[Lieu] Commanderie de l'Ordre de la Rose Rubis d'Antelucas

[Althéa]

"Je te remercie Chandara"

Elle aussi l'avait tutoyée sans s'en rendre compte avant de la serrer dans ses bras quelques secondes. Après quoi, elle se rendit compte de son geste et se recula vivement en rougissant jusqu'aux oreilles.

"Désolée ... je n'ai pas l'habitude de faire ça ... Enfin ... Eli aurait trouvé ça bien je pense. Enfin ..."

Elle semblait presque paniquée à l'idée que la paladine puisse la juger sur ce geste.

"Je ne suis pas amoureuse de toi, hein ?"

[Chandara]

Chandara lui souriait maintenant de manière encourageante et s'empressa de répondre avec aplomb et assurance, signe que la démonstration d'affection ne l'avait gênée en rien :

- Elie aurait parfaitement raison. Et n'aie aucune honte de montrer que tu apprécies certaines personnes : c'est ce que font les amis !

Elle ponctua sa tirade d'une accolade légère et d'un nouveau sourire amical. Ce petit moment l'avait en tous cas rassérénée et elle se sentait plus que jamais prête à affronter ce qui les attendait au bout du tunnel.

[Althéa]

Maelys eut l'air soudainement inquiet.

"Des amis ... Moi je n'en ai pas ... Enfin pas vraiment mais à part toi et Eli. Mais est-ce que nous sommes vraiment amies ? Et qu'est-ce que ça signifie d'après toi ? Oh là ... Je sens que j'ai beaucoup de choses à rattraper ... Et il ne me reste peut-être pas tout le temps que je voudrais."

Elle apparut soudain désemparée.

[Chandara]

Chandara lui répondit naturellement qu'être ami signifiait tenir à quelqu'un. Suffisamment pour accepter de risquer sa sécurité pour ne pas laisser Maelys faire seule face au danger. De son point de vue, cette dernière avait tout le temps de rechercher ses propres expériences maintenant qu'elle acceptait de s'engager sur cette voie.

- La destruction de ces monstres n'est pas tout : résumer ton existence à cela serait bien dommage. Bien des paladins le comprennent d'ailleurs trop tard. Sauf peut-être ceux de mon ordre.

[Althéa]

Maelys la regarda presque inquiète.

"Mais je ne sais pas ce que je suis ... Mon père m'avait toujours préparée à devenir chasseuse de spectre. C'est ce que je suis ... Mais non, je veux être autre chose que tout ça. Et toi, raconte-moi comment tu as su que tu allais être paladine ? Et pourquoi as-tu choisi Sunie ? Remarque, c'est la déesse qui te correspond le mieux. Les autres sont si hiératiques."

[Chandara]

Chandara ne perdait pas de vue la situation précaire et dangereuse dans laquelle elles se trouvaient et demeurait donc vigilante pour éviter qu'elles ne soient surprises par une attaque. Elle n'avait pour autant aucune intention de se dérober à la question : elle sentait même que ce qu'elle pourrait dire en cet instant revêtait une grande importance pour Maelys, pour l'issue du combat, pour les choix qu'elle aurait à faire si tout ce passait comme elles le souhaitaient toutes les deux.

- Je pense que je n'ai pas toujours correspondu à mon image d'aujourd'hui. Depuis toute petite, je voulais devenir paladine pour aider les autres, parce que j'étais convaincue qu'il nous incombait de changer les choses en ce monde, que les dieux s'appuyaient sur nous mais ne faisaient pas les choses par eux-mêmes. Mais je me trompais : il y a bien d'autres manières d'être et d'agir pour le bien du monde que de devenir paladine. Je me suis lancée trop vite dans cette voie à l'origine et je suis heureuse d'avoir eu droit à une seconde chance, à trouver un credo qui me corresponde bien plus.

[Althéa]

Maelys l'écouta et Chandara se rendit compte que son sourire revenait.

"Je pense que tu la méritais cette chance. Sunie t'attendait patiemment depuis que tu as entendu l'appel. Tu sais, au début je te trouvais un peu futile avec ton histoire d'amour. Ne le prends pas mal, hein ? Je crois que j'étais jalouse parce que tout le monde t'admirait, même Eli. Tout le monde se fiait à toi. Moi, je ne provoque pas ça. Mais quelque part, c'est parce que j'ai un peu peur de m'ouvrir aux gens. Alors, ils ne voient qu'un mur et une tête de bois ... Mais je ne suis pas que ça. Du moins je pense. Enfin ... je ne sais pas."

[Chandara]

Chandara sourit à son tour pour montrer que les paroles de Maelys la touchaient et lui faisaient plaisir. Elle s'empressa aussi de lui rendre la pareille avec une grande sincérité :

- Tu as certainement plus de mal à t'ouvrir, c'est vrai, mais tes compagnons savent se fier à toi. Elie ne t'aurait pas suivie aussi longtemps et aussi loin si ce n'était pas le cas. Il faut simplement que tu es plus confiance en toi pour t'en rendre compte. Cette confiance ne vient pas toute seule, y compris pour moi.

[Althéa]

Maelys hocha la tête mais Chandara vit qu'elle était dubitative.

"Je ne sais pas vraiment pourquoi Elie s'est fiée à moi. Nous poursuivons un but commun mais pour le reste enfin ... Tu es prête ? A ton avis, sous quelle forme le spectre va-t-il nous recevoir ? A Grisombre, il est un peu chez lui. Peut-être qu'on pourrait le surprendre mais je ne vois pas comment."

[Chandara]

Du point de vue Chandara, Maelys détenait les réponses à ses propres questions dans son propre cœur et elle avait fait les premiers pas pour y parvenir. Elle n'aurait dès lors plus besoin que d'amis pour maintenir cet élan. Mais il y avait plus urgent : il fallait encore parvenir à vaincre le terrible ennemi qu'elles étaient venues affronter sur ses terres.

- Il s'attend à ce que nous soyons désespérées et quasiment sans défense. Je n'aime pas la duperie mais nous pourrions tenter d'afficher notre désarroi pour mieux le surprendre quand il s'agira de l'affronter. A ce sujet, nos rôles me semblent clairs : je l'occuperai et de te couvrirai le temps que tu accomplisses le rituel pour le capturer.

[Althéa]

Maelys acquiesça.

"Je vais avoir besoin de toi pour l'affaiblir sinon il n'entrera jamais dans la fiole. Il va donc falloir que tu l'affrontes et ça ne me fait pas plaisir. Mais on pourrait peut-être le prendre par surprise ... Je ne sais pas vraiment comment. C'est vrai que ce serait une bonne chose de lui laisser penser que nous sommes découragées ou même divisées. Qu'en dis-tu ?"

[Chandara]

Chandara acquiesça aussitôt mais se fit songeuse quant à la meilleure approche à adopter :

- Tu peux compter sur moi pour me battre contre lui ou même tenir son esprit occupé. Et il ne faudrait aussi pouvoir localiser l'enfant que je suis venue secourir. On pourrait jouer la comédie : tu pourrais faire semblant de me trahir pour tenter de passer un marché avec l'esprit : me livrer contre la libération du garçon. Qu'en dis-tu ?

[Althéa]

Maelys hocha la tête.

"C'est une bonne idée même si je n'aime pas beaucoup ça. Qu'est-ce qu'il faudra que je fasse pour le convaincre ? Que je t'attache ? Que je te crie dessus ? Que je te tape ?"

Aucune de ses questions n'avait l'air de lui faire plaisir. Bien au contraire.

[Chandara]

Chandara lui adressa un sourire encourageant signifiant que, quoiqu'elles doivent faire pour convaincre l'esprit maléfique, elle ne lui en tiendrait pas rigueur.

- Je crois que ce sera plus convaincant si cela passe pour une trahison spontanée. Si tu sembles me surprendre en préférant m'attaquer par surprise et négocier avec lui que combattre. Si tu fais semblant de m'assommer, il pourrait baisser sa garde et s'approcher de moi pour me capturer ou m'achever. Cela nous donnerait l'avantage de la surprise.

[Althéa]

Maelys hocha la tête visiblement résignée.

"D'accord. S'il faut le faire, je peux bien jouer ça. Je suis barde après tout. Par contre, si nous tardons trop je risque de renoncer."

Elle fit un pas en avant en espérant que Chandara en paladine qu'elle était prendrait la tête de l'opération. Elles avancèrent dans le couloir. Dans la version de Grisombre, l'espace créé par les enfants était absent. A la place, plusieurs petits squelettes étaient assis le long des murs.

[Chandara]

Cette vision était véritablement déprimante mais la paladine était consciente que c'était précisément le but recherché. Elle aurait été tentée d'écouter Maelys et de vite poursuivre son chemin de peur de voir fuir sa belle détermination mais elle eut un réflexe de compassion pour ces pauvres petites victimes : elle se pencha sur leurs os pour prononcer une prière à leur intention comme elle l'avait fait pour le petit fantôme qu'elle avait croisé dans son propre plan. Un côté un peu plus pragmatique en elle lui fit rechercher des traces de l'enfant - bien vivant elle l'espérait - qu'elle était venu tirer des griffes du monstre qui se terrait sur le domaine.

[Althéa]

Heureusement, aucun corps n'était assez ancien pour que Chandara puisse reconnaître celui du petit garçon. En revanche, lorsqu'elle s'avança avec Azilis, elle entendit des pleurs comme émanant d'enfants désespérés. A Grisombre, les enfants n'espéraient plus mais se désolaient. La paladine vit des larmes apparaître dans les yeux de Maelys qui s'arrêta soudain et dit doucement.

"Je ne sais pas si je vais pouvoir. Ou peut-être que l'on peut faire quelque chose pour ces enfants là ? Tu pourrais, toi ?"

[Chandara]

Chandara n'était pas une prêtresse et savait que le lien qu'elle entretenait et chérissait avec sa déesse était moins intime que celui dont disposaient les prêtres. Toutefois, elle n'était peut-être plus aussi dépourvue qu'au moment où elle était arrivée à Antelucas. En tant que paladine, elle représentait Sunie et sa déesse lui donnait accès à quelques sortilèges destinés à l'aider à accomplir son sacerdoce. La jeune femme répondit donc à Maelys qu'elle tenterait de bénir les enfants prisonniers de ce terrible endroit. Si Sunie entendait sa prière, peut-être que leur fardeau pourrait enfin prendre fin.

[Althéa]

Maelys hocha la tête et la proposition parut lui faire du bien. Elle resta un petit moment à regarder les petits cadavres avant de proposer.

"Si tu veux, on pourrait dire un petit mot pour eux. Peut-être qu'ils l'entendraient. Je t'avoue que je me sentirai mieux que si on ne fait rien. Par contre, je ne sais pas quoi dire. Il n'y a pas de mots pour décrire ça, pour sécher toutes ces larmes."

[Chandara]

Chandara était bien d'accord avec sa coéquipière : seule une personne sans cœur se serait fermée et aurait passé son chemin sans un mot pour les petits qui avaient péri. Et les Sunites ne répondaient assurément pas à cette définition. La paladine trouva des mots simples et spontanés qui correspondaient à des enfants : il était temps de rentrer chez eux, de trouver un endroit plus agréable où ils pourraient jouer et s'amuser plutôt que de se lamenter. Il était temps de suivre l'appel de sa déesse qui - elle n'en doutait pas - les accueillerait en son royaume de joie et de gaieté. Elle allait punir celui qui les retenait contre leur gré dans cet endroit sinistre et ils pourraient alors enfin se libérer de leurs chaînes.

[Althéa]

Le moment de recueillement passé, les deux jeunes femmes avancèrent dans les ténèbres. Devant elles s'étendait le noir complet, si profond que l'on aurait pu croire qu'il n'y avait que le vide autour d'elles. Chandara entendait la respiration laborieuse de Maelys semblable à celle d'un animal traqué. Et dans ce noir complet, une voix forte et sépulcrale s'éleva.

"Qui êtes vous ? D'où venez-vous ? Que voulez-vous ? Vous qui venez ici abandonnez tout espoir."

[Chandara]

Sans une hésitation et sans avoir besoin de voir sa coéquipière, Chandara prit l'initiative de lui chercher sa main dans le noir pour l'assurer de son soutien. Elle prit aussi le parti de répondre d'une voix qu'elle voulait aussi affirmée et déterminée que celle du maître des lieux :

- Je suis Dame Chandara de Claire Combe, paladine de l'Ordre de la Rose Rubis. Je viens rétablir l'espoir et revendiquer la libération de vos prisonniers au nom de Sunie.

Tout en déclamant ces mots, la jeune femme pressa le pas pour afficher une attitude décidée et imperturbable.

[Althéa]

Chandara sentit la main de Maelys serrer la sienne en retour. Tout près, la réponse ne se fit pas attendre. Ce fut un rire sans joie dans lequel elle entendit toute la malveillance du monde. Puis la même voix qui s'était adressée à la paladine susurra.

"Alors avance mon enfant si tu l'oses. Mais sache qu'à partir de cette limite tu ne pourras plus faire demi-tour. C'est la mort qui t'attend pour toi et ceux qui t'accompagne. Est-ce vraiment ce que tu veux ?"

[Chandara]

La paladine esquissa un sourire avenant et confiant en direction de Maelys puis redressa le menton en guise de défi avant de répondre d’une voix ferme et décidée correspondant à une véritable défenseuse de la justice :

- Vos règles ne sont pas les miennes, vos menaces ne m’atteignent pas et je ne suis certainement pas votre enfant, esprit corrompu ! Les enfants que vous retenez prisonniers ne sont pas davantage les vôtres et je viens les libérer et vous empêcher définitivement de nuire à d’autres. Voilà ce que je veux !

[Althéa]

La voix de l'esprit changea, se fit presque tendre.

"Mais ses enfants avaient besoin de moi. Ils étaient perdus. Leurs parents ne les aimaient pas. Ils avaient faim et lorsque je leur ai proposé de les prendre avec moi pour leur offrir de meilleures conditions de vie, ils ont refusé. Quels égoïstes. Et quand ils sont venus habiter chez moi, ils n'étaient pas heureux. Je n'ai pas compris pourquoi. Pourtant, ils avaient un toit au-dessus de leur tête, de la nourriture à profusion ... Mais ils pleuraient toutes les nuits. Et quand je venais les voir, ils se recroquevillaient loin de moi. Ils étaient tous ingrats."

[Chandara]

La réponse de la jeune femme se fit presque cinglante en comparaison mais elle était avant tout chargée de conviction :

- C'était des enfants malheureux ! Vous ne pouvez même pas comprendre que ce dont ils avaient le plus besoin était d'amour. De toute façon, les êtres noirs comme vous sont incapables de ce genre de sentiments et c'est pourquoi je suis venu vous combattre : votre place n'est pas dans ce monde.

La paladine resserra sa prise sur son arme et se mit en position défensive pour appuyer la détermination de ses propos.

[Althéa]

L'esprit rit de nouveau.

"Mais l'amour, je leur en ai donné. Je les ai protégés. Mais ils ne voulaient pas rester. Je les ai préservés de tout. De la misère, de leur condition, de leur rustres de parents. Je leur ai aussi fourni une éducation. Bien sûr elle était stricte mais ils en avaient besoin pour se faire une place dans le monde. Parfois, je l'avoue, j'ai été trop sévère et je le regrette. Mais ils en avaient besoin."

[Chandara]

Ce genre d’esprits cherchait toujours à instiller le doute pour profiter de la moindre hésitation de leurs futures victimes. Fallait-il y voir une preuve de faiblesse ou de crainte à l’égard de tout ce qu’elle représentait ? Etait-ce simplement un jeu cruel avant que les choses sérieuses ne commencent ? Dans tous les cas, Chandara n’accordait aucun crédit aux paroles de ce dément infanticide :

- J’ignore ce que vous recherchiez en maltraitant ainsi ces pauvres enfants. Peut-être que vous l’ignorez vous-même. Mais le fait que je suis ici pour que vos méfaits cessent. Ne tournons pas autour du pot : vous détenez un enfant. Relâchez-le immédiatement si vous avez un tant soit peu l’intention de justifier vos crimes.

[Althéa]

"Non"

La voix de l'esprit raisonna de nouveau dans le couloir.

"Il est à moi. Il était seul dans mon manoir avec sa mère qui ne s'occupait pas de lui. Il m'a parlé et traité comme un ami. Il était tellement triste. Il avait besoin d'un père et maintenant, il m'a moi. Dans peu de temps, je lui enseignerai tout ce que je sais et ce domaine sera à lui. Il est heureux avec ça."

[Chandara]

Chandara sentait une colère sourde monter en elle et elle invectiva à nouveau l’esprit qui préférait jusque-là se cacher :

- Ce ne sont que des mensonges à nouveau ! Aucun enfant ne devrait avoir à supporter un endroit aussi sinistre.

Tout en parlant, la paladine ne perdait pas de vue la position et l’attitude de Maelys et cherchait également à se repérer et à tenter d’identifier dans quelle direction se terrait leur ennemi. La voix pouvait peut-être constituer un indice mais elle ne savait pas à quel point elle pourrait se fier à ses sens en un pareil lieu de dépravation.