Le Cimetière

[Le Façonneur]

S’il fallait fuir, les endroits où le faire ne manquaient pas. Il était possible de se replier vers le palais ou dans des rues annexes, sans compter les bâtiments à proximité qui pouvaient également offrir un abri. La brume, cependant, faisait planer le doute, où que l’on aille. Les squelettes s’approchèrent et le cavalier devint distinct. Il chevauchait un cheval noir aux yeux incandescents et aux sabots rougeoyants. Le cavalier lui-même portait une armure complète, noircie, avec une cape assortie. Son heaume laissait voir un crâne calciné aux yeux pareils à ceux de la monture. Asmodeus n’eut aucun mal à identifier cet individu comme un chevalier de la mort.

« Dame Irélia, quelle surprise... » dit avec une voix acide le chevalier.

Cette voix, la momie l’avait déjà entendue. C’était celle qui avait retenti lors du petit combat esquivé par la liche.

« Sir Danval, j’ignorais que vous étiez là. Quel bon vent vous amène à Melandis ? » demanda Dame Irélia, de marbre.

Le chevalier, au lieu de répondre, tourna la tête vers Asmodeus, cherchant visiblement à savoir à qui il avait à faire.

[Asmodeus]

Encore un flagrant délit de mensonge ! Bien sûr, Asmodeus avait été certain que la liche lui avait menti sciemment mais il en avait maintenant la preuve concrète. Elle avait voulu éviter la rencontre avec le chevalier et cela pouvait signifier deux choses : soit il pouvait représenter une menace. Soit une source d’ennuis d’un autre ordre.

Avec le recul, il aurait mieux valu l’approcher dans d’autres circonstances : en l’aidant à vaincre ses ennemis, par exemple, plutôt qu’en étant pris en flagrant délit de clandestinité. Mais ce qui était fait était fait et Asmodeus n’eut aucune difficulté à rebondir sur le regard du nouveau venu tout en se désolidarisant de Dame Irélia. Il inclina légèrement la tête en signe de respect mais juste assez pour annoncer qu’il s’agissait d’une politesse réservée à un pair. A un égal :

- Enchanté, Sir Danval ! Asmodeus, Seigneur Gardien des Tombes de Melandis. En tous cas de la Melandis du Plan Primaire. C’est un plaisir de faire la connaissance de quelqu’un de votre qualité.

[Le Façonneur]

« Gardien des tombes... répéta le chevalier de la mort. Une profession louable. Mais ce n’est pas en suivant Dame Irélia que vous servirez votre cause.
- Ha, allons bon ! Qu’en savez-vous ?
- Je vous connais.
- Et moi de même ! Vous allez prétendre être fort différent de moi alors que vous-même, vous n’avez jamais su dévier de vos objectifs. Enfin, presque jamais.
- J’œuvre par idéal. Vous œuvrez pour des raisons qui ne concernent que vous. Là est la différence.
- Maître Asmodeus cherche un objet particulier. Ici, c’est moi qui sait mettre la main sur les choses rares et précieuses.
- Et vous, vous cherchez quoi dans le palais des ombres ?
- Rien du tout, nous avons dévié de notre route. Je cherche le bastion du Roi de Cendre.
- Ce démon fantoche ? Ce roitelet de pacotille ?
- Ce qu’il est, peu m’importe. C’est ce qu’il a qui m’intéresse. Et pourrait bien intéresser cette momie. »

[Asmodeus]

Ce qu’il déduisait de cette conversation venait confirmer ses doutes au sujet de Dame Irélia. Selon toute vraisemblance, celle-ci s’adonnait assez régulièrement aux pillages de tombes pour s’être fait une mauvaise réputation.

Evidemment, cela pouvait aller à l’encontre de ses propres convictions. Mais pas tant que la liche se contentait de piller le bastion du Roi des cendres. Et surtout qu’elle ne cherchait pas à s’en prendre à sa propre zone d’influence.

Toujours était-il qu’il valait peut-être mieux traiter avec le chevalier qui semblait un allié plus digne de confiance.

- L’association avec cette liche est limitée dans le temps et les objectifs. Mais peut-être sera-t-il ensuite envisageable d’en savoir plus sur votre idéal. Si Asmodeus peut y contribuer, il n’hésitera pas à le faire, Sir chevalier.

Au temps pour « cette momie » dont venait de le qualifier avec mépris Dame Irélia !

[Le Façonneur]

« En cet instant, j’aurais éventuellement besoin de quelques bonnes volontés. Il n’est pas certain que ce sera le cas plus tard, Maître Asmodeus, répondit le chevalier de la mort. Je suis ici pour mettre un terme aux agissements des sœurs de la lumière.
- Je l’aurais parié, ricana Dame Irélia. Vous êtes attiré par la lumière comme un papillon de nuit.
- Sauf que c’est moi qui brûle la lumière et non l’inverse, liche, fulmina le chevalier.
- Qu’est-ce que vous y gagnez à la fin ? Non, ne vous donnez pas la peine de répondre, je sais ce que vous allez dire. Aidez moi plutôt à mettre la main sur le grimoire que je cherche et je vous aiderai à détruire ses pauvres filles. »

Le chevalier eut un rire acide.

« Vous n’avez pas de parole, Dame Irélia. Et je n’ai pas le temps pour ces futilités. Les sœurs de la lumière ont reçu le soutien d’un groupe d’aventuriers. Ils sont en train de préparer quelque chose qui pourrait bien changer le visage de cette ville et pas d’une manière que vous apprécierez. »

[Asmodeus]

Pour ce qu’il en savait – et il ne pouvait pas pleinement se fier aux informations parcellaires voire dévoyées dispensées par la liche – l’éclat que lui réclamait le Façonneur pouvait tout aussi bien être en possession de ces sœurs de la lumière ou même de ces aventuriers. Cette racaille n’était-elle pas toujours prompte à piller le moindre trésor même sans savoir à quoi il servait ? En outre, Asmodeus devait reconnaître qu’il était plus enclin à s’associer au chevalier de la mort, figure loyale entre toutes, qu’à cette liche qui lui mentait éhontément et ne manquait pas une occasion de ne pas lui témoigner l’immense respect qui lui était dû.

- Si les objectifs poursuivis par Dame Irélia ne rejoignent pas immédiatement les vôtres, il y a peut-être tout de même moyen de s’entendre. Asmodeus a donné sa parole qu’il lui viendrait en aide et la vôtre lui suffit en retour contre son aide dans cette lutte. Nul doute que la ville sera un peu plus sûre sans ces énergumènes dont vous venez de dresser le tableau. Et avec votre aide, trouver ce qu’Asmodeus cherche sera plus simple. Qui sont ces aventuriers que vous traquez ?

[Le Façonneur]

« Ils sont quatre, ai-je entendu dire. Un paladin, un nain, une elfe et un magicien. J’ai eu une brève altercation avec l’elfe. Elle semble plus douée pour piller que pour se battre. Néanmoins, je connais le paladin, Sir Orfrois. C’est un homme dangereux qu’il convient de ne pas sous-estimer.
- Et l’elfe a survécu à votre lame ? ricana la liche. Vous vous faites vieux, Sir Danval.
- Comme tous les voleurs, l’elfe sait fuir avec promptitude. De surcroit, je la soupçonnais de vouloir m’entraîner là où elle voulait.
- Peu importe au fond. Si Maître Asmodeus et moi-même vous aidons pour régler ce problème, vous nous aiderez ensuite pour atteindre le trésor du Roi de Cendre. »

Dame Irélia avait visiblement un certain don pour reprendre l’initiative. Elle donnait l’impression de tout maîtriser, de dicter ses conditions, alors qu’en fait, elle ne faisait qu’improviser. Le chevalier de la mort garda un instant le silence avant de déclarer :

« Ce démon pleutre est une formalité. Vous aurez votre grimoire si la lumière est soufflée. »

Les deux morts-vivants tournèrent leurs regards vers la momie, attendant sa réaction.

[Asmodeus]

Asmodeus prit le temps de peser le pour et le contre même si sa décision était déjà prise. Il voulait donner l’impression de ne pas simplement subir les événements et les décisions des autres même si ce n’était, là non plus, pas tout à fait exact :

- A trois, triompher de ces aventuriers devrait aussi être une formalité. Surtout si vous savez où les trouver. Ils ne pourront pas s’attendre à ce que vous rameniez des renforts ce qui devrait garantir un bon effet de surprise.

[Le Façonneur]

« Alors c’est décidé, déclara Sir Danval, satisfait. Les sœurs de la lumière ont un sanctuaire secret. Je le suppose caché efficacement, sans quoi elles auraient été trouvées depuis longtemps. Le Roi de Cendre, aussi pleutre soit-il, a des sbires. Et c’est sans compter les innombrables âmes qui peuplent cette ville. Autant de créatures qui cherchent en vain cet endroit. Fort heureusement, je sais ce qu’elles ont en tête, ce à quoi les aventuriers les aident. Il y a une grande tour dans le noyau occulte. Elles doivent s’y rendre. On devrait pouvoir les intercepter sur le chemin.
- Une grande tour vous dites ? J’ai pour ma part croisé le groupe d’aventurier dans le bastion du Roi des Cendre. Ce n’est pas la porte à côté.
- Un petit crochet, probablement, dicté par l’appât du gain.
- Si la tour est dangereuse, laissons-les entrer et attaquons quand ils seront en difficulté.
- Ha, Dame Irélia... Je n’ai pas pour habitude d’arriver dans le dos de mes adversaires.
- C’est parce que vous manquez cruellement de tactique.
- Il serait tout de même préférable que les aventuriers ou les sœurs de la lumière ne parviennent pas au sommet de la tour. »

[Asmodeus]

Donc ce n’était pas les sœurs de la lumière mais les aventuriers qui avaient tantôt triomphé de la liche… C’était une donnée à prendre en compte et qui incitait à la prudence et surtout à ne rien laisser au hasard. Asmodeus se tourna vers le chevalier pour intervenir à son tour :

- S’il s’agit d’intercepter cette racaille, autant se mettre tout de suite en chemin. Asmodeus n’a rien contre l’idée de tendre une embuscade aux aventuriers au sein même de la tour. Si toutefois il est possible de les y devancer sans se frotter à ses défenses. Pouvez-vous lui en dire plus au sujet de cet édifice ? A qui il appartient, comment il est défendu et ce qui s’y trouve par exemple ?

[Le Façonneur]

Sir Danval fit un geste de la main, invitant au mouvement.
« On parlera en chemin. Suivez-moi. »
Sa monture hennit puis pivota. Les squelettes fantassins pivotèrent également, en ordre presque parfait. Le chevalier de la mort se mit à avancer au pas, sa cape noire agitée par le vent. Dame Irélia sembla contrariée qu’il reste en selle, dominant ainsi tout le monde de sa taille. Elle se mit toutefois à marcher à son niveau, d’une allure impérieuse, son bâton de nécromancienne claquant sur le sol. Sir Danval ne tarda pas à donner les explications demandées par Asmodeus. Contrairement à la liche, il ne cherchait pas à faire de mystère.
« C’est une tour hanté par le fantôme d’un archimage dément. Il nous prendra tous pour des intrus. Je doute qu’on pourra le raisonner. Et l’affronter ne sera pas une bonne idée. Son âme est liée à tout jamais à la tour. Pour le détruire, il faudrait détruire la tour. En revanche, l’archimage est presque seul. Ce n’est pas la poignée de serviteurs fantômes qui sont à son service qui vont nous poser problème. Non, ce sera les pièges. La tour en est littéralement truffée. »

[Asmodeus]

Asmodeus ne porta pas rigueur au chevalier de continuer à chevaucher sa monture : cela faisait simplement partie du décorum et la momie n'y voyait pas un quelconque signe de sa supériorité. Lui-même se serait senti parfaitement ridicule s'il avait dû chevaucher une monture et il pouvait aisément comprendre qu'aller à pied pour un cavalier donnait le même genre d'impression.
Du reste, il préférait de loin se concentrer sur la mission et les éléments d'information qu'il parvenait enfin à réunir.

- Il serait dommage de faciliter l'entrée et le parcours des aventuriers en les devançant pour désamorcer les pièges. Mais êtes-vous certain qu'il ne serait pas possible de proposer au fantôme de le rejoindre et de combattre à ses côtés au sommet de la tour. Ce serait vraiment une solution idéale car sinon il faudra peut-être se résoudre à adopter la stratégie de Dame Irélia.

Il restait encore la possibilité de combattre les aventuriers avant même qu'ils ne pénètrent dans la tour mais c'était de loin la solution la plus hasardeuse de son point de vue.

[Le Façonneur]

Le Chevalier de la mort se donna un temps de réflexion puis il fit quelque chose que jamais Dame Irélia n’aurait fait : il avoua son ignorance.

« Je ne sais pas s’il est possible de raisonner ce fantôme. Je ne l’ai jamais rencontré. Je ne suis jamais entré dans la tour. J’ai juste appris ce que j’ai pu auprès des locaux. Si vous avez confiance en vos capacité de négociateur, Maître Asmodeus, vous pouvez toujours essayer. Dame Irélia a également un don pour la manipulation.
- C’est amusant comme dans votre bouche cela devient une critique.
- À chacun ses méthodes. À chacun ses préférences. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que si on cherche à négocier et qu’on n’y arrive pas, on risque de se retrouver dans une situation désavantageuse. »

[Asmodeus]

Asmodeus se sentait, quant à lui, parfaitement assuré de pouvoir mener à bien une intervention diplomatique. Hormis le risque de combat souligné par le chevalier – et qu’il ne fallait ni exclure ni négliger – l’opération pourrait donner lieu à bien des avantages : soient ils s’alliaient contre les aventuriers et se facilitaient grandement la tâche de les surprendre tout en obtenant éventuellement un avantage en échange de leur aide, soit ils devaient combattre et triompher du fantôme avant de vider la tour de tout ce qu’elle contenait d’intéressant pour les aventuriers.

Bon, cette dernière hypothèse supposait d’agir vite et risquait de leur coûter pas mal de forces mais, encore une fois, il se sentait de tenter l’approche du fantôme.

- Asmodeus a eu l’occasion de côtoyer quelques fantômes puissants et il se propose donc pour initier la négociation. Mieux vaut éviter d’essayer de le tromper au moins tant qu’on ne saura pas ce dont il est capable.

[Le Façonneur]

« Hâtons-nous alors, dit Sir Danval.
- Si on se plante, on aura l’air fin, soupira Dame Irélia. Peu m’importe. Après tout, je suis immortelle. Ce n’est toutefois pas le cas de tout le monde... »
Le groupe sillonna les rues lugubre de la cité morte. Rien ne ralentie sa progression. Asmodeus eut même la diffuse impression qu’ils étaient comme poussés en avant, escortés par les nappes de brume. La fameuse tour apparût. Elle était d’une taille remarquable. Elle semblait aussi sur le point de s’écrouler. À vrai dire, comment pouvait-elle tenir debout, tordue comme elle était ? La magie de l’endroit devait y être pour quelque chose.
« Bien, nous y sommes, déclara le chevalier de la mort. Et nos ennemis ne semblent pas encore là.
- Ils peuvent être déjà à l’intérieur », fit remarquer la liche.
La tour possédait une porte. Celle-ci comportait deux battants, était encadrée par des gargouilles grimaçantes et une volée de marches usées y conduisait.

[Asmodeus]

Ce monde n’en était plus à une étrangeté près et l’atmosphère nécrotique suffisait à apaiser la méfiance d’Asmodeus concernant l’état de la tour. Mais pour l’heure, ces réflexions étaient trop précoces car la première priorité consistait à déterminer si les aventuriers étaient déjà ou non arrivés puis à les localiser le cas échéant. Il se mit donc en quête de traces de pas ou de signes d’effractions sur la porte et les environs. Il réfléchissait aussi à un moyen d’annoncer sa présence pour diminuer les risques que le maître des lieux les considère, eux aussi, comme des pillards et des intrus.

[Le Façonneur]

En s’approchant de la tour, Asmodeus crut discerner des traces de pas. Mais comment en être certain ? Un vent perpétuel soufflait en ce lieu désolé. La poussière voguait au gré de ses caprices. La momie, déjà, doutait d’elle. Les traces, où ce qu’elle avait pris pour tel, s’était effacé. Les portes de la tour étaient closes. Aucun signe apparent des aventuriers où des sœurs de l’ombre.

Derrière Asmodeus, Sir Danval mit pied à terre. Son armure émit un cliquetis caractéristique. Il se tourna vers son cheval noir, lui murmura quelques mots et l’animal partit au galop avant de se volatiliser en un flash ardant. Dame Irélia, circonspecte, regardait les environs. Puis elle eut un haussement d’épaules et s’approcha des marches de la tour, sans toutefois prendre les devants.

« Ou on est en avance, ou on est en retard », déclara Sir Danval en s’approchant à son tour, d’une démarche plus franche.

[Asmodeus]

Asmodeus avait observé la réaction de ses alliés mais s’intéressait bien davantage à ce qui se trouvait devant eux. Il examina rapidement les portes closes avant de déclarer :

- Dans un cas comme dans l’autre, il semble qu’il vaille mieux avancer plutôt que de rester sur le pas de la porte comme des manants. Est-ce que l’un de vous est doué pour détecter les pièges ou les glyphes ? Dans le cas contraire, Asmodeus propose d’annoncer sa présence et la vôtre. Par signe de courtoisie, il s’entend !

[Le Façonneur]

Dame Irélia marmonna quelques mots et fit un petit geste de la main. Asmodeus reconnu les composantes du sortilège Détection de la magie. La liche se concentra un instant en fixant la porte et les environs, avant de déclarer :

« Il y a une énergie magique latente dans la tour, mais rien de précis au niveau de l’entrée. Pénétrons dans le hall. Maître Asmodeus nous annoncera là-bas. »

Sur ce, elle s’avança de son pas impérieux, s’engageant sur les marche du perron.

« Si on tombe sur le paladin, je doute qu’il puisse nous repousser à l’aide de ses pouvoirs, mais à tout hasard, restez à côté de moi », déclara Sir Danval.

Le Chevalier de la Mort dégageait une aura qui profitait aux morts-vivants. La momie le sentait. La grande porte à double battants fut ouverte. Derrière apparût une pièce sombre, humide, éclairée par une torche moribonde. Ce que tout le monde remarqua aussitôt, ce fut les restes d’un golem de pierre. Selon toutes vraisemblances, on s’était battu ici.

[Asmodeus]

Asmodeus était fort satisfait de la façon dont Dame Irélia venait de l'évoquer : elle semblait enfin manifester le respect qui lui était dû ! Cependant, il n'était pas temps de s'étendre sur ces règles de préséance ni même d'évoquer que sa nature particulière l'immunisait aux tentatives de renvoi : d'une part il ignorait si c'était le cas à cette distance de son sanctuaire et d'autre part il entendait bien ne pas dévoiler ce genre d'informations sauf si cela lui était utile à lui ou au reste du groupe. en apercevant le golem défait, il chuchota à l'adresse des deux autres :

- Il semble superfétatoire de s'annoncer finalement ! Les aventuriers semblent en avoir pris l'initiative !

Et déjà il cherchait un moyen de progresser, que ce fut une porte ou un escalier menant aux étages supérieurs.

[Le Façonneur]

« C’est ce qu’il semble, en effet, commenta Dame Irélia, de son ton supérieur.
- J’ouvre la voie. Il ne faut pas perdre une seconde de plus ! » dit Sir Danval en dégainant sa longue épée.

Tout le monde entra dans le hall décrépit de cette tour branlante. La porte choisit cet instant pour se refermer avec un grand fracas. Le Chevalier Noir fit volte face. La liche eut un petit rire plein de mépris.

« Je vous l’ai dit. Cet endroit beigne dans la magie. Il faut s’attendre à ce que ce genre de tour puérile se reproduise.
- D’après ce que je sais, il n’y aura pas que des tours puériles, ici.
- Les aventuriers ont dû nous dégager le passage. Il ne devrait pas y avoir de problème.
- Ha, si seulement ce pouvait être aussi simple... »

Quoi qu’il en soit, il y avait une porte en face. Le Chevalier de la Mort l’ouvrit. Derrière, un couloir. Au fond du couloir, un escalier commençait à monter, un autre descendait. Il y avait aussi une autre porte.

[Asmodeus]

Asmodeus n'avait rien de moins envie que de foncer tête baissée dans un guet-apens ni même de laisser l'opportunité aux aventuriers de les surprendre en les attaquant à revers. Il suggéra donc à ses complices, et à Sir Danval le premier, de vérifier ce qui se cachait derrière la porte. Par acquis de conscience prit-il soin de préciser même s'il avait du mal à cacher sa curiosité. Ensuite il serait temps d'emprunter l'escalier menant vers le haut, le plus susceptible de les faire rattraper leurs proies ou même de les devancer.

[Le Façonneur]

Dame Irélia poussa un magistral soupire.
« Haaa... on n’est pas sorti de l’auberge si on se met à vérifier chaque porte. »
Sir Danval, toutefois, s’avança pour l’ouvrir, se tenant visiblement prêt à une mauvaise surprise. Une mauvaise surprise, il y en eu effectivement une, mais pas de celles que le trio de morts-vivants aurait pu s’attendre. La porte pivota sur ses vieux gonds et révéla un long, un très long couloir bordé de torches. Et tout au fond de celui-ci, il y avait un escalier qui montait. Un simple coup d’œil suffit à Asmodeus pour se rendre compte que quelque chose clochait. Vue de l’extérieure, jamais la tour maigrichonne n’aurait pu contenir ce couloir. Il y avait une énorme incohérence de volume. La liche dût également le remarquer car elle poussa un autre soupire.
« Allons bon, voilà autre chose... Peut-être qu’au final, la bonne voie, c’est de descendre et non de monter. »

[Asmodeus]

Même si cela pouvait apparaître comme décourageant à première vue, Asmodeus était satisfait que sa suggestion leur ait permis une découverte aussi importante : visiblement, la tour à l’architecture non euclidienne pouvait se révéler être une sorte de demi-plan à elle seule. Dans ces conditions, la suggestion de Dame Irélia – pour ironique qu’elle fût – n’était pas une mauvaise idée.

- Cela signifie aussi que les aventuriers ont pu prendre du retard plutôt que de l’avance ! Y-a-t-il un moyen de détecter ce qui se trouve au « sommet » de la tour ? Une détection magique ou une détection des mort-vivants, peut-être ? Suivre ces signaux semble plus sûr que de se fier à la simple géographie.

[Le Façonneur]

Dame Irélia murmura quelques mots, fit un geste et se concentra bien plus qu’elle ne l’avait fait devant la tour. Elle se tourna lentement, puis sembla focaliser son attention sur ce qu’il y avait au-dessus, puis en dessous. Finalement, elle mit un terme à ses efforts et secoua la tête, visiblement agacée.

« Tout est brouillé. Je ne détecte que cette magie latente. Peut-être que si une forte source de magie se trouve proche, je pourrai la localiser, mais ce n’est même pas certain. Aucune détection ne peut franchir les plies dimensionnelles. Or j’ai bien peur que cette tour joue avec les plans.
- En somme, on risque de se perdre, dit Sir Danval, qui était peu Friant du jargon de magicien.
- Ce n’est pas ce que j’ai dit. Mais il ne faut pas compter sur la magie pour s’orienter. Ce qui est vrai pour nous, est vrai pour les aventuriers. Maître Asmodeus a peut-être raison. Ils ont put se perdre, eux.
- Cela ne nous dit pas quoi faire. On a trois escaliers à notre disposition. Deux qui montent, un qui descends. On prend lequel ? »

[Asmodeus]

En effet, ces premières constatations ne menaient pas à une piste facile à suivre. Il fallait peut-être s'attacher à mieux définir leurs objectifs prioritaires et tenter de penser à la fois comme le maître de la tour et comme les aventuriers : une gageure...

- Il semble à Asmodeus que les aventuriers se seront très certainement dirigés vers le chemin qui leur aura semblé le plus direct. Et donc vers l'un des deux accès menant vers le haut. Mais est-il prudent de chercher à les suivre ? En comprenant comment fonctionne ce plan, on prendrait un avantage indéniable sur eux... Asmodeus serait donc d'avis de descendre mais cela représente un gros risque.

[Le Façonneur]

Dame Irélia se mit à nouveau à incanter. Sa tentative parût ne pas aboutir car elle poussa un grognement de contrariété.
« Et dire que je pourrais être en ce moment au bastion du Roi de Cendre, occupée à me remplir les poches de trésors. Non mais franchement...
- Cessez vos jérémiades ! dit Sir Danval. Discuter davantage ne nous fait perdre que plus de temps. Descendons et on verra bien. De toute façon, il nous faut du concret pour avancer. »
Le trio se mit donc en route. Il descendit l’escalier en colimaçon. Le Chevalier de la Mort allait devant. Venait ensuite Asmodeus puis... puis... personne ? La momie réalisa en descendant les marches que la liche n’était plus derrière elle. Elle lui semblait pourtant encore entendre le son de son bâton heurter le sol. Mais le son se faisait lointain, diffu... Et Sir Danval poursuivait sa route vers les profondeurs de la tour.

[Asmodeus]

S’agissait-il d’une trahison de la part de la liche ? Après tout, elle avait signalé plus d’une fois sa désapprobation pour le détour imposé par l’association avec Sir Danval. Mais cette dissidence paraissait parfaitement illogique en cet instant : la liche ne possédait a priori pas le moyen de quitter ce plan par la croisée du cimetière et elle s’exposait en partant seule de son côté… Tout bien réfléchi, elle était peut-être parvenu à la conclusion que ces détours n’en valaient pas la chandelle et qu’elle pouvait mieux s’en sortir seule, sans avoir à partager le butin qui plus était. Il se pouvait aussi que ce soit un phénomène à prêter à la tour et ses étranges propriétés. Quoiqu’il en soit, Asmodeus réagit aussitôt à haute voix :

- Sir Danval, attendez s’il vous plait ! Dame Irélia est en train d’être distancée ou alors elle a décidé d’emprunter une autre voie.

D’après lui, il convenait de vérifier ce qu’il en était et de donner une chance à la liche de s’expliquer ou d’appeler à l’aide si elle était en difficulté. Simple réaction de bon sens car ses pouvoirs pouvaient leur faciliter grandement la tâche.

[Le Façonneur]

Le chevalier de la mort poussa un juron et pivota pour regarder le haut du colimaçon. Nul trace de la liche. Même les bruits de son bâton s’estompèrent tout à fait.

« Il manquait plus que ça... Comme si on pouvait se permettre de perdre encore du temps ! A-t-elle oublié que si elle ne m’aide pas, je ne l’aiderai pas ? »

Le silence se fit dans les escaliers. Sir Danval fulmina.

« Bon, on devrait remonter pour voir ce qui se passe. »

[Asmodeus]

Asmodeus laissa son compagnon passer devant : si un affrontement devait avoir lieu, le squelette était mieux armé que lui pour y faire face tandis que la momie pourrait lancer ses sorts à l’abri. Asmodeus fulminait en tous cas lui aussi de devoir ramener à la raison la liche volage – ou peut-être la tirer d’un mauvais pas. Car, à n’en pas douter, Dame Irélia ne se montrerait certainement même pas reconnaissante et trouverait sans doute le moyen de leur reprocher l’incident…