Le Cimetière

[Asmodeus]

Un enfant ici ? Non, il ne devait absolument pas se fier aux apparences : ce genre d'erreurs pouvait s'avérait pire que mortel, surtout en un lieu aussi étrange et chargé de magie sombre. L'élu divin chercha à trouver un chemin lui permettant d'approcher dans le dos du musicien. Ainsi aurait-il l'avantage de la surprise si une confrontation s'avérait inévitable.

[Le Façonneur]

Pour cela, la momie put compter sur le brouillard qui facilitait grandement les approches discrètes. Lorsqu’elle franchit les derniers mètres la séparant du musicien sur sa statue, elle fut traversée par une bien singulière sensation, une sensation de puissance et de bienêtre. Le flûtiste dût entendre quelque chose car il cessa de jouer et pivota lestement sur son perchoir. Asmodeus découvrit alors son visage. Il était quelque peu difforme. Une bouche trop grande, des yeux trop fins, un nez trop plat. Pour le reste, on devinait un garçon extrêmement pâle à la chevelure noire. Le musicien sembla un peu surpris d’apercevoir si près de lui la momie, ce qui laissait à cette dernière l’initiative.

[Asmodeus]

Asmodeus tentait de déterminer à quelle espèce il avait affaire mais il était déjà satisfait de son petit effet. Il aurait pu incanter pour se protéger d’une éventuelle attaque mais le « garçon » ne lui semblait pas hostile et la sensation qu’il venait d’éprouver ne l’incitait pas à se montrer agressif. Au lieu de cela, il annonça courtoisement :

- Bonjour. Si cette notion a du sens par ici…

[Le Façonneur]

La surprise passa et le garçon arbora un hideux sourire dévoilant ses dents pointues comme des poignards. Le sourire, bien trop étiré, lui monta presque jusqu’aux oreilles au sens propre du terme.

« Ça en a. Dois-je comprendre que vous êtes nouveau en Gisombre ? Vous ne ressemblez pas à un trépassé. Un voyageur planaire peut-être ? »

Sa voix juvénile avait une intonation atypique qu’il était difficile d’attribuer à un humain.

[Asmodeus]

La momie demeurait évidemment méfiante et vigilante - son état naturel en somme - mais décida de pousser plus avant la conversation de son ton le plus flegmatique. Montrer, sans le provoquer, que l'on ne craignait pas son interlocuteur incitait souvent celui-ci à la prudence et à la pondération :

- Ce serait une déduction tout à fait logique et valable. A part pour ce qui est de ne pas ressembler à un trépassé évidemment !

Ce faisant, lui-même s'interrogeait activement sur ce à quoi il avait affaire en fouillant dans sa mémoire et ses connaissances.

[Le Façonneur]

Asmodeus finit par se dire qu’il avait peut-être à faire à une Morbide. Les enfants revenaient parfois à la vie sous cette forme. Il s’agissait d’un mort-vivant particulièrement recherché par les nécromancien en raison de son aura capable de renforcer tout ce qui était lié au trépas. Le pâle garçon, en tout cas, poursuivit la conversation avec malice et curiosité.

« Ce que je voulais dire, c’était que vous ne ressemblez pas à quelqu’un venu ici suite à sa mort dans le royaume mortel. Les décédés laissent derrière eux leur enveloppes charnelles. Puis-je vous être utile ? Vous cherchez quelque chose ? Ou quelqu’un ? »

[Asmodeus]

Asmodeus étudia évidemment la possibilité de capturer la créature pour la ramener dans son plan mais cela créerait de nouvelles complications et il n'était pas vraiment venu pour cela. Pour l'heure, il s'intéressait bien plus aux informations qu'il pourrait obtenir sur cet endroit et comment il fonctionnait : il ne voulait évidemment pas dévoiler son objectif au premier venu et à la première occasion. Seuls les aventuriers imbéciles procédaient de la sorte !

- Tu dois en connaître beaucoup sur cet endroit ? Y-a-t-il d'autres personnes à part toi et les trépassés ?

[Le Façonneur]

« Je connais un tas de petits trucs utiles sur la Gisombre mais sur cet endroit en particulier, pas grand-chose. Je suis arrivé il y a peu avec ma maîtresse, Dame Irélia de Hantelac. Vous semblez bien éduqué. Elle parle aux gens bien éduqués. Vous devriez la rencontrer. Sinon, dans le coin, il y a du monde, et du monde dangereux. C’est pour ça que je reste là. Le cimetière est si calme... »

[Asmodeus]

Asmodeus esquissa une courbette et répondit du même ton calme et patient. Rencontrer de potentiels alliés mais surtout obtenir des informations sur cette Melandis qui lui était parfaitement inconnue semblait la meilleure chose à faire :

- Ce sera un grand plaisir de rencontrer ta maîtresse.

[Le Façonneur]

« Vous pouvez l’attendre ici, avec moi. Il paraît que ma compagnie est agréable. »
Le sourire du garçon réapparût dans toute son horrible démesure.
« L’ennui, il me faut vous l’avouer, c’est que j’ignore quand Dame Irélia va revenir. Je ne suis pas pressé, j’ai l’éternité. Mais peut-être que vous avez des impératifs. »

[Asmodeus]

Ce sourire en aurait rendu mal à l'aise plus d'un mais Asmodeus ne faisait pas partie de ce nombre. L'idée d'attendre peut-être en vain ne lui plaisait pas forcément mais le jeu pouvait en valoir la chandelle et le temps ne lui était pas compté à lui non plus.

- Le temps passera plus vite si tu racontes ce que tu sais sur cet endroit...

Autant mettre à profit ce contretemps en espérant que cette Dame Irélia se montrerait tout de même rapidement. Sinon il changerait tout simplement ses plans.

[Le Façonneur]

« Voyons... que puis-je vous dire qui ne soit pas confidentiel ? »
Si le garçon mort-vivant avait été surpris en voyant Asmodeus, il se comportait depuis en toute assurance. Ses yeux difformes scrutaient la momie de façon presque inquisitrice.
« Vous êtes ici à Melandis, une grande ville en ébullition ces temps-ci. C’est le Roi de Cendre qui la gouverne mais son pouvoir vacille à cause des Sœurs Immaculées. L’instabilité est propice aux opportunités. Des vautours viennent en profiter. Dame Irélia et moi-même faisons partie de ces vautours. »

[Asmodeus]

Asmodeus émit un rire un peu amusé : ce garçon et sa franchise lui plaisait bien - il était distrayant - mais il semblait urgent d'en apprendre davantage sur la situation en ville et ce à quoi il risquait de s'y frotter. Car il était fort possible que l'éclat de miroir se trouve sous la garde d'une des factions puissantes en ville. Et s'y s'allier à ces "vautours" était possible, cela lui ouvrirait probablement des opportunités pour parvenir à ses fins.

- Qui est ce Roi de Cendre ? Et aussi ces Sœurs Immaculés ?

[Le Façonneur]

« Le Roi des Cendre est un humain, ou un démon, difficile de savoir. En tout cas, c’est un tyran à la tête d’une petite armée. Il y a des morts-vivants dans ses rangs, mais il n’a jamais eu beaucoup de respect pour la non-vie. Dame Irélia dit que c’est un rustre. Les Sœurs Immaculées sont des religieuses au service de la lumière. Elle forme une toute petite communauté, tout juste de quoi occuper un temple et pourtant elles parviennent à ébranler le Roi des Cendre. »
Le gamin marqua une brève pause.
« Permettez-moi de vous demander qui vous êtes ? Auriez-vous aussi l’âme d’un vautour ? Ou votre présence en ces lieux est le fruit du plus complet des hasards ? »

[Asmodeus]

Asmodeus pensait avoir recueilli suffisamment d'éléments pour se présenter sans risquer de commettre de grave impair et c'est donc ce qu'il entreprit de faire avec courtoisie mais sans pour autant se dévoiler totalement :

- Asmodeus pour vous servir. Quant à avoir l'âme d'un vautour, on peut certainement envisager les choses sous cet angle. Surtout dans un lieu plein d'opportunité comme semble l'être cette version de Melandis.

[Le Façonneur]

« Enchanté de faire votre connaissance, Asmodeus. Pour ma part, je me nomme Grêle. Quel genre d’opportunité vous intéresse-t-il ? Ceux qui mènent au savoir ? Au pouvoir ? Aux deux ? À l’art peut-être ? Voir à la pensée, la philosophie ? »

[Asmodeus]

La réponse de la momie se fit à nouveau courtoise et même sincère dans la mesure où cela ne nuisait pas à ses plans :

- Enchanté également, Grêle. Certaines opportunités sont plus intéressantes que d’autres, c’est bien vrai. Celles menant à la connaissance des mystères de la non vie en premier lieu. Et aussi au pouvoir de veiller à ce que les lieux sacrés où reposent – ou non – les défunts soient préservés. C’est une sorte de sacerdoce même s’il ne faut jamais être aveugle quand d’autres opportunités se présentent.

[Le Façonneur]

« Hmmmmm... Je pense que Dame Irélia vous appréciera. Les secrets de la non-vie, c’est un peu sa raison d’être. »
Sur ce, Grêle porta la flûte à ses lèvres et reprit sa musique aussi joyeuse qu’une condamnation à mort avec tortures en prime. Il était doué, néanmoins. Pour lui, la discussion semblait terminée. Asmodeus pouvait la reprendre ou se contenter d’attendre, ou bien partir.

[Asmodeus]

Asmodeus le laissa jouer un moment pour le simple plaisir de l’écouter et aussi parce que ça avait de bonnes chances d’attirer plus rapidement à lui la maîtresse du Morbide. Toutefois, il finit par intervenir de son ton toujours courtois et ou ne pointait qu'une légère pointe d'impatience:

- Peux-tu en confier davantage sur Dame Irélia ? Est-ce une non-morte, elle aussi ? Ou une nécromancienne ?

[Le Façonneur]

« C’est une liche, répondit Grêle en cessant un instant de jouer. De son vivant, elle était une grande nécromancienne. Cela fait maintenant presque un siècle que je suis ses pas. Elle m’a beaucoup appris. Je n’étais rien. Elle a fait de moi quelque chose. »
Le Morbide se remit à jouer, inlassablement.

[Asmodeus]

Une liche ? Oui, il y avait de bonnes chances qu’ils puissent partager des points de vue communs. Mais de telles créatures avaient souvent un ego surdimensionné – à raison – et il valait mieux prendre des pincettes pour traiter avec eux. Asmodeus se fit la réflexion que c’était valable pour lui aussi mais il avait l’intention de tirer le meilleur parti de cette rencontre qui pourrait grandement faciliter son séjour en Gisombre.

- Intéressant. Et passe-t-elle tout son temps en Gisombre, ta maîtresse ? Penses-tu qu’elle serait intéressée par des nouvelles du plan matériel ?

Autant commencer à réfléchir à ce qu’il pourrait éventuellement offrir en échange d’informations ou d’une assistance plus concrète encore.

[Le Façonneur]

« Dame Irélia va partout où ses recherches la mènent. Pour le reste, il faudra que vous lui pausiez la question. Nombre de sujets l’intéressent, mais elle sélectionne rigoureusement ses interlocuteurs. »
Grêle allait se remettre à jouer de la flûte, mais il se troubla sans raison apparente. Son étrange visage blafard et juvénile exprima la surprise, puis l’inquiétude. Dans le même temps, il avait porté une main à sa poitrine, presque vers le cou. Quelques secondes s’écoulèrent, puis il se leva et sauta au bas de la statue.
« Navré Asmodeus, mais je dois partir. Les choses ne semblent pas tourner en faveur des vautours. Vous devriez vous-même vous éclipser. »

[Asmodeus]

Asmodeus lui aurait bien demandé des précisions ou même comment il avait perçu un danger qui lui était invisible mais il jugea plus prudent de suivre la créature sans demander son reste. Si elle était trop rapide ou en prenait ombrage, il tenterait de regagner le caveau où se trouvait la Croisée : l’endroit était abrité des regards et, en outre, il pourrait facilement se replier dans son plan en cas de pépin.

[Le Façonneur]

Asmodeus se rendit rapidement compte que Grêle hésitait sur la direction à suivre. Le Morbide devait être à peine plus familier des lieux qu’il ne l’était lui-même. Lorsque le petit mort-vivant réalisa à son tour que la momie le suivait, il se tourna vers elle et lui demanda aimablement :
« Vous venez sans doute de quelque part, Asmodeus. Et vous semblez apte à vous défendre. Je sens de la magie en vous. M’accorderiez-vous l’hospitalité ? Dame Irélia a eu un empêchement mais en me rendant service, vous lui rendez service. Elle appréciera. »

[Asmodeus]

La momie n’hésita que le temps de peser le pour et le contre : emmener le Morbide avec lui ne lui coûtait a priori rien et il pourrait soit constituer un bon argument diplomatique vis-à-vis de la liche, soit une monnaie d’échange vis-à-vis des ennemis de cette dernière. En fonction de qui il rencontrerait le premier…

Asmodeus accepta donc la requête et entreprit de retrouver le chemin de la Croisée. Il n’avait pour autant pas l’intention de changer ses plans dans l’immédiat : ce qui signifiait qu’il ne franchirait le passage entre les plans qu’en cas de nécessité : sa réserve de gouttes était limitée, après tout. Tout en se concentrant pour essayer de se repérer, il demanda à mi-voix :

- Quel est ce danger que tu redoutes ?

[Le Façonneur]

« Je ne sais pas. Il y a tant de choses à redouter par ici. Mais j’ai le flaire pour sentir les dangers arriver. »

Asmodeus, lui, ne sentait rien du tout. Le cimetière était pareil à lui-même, lugubre, brumeux et immense. Il crut retrouver le caveau par lequel il était arrivé, mais réalisa s’être trompé. Certaines allées se ressemblaient comme deux gouttes d’eau, enfin, au premier coup d’œil. Une goule qui fourrageait dans une tombe se mit à fixer la momie et le morbide avec convoitise. Il y avait probablement si peu de chair fraiche dans les parages qu’il fallait savoir se satisfaire des carcasses pas trop pourries. Déjà la goule s’approchait. Grêle ne semblait pas vraiment désireux d’en découdre car, l’air de rien, il se mit en retrait.

[Asmodeus]

Une goule agressive ? Asmodeus aurait aimé pouvoir la contrôler à l'instar de certains prêtres ou nécromanciens mais Velsharoon ne l'avait pas doté d'une telle capacité bien pratique. Il n'avait pas non plus l'intention d'user son répertoire magique sur un si faible adversaire. Il s'avança donc en arborant un air menaçant - au cas où il reste un peu de jugeote et de sens de survie au mort-vivant - avec l'intention d'user de sa force et de son bâton si la confrontation était inévitable.

[Le Façonneur]

La goule dû ne pas trouver Asmodeus très impressionnant car elle le chargea sans hésiter. Un acte plutôt suicidaire car elle n’était pas de taille. Ses griffes arrivèrent tout juste à quelque peu déchirer les affaires de la momie avant que cette dernière ne la terrasse à coups de bâton. Grêle considéra avec curiosité le corps putréfié désormais inerte et brisé.

« Je savais que vous étiez du genre à vous faire respecter. Il est heureux que nous nous soyons rencontrés. »

Pour sa part, Asmodeus percevait toujours la grisante aura du Morbide. Cela faisait longtemps qu’il n’avait ressenti un tel bienêtre. En attendant, il pouvait toujours repartir à la recherche du caveau.

[Asmodeus]

Asmodeus ne tirait aucune gloire de cette escarmouche : il répugnait à détruire un mort-vivant mais celui-ci s'était montré stupide et il avait tout de même servi à montrer à Grêle qu'il savait se défendre. L'élu divin examina le cadavre pour vérifier qu'il ne transportait rien d'utile puis entreprit de retrouver la trace du tombeau où devait se trouver le passage.

[Le Façonneur]

HRP : j’ai demandé à Talie de jeter un dé pour savoir ce qui allait se passer.
1 à 2 : Asmodeus se perd et a en plus des ennuis.
3 à 4 : Asmodeus se perd mais sans que cela ne soit grave.
5 à 6 : Asmodeus trouve son chemin.

Asmodeus se remit en route, suivit par Grêle. Plus il progressait au milieu de la brume, plus il réalisait à quel point il était facile de s’égarer en un tel lieu. Quoi de plus logique quand tout se fondait dans une informe grisaille ? Comment trouver des repaires fiables ? La momie commençait à se dire qu’elle était perdue lorsque un caveau fort similaire à celui qui l’avait conduit ici émergea du brouillard. Les deux morts-vivants y descendirent et le doute ne fut plus permis. Asmodeus avait retrouvé la croisée ombreuse.

« Un endroit intéressant, nota le Morbide. Je sens la frontière des plans s’amincir... Connaissez-vous les règles de cette croisée ? »

HRP : Talie a fait 6. Je suis si triste !