[Lieu] Une cité perdue

[Galathée]

" Vous pouvez commencer, Marcus, franchement... Nous avons déjà parlé, toi et moi, d'y inclure la commanderie... Il y a des réparations de base qui peuvent être commencées, notamment dans la cour extérieure... et puis pour le reste, je pense que les chambres, les dortoirs, les cuisines... Tout ça n'a pas besoin de grandes prises de décision... Il y a moyen de faire la liste du matériel qui nous manque... Des rideaux, déjà, partout, des vitres à certains endroits, des sommiers, des matelas... La cour intérieure doit être désherbée, replantée, le jardin médicinal... Il y a déjà mille choses à faire. Et je te fais confiance, tu le sais, n'est-ce pas ? Il est probable qu'au printemps arrivent de nouveaux colons... parmi eux des Lathandrites... Il faut quelqu'un pour les accueillir."

[Taliesin]

-Oh, mais il va de soit que les réparations et le mobilier seront des affaires réglées à ton retour et que nous célébrerons des cérémonies pour les fidèles ! Nous en avons déjà assez parlé pour que je puisse avancer sans craindre de faire trop d'erreurs... Non, je parlais plutôt de l'organisation du temple, de sa véritable... refondation. Et ça, ça attendra ton retour : semblables choses ne peuvent pas être accomplies... en l'absence de l'aubemestre.

[Galathée]

Albérich eut un sourire embarrassé.
" Je pourrais protester pour la forme mais je ne peux pas nier que j'ai très envie de redevenir aubemestre, dit-il. Dans le même temps, je ne peux pas estimer que ce poste me revient d'office et m'y imposer. Ce ne serait pas sain. Nous en parlerons quand je serai de retour."

[Taliesin]

Marcus leva les yeux au ciel.
-La place te revient, Albérich. Tu as déjà occupé ces fonctions et de belle manière : je peux en témoigner. Et puis, tu es l'aîné...
Il sourit.
-Gabriel et moi sommes trop jeunes pour pareil charge. Je veux dire... Nous avons besoin d'un poste qui nous occupe en permanence, qui nous offre de l'action tandis que toi... Tu as besoin de calme et de repos. Bon, c'est vrai qu'occuper l'appartement le plus vaste, le plus confortable, le plus lumineux est davantage tentant qu'être relégué dans une minuscule cellule sans fenêtre mais... ça ne suffit pas à compenser tous les autres désagrément. Non, vraiment : l'aubemestre, ce sera toi.

[Galathée]

Albérich ne put s'empêcher de rire, à nouveau.
" Toutes les chambres ont des fenêtres, Marcus. On peut difficilement appeler ces beaux espaces des "cellules". Et je ne suis pas si vieux ! Besoin de repos, diable, tu me fais peur..."
Il poussa un bref soupir.
" Mais nous verrons. J'en ai envie, tu le sais. Si vous êtes toujours prêts à me reprendre en été... Je serai là."
Il croisa les bras.
" Je voulais juste te parler de la petite salle attenante à la chambre, celle qui devait servir de salle d'eau. Il faudrait ne pas y toucher avant mon retour. J'en ai fait mon... lieu de téléportation, au cas je voudrais revenir subitement... et donc si elle change, je ne pourrai pas la rallier."

[Taliesin]

-Aucun problème : je veillerai à ce que personne n'y modifie quoi que ce soit.
Il sourit.
-Allez, tu peux partir tranquille : nous veillerons au grain et à ton retour, nous pourrons passer aux choses sérieuses.

[Galathée]

Albérich se leva pour étreindre chaleureusement son cadet.
" A bientôt, Marcus. Je suis impatient de reprendre notre collaboration. D'ici là porte-toi bien... N'oublie pas de prendre le soleil... d'aller chasser le mort-vivant... Ne reste pas cloîtré ici... Clovis est rentré, tu peux déléguer, déléguer, déléguer..."

[Taliesin]

-Je vais essayer. Mais je ne garantis pas de réussir...
Il jeta un regard à ses innombrables documents.
-Bon, il est temps que je m'y remette, si je veux pouvoir dormir un peu... Je te souhaite un très bon voyage, Albérich. et je te dis à bientôt.
Sans doute cette nouvelle séparation lui coûtait-elle davantage qu'il ne voulait bien le montrer, ce qui expliquait qu'il ne tenait pas à éterniser les adieux.

[Galathée]

Albérich ne s'était pas attendu à autre chose. Il le salua à nouveau, puis se retira et prit la direction du téléporteur. Il se sentait à la fois ému et serein. Il avait confiance dans le lien qui existait entre Marcus et lui-même, confiance dans ce qu'ils construiraient ensemble lorsqu'il serait rentré. Des promesses formidables. Pourquoi s'inquiéter ?
Hubert était déjà dans la petite salle, il paraissait plus tendu. Quand ils se retrouvèrent, le clerc se glissa d'instinct entre les bras du chevalier et ils échangèrent un rapide baiser.
" Prêt ? demanda le clerc.
— Oui." répondit le paladin.
Hubert activa la console. Ce serait sa dernière utilisation avant bien des mois, mais les colons avaient déjà repris l'habitude de circuler en sous-sol ou même dans certaines rues. Dès que les symboles apparurent, Albérich marcha vers le centre du cercle, jusqu'à celui représentant la forteresse.

[Taliesin]

Mais avant qu'ils ne se téléportent, ils entendirent des pas précipités dans le couloir. Un instant plus tard, Etienne faisait son apparition, essoufflé.
-Ouf, j'ai eu peur de vous manquer, haleta-t-il.
Il prit quelques secondes pour se remettre de sa course.
-Je tenais à vous souhaiter bon voyage. Et... à vous remercier pour toute l'aide que vous avez apportée à la Communauté. Sans vous... Il n'y aurait sans doute pas eu un seul survivant.

[Galathée]

Le paladin et le clerc demeurèrent stupéfaits de cette apparition imprévue. Albérich reprit ses esprits le premier.
" Je pense que... c'est impossible de savoir ce qui aurait été. Les gens de la communauté, tous, ont fait preuve d'une admirable résilience, d'un courage hors du commun. Nous ne saurons jamais et... c'est mieux. Il faut vivre dans l'instant et dans le futur."
Il sourit.
" Nous nous reverrons bientôt. Essaie de ne pas... minimiser ce que toi, tu as fait... La communauté est là, désormais, à l'aube de ce miracle. Il nous reste encore bien des choses à accomplir."

[Taliesin]

-Certes. Mais il convient de se souvenir à qui l'on doit cette situation actuelle... Et tout le monde sait que c'est grâce à vous.
Il s'arracha un sourire.
-Mais je ne vais pas vous retarder davantage. Je vous souhaite un bon voyage et vous remercie à nouveau pour votre dévouement et les prouesses que vous avez accomplies.
Et il les salua.

[Galathée]

Albérich le regarda s'éloigner, se demandant ce qu'il aurait pu ou dû dire d'autre. Qu'ils avaient sauvé la communauté, mais que ça aussi appartenait au passé, désormais. Il se contenta d'un soupir puis retourna vers le centre de la pièce où se trouvait toujours le symbole de la forteresse. Il le franchit, se retrouva dans la pièce du deuxième étage où il menait, à trois portes de l'endroit qu'il avait autrefois appelé sa chapelle. Hubert arriva juste derrière lui. Ils avaient déposé la majeure partie de leurs affaires plus tôt dans la journée, le paladin avait déjà organisé le bât que porterait Placide, il ne leur restait plus qu'à rallier leur chambre et prendre du repos avant le grand départ.
Ils avaient regagné la pièce dans laquelle ils avaient résidé au début de leur installation. Elle avait été utilisée par les Ithiliens, bien sûr, elle était magnifique, mais Albérich trouvait symbolique d'y marquer à nouveau leur territoire. Il alluma quelques bougies, contempla leurs couches contiguës, et cela lui arracha un sourire. Arrivé derrière lui, Hubert l'enserra de ses bras, et l'embrassa dans le cou.
" Il faut se reposer, maintenant."
Le clerc acquiesça, se retourna contre lui, posa la tête contre son épaule.
" Tu as des doutes ?
— C'est le soir. Le mauvais moment pour me poser cette question."
Albérich acquiesça, se détacha de lui, et entreprit de se changer. Il faisait déjà nettement plus froid dans la forteresse qu'au palais et il ne traîna pas longtemps en dehors des couvertures. Le sol demeurait dur. La promesse d'un véritable lit, d'ici une veille, le remplit de félicité. Il se demanda comment ils justifieraient, dans les auberges, de prendre une seule chambre pour deux. Puis il se souvint qu'il avait un garde du corps. Ils se débrouilleraient.
Hubert le rejoignit, lova son corps chaud contre le sien, chassant les frimas. Ils étaient l'un et l'autre beaucoup trop tendus pour trouver le sommeil : les derniers échanges avec leurs amis, même s'ils avaient été pleins de possibles, étaient aussi chargés d'émotions douloureuses, d'un manque à venir, d'un déchirement. Ils firent l'amour pour sublimer toute cette angoisse, épuiser leurs esprits agités, renforcer leur lien, leur confiance, leur courage.
Et puis ils dormirent. L'aube viendrait pour les renvoyer sur la route.

[Taliesin]

Ils se levèrent avant l'aube, avant même que ne pointent les grises lueurs qui la précèdent.
Après avoir rassemblé leurs affaires, il leur suffirait de sortir de la forteresse et de monter en selle : les palefreniers présents sur les lieux auraient préparé leurs chevaux, même sans qu'on leur demande rien.
Ensuite, ils descendraient la colline, remonteraient la grande rue, franchiraient les portes nord de Clairétoile...
Et leur long périple débuterait.