[Lieu] Une cité perdue

[Galathée]

" Moi aussi." intervint Hubert, émergeant de sa torpeur.
Albérich acquiesça.
" Il faudra faire très attention. Il n'est pas question que les Ithiliens puissent mettre la main sur de nouveaux prisonniers ou qu'il y ait des morts..."
Hubert pinça les lèvres.
" Est-ce que vous avez aussi libéré les deux hommes que vous aviez capturés ?"

[Taliesin]

Elle secoua la tête.
-Non, ils sont toujours dans leurs cellules. Durant votre absence, je n'ai vraiment pris aucune décision particulière, je me suis contentée de réagir aux événements. Si vous aviez davantage tardé à revenir, il nous aurait sans doute fallu avancer mais là, en deux jours... J'ai résisté aux sirènes de l'action.

[Galathée]

Albérich regarda Hubert.
" J'imagine que nous aviserons en fonction de ce que les Ithiliens font. Il pourrait toujours être utile d'avoir une monnaie d'échange, au cas où un officier réapparait avec des idées moins... libératrices que ce clerc..."
Le paladin soupira.
" Oui, nous verrons."
Le Luménien se carra dans son siège.
" Sans doute serait-il bon d'envoyer ces escouades assez rapidement à l'extérieur... mais les mines... la forteresse... Les Ithiliens y seront fatalement. Et nous n'avons jamais su combien ils étaient, au juste."

[Taliesin]

-Quel qu'ait été leur nombre, je ne suis pas certaine qu'il en reste énormément : entre les conséquences des possessions, les pertes infligés par les démons, d'éventuelles oppositions violentes au sein même de leur groupe... Par exemple, les Ithiliens du fort n'étaient pas légion. J'ai donc le sentiment que nous pourrions nous débarrasser d'eux sans trop de mal et donc régler le dernier problème immédiat auquel nous sommes confrontés. Mais déjà, pour les recherches dans le reste de la ville... Les volontaires ne manqueront pas : les gens, les soldats en particulier, ont envie et même besoin d'action.

[Galathée]

" Je vous laisse juges, tous les deux. Dans le fond, je n'y connais rien, dit Albérich en souriant doucement. Je vais me concentrer sur les gens que nous avons récupérés... Ceux du fort, ceux des mines... Ils doivent être très éprouvés."
Hubert se tourna vers Frida.
" Il est un peu tard pour faire partir des équipes encore aujourd'hui... Pourtant, chaque minute compte, probablement. Qu'en penses-tu ?"

[Taliesin]

-Que si nous lancions l'idée, nous aurions en cinq minutes une demi-douzaine d'escouades parées à partir. Deux choses selement me font hésiter : les recherches auraient lieu de nuit, ce qui est toujours un peu plus dangereux, et... Il te serait difficile de rester au palais. Or, j'estime peu prudent que tu ressortes dès aujourd'hui.

[Galathée]

" Je peux rester, dit Hubert. C'est sûr que j'ai envie de sortir mais... je vous fais confiance, aussi."
Il eut un léger sourire.
" Les quatre paladins rongent leur frein... Gabriel sans doute aussi. Je n'ose imaginer l'humeur de Gaspard ou d'Edgar... plus les Tymorans... et il y a tous ceux que je connais mal... Vous avez ma bénédiction. Mais mets un homme fiable à la tête de chaque groupe. De pragmatique. Toi, Guillermo, Gaspard, Edgar, Rachel et Sofia. Quelque chose comme ça."
Il grimaça.
" Même si je n'adore pas l'idée que tous mes officiers sortent en même temps. Faites trois groupes pour ce soir, et trois pour demain matin. Et je dois parler à Etienne, alors j'aime autant qu'il ne sorte pas d'emblée, s'il en exprimait le désir."

[Taliesin]

Elle leva les yeux au ciel.
-Dis, Hubert, tu peux me donner des consignes tant que tu veux lors des réunions d'état-major, puisque j'y suis ton second. Mais au Conseil, je suis ton égale et... je sais organiser des escouades. Je fais ça depuis que j'ai rejoint la Communauté.
Elle sourit.
-Mais il en sera comme vous le souhaitez, mon général.

[Galathée]

Hubert rougit.
" Je ne voulais pas... C'est juste... Sinon... Pour éviter la réunion d'état-major, hum... Je pensais à voix haute... Vu que tous ne sont pas des éclaireurs... que je les connais bien... Excuse-moi."
Albérich était demeuré songeur pendant qu'ils échangeaient sur les escouades, mais il n'ajouta finalement rien.
" Bon, mais j'imagine que nous pouvons lever la séance, si vous avez toutes ces choses à organiser."

[Taliesin]

-Hubert n'a rien à organiser : il m'a déjà tout dit ! Mais oui, on peut lever la séance. Juste une chose : si tu veux en savoir plus sur ceux qui sont revenus, discute avec les clercs qui sont demeurés ici. Ils n'ont pas chômé, ils avaient à cœur de se rendre utile.
Elle se leva.
-Et ne fais pas cette tête, Hubert : je ne l'ai pas mal pris. J'ai ma petite fiertée mais je ne suis pas aussi volcanique que les Sunites.

[Galathée]

" Je suis vraiment sincèrement désolé." répéta le paladin.
Il se leva.
" Je vais essayer de trouver Etienne. Tu as une idée de l'endroit où il traîne, ces temps-ci ?"
Albérich, de son côté, entendait bien rejoindre les autres clercs, effectivement, et voir s'il pouvait se rendre utile.

[Taliesin]

-Dans sa chambre, je présume. Il sort plus qu'avant mais surtout quand il y a peu de monde hors de la salle commune et de la salle à manger...
Et, de fait, c'est dans sa chambre qu'Hubert trouva le chevalier. Il était seul, un livre sur les genoux - livre auquel il semblait ne prêter aucune attention.
-Mes félicitations, dit-il en apercevant le paladin. C'est un véritable miracle que vous avez accompli.
Il paraissait sincère mais le sourire dont il se fendit était sans joie.

[Hubert de Maleval]

Hubert aurait voulu que le chevalier entrevoie la lumière dans ce qui s'était produit. Clairétoile libérée. L'ombre vaincue. La preuve qu'ils pouvaient encore tout imaginer. Mais il sentait qu'il n'était pas celui qui ouvrirait les yeux à Etienne, si c'était seulement encore possible.
" Merci. Nous avons fait notre devoir. Les diables sont à nouveau prisonniers de la faille."
Il songea au mur qu'avait érigé Albérich. Il faudrait bouter les Ithiliens hors des mines, ne fut-ce que pour le protéger.
" Je voulais... Hum... Ton écuyer n'est pas là ?"

[Taliesin]

-Non. Il doit essayer de se rendre utile ou passer du temps avec de jeunes gens de son âge : il y en a à nouveau un peu plus parmi nous. Si je l'écoutais, il ne me quitterait pas d'une semelle mais... Il faut bien qu'il se distraie, tout de même. Et puis, il ne tardera pas à devenir chevalier : il faut donc qu'il retrouve son indépendance. Bref, que voulais-tu ?

[Hubert de Maleval]

" Hum. Je voulais te dire... te prévenir... Ah..."
Il prit une profonde inspiration.
"... que j'ai tué Louis."

[Taliesin]

-Oh.
Étienne parut troublé mais... pas autant qu'on aurait pu s'y attendre.
-Il aurait été préférable qu'il soit jugé puis légalement condamné. Mais j'imagine que tu n'as pas eu le choix. Et si une partie de tout ce qu'il m'a raconté est vraie... Ce que tu as fait était sans doute de loin l'acte le plus charitable.

[Hubert de Maleval]

" Il était possédé. Il nous empêchait de poursuivre notre route. Je ne sais pas s'il restait quelque chose de l'homme qu'il avait été en lui, ou si le diable l'avait déjà complètement annihilé..."
Il secoua la tête.
" Je ne voulais pas que tu l'apprennes pas quelqu'un d'autre. Je suis désolé."

[Taliesin]

-C'est gentil de m'avoir prévenu. Mais tu ne dois pas être désolé : il n'était plus rien pour moi.
Il soupira.
-Plus rien hormis une source de regrets, de remords, d'incompréhension, de rancune, de colère... voire de haine. Autant de sentiments néfastes dont il vaut mieux se départir.

[Hubert de Maleval]

Hubert acquiesça. Les choses ne seraient sans doute pas aussi faciles que semblait l'espérer Etienne, mais il avait raison sur le fond. Lui aussi avait ressentit des choses noires dont il était peu fier, à cause de la trahison du chevalier d'Argencourt.
Le paladin eut envie de faire dévier la conversation, craignant de laisser Etienne seul après ce qu'il lui avait révélé.
" Est-ce que... désormais... tu vois un peu plus clair sur la suite ?"

[Taliesin]

-Pas vraiment, non. Pour l'instant, je vis surtout au jour le jour. Une conséqence de longues années passées à Antelucas, sans doute.
Soupir.
-Mais je suis déjà content que vous parveniez peu à peu à... limiter les conséquences néfastes de toute cette aventure.

[Hubert de Maleval]

" Personne ne pouvait se douter de ce qu'il y avait dans les mines... murmura Hubert. Si nous étions arrivés les premiers au sceau, nous ne l'aurions certainement pas franchi. Mais il y avait des diables en surface..."
Il pinça les lèvres.
" Je me dis parfois que si nous n'avions pas débusqué Ignace, les Ithiliens ne seraient peut-être jamais venus."

[Taliesin]

-Cela me semble peu probable car les Ithiliens s'intéressent beaucoup plus aux Landes que nous ne l'imaginions. Sans doute cela colle-t-il avec les visions expansionnistes du prince...
Il secoua la tête.
-A mon avis, il aurait mieux valu ne jamais mettre les pieds ici, laisser cette cité dans l'oubli bienvenu où elle était tombée. Ah, si j'avais été moins orgueilleux, j'aurais remisé ces documents poussiéreux dans un coin et j'aurais lavé l'honneur de ma famille de manière plus modeste mais plus constructive, en essayant de gagner de l'argent pour le distribuer ensuite à des œuvres de bienfaisance. Ainsi n'y aurait-il eu aucun mort, aucun drame, aucun cataclysme à éviter...

[Hubert de Maleval]

" Tôt ou tard, quelqu'un l'aurait trouvée, Etienne. Et c'est mieux que ce soit nous. Même si nous ignorions le danger et si le pire a failli arriver... Nous avons pu juguler la catastrophe et nous avons désormais les moyens de l'empêcher de se reproduire."
Le devoir, songea-t-il, aussi.
" C'est vrai que le problème des Ithiliens reste entier... mais nous trouverons une solution..."

[Taliesin]

-Vous devriez en discuter avec Luménis : c'est l'équilibre des forces sur tout Helonna qui se joue, après tout. Mais pour en revenir à ce que tu disais juste avant, je ne suis pas convaincu que la cité aurait été redécouverte sans nous. Cela faisait des siècles que plus personne n'y avait mis les pieds, et il a fallu que nous montions une expédition de grande envergure et soigneusement préparée pour que cela change. Si nous nous estions abstenus, elle serait demeurée oubliée, personne n'aurait rompu le sceau et n'aurait pu le rompre dans les siècles à venir, alors que maintenant, il va falloir le protéger... Ah, que tout cela était stupide...

[Hubert de Maleval]

Hubert secoua la tête.
" On ne peut pas savoir ce qui se serait produit. Ignace était parmi nous. Il savait où il allait et il ne l'a pas appris par toi. Il attendait son heure, peut-être, mais il l'aurait provoquée tôt ou tard. Je continue à penser que nous formions le bon groupe pour affronter ce que nous avons affronté."
Il pinça les lèvres.
" C'est certain que nous sommes désormais investis d'une mission imprévue... mais cela peut aussi constituer le ferment d'une identité, je crois. Au moins chez certains d'entre nous."

[Taliesin]

-Tu penses en paladin, Hubert. Et c'est une façon de penser très louable, évidemment. Mais elle n'est pas partagée par tout le monde. Combien d'individus ordinaires auraient envie de s'installer au-dessus d'une faille donnant sur les Enfers ? D'endosser la responsabilité de la surveiller, de la garder fermée ? De l'imposer à leurs enfants, aux enfants de leurs enfants ? Pas beaucoup, je le crains.

[Hubert de Maleval]

" Je ne parlais pas d'infliger cette responsabilité à la population de la cité tout entière. Mais un ordre de combattants pourrait être créé dans ce but. Avec la mission de protéger la faille, mais aussi d'assainir la cité et la région environnante. C'est vrai que pour un paladin... C'est une perspective enthousiasmante, presque, la mission de toute une vie. Une véritable voie."
Il sourit.
" Mais je pense qu'il n'est pas forcément nécessaire d'être un chevalier divin pour y voir une réalisation. Je n'en sais rien. Je me leurre peut-être. Je devrais en parler avec mes collègues, déjà, et voir si nous pourrions dessiner quelque chose pour l'avenir..."

[Taliesin]

Étienne le dévisagea.
-Tu penses rester, tout compte fait ?
Il prit un air pensif.
-Ce serait une bonne nouvelle pour ce qui se bâtira éventuellement ici. Tout le monde serait content.

[Hubert de Maleval]

Hubert se sentit rougir légèrement.
" Je ne sais pas. Je ne peux en tout cas pas partir comme ça, compte tenu de ce que nous savons... Et je me dis... que c'est peut-être le destin qui m'a mené ici. Après tout... Il y a mon sang... Je suis lié aux lieux, irrémédiablement."
Il n'était pas certain qu'Albérich accueillerait ce genre de discours avec enthousiasme. En même temps, la réalité était qu'ils n'avaient nulle part où aller... et que le temple de Lathandre était magnifique.
" Je ne devrais pas m'avancer. Je ne sais pas de quoi seront faits les jours à venir."

[Taliesin]

-Le plus important, c'est de ne pas donner de faux espoirs. Les faux espoirs, il n'y a rien de pire.
Soupir.
-Et si ton idée n'est pas mauvaise, loin s'en faut, je pense préférable que tu la passes sous silence jusqu'à ce que tu sois un peu plus fixé sur ton avenir. Ici, il y a les compétences pour monter une garde, voire une armée. Mais un ordre de protecteurs, ça n'est pas la même chose, tu es probablement le seul à pouvoir mettre ça sur pied...