[Quête] La Lune Noire

[Manfred]

Elle ne le reconnu pas. Alors qu’elle s’engageait sur le chemin de ronde, à la manière d’une ombre, elle ne tarda pas à comprendre où se trouvaient les arbalétriers. Ils avaient pris position sur ce qui restait d’une tour du château. Ce point surélevé et dégagé leur offrait une situation plus qu’avantageuse. Pour eux, le chemin de ronde ainsi que la cour intérieure était tout à fait visible. Louve était donc à découvert. Pour l’instant, il semblait qu’on ne l’ait pas remarqué. L’attention des arbalétriers était attirée par ce qui se passait dans la cour. Ils ouvraient le feu sur tous les lycanthropes à leur portée. Cela tenait du massacre. Louve repéra, à quelques distances, un endroit où elle devrait pouvoir descendre des remparts sans se briser les os. Mais elle entendit derrière elle des pas dans l’escalier, des pas nombreux. Les Manostiens venaient par là. Elle devait se dépêcher. Seulement, se dépêcher, n’était-ce pas le meilleur moyen de se faire voir des arbalétriers ? La lune éclairait la ^bâtisse d’une fâcheuse lueur. Même l’astre de la nuit semblait se liguer contre les garous.

[Louve]

Maudite soit la lune, du moins pour le moment ! Elle n'avait jamais vraiment été portée par la poésie de toute façon. Les arbalétriers étaient pour le moment occupés à scruter la tour ... Elle risquait d'être une cible facile s'ils se rendaient compte de sa présence alors qu'elle essayait de descendre. Elle n'avait pas vraiment d'autre choix que de les neutraliser. Et rapidement ! Les renforts n'allaient pas tarder à se montrer.

Elle avança donc vers les tireurs le plus discrètement qu'elle le pouvait, espérant pouvoir bondir sur eux avant qu'ils ne la repèrent.

[Manfred]

S’en prendre aux arbalétriers n’était pas théoriquement impossible, mais il fallait parcourir pour cela tout le chemin de ronde, soit une plus grande distance que pour tenter de simplement arriver là où il était possible de descendre des murailles au profit d’éboulis. Dans tous les cas, il fallait avancer, ce que fit la lycanthrope, pressée par des bruits de pas de plus en plus proches dans son dos. Elle se trouvait encore complètement à découvert lorsque l’inévitable arriva. Un arbalétrier jeta un regard vers le chemin de ronde, vit Louve, fit un signe et ce furent pas moins de dix arbalètes qui se tournèrent pour donner la mort. Puis une ombre s’abattit sur les soldats, celle d’un rat-garou, sortit d’un recoins improbable qu’il n’avait pu gagner qu’au prix d’une discrétion sans faille. Plusieurs carreaux sifflèrent aux oreilles de Louve, aucun ne la toucha. Au sommet de la tour, les arbalétriers avaient désormais autre chose à faire que de lui tirer dessus. Ils étaient cependant nombreux, la diversion n’allait pas durer longtemps. Et dans le dos de la lycanthrope, les renforts se hâtaient. Devant elle, la voie était libre.

[Louve]

Alors, elle n'avait pas d'autre choix que celui de se dépêcher. Les garous avaient ouvert la voie. Désormais - du moins si elle s'en souvenait - elle accorderait un peu plus de respect aux rats qui venaient de lui fournir une belle occasion de s'enfuir.

Elle se hâta donc vers l'endroit des remparts assez praticable pour tenter une descente. Elle n'avait pas vraiment l'habitude d'escalader les murailles mais montait régulièrement dans les arbres pour surprendre le tout venant. Amusement pervers qu'elle avait testé pour désorganiser la compagnie d'un certain Hurlegloire. Mais elle interrompit rapidement ses pensées. Elle n'avait plus le temps pour les souvenirs. Elle se pencha pour étudier rapidement les premières prises accessibles.

[Manfred]

Tout en procédant, Louve entendait le combat qui se livrait au sommet de la tour, ainsi que la tuerie en bas, dans la cour. Elle entendait aussi les bruits de bottes se rapprocher sur le chemin de ronde, des bruits qui devenaient ceux d’une course. Elle se hâta, bascula dans le vide, agrippée aux roches fatiguées. Alors qu’elle amorçait sa délicate descente, un carreau lui frôla la tête. Les arbalétriers recommençaient à tirer. Mais la voilà cachée par la muraille. Les bruits de bottes étaient désormais juste au-dessus d’elle. Arrivée à mi-hauteur, Louve se laissa tomber et parvint à se réceptionner dans l’herbe, au milieux des gravas. Elle était libre de partir, désormais, sortie de cet enfer. En levant la tête, elle vit se découper sur la lune la massive silhouette de Gaspard. Elle pouvait sentir sur elle le regard du colosse. Sa hache luisait d’un mortel éclat dans la nuit.

[Louve]

Ne pas le regarder, se concentrer. Il ne pouvait pas le poursuivre avec hache et armures. Louve déconcentrée quelques secondes rebaissa rapidement la tête pour poursuivre sa descente. Elle ne le provoquerait pas. Parler, c'était se ralentir et surtout, risquer de se rompre le cou en tombant.

Elle n'allait pas gâcher l'une de ses seules chances de s'en sortir en vie.

[Manfred]

Louve atteignit le sol et ne tarda pas à disparaître dans les bois. Elle éprouvait une désagréable impression de solitude, chose nouvelle pour elle qui d’ordinaire s’accoutumait fort bien au fait d’être seule. Peu de garous avaient dû réchapper au pièges. Le château allait sans doute devenir le tombeau de la meute. La lycanthrope pouvait s’enfuir sans demander son reste ou tenter de retourner là où les jeunes étaient restés. Peut-être que là-bas ils avaient été épargnés.

[Louve]

Sans jeunes, la meute allait péricliter. Ils étaient sans défenses, peut-être incapable de se défendre. Elle hâta le pas dans leur direction. Peut-être que d'autres garous rescapés l'auraient précédé.

Ce serait aussi l'occasion de faire un état des lieux des vivants et des morts. Elle se mit donc en route.

[Manfred]

Louve marchait depuis quelques minutes, s’approchant de là où devaient se trouver les jeunes, quand il y eut un bruit, un mouvement derrière elle. En se retournant, elle découvrit la silhouette d’un homme-rat qui ne lui était pas inconnue. Si l’image lui rappelait quelque chose, l’odeur fut plus évocatrice et elle comprit être en présence de Boniface. Ce dernier déclara à mi-voix :
« Mauvaise idée. Ne retourne pas là-bas. J’ai de bonne raison de croire que les Manostiens ou les Lames d’argent nous y attendent. Quelqu’un nous a trahi. »
Il ne semblait pas spécialement ému par cette affirmation.

[Louve]

Je sais qui c'est ...", souffla-t-elle.

Loup Blanc, ce fils d'humains, ce traître. Tout devait être dit dans le fichu livre qu'il avait dérobé à sa vue. Elle eut soudain une petite idée.

"Est-ce que tu sais où habite Loup Blanc ? Je pense que nous pourrions lui faire une petite visite.", voulut-elle savoir.

[Manfred]

« Oui, je sais. La maison de pierre près du village que nous avons dévasté. Et c’est à une bonne distance d’ici. »
Boniface marqua une petite pause avant de reprendre.
« J’ai vu quelques garous s’enfuir mais pas le Prince, ni Malagate. Je ne me fais pas de souci pour elle, c’est une magicienne, elle dispose de ses propres moyens d’évasion. Seulement, sans le Prince, la meute n’existe plus. Peu m’importe ce que fabrique Loup Blanc. Il est probable qu’il ne revienne jamais chez lui, il n’est pas stupide. Ce qui est sûr, c’est que moi, je me tire. Le moment est parfait pour débuter autre chose, ailleurs. J’en ai assez de ces terres, assez de Manost. »

[Louve]

"Est-ce que je peux venir avec toi ?"

Louve avait posé la question presque du tac au tac comme si elle allait de soi. Elle n'avait pas peur de se retrouver de nouveau seule. Mais elle avait fait l'expérience du groupe, de la puissance de plusieurs individus conjugués, de l'exitation de tuer de concert. Oui, même si l'expérience avait été plus que brève, elle l'avait appréciée. Elle tempéra cependant.

"Bien sur, à deux on sera une toute petite meute. Mais à deux, c'est mieux que pas du tout. Et puis peut-être que d'autres nous rejoindront."

[Manfred]

Boniface prit un instant pour réfléchir.
« On peut faire le voyage ensemble. Après... on verra... »
Il se redressa, semblant chercher à capter un son, un indice de présence. Il s’attendait probablement à de mauvaises surprises. Mais tout était calme pour l’instant. Les stridulations des grillons se mêlaient au hululement lointain d’une chouette.
« Je vais à Melandis. Il paraît que c’est bien là-bas, une terre pleine d’opportunité pour qui sait les saisir. Mais ce n’est pas la porte à côté. Je présume que marcher ne te fait pas peur. »

[Louve]

Louve sourit à demi.

"Non, ça ne me fait pas peur ... Moi aussi j'en ai marre de Manost et de leurs armées. Mon vieux m'a parlé de Mélandis ... Apparemment, il y a de quoi s'amuser. Puis un jour peut-être qu'on retournera voir nos amis manostiens avec une petite armée et on pourrait avoir notre revanche. Dans tous les cas, il n'y a vraiment plus rien qui ne me retient ici."

[Manfred]

Boniface hocha la tête puis fit signe à Louve de le suivre. Il parût retourner vers le château en ruine, d’où provenait encore les rumeurs du massacre, mais ce n’était que pour trouver un arbre creux. Il plongea sa main griffues dans le trou et en ressortit ses habits.
« Ce serait bien d’éviter les ennuis en chemin », dit-il en observant Louve.
Il reprit forme humaine et entreprit de se vêtir.

[Louve]

"Bonne initiative ..."

Elle avait laissé ses vêtements non loin de là. Bien sûr, en temps normal, elle aurait volé les vêtements de sa dernière victime ... Mais cette fois, elle et la meute avaient pris la place de la proie. Pour la première fois, elle se sentait étrangement triste et vulnérable. Et il y avait aussi cette colère indicible qui enflait en elle. Un jour, elle tuerait le traître Loup blanc et puis Hurlegloire ... Un jour ... Elle espérait bientôt. En attendant, il fallait qu'elle retrouve des vêtements à se mettre sur le dos.

[Manfred]

Ce ne fut pas trop long et voilà Louve sous une apparence moins suspecte. Bien sûr, elle avait toujours un peu l’air d’une sauvageonne, surtout à côté de Boniface qui parvenait a avoir une certaine classe dans sa mise modeste mais bien ajustée. Le rat-garou arborait toujours, sous forme humaine, un élégant bouc et une fine moustache très mondaine. On l’imaginait presque fumer la pipe. Lui était le citadin, incontestablement, Louve, la forestière. Quelle drôle de paire. Pourtant, tous deux prirent la même direction, marchant en silence, s’éloignant du funeste château. Là-bas, sans nul doute, le capitaine Hurlegloire s’appliquait à finir le travail avec la délicatesse du marteau sur l’enclume.

[Louve]

Louve marcha sans rien dire, sans se plaindre. Elle essaya de ne pas penser à ce qui se passait dans le funeste chateau. Mieux valait se concentrer sur l'après ... Sa revanche viendrait, elle en était certaine.

En attendant, seul comptait le bruit de ses pas foulant l'herbe. Pour l'instant, elle n'était pas fatiguée même si son corps dopé à l'adrénaline ne tarderait pas à réclamer son lot de repos.

[Manfred]

Boniface s’avéra être un compagnon de marche passablement silencieux. Même après s’être éloigné du vieux château, même maintenant que la discrétion n’était plus un impératif, il ne parlait que très rarement. Autour des deux garous, la nature était calme, indifférente à ce qui s’était passé. La fatigue, peu à peu, commença à se faire sentir. La journée avait été longe, éprouvante.
« Je suppose qu’une nuit à la belle étoile ne vous dérangera pas », finit par dire le rat.

[Louve]

Louve respecta son silence. Elle n'était pas non plus très douée pour la conversation. Cela faisait seulement une journée qu'elle était devenu un être "social" après tout.

Lorsque la fatigue se fit sentir, elle n'en souffla mot, attendant que Boniface donne le signal du repos. Elle sourit malgré ses jambes raides de fatigue. Elle n'avait jamais dormi autrement qu'à la belle étoile, soit à l'abri d'une cabane de branches rudimentaires, soit dans les arbres ou à même le sol.

"Non, la belle étoile me sied parfaitement."

[Manfred]

Boniface regarda autour de lui.
« Bien... Alors autant s’installer ici. Ce ne sera pas moins bien qu’ailleurs, enfin je suppose. »[/i]
Le duo se trouvait aux abords de la vieille forêt. Nul trace de civilisation aux environs, sauf peut-être une manière de sentier. Le rat-garou alla s’adosser à un arbre, caché en partie par des buissons, et sembla prêt à rester là.
« Demain, on se trouvera un village pour acheter quelques provisions. Ça nous évitera de devoir chasser quelques jours et ne rendra donc la tâche de ceux qui nous poursuivent peut-être que plus difficile. »

[Louve]

"Acheter ..."

Louve connaissait assez peu ce concept voire même pas du tout. Elle savait la signification de tuer, menacer, voler ... Mais acheter ... Bien sûr, elle avait une vague idée du concept sans l'avoir jamais appliqué. Mais Boniface avait raison d'agir ainsi. Ils n'étaient que deux contre tous, derniers survivants d'une meute décimée. Le moment était mal choisi pour être repérés.

"C'est une bonne idée .. Par contre, je n'ai pas un sous."

[Manfred]

« Ho, ça, ce n’est pas un problème. L’argent nous tend les bras, il suffit de savoir le saisir. C’est un peu comme cueillir des fraises. »
Il venait de parler de fraises car ses yeux venaient de tomber sur un fraisier sauvage. Il tendit la main, décrocha un des fruits, le goûta, puis cracha.
« Ha, dégueulasse ! Bon sang, vivement le retour à la civilisation ! »

[Louve]

Louve eut une grimace amusée.

"Tu penses que la civilisation t'apportera des fraises mures à point sur un plateau ? Moi, je ne sais pas vraiment ce que c'est ... D'ailleurs, comment c'est une ville ? Comment ça fonctionne ? Est-ce que tu aurais des conseils à me donner ? Parce que bon ... j'aimerais bien pouvoir me fondre dans la masse tout du moins au début. Ensuite ... Et toi, qu'est ce que tu comptes faire ensuite ? Ou est-ce que tu iras ?"

[Manfred]

« Ha... la ville... tout une histoire... »
Boniface croisa les bras derrière la tête et s’étendit contre son arbre.
« La ville, c’est comme la forêt, mais en mieux. En ville, il est possible de se cacher en marchant à la vue de tous, il est possible de chasser sans en avoir l’air. La ville, c’est le royaume de la ruse et de l’intelligence. Mais rassures-toi, les muscles comptent aussi. En ville tout compte, le tout est de savoir se servir de ce qu’on a. En ville, tu ne cueille pas seulement des fraises mûres, mais tellement plus. »
Petite pause.
« Je t’apprendrais deux ou trois petits trucs utiles durant notre voyage. Ça te servira à Melandis. Si tu es intéressée, les leçons pourraient même débuter dès demain. »

[Louve]

Louve l'écouta fascinée et impatiente de découvrir toutes les possibilités qu'offrait "la ville". Elle avait hâte de relever ce nouveau défi.

"Oui, j'aimerais beaucoup commencer à apprendre le plus vite possible. Le vieux disait que j'étais douée pour ça. Bon, lui, il m'a appris à lire et à compter et puis les plantes que je pouvais bouloter en l'absence de gibier. Je ne sais pas vraiment si ça me sera encore utile là-bas. Tiens, et toi ? Comment est-ce que tu connais tout ça ? Tu viens de la ville ?"

[Manfred]

« Oui, on peut dire ça comme ça. »
Boniface marqua un temps de silence. Il n’était apparemment pas tellement disposé à parler de son passé.
« Alors comme ça, tu sais lire. Et compter. Surprenant. Ce n’est pas donné à tout le monde tu sais. Dans la meute, ceux qui savent, enfin savaient lire étaient très rares. Malagate, le Prince, Loup Blanc, moi-même... Ça te sera utile. Sais-tu écrire également ? »

[Louve]

Louve secoua la tête.

"Non, le vieux disait que j'avais de trop grosses mains pour me servir d'une plume. Moi, je pense qu'il avait peur que je ne m'en serve comme d'une arme."

Elle eut un petit sourire.

"En fait, il n'avait pas tout à fait tort."

[Manfred]

« Vous l’avez tué ? » demanda Boniface qui écoutait avec attention, sans pour autant sembler totalement absorbé par ce récit.
Ses yeux accrochaient les quelques mouvements de la faune nocturne avant de se mettre à fixer un point imaginaire au-delà des arbres.

[Louve]

"Non. Un matin quand je me suis réveillée il était allongé par terre les yeux grands ouverts. Il était vieux ... Quelque part, je l'aimais bien parce qu'il m'a appris plein de choses et il m'a nourrie quand j'étais trop petite pour me procurer de la nourriture. Je n'aurais jamais levé la main sur lui. Par contre, sur quelques autres ..."

Elle n'aimait pas la nostalgie. A marcher avec le passé sur son dos, on allait beaucoup moins vite vers l'avenir. Aussi se dépêcha-t-elle de changer de sujet.

"Et toi, tu sais écrire ? Tu pourras m'apprendre ?"