[Lieu] La Vallée Fertile

[Galathée]

" Moi je comprends, dit Baptiste, coupant l'herbe sous le pied de Victor.
— Toi, tu es le plus froussard de l'histoire !" rétorqua son frère.
Le plus âgé des deux garçons encaissa sans broncher.
" De toute façon, si Taliesin nous dit non, on obéit. C'est notre père. Si tu obéis pas, il pourra plus te faire confiance, et la prochaine fois, tu pourras pas venir."
Victor parut encore plus outré, mais cette fois, il se contenta de grommeler.
" Très bien. Mais seulement si tu surveilles Phelan."

[Taliesin]

-Bien sûr. Et je ne manquerai pas de dire à Cordélia que tu étais parti à sa recherche avec nous et que tu n'as rebroussé chemin que parce que je t'y ai obligé.
Il soupira.
-Merci pour votre compréhension. Et désolé... pour tout ça.
L'affaire étant entendue, il tourna les talons pour aller prévenir le garde-chasse.

[Galathée]

Le garde-chasse parut surpris de la demande : Vauxgrisants se trouvait à l'autre bout de la vallée, et il était encore très fatigué.
" Ecoutez, je peux peut-être garder les gamins avec moi à la cabane le temps que vous reveniez ?
— Ou alors on prend la charrette et le mulet, dit Baptiste, mais du coup, vous n'aurez plus qu'un seul cheval..."

[Taliesin]

Mais il n'avait vraiment pas la tête à ce genre de détails.
-Si cela ne dérange pas messire, restez chez lui jusqu'à notre retour et, si l'occasion s'en présente, envoyez simplement un message à Mona pour la ternir informée de la situation : nous n'avions prévu de partir que deux jours, après tout. Sinon, messire pourra vous ramener en charrette quand il se sentira mieux.

[Galathée]

Baptiste acquiesça, Victor shoota dans une pomme de pin malheureuse et le garde-chasse opina du chef, indécis.
" D'accord, dit-il cependant. Soyez prudents."
Phelan regarda derrière son épaule.
" Et le... hum... il reste avec nous ?"

[Taliesin]

-Oui.
Après s'être assuré que ceux qui repartaient avaient des vivres et de l'eau en suffisance, il salua les garçons, remercia le garde chasse puis prit la direction indiquée par ce dernier.
Autant ne pas éterniser les adieux, autant ne pas perdre de temps.

[Galathée]

Baptiste vint l'étreindre brièvement, Victor partit, main dans les poches, en grommelant. Le garde-chasse n'avançait pas très vite mais il connaissait manifestement le chemin, et Taliesin l'entendit faire conversation dès qu'ils se furent éloignés de quelques mètres. Depuis son buisson, Titus les observa sans bouger, aux aguets. Phelan paraissait un peu interdit, mais il finit par hausser les épaules et se mettre en route.
" Tu as une idée de ce que c'était, ces chauves-souris obèses ? Je dois dire que j'y connais pas grand chose en faune bizarre des bois magiques..."

[Taliesin]

Il adressa un sourire à Titus, lui fit signe de se rapprocher d'eux.
-Je ne suis pas non plus un spécialiste : je connais les êtres les plus fréquemment rencontrés mais en dehors de ça... Et donc ces chauves-souris ne me disent rien du tout. J'aimerais juste ne pas les croiser.
Ce qui était malheureusement très peu probable.

[Galathée]

Le petit faune se rapprocha et prit la main du barde.
" Ils sont partis où, Victor et Baptiste ?" demanda-t-il en scrutant le sous-bois derrière eux.
Pendant ce temps, Phelan s'était approché du tronc dont avait parlé le garde-chasse et s'accroupit dans l'humus pour chercher cette fameuse piste.

[Taliesin]

-Le garde-chasse va les ramener chez lui et ils y attendront notre retour : les conduire plus profond dans la forêt, avec tous les dangers qui rôdent, ça n'était pas... responsable. Et je t'aurais bien demandé de les accompagner, parce que je ne veux pas non plus t'exposer mais... j'ai eu le sentiment que tu refuserais.
Il hésita.
-Si je me suis trompé, si tu es d'accord pour aller avec eux... Il est encore temps.

[Galathée]

" Non." dit simplement le faune, sans agressivité.
Il ne lui lâcha pas la main pour autant.
" Et puis je crois que tu vas avoir besoin des moustiques."
Phelan se redressa en jurant.
" Je suis pas rôdeur, moi. J'y vois rien dans toutes ces stupides feuilles mortes !"

[Taliesin]

-Je ne suis pas rôdeur non plus mais... il faudra bien qu'on fasse avec les moyens du bord.
Un instant, il observa le jeune homme;
-Au fait, Phelan... Rien ne t'oblige à continuer si tu ne le souhaites pas. Tu as déjà fait beaucoup et ce, pour des inconnus... Bref, il n'y aurait pas de honte à estimer que tu as assez donné, surtout au vu des circonstances.

[Galathée]

Phelan se redressa en époussetant ses genoux.
" C'est vrai, tu es un inconnu. Et le gosse à cornes aussi. Mais Cordélia, je l'aimais bien. Elle est de Solarcis, en plus. Et c'est pas les gens d'ici qui vont la retrouver. Alors soit tu me mets dehors — et c'est pas sûr que je partirai, soit tu arrêtes de me poser la question, d'accord ?"
Il sourit.
" Je sais que tu es un barde très puissant, mais je ne vais pas te laisser tout seul dans des bois pleins de bêtes sauvages."

[Taliesin]

-Je ne cherchais pas à t'écarter : il me semblait juste normal de t'offrir une porte de sortie au cas où tu ne souhaites pas continuer. Mais je ne vais pas me plaindre du fait qu'il n'en soit rien.
Il sourit puis se mit en quête des traces. Si ni Phelan ni lui ne parvenaient à les percevoir, il fallait espérer que Titus en serait capable sans quoi tout cela serait mal engagé.

[Galathée]

Ils furent contraints de se déployer en éventail dans le sous-bois pour chercher les traces du passage de Cordélia. La piste était ancienne, comme l'avait dit le garde-chasse, et même les insectes qu'interrogeait Titus se révélaient mal informés, sans doute à cause de la manière dont ils appréhendaient le temps. Certains étaient déjà morts, d'autres à peine nés, les derniers ne savaient pas différencier hier d'aujourd'hui d'une semaine plus tôt. Titus paraissait de plus en plus agacé par leur manque de précision et Taliesin le surprit à écraser une créature avec laquelle il venait de converser en le traitant d'incapable à mi-voix. Phelan était plus doué pour masquer son énervement, mais le barde le devinait à des gestes, des murmures, des soupirs qui lui parvenaient parfois, portés par la brise. Pour l'heure, hormis une direction générale, ils ne disposaient d'aucune information tangible...

[Taliesin]

Faute de mieux, c'est donc dans cette vague direction qu'il les conduisit.
Ils allaient persévérer un moment : ils le devaient. Mais si vraiment ils ne trouvaient rien... Ils rebrousseraient chemin et se mettraient en quête de personnes plus compétentes.
Une énorme perte de temps, évidemment. Toutefois... A l'imposible nul n'est tenu.

[Galathée]

S'ils ne trouvèrent nulle trace tangible de Cordélia, ils ne virent pas non plus de chauves-souris obèses. Phelan trouvait qu'il y avait déjà là de quoi se réjouir. Titus, de son côté, noua conversation avec une araignée ventrue qui lui distilla ses informations au compte-gouttes ou plutôt à la mouche. Le petit faune s'exécuta à contre-coeur : il n'aimait pas tellement Cordélia, Taliesin le savait.
" Je pense qu'elle est passée par ici, dit finalement le petit faune. En tout cas une femme. Mais elle était pas seule, elle était avec trois hommes. Ou quatre. Les araignées comptent 1, 2, beaucoup, tu vois."

[Taliesin]

La nouvelle le surprit autant qu'elle l'inquiéta. Le garde chasse n'aurait-il pas dû remarquer les traces de ces hommes ? Et qui pouvaient-ils bien être ?
Autant de questions qui, il le craignait, resteraient longtemps sans réponse.
Quoi qu'il en soit, il remercia Titus et se remit en route. Comme la piste était difficile à suivre - doux euphémisme -, comme ils devaient pourtant se hâter, il allait recourir aux service d'un chien céleste, en espérant que son flair les tirerait d'affaire.

[Galathée]

Le chien céleste était un berger au poil noir légèrement bleuté. Dès que Taliesin l'eut invoqué, il s'assit sur son séant et l'observa. Il était tout prêt à suivre une piste, mais sans objet ayant appartenu à Cordélia, il était démuni. Mais peut-être le barde avait-il songé à conserver l'un ou l'autre des objets qu'il avait récupéré à l'auberge...

[Taliesin]

Ce n'était pas le cas. Il n'avait pas imaginé en avoir besoin et comme la décision de partir s'était prise rapidement, il n'avait emporté que ses propres affaires.
Bref, soit le chien flairerait quelque chose, soit il serait grand temps de s'avouer vaincu.

[Galathée]

A défaut d'un objet appartenant à la jeune femme, Taliesin put déjà expliquer au chien ce qu'il cherchait : une femme, justement, et il ne devait pas y en avoir des milliers à courir les bois. L'animal se mit à flairer le sol, remuant la queue d'excitation, puis finit par sélectionner une direction et s'élancer. Les trois compagnons durent galoper derrière lui pour ne pas le perdre, car il filait ventre à terre, sans doute pour aller le plus loin possible avant de disparaître. Il les guida ainsi pendant plus d'une demi-heure avant de s'immobiliser. Ils avaient atteint une saillie entre les arbres, comme un sentir à peine visible. Dans l'humus humide, on distinguait, très nettement, les empreintes des sabots de plusieurs chevaux. Abandonné, couvert de mouches, ils découvrirent aussi ce qui ressemblait au groin immonde d'un gros sanglier.

[Taliesin]

Taliesin prit le temps de remercier le chien pour ses bons offices puis se tourna vers ses compagnons.
-Cordélia a été enlevée, cela ne fait guère de doutes, et le seul point positif est que sa piste devrait désormais être plus aisée à suivre. Cependant, quelque chose me chiffonne : nous n'avons pas parcouru tant de trajet que cela depuis la clairière, n'est-ce pas ? Il est donc possible que le garde-chasse, lui aussi, soit parvenu jusqu'ici. Mais dans ce cas, pourquoi ne nous a-t-il rien dit de cette manière de sentier, de ces traces de sabots, de ce trophée abandonné ?

[Galathée]

" A mon avis, il n'est pas arrivé jusqu'ici, dit Phelan. Ou alors il n'a pas vu les traces... Ça n'avait pas l'air d'un mauvais bougre... et honnêtement... Je ne suis pas sûr que ce soit un bon rôdeur, lui non plus... Sinon, il aurait tué le sanglier lui-même..."
Titus regardait les traces.
" Est-ce qu'on va les suivre ?"

[Taliesin]

-Nous n'avons pas vraiment le choix. Si nous rebroussions chemin, nous perdrions un temps précieux et ne trouverions aucune aide : les gardes de Champsdor argueraient certainement que cela n'est pas de leur ressort, puisque cela se déroule hors de la vallée... Bref, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes.

[Galathée]

Titus ne protesta pas et ils reprirent leur route, suivant cette fois aisément le parcours des chevaux. Il était difficile de les compter : sans doute trois ou quatre. Ils étaient ferrés, on le voyait dans certaines des traces. Ils avaient galopé, à voir la profondeur des trous laissés sous leurs sabots.
" Vous avez l'air persuadé que Cordélia a été enlevée, dit soudain Phelan, alors qu'ils marchaient. Vous ne croyez pas que... elle a peut-être été secourue, plutôt ? Je veux dire... elle était peut-être blessée, après avoir combattu cette horrible chose..."

[Taliesin]

-Ce n'est pas impossible. Cependant, elle était encore assez vaillante pour couper le groin du sanglier, sans compter que nous n'avons pas trouvé de traces de sang en suivant sa piste. Par ailleurs, si elle avait été simplement secourue... Elle aurait probablement tenu à informer le garde-chasse, l'aubergiste ou moi-même de ce qui lui était arrivé, et on ne l'en aurait pas empêchée...
Non, pour lui, il y avait anguille sous roche. Dans le même temps, il n'avait pas la tête à se perdre en conjectures : il voulait simplement progresser et aider Cordélia.

[Galathée]

" Elle est peut-être très mal en point... Elle a pu être attaquée par les chauves-souris obèses après avoir tué le sanglier, comme le garde-chasse. On en sait rien, dans le fond."
La forêt s'éclaircit comme ils progressaient et soudain, ils atteignirent une route. C'était une voie large, bien entretenue, qui semblait aller d'ouest en est.
" C'est la voie principale." dit Phelan.

[Taliesin]

L'elfe grimaça.
-Je commence vraiment à me poser des questions sur ce garde-chasse. A l'entendre, j'avais l'impression que nous allions crapahuter des heures et des heures dans les bois et voilà qu'en suivant la direction qu'il nous avait globalement indiquée, on tombe rapidement sur une route importante dont il connait forcément l'emplacement et dont il aurait dû logiquement nous parler.

[Galathée]

" Nous avons tourné vers la droite, petit à petit, dit Phelan. Nous ne sommes plus dans la direction qu'il nous avait indiquée : le chien nous avait déjà fait dévier, mais les chevaux ont continué à volter... Mais on peut retourner chez le garde-chasse, si tu es inquiet. Ça n'est pas tout près : on arrivera peut-être même avant eux, si on arrive à convaincre un chariot qui passe de nous transporter..."

[Taliesin]

-Sauf que si Titus est démasqué, il pourrait y avoir un esclandre... Je me demande donc si nous n'aurions pas plus intérêt à les rattraper à travers bois, d'autant que nous ne nous sommes pas séparés il y a si longtemps et que le garde-chasse avance peu vite...
Ah, s'il avait su qu'ils sortiraient si vite de la forêt et ne croiseraient aucune de ces prétendues chauves-souris bouffies...
-Bon, mais tant qu'à être ici, essayons de voir si nous pouvons déterminer de quel côté sont allés les chevaux.