vocabulaire, petit, mais j'en ai gros sur la patate, crois-moi. Bref, je pense qu'il y a trois annonces qui ont disparu depuis la dernière fois. Mais le souci c'est que je me souviens des grandes lignes mais pas forcément de qui cherchait quoi..."

[Taliesin]

-Dites toujorus : cela fera des pistes à suivre. De surcroit, comme nous avons prévu de parler aux gardes des portes pour savoir si Cordélia a été vue quittant la ville, cela pourrait éliminer une ou deux de ces annonces...
Malgré tout, ils étaient embarqués pour de longues, très longues recherches et d'innombrables interrogatoires.
Mais ils n'avaient pas le choix.

[Galathée]

" Bon, je me souviens qu'il y avait une affaire d'abattage d'agneaux. Dans le bled du nord. Je dois avouer que je ne suis pas monté jusque là. Il y avait aussi une histoire avec le brasseur de l'abbaye... ou bien son fournisseur. Une histoire d'orge et de bière ou de tonneaux... Ce n'était pas très clair dans l'annonce et sur place, je me suis fait rembarrer d'emblée. Et la dernière, c'était de la chasse. Une bestiole dans la forêt à l'ouest. Le gars qui proposait le contrat était en ville il y a quelques jours, mais je ne suis pas certain qu'il est resté."

[Taliesin]

-Spontanément, c'est à la troisième annonce que je l'aurais vue répondre : il faudrait donc chercher le commandidaire. Mais s'il n'est plus en ville, nous n'auront d'autre choix que de procéder par élimination et donc de commencer par les deux autres, pour lesquelles nous seront sûrs d'obtenir des réponses. Sachant qu'interroger les gardes pourrait également nous faire avancer.
Ils n'étaient pas sortis de l'auberge...

[Galathée]

" Le type de la chasse, on pouvait le retrouver dans une taverne, ce ne sera pas facile de savoir ce qu'il en est. Pour les affaires de bière, il faut aller au Comptoir de l'Abbaye, c'est juste à côté des portes nord. Et pour les agneaux... Ben fallait monter jusqu'au village. Je ne sais plus où."
Il haussa les épaules.
" Après, qu'elle soit partie à la chasse ou vers le nord, elle aura emprunté la porte ouest."

[Taliesin]

-Bon, cela nous fait donc trois objectifs : l'auberge de l'homme souhaitant qu'on chasse une bête, si vous vous souvenez de laquelle il s'agit, le comptoir et les portes ouest.
Il se tourna vers Victor.
-Tu vois, une vraie enquête en perspective !
En réalité, il espérait qu'ils obtiendraient rapidement des informations probantes...

[Galathée]

" Qu'est-ce qu'on fait ? demanda Victor. On se divise le travail ? Ou bien tu veux interroger tout le monde toi-même ?
— Je veux pas te manquer de respect, gamin, mais pour interroger les gens, c'est p't'être mieux que les grands s'en chargent."
Vu la grimace du gamin, on pouvait aisément deviner tout le mal qu'il en pensait.

[Taliesin]

-Vous seriez surpris de constater à quel point Victor est doué pour ce genre de choses : je l'ai déjà vu se faire accepter à la table de soldats inconnus, longtemps deviser avec une baroudeuse qu'il n'avait jamais rencontrée auparavant et obtenir d'elle de précieuses informations... Et c'est lui qui, le premier, c'est lié à Cordélia. Bref, il est doué et son culot fait des merveilles.
Pour autant, il n'entendait pas laisser le gosse se charger seul des interrogatoires.
-Mais avez-vous une préférence pour votre terrain d'enquête ? Enfin, si vous souhaitez poursuivre celle-ci avec nous : vous nous avez déjà rendu un fier service et je comprendrais que vous ayez autre chose à faire.

[Galathée]

" Non, je suis curieux. Et puis je n'ai rien de mieux à faire. Et Cordélia m'était sympathique, je vous l'ai déjà dit."
Il fit un clin d'oeil à Victor.
" Si je sauve la demoiselle en détresse, j'aurai peut-être droit à un baiser, qui sait ?"
A nouveau, Victor se fendit d'une grimace éloquente.
" Mais j'ai pas de préférence. Je peux chercher le chasseur, si vous voulez... Moi je le connais, je le reconnaîtrai. Tandis que vous... Je pourrais vous le décrire, mais y'en a treize à la douzaine, des types comme ça, dans ce coin."

[Taliesin]

-Très bien. De nôtre côté, nous irons au comptoir puis aux portes ouest.
Il réfléchit quelques instants.
-Il va falloir que nous rentrions à Vauxgrisants pour l'heure du repas. Mais j'imagine que nous aurons fini nos recherches auparavant... Que diriez-vous de se retrouver ici ?

[Galathée]

" Ça me va, dit le jeune homme en se levant. Le comptoir est à l'autre bout de la ville. Suivez l'allée principale, jusqu'aux portes nord. Le comptoir est le bâtiment juste à gauche. Vous pouvez pas le rater. Y'a souvent du monde, notez : c'est là que les clercs distribuent ce qu'ils produisent... et vu la qualité de la bière..."
Il sourit puis les salua et quitta la pièce.
" Je ne vois pas ce que Cordélia pourrait lui trouver, tout bien considéré."

[Taliesin]

-Allons, tu ne peux pas lui en vouloir parce qu'il ne te connaît et ne sait donc pas de quoi tu es capable.
Il lui fit un clin d'oeil.
-Mais viens, nous avons une enquête à mener !
Et, après avoir payé sa consommation, il partit explorer cette première piste au comptoir, s'attendant plus qu'à demi à être éconduit.

[Galathée]

Victor et Taliesin traversèrent donc la ville de bout en bout. Quand ils arrivèrent au Comptoir, situé là où Phelan le leur avait dit, c'était déjà la fin de l'après-midi. Champsdor n'était pas gigantesque, mais ce n'était pas non plus un village de quelques maisons et Minuit avait bien marché. Il ne pourrait sûrement pas galoper pendant tout le trajet du retour.
Comme l'avait dit le jeune bretteur, il y avait du monde dans le Comptoir. C'était un vaste bâtiment aéré où s'empilaient des tonneaux et des bocaux, des étoffes et des livres, des fioles et des statuettes. Victor et Taliesin n'eurent aucun mal à attirer l'attention de l'un des prêtres, cependant, et un homme d'une quarantaine d'année en robe de bure brune vint à leur rencontre, souriant.
" En quoi puis-je vous aider, mes amis ?"

[Taliesin]

-J'aurais besoin d'un renseignement... dit-il après l'avoir cordialement salué.
Et de lui expliquer la situation. Il fit preuve de franchise : après tout, c'était à un clerc bienveillant qu'il avait affaire.
S'il commençait même à se méfier des Chauntéens, il n'était pas sorti de l'auberge.

[Galathée]

L'homme acquiesça, le front barré d'un pli.
" C'est une bien étrange histoire que vous me contez là. J'imagine que vous êtes certain que votre amie n'a pas décidé de continuer son périple ? Le mieux serait effectivement de trouver son commanditaire, mais je crains que vous ne fassiez fausse route ici : les travaux de la brasserie nécessitent généralement de porter des charges pesantes et je doute que Frère Guibert ait engagé une jeune femme pour quoi que ce soit. Mais nous pouvons aller lui poser la question directement."
Il les entraîna à travers la vaste salle, jusqu'au comptoir de la brasserie. Un homme ventru à la barbe luxuriante supervisait le travail de trois novices empressés, qui tentaient de répondre aux sollicitations des clients. Le premier clerc lui fit le récit de Taliesin et l'homme secoua la tête.
" Non, j'ai embauché deux gars de la ferme aux Poivres, un peu plus bas sur la rivière. Il fallait porter des tonneaux énormes, j'aurais pas pris une fille, je suis désolé."

[Taliesin]

-Oh, il n'y a pas de quoi l'être : rien qu'avoir appris que ce n'est pas pour vous qu'elle a travaillé nous permet d'avancer dans nos recherches.
Il leur sourit.
-Merci beaucoup pour vos réponses. Et désolé pour le dérangement.
Et bien, ils étaient partis pour rallier les portes ouest...

[Galathée]

Cela leur prit à nouveau un certain temps, immanquablement, mais ils commençaient à bien connaître la disposition de la petite cité, construite en étoile autour d'une place centrale, avec des allées presque rectilignes, peu fonctionnelles en cas d'attaque extérieure, mais il semblait que Champsdor n'ait jamais connu pareille aventure.
Aux portes ouest, ils furent accueillis par les gardes, affables mais perplexes. Comme ils purent le constater, il y avait un flux plus important de voyageurs de ce côté de la ville, ce qui n'était pas surprenant vu sa situation géographique, et si les sentinelles interrogeaient les entrants, ils laissaient passer les sortants sans rien leur demander, saluant simplement ceux qu'ils connaissaient.
" Une jeune femme brune à pied ? Heu... Je suppose que c'est possible, dit le premier des hommes. Je ne pourrais jurer que oui, mais... c'est possible."

[Taliesin]

-Elle serait passée avant hier, assez tôt dans la matinée, voire carrément à l'aube... précisa-t-il à nouveau.
Et de la décrire de manière aussi détaillée que possible : il savait comment elle était vêtue et ajouta qu'elle transportait peut-être, outre ses armes, un rouleau de corde.
Bien sûr, il y avait toutes les chances qu'elle soit passée par là. Néanmoins, en obtenir la confirmation ne ferait pas de mal.

[Galathée]

" A l'aube... On n'est pas toujours super bien réveillés à l'aube..."
Il héla un de ces collègues, qui parut tout aussi peu certain d'avoir vu la demoiselle. Un troisième s'avéra un peu plus collaborant, cependant.
" Me semble que ça me dit quelque chose. Une fille pleine d'entrain, comme ça. A pied. Elle m'a souhaité une bonne journée avec un accent pas d'ici. C'est peut-être elle ? C'est pas fréquent, les femmes qui voyagent seules."

[Taliesin]

-Effectivement. Et vu ce que vous me dites par ailleurs, il y a toutes les chances que ce soit elle.
Petit pas par petit pas, leur enquête commençait lentement à avancer.
-Aurait-elle dit quelque chose d'autre ? Si elle partait à la chasse dans les bois de l'ouest, par exemple ? Si elle avait été engagé pour de l'abattage dans le village du nord ?

[Galathée]

L'homme secoua la tête.
" On n'interroge pas les gens qui quittent la ville, messire. Elle nous a juste salués en partant, comme font les gens en général, quand ils ne sont pas trop pressés. Mais il était vraiment fort tôt... Même nous, on est un peu... moins frais, quand l'aube vient juste de se lever."

[Taliesin]

-Je me doute.
Il sourit.
-Merci beaucoup pour le renseignant : il nous est bien utile.
C'était vrai, même s'il s'agissait surtout d'une confirmation. Et si Phelan avait retrouvé le fameux commanditaire, la journée aurait été productive. Mais pour le savoir, il fallait retourner à la taverne.