[Lieu] Respelm

[Voyageuse]

Il retrouva Hortense dehors, agenouillée au pied d'un chêne malingre. Il n'y avait guère d'arbres dans le hameau, juste quelques haies et quelques arbres fruitiers.
" Je crains avoir pris le seul chêne des environs. J'ai pris des habitudes, ces derniers temps où je me suis remise à prier... Mais la Dame ne vous en voudra pas si vous choisissez de l'honorer ailleurs que sous un chêne, ne vous en faites pas !"
Il y avait plusieurs arbres de bonne taille dans la haie entourant la maison, et il avait l'embarras du choix. Il nota que le visage de la vieille femme, agenouillée, prête à prier, s'était illuminé d'une lumière intérieure qu'il ne lui avait jamais vu. Et lui-même ressentait depuis quelques jours un besoin de prier plus fort que d'habitude, même lorsqu'il n'était pas dans le bosquet.

[Kasumi]

Le demi-elfe avait d'abord pensé qu'ils prieraient près du même arbre mais il ne voyait aucune objection à préserver l'intimité de son aînée. Voir son sourire était en tous cas une grande satisfaction et il était fier d'avoir permis à la vieille dame de recouvrer son lien avec Mielikki. Dès lors qu'il se fut agenouillé pour prier auprès d'un hêtre, il adressa ses remerciements à la Dame de la forêt pour l'en remercier avant de louer ses bienfaits et de lui demander conseils et guidance pour la suite de son apprentissage.

[Voyageuse]

Il trouva le contact avec sa déesse aussi facilement que lorsqu'il était à l'intérieur du bosquet, et se sentit immédiatement empli d'une sérénité totale. La voie à suivre était claire, tout était évident, il savait ce qu'il devait faire et comment ouvrir son âme, en faire le réceptacle d'une petite parcelle d'énergie divine. Sentir cette puissance à portée de ses sens était tout simplement merveilleux. Il ne songeait plus à Hortense, certainement en train de vivre la même chose au même moment. Mais la communion avec la Dame était un moment intime qu'on ne pouvait pas vraiment partager, même si c'était grisant de se sentir appartenir à une communauté.
Le soleil brillait au-dessus de l'horizon, éblouissant, lorsqu'il rouvrit les yeux.

[Kasumi]

Ce n'était pas la première fois qu'il priait depuis son accession à la prêtrise mais il était toujours aussi étonné de l'effet que cela lui procurait. C'était à chaque fois un petit miracle grisant qui le touchait personnellement, qui lui redonnait bien plus de vigueur que pourrait lui accorder une bonne nuit de sommeil, qui dissipait efficacement ses craintes et ses doutes, qui lui donnait foi en l'avenir et en sa capacité de le rendre meilleur en propageant la volonté de sa déesse.

Il était toujours un peu euphorique en sortant de sa transe et il se dirigea aussitôt vers Hortense. Peut-être pour échanger ses impressions. Sans qu'il soit vraiment besoin de mots : se sentir proche de quelqu'un partageant sa foi était une bénédiction dont il saurait tirer profit plus tard, dans la solitude de sa forêt et de son bosquet.

[Voyageuse]

Hortense avait le regard comme illuminé de l'intérieur, et son sourire avait quelque chose de complice. Kasumi devait avoir lui aussi la même lumière dans les yeux à ce moment-là.
Elle profita de sa présence pour prendre appui sur son bras afin de se relever.
" Alors... quel est le programme de la journée ? Enfin... on va commencer par déjeuner, bien sûr... et vous me direz ce que vous souhaitez faire ?"

[Kasumi]

Kasumi était partant pour un solide petit-déjeuner qu'il se proposa de préparer lui-même. Ensuite, il songeait à passer la matinée dans la forêt environnante où Hortense pourrait lui faire découvrir ce qui était son nouveau domaine. Il semblait en effet que la pratique de leur lien avec la nature soit une meilleure façon d'apprendre que de passer des heures en théorie. Elle pourrait peut-être même lui apprendre quelques cantiques sur le chemin...

[Voyageuse]

Hortense ne protesta pas quand il se proposa pour préparer le déjeuner. Après tout, il s'était engagé à accomplir de menues corvées en échange du gîte et du couvert : elle s'arrangea même pour glisser dans la conversation, l'air de rien, que les volets avaient besoin d'un coup de peinture...
Quant à la promenade en forêt, l'idée l'enchanta. En réalité, elle ne s'y était jamais rendue depuis qu'elle vivait à Respelm : son rejet de tout ce qui pouvait lui rappeler son passé et sa foi était complet à l'époque. Puis, lorsque la rancœur s'était émoussée, l'âge avait pris le dessus, sa vue baissant trop pour qu'elle puisse, sans risque, se promener sur un terrain aussi accidenté. Et connaissant son aversion affichée pour tout ce qui lui rappelait les bois, personne ne s'était jamais proposé pour l'y accompagner... Mais la perspective de respirer à nouveau les senteurs boisés la remplissait de joie et d'une énergie presque juvénile.

[Kasumi]

C'était donc parfait et cette joie authentique faisait vraiment plaisir à voir. Ils pourraient se promener dans la forêt où Hortense aurait sans doute beaucoup de choses à lui apprendre sur le lien qu'il devait développer avec la nature. Kasumi songea à proposer d'emporter de quoi déjeuner mais il y renonça : en rentrant pour le repas, il pourrait espérer se rendre utile avec ces volets pendant que son aînée ferait une sieste bien méritée. Le programme de la journée - au moins en partie - était donc tout tracé.

[Voyageuse]

La forêt n'était pas très loin -elle n'était jamais loin dans ce secteur- mais Hortense n'avait plus ses jambes de vingt ans, et elle demanda à Kasumi de la hisser sur Ombrage pour en atteindre l'orée. Elle savait apprivoiser les bêtes, aussi n'eut-elle aucune difficulté à se faire accepter par l'ombrageux hongre. A en juger par sa tenue en selle, elle avait certainement été bonne cavalière autrefois.
Il faisait beau et la journée s'annonçait encore une fois torride. Les fleurs embaumaient, les oiseaux piaillaient à qui mieux mieux, et la sortie s'annonçait paisible.
" Y'aura sûrement de l'orage demain, annonça néanmoins l'ex-prêtresse. Je le sens dans l'air..."
Il faisait lourd, effectivement.
Quelques voisins les saluèrent, depuis les jardins et les champs où ils s'affairaient. Deux enfants les escortèrent, avides de caresser Ombrage qui, lui, n'y tenait guère.
" J'aimerais bien que tu me trouves un terrier de lapin, ou un nid d'écureuil, ou même de loirs... Il y a longtemps que je n'ai pas été au contact d'un animal autre que domestique..."

[Kasumi]

Pour le rôdeur qu'il était - au moins encore en partie - cette tâche n'avait rien de particulièrement difficile : après avoir aidé Hortense à redescendre d'Ombrage pour laisser ce dernier à l'orée des bois, Kasumi entreprit de chercher des traces - voire une piste de gibier - au sol. Peut-être se trouvaient-ils encore un peu trop près du hameau pour que les animaux foisonnent mais il pressentait qu'il n'aurait pas à s'engager très profondément dans les bois pour parvenir à ses fins. Ce faisant, il aidait Hortense à progresser et faisait en sorte d'emprunter un terrain qui ne serait pas trop difficile pour elle. Cela ralentissait ses recherches mais ils n'étaient pas pressés...

[Voyageuse]

Hortense marchait lentement, avec difficulté, s'appuyant sur une canne. Elle n'avait pas évolué dans les bois depuis longtemps et sa démarche n'était pas assurée. Elle se trouva également très vite à court de souffle.
Heureusement, Kasumi n'eût aucune difficulté à repérer, près de l'orée des bois, un terrier de lapins. Il leur fallut guetter un moment pour que l'un d'eux sorte. Hortense, malgré sa vision défaillante, en perçut la présence et sut immédiatement l'attirer à elle, retrouvant des gestes qu'elle n'avait pas eus depuis une éternité. Le bonheur se lisait sur son visage tandis qu'elle caressait l'animal avec douceur : le lapin semblait trouver cela parfaitement naturel et ne faisait pas mine de s'enfuir. C'était un instant de grâce comme il y en a parfois, dans l'ombre légère des feuillages, un instant de paix qu'accompagnaient les chants des oiseaux. Un instant parfait. L'ex-prêtresse marmonnait, chantonnait peut-être, à demi pour elle-même, dans une langue étrange que Kasumi ne connaissait pas mais qui était peut-être du sylvestre. Le visage illuminé, elle semblait presque avoir oublié sa présence. D'autres animaux s'approchaient d'elle, avec curiosité, sans montrer de crainte, comme s'ils ressentaient le lien qu'elle avait avec la nature.

[Kasumi]

Kasumi finit par s'accroupir - pour ne pas risquer d'effrayer les animaux curieux - et observait les faits et gestes de l'ancienne prêtresse. Il notait mentalement ses gestes, son attitude, tentait de s'imprégner de ses paroles même s'il n'en saisissait guère le sens exact. Il avait beaucoup à apprendre sans qu'Hortense n'ait à se soucier de les lui enseigner directement.

Après avoir longuement observé son aîné, il fit un geste amical en direction de l'animal le plus proche, tentant de l'attirer, de lui faire comprendre qu'il pouvait avoir confiance en lui aussi.

[Voyageuse]

Le premier écureuil à qui il s'intéressa fila hors de portée, vaguement méfiant. Mais un lièvre s'approchait, avec une lueur de curiosité dans les yeux. Il recula quand Kasumi tendit la main, et il lui fallut beaucoup de patience pour qu'il accepte de se laisser effleurer -avant de filer à son tour.
Le second fut plus arrangeant, et parut apprécier les caresses. Mais Kasumi le sentait tout de même un peu inquiet.
" Il ne faut pas les brusquer, fit observer Hortense qui était revenue à la réalité qui l'entourait. Ils ne vous connaissent pas... certes moi non plus... Et il faut y croire, sinon ils le sentent et reflètent votre inquiétude. Mais vous devriez vous faire la main sur ceux que vous côtoyez au bosquet, ils seront plus en confiance, et peu à peu vous trouverez mieux les gestes et les mots. Rien ne vaut le sylvestre, cependant... et rien ne masquera votre odeur trop humaine... mais vous devriez établir de bons contact. Vous savez déjà y faire..."
Le lièvre, complètement détendu à présent, se blottissait contre lui.

[Kasumi]

Kasumi savait que le sylvestre était une langue simple et naturelle mais tellement étrangère à la pensée humaine qu'elle était très complexe à appréhender et encore davantage à maîtriser. Hortense pourrait peut-être lui en enseigner les bases mais cela prendrait un temps dont ils ne disposaient guère et il valait bien mieux la pratiquer tous les jours. Sans doute auprès des animaux et surtout de la dryade de son bosquet.

En tous cas, il était déjà ravi des progrès qu'il effectuait au contact de son aînée et la remercia pour cette leçon sans manquer de caresser le lièvre avant de le laisser vaquer à ses occupations.

[Voyageuse]

Lorsqu'il leva à nouveau les yeux vers Hortense, elle tenait en main quelques herbes. Malgré sa vision déficiente, elle les reconnaissait au toucher et à l'odeur.
" J'imagine que vous vous y connaissez déjà en herbes... Celle-ci,par exemple, est souveraine contre les infections pulmonaires, mais vous le savez sans doute. Quand j'étais prêtresse, j'en avais toujours un stock. De celle-ci et d'autres. Il ne faut jamais oublier que le rôle d'un clerc est aussi de soigner, c'est l'un de ses attributs principaux. Et, outre le fait qu'on n'a jamais assez de sorts de soins pour soigner toutes les petites blessures du quotidien, il faut savoir utiliser des méthodes naturelles. Fabriquer des onguents, des décoctions... Ce sont des choses pour lesquelles je n'ai pas perdu la main, je peux vous donner quelques recettes..."

[Kasumi]

Cela semblait en effet un excellent point de départ. Kasumi avait beaucoup étudié l’herboristerie et l’art d’administrer les premiers soins en tant que rôdeur mais il n’avait jamais eu l’aisance naturelle dont pouvait se targuer Sylvia à ce niveau. Il pressentait lui aussi que c’était un domaine dans lequel on attendrait beaucoup plus de lui mais aussi un sujet d’étude dans lequel il pouvait se lancer immédiatement en profitant de ses bases. Il accueillit positivement la proposition et se mit en devoir de chercher les plantes que lui recommandait Hortense. Ils pourraient ainsi s’entraîner à concocter ces onguents après qu’il se serait occupé des volets de la vieille dame.

[Voyageuse]

Outre les herbes, Hortense avait une connaissance encyclopédique des champignons, mais aussi de chaque espèce d'arbres de la forêt. Et elle se montrait particulièrement intarissable lorsqu'il s'agissait des animaux. Elle reconnaissait chaque oiseau à son chant, chaque fleur à son parfum, et on la sentait revivre dans cet environnement. Kasumi, après avoir cueilli selon ses indications une bonne brassée de plantes diverses, la retrouva en train de prier près d'un ruisseau, psalmodiant les yeux mi-clos, le corps d'un oisillon blessé dans la main. Une parfaite sérénité émanait de son attitude, à genoux, les yeux mi-clos. Puis il reconnut un sortilège, devina la décharge d'énergie magique, et l'oisillon s'envola, guéri, tandis qu'elle rouvrait les yeux.
Fixant l'oiseau envolé, elle chantonna quelques phrases d'un psaume que Kasumi se souvenait avoir entendu autrefois, si loin d'ici. Une sorte de prière de remerciement pour le sort accordé et la vie sauvée.
" Il n'y a pas de plus grand bonheur que de soigner un être vivant, quel qu'il soit, fit-elle en s'apercevant enfin de la présence de Kasumi. Gratitude pour celui qui reçoit le sortilège, honneur et bonheur pour toi qui le lui lance, joie pour la Dame qui nous transmets la force d'agir en son nom. Il ne faut jamais oublier de l'en remercier...

[Kasumi]

C'était la première fois que Kasumi voyait Hortense recourir à un sort depuis qu'ils se connaissaient. C'était une preuve irréfutable de ce qu'il espérait sans trop y croire, à savoir que la prêtresse avait entièrement recouvré son lien avec la déesse. Le demi-elfe s'en sentait transporté de joie et il n'eut aucun mal à joindre sa gratitude à celle de la vieille dame.

- Je ne manquerai pas de le faire. Tout comme je tâcherai de ne pas utiliser les dons que nous octroie Mielikki à mauvais escient.

Le serment était solennel mais sincère et Kasumi espérait qu'Hortense pourrait l'aider à discerner en quoi ces fameux dons seraient les plus utiles.

[Voyageuse]

" Ca, c'est important. Très important."
Le ton de la vieille femme s'était fait solennel.
" Si tu utilises ces dons à mauvais escient, ils te seront retirés. Définitivement... N'oublie jamais qu'en tant que clerc, tu représentes Mielikki, et que tout ce que tu feras ou ne fera pas sera porté à son crédit ou à son discrédit. Toute faute de ta part lui fera perdre l'estime des hommes qui en seront victimes ou témoins. Ca ne doit pas arriver."
Elle se radoucit.
" Cela dit, en réalité, les Dieux sont miséricordieux et peuvent nous accorder un temps de pénitence, une occasion de nous racheter, si un autre clerc veut bien défendre ta cause. Ils savent que l'erreur est humaine. La seule chose qui te fera perdre définitivement ton lien avec la Dame, c'est si toi tu le décides, comme je l'ai fait autrefois. Tout peut être racheté, mais pas le manque de foi. Il faut toujours garder une confiance absolue en elle, en sa bonté, en son pouvoir. Il faut accepter de devenir l'Outil dont elle se servira pour agir sur le monde, et lui vouer ta vie. Et en être fier..."

[Kasumi]

C'était peut-être là la plus grande différence d'avec sa vocation révolue : l'engagement nécessité par la prêtrise allait bien au-delà du sens du devoir que lui avait enseigné Hef et les autres. Mais c'était là un domaine où il n'avait jamais failli et il devait faire confiance au choix qu'avait fait Mielikki de lui donner sa chance de la servir plus profondément. Il réfléchit un moment au sens de cet engagement avant de livrer ses réflexions à Hortense, en particulier la question qui le taraudait le plus :

- Je ne sais plus si je vous l'ai déjà dit ou non mais je vais bientôt me marier. Et devenir père. Est-ce que la vie de prêtre est compatible avec la vie d'époux et de père ? Y a-t-il des préceptes à ce sujet dans notre foi ?

[Voyageuse]

" Oui, vous m'avez dit que votre amie attend un enfant. C'est une belle nouvelle ! Et bien sûr, ce n'est absolument pas incompatible avec votre vocation. Vous n'imaginez tout de même pas qu'un dieu ou une église empêcherait ses clercs de se marier ? Ce serait totalement contre nature et ils auraient bien du mal à recruter ! "
Elle secoua la tête avec un sourire.
" Non, rassurez-vous, il n'y a aucun souci. A en juger par ma propre expérience, on mène très bien de front vie privée et vie sacerdotale. Du moins, tant que la première ne se met pas en travers de votre foi. J'ai eu la chance d'avoir un mari qui comprenait très bien ma vocation et ne me faisait pas de scène de jalousie lorsque je disparaissait plusieurs jours voire plusieurs veilles accomplir une mission pour Mielikki, effectuer un pèlerinage ou rejoindre d'autres membres de mon ordre. C'est comme dans toute vocation, il faut un conjoint qui l'accepte. Et qui accepte qu'on puisse avoir d'autres priorités que lui. C'est un peu plus dur pour les enfants, on ne peut pas forcément les laisser longtemps, donc il m'est arrivé d'emmener notre fils en pèlerinage avec moi quand il était bébé."
Elle soupira.
" J'ai encore du mal à me replonger dans ces souvenirs," avoua-t-elle avec une grimace, la voix un peu enrouée.

[Kasumi]

Les paroles d'Hortense avaient achevé de le rassurer sur ce point difficile. Kasumi ne doutait pas que Sylvia comprenne sa vocation et son attachement à la déesse des forêts. Il faudrait néanmoins veiller à lui ménager la place qu'elle méritait amplement dans sa vie, malgré tous les bouleversements qui s'étaient succédés au cours des derniers mois. C'était un équilibre, une alchimie, à trouver. Un peu comme une analogie avec son sacerdoce. En, revanche, il s'en voulut d'avoir abordé ce sujet en mésestimant le fait qu'il soit encore si douloureux pour son aînée.

- Merci Hortense. Et je suis désolé d'avoir abordé un sujet si difficile.

Le temps passait vite en forêt et son panier était plein. Peut-être était-il temps de se remettre en route vers la maison ?

[Voyageuse]

" Oh, ne soyez pas désolé, il faut bien que je parvienne à vivre avec. Puis c'est loin, tout ça..."
Mais elle semblait plus vieille, certainement fatiguée par cette promenade dont elle n'avait pas l'habitude. Kasumi dut la soutenir, la guider, tandis qu'ils revenaient vers l'orée du bois où les attendait Ombrage.
Malgré son épuisement visible, elle semblait vouloir absorber l'essence de la forêt par chaque parcelle de son corps, inspirant profondément les senteurs du sous-bois, tournant son visage vers les maigres rais de lumière filtrant à travers le feuillage, guettant les chants des oiseaux. C'est à peine si elle avait conscience de la présence de Kasumi qui lui prêtait un bras secourable. Elle était ailleurs, perdue dans ses pensées ou submergée par ses sensations. Lesquelles étaient agréables à en juger par le sourire qui illuminait son visage.
Elle parut sortir d'un rêve lorsqu'ils quittèrent les bois, et ne se fit pas prier pour monter en selle. En réalité, il fallut quasiment que Kasumi l'y hisse : elle était à bout de forces.

[Kasumi]

Kasumi s'efforçait de s'effacer au maximum pour laisser la vieille dame profiter au mieux de cette fin de balade. Toutefois, il restait attentif à ses besoins et devançait les obstacles sur son chemin pour éviter qu'elle ne butte sur quelque racine, la fatigue aidant. Une fois Hortense en selle, il guida Ombrage tout en alimentant la conversation : il promit de cuisiner pour le déjeuner puis de s'occuper des volets ce qui laisserait le temps à son aîné de faire une sieste pendant les heures les plus chaudes.

[Voyageuse]

La vieille femme l'encouragea à choisir lui-même ce qu'il voulait dans sa réserve de provision -laquelle était particulièrement maigre : Hortense avait visiblement un appétit de moineau, ou peut-être pas les moyens d'accumuler les provisions. Elle alla s'installer sur un fauteuil à bascule sitôt le repas achevé, laissant d'ailleurs la moitié de sa pitance, sans vraiment donner de directives à Kasumi sur ce qu'il pouvait faire. Mais il y avait les volets à peindre, le jardin à biner, des haricots à ramasser et équeuter, des fruits à cueillir, peut-être en vue de confitures, une barrière à réparer... mille et une tâche du quotidien qui devaient être éprouvantes avec l'âge. Il trouverait largement de quoi se rendre utile.

[Kasumi]

Et Kasumi était motivé pour donner le meilleur de lui-même pour aider la vieille dame qui contribuait grandement à le mettre à l'aise avec le chamboulement qu'était son accession à la prêtrise. Il commença par les volets puis décida de s'atteler à réparer la barrière : il en aurait bien pour deux ou trois heures - sinon plus - et comptait ne s'interrompre que si Hortense venait le trouver pour préparer les herbes qu'ils avaient collectées au matin.

[Voyageuse]

Mais Hortense ne vint pas le trouver. Il eut le temps de repeindre les volets -la peinture était soigneusement rangée dans un petit atelier attenant, de réparer la barrière, et même de s'intéresser au jardin, sans être dérangé. Une voisine le salua, des enfants vinrent un moment observer ses travaux avec intérêt, heureux de se proposer pour l'aider à maintenir une planche ou un clou.
Le soleil commençait à se faire moins chaud. Il se fit la réflexion que le jardin était trop sec : le manque de pluie de ces derniers jours commençait à se faire sentir. Il aurait fallu arroser. Mais Hortense avait annoncé de la pluie pour demain, et lui-même commençait à en percevoir les premiers signes : un voile de nuages léger approchait par l'ouest.
Hortense n'arrivait toujours pas, et le milieu d'après-midi était passé depuis un moment...

[Kasumi]

Un peu inquiet, Kasumi se décida à rentrer pour voir si la vieille dame se portait bien et peut-être continuer à lui proposer son aide à l'intérieur avec leur récolte du matin. Il prit le temps de se laver les mains et se débarbouiller le visage à l'eau du puits avant d'aller frapper à la porte. Il entrerait de toute façon s'il n'obtenait aucune réponse...

[Voyageuse]

Il n'obtint aucune réponse.
Lorsqu'il se décida à entrer, une fois ses yeux habitués à la semi-obscurité de la pièce, il trouva la vieille femme dans son fauteuil, profondément endormie. Elle respirait, mais faiblement, et avait le teint pâle -peut-être l'était-il toujours.
Plus inquiétant, elle ne se réveilla pas lorsqu'il lui parla, ni lorsqu'il lui pressa l'épaule.

[Kasumi]

C'était effectivement profondément inquiétant et il s'en voulut soudain des efforts qu'il lui avait fait consentir par la longue promenade en forêt. Cependant, elle respirait - même faiblement - et il voulut s'accrocher à cette pensée. Il chercha alors en lui - mais surtout en son lien avec la déesse - comment il pouvait aider la vieille dame. Peut-être qu'un sortilège de restauration pourrait l'aider à quitter ce sommeil profond ?