Ornegemme, cité svirfnebline

[Kasumi]

Le portail ne tarda pas à s'effondrer à son tour, sans doute privé de la magie qui l'alimentait. Dotha n'était visible nulle part à proximitéet il ne la reconnut pas davantage dans les silhouettes de clercs ou d'aides soignants qui se penchaient sur les nombreux blessés gisant encore au sol. Des nains se pressaient pour les transporter quand cela était possible et l'agitation qui régnait pour tenter de les sauver n'était pas propice à poser des questions.

[Alchem]

Alchem fut pris d’une inquiétude soudaine. Et si elle était restée de l’autre côté ? Et si elle était morte ? Ce serait terrible car tout indiquait que la victoire était acquise. L’armée Drow était en déroute, le siège, balayé.
Mais que pouvait-il faire, si ce n’était espérer ? Dans son état, rien d’autre.
Dotha morte... Il l’avait prévenu, il l’avais mis en garde, elle avait accepté les risques... autant d’arguments sans valeur. Dotha morte... il voulait vraiment que cela ne reste qu’une peur passagère, pas une réalité qui lui faudrait accepter.

[Kasumi]

Et il ne trouva personne pour le rassurer sur le trajet le conduisant jusqu'à la cité : aucun des brancardiers qu'il put interroger ne semblait l'avoir vue parmi les blessés ramenés en catastrophe depuis l'autre côté du portail. Aux abords du camp des nains faisant office d'infirmerie de campagne, il apprit la terrible nouvelle : le général nain avait été blessé mortellement lors d'une contre-attaque surprise des drows. On avait dépêché le meilleur clerc disponible à son chevet mais il se murmurait qu'il était sans doute déjà trop tard.

[Alchem]

Briseroche ? À l’agonie ? Ou peut-être déjà mort ?
Le visage d’Alchem se ferma. Lui-même étant un leader, il ne pouvait se permettre de se laisser aller. Mais il était affecté par cette nouvelle. Dotha... Maintenant le général nain... Le prix de la guerre était toujours trop élevé !
Que les Drow aillent aux diables, tous ! ne put-il s’empêcher de songer.
Se redressant, il fit jouer son nom, son rang, pour qu’on le conduise séance tenante auprès de Briseroche. Il ne pouvait se contenter de rumeur. Il devait savoir ce qu’il en était pour lui, et pour les autres, pour la cité.
Le repos, ce serait pour plus tard. Tant pis s’il tenait à peine debout. Il avait toujours été un acharné. Dalius s’inquiétait, mais ne disait mot, conscient que ce n’était pas le moment.

[Kasumi]

Alchem était une figure connue et les gardes situés devant la tente du général ne posèrent aucune difficulté à le laisser entrer. Dès qu'il eut franchi le rabat de tissu, une voix familière se fit entendre : elle adoptait un ton autoritaire qu'il ne lui connaissait guère et son esprit eut bien de la peine de faire la part entre fantasme et réalité :

- C'est la seule solution que nous ayons ! Si je ne le fais pas, votre général mourra. Maintenant écartez-vous que je puisse procéder ou il sera trop tard.

Alchem fut bousculé par deux nains à la mine furieuse qui sortaient en trombe de la chambre intérieure d'où provenait la voix. Ils ne prirent pas même le temps de s'excuser.

[Alchem]

Fusse à cause d’un regain de paranoïa, ou d’une méfiance légitime, toujours est-il qu’Alchem ressenti un malaise en entendant la voix de Dotha. Comment pouvait-elle se trouver là, en cet instant, alors qu’elle était avec lui, dans le portail, juste avant ? Elle serait venue directement ? Sans même prendre le temps de s’enquérir de son état, sans même avoir besoin de se remettre du souffle de l’explosion qu’elle avait subi tout autant que lui ? Et ce ton étrange ?
Non, c’était trop pour qu’il se laisse aller à des espoirs illusoires. Sans se formaliser d’avoir été bousculé, bien que dans son état de faiblesse cela l’ait presque fait tomber, il se tourna et appela :
« Gardes, vite, avec moi ! Dotha est morte ! Il y a imposture ! »
Il n’était pas encore certain qu’elle soit morte, mais le temps pressait. Il fallait que les nains réagissent dans la seconde.

[Kasumi]

Les gardes furent interloqués, eurent un moment d'hésitation puis le suivirent à l'intérieur de la chambre où Alchem les avait devancés. Là, devant le lit où le général reposait inconscient se tenait la jeune gnome. S'il s'agissait d'une imposture, elle était bien imitée : sa tenue et sa peau étaient maculées de sang, de poussière et de suif. Dotha lui tournait le dos, mains levées et en pleine incantation, et la déstabiliser ne manquerait pas d'interrompre le sort qu'elle lançait, quel qu'il fut. Les nains se tournèrent derechef vers Alchem, dans l'attente de ses consignes.

[Alchem]

Lui-même marqua une hésitation.
Il ne s’expliquait pas se qui se passait. Avait-il été perturbé par l’explosion ? Était-ce lui qui délirait ? Ou alors, avait-il vu juste ? Fallait-il intervenir ? Pour tenter de trancher cet épineux dilemme, il chercha à reconnaître le sort en court d’incantation. Il était expérimenté, plus que Dotha, il devait pouvoir y parvenir. Dans le cas contraire, il interviendrait pour l’interrompre.
Quand bien même le général nain rendait l’âme, il était possible de le ressusciter. Alchem lui-même l’avait été. Alors pourquoi tout ceci ? Quelque chose lui échappait.

[Kasumi]

Alchem était expérimenté mais les subtilités de la magie cléricale lui échappaient. Tout ce qu'il pouvait déterminer avec certitude, c'est qu'il ne s'agissait pas d'un sort de soin classique, quoiqu'il y ait beaucoup de similarités. Mais alors qu'il tergiversait, l'incantation prit fin et la prêtresse baissa les bras avant de vaciller. Alchem la vit chuter mollement et il avait tout juste l'opportunité de la rattraper avant qu'elle ne tombe au sol.

[Alchem]

Le poids de la prêtresse fit vaciller Alchem. Ce fut cependant de son ton neutre qu’il s’exprima :
« Appelez un clerc, faite venir la Grande Mystificatrice, c’est urgent. Je ne sais pas ce qui se passe, mais la dernière fois que j’ai vu Dotha, elle était soufflée comme moi par une explosion au-delà du portail. Je ne m’explique pas comment elle a pu arriver jusqu’ici, ou pourquoi elle ne m’a rien dit alors qu’on était ensemble. »
Il commença à vérifier si Dotha était vivante. Il espérait que ce soit le cas, même s’il avait de plus en plus peur de constater tenir un cadavre.

[Kasumi]

La gnome était nettement marquée par les suites de l'explosion et les combats auxquels elle avait pris part mais elle respirait faiblement quoique difficilement. La Grande Mystificatrice ne fut pas longue à arriver à son tour et avisant son fils qui tenait la prêtresse, elle ne lui laissa pas le temps de poser de question avant de s’exclamer :

- Aussi tête brûlée que toi, cette petite ! Si elle m’avait dit qu’elle était dans cet état, je ne l’aurais jamais téléportée au chevet du général.

[Alchem]

« Maman, la prochaine fois, pense à m’avertir de ce genre de manœuvre, j’ai failli croire à une imposture. »
Alchem, un rien offusqué, mais en proie à un début de soulagement, reposa doucement Dotha. Il ne pouvait rien pour elle et se sentait vacillant.
« Qu’est-ce qui se passe ? Comment peut-elle savoir ce qu’à le général nain ? Elle était avec moi ? Et d’ailleurs, qu’est-ce qu’il a ? Un sort, un maléfice ? On m’a parlé de contrattaque Drow. »
Et Belroc, dans quel état était-il ? Et les combats, ils en étaient où exactement ? Sans doute valait-il mieux ne pas poser toutes les questions en même temps.

[Kasumi]

La Grande Mystificatrice ne se serait sans doute pas laissé parler ainsi sans réagir si son interlocuteur avait été tout autre qu’Alchem. Pour lui, elle se contenta d’une moue réprobatrice et consentit à éclairer sa lanterne :

- Le général a été blessé lors d’une contre-offensive menée par une escouade dissimulée alors que son escorte et lui-même chassait l’état-major ennemi. Les autres prêtres n’ont rien pu faire pour lui mais Dotha a tenu à l’examiner également. De ce que j’ai compris, il s’agirait d’un mal d’origine magique mais je ne sais pas si elle est parvenue à l’enrayer.

[Alchem]

Alchem observa un instant de silence, regarda le général nain, Dotha, puis sa mère. Finalement, il déclara :
« Je vois... Il n’y a plus rien que je puisse faire. Que les clercs fassent leur office. »
Un peu perdu, troublé surtout de constater son actuelle inutilité, il était prêt à prendre congé. À bout, il avait besoin de repos. Sans doute vivait-il en cet instant ses derniers moments en tant que chef des patrouilleurs. La contre-offensive Drow n’était à priori qu’une escarmouche dans la débâcle, un coup pour sauvegarder un rien de fierté. Mais la guerre, selon toute vraisemblance, était sur le point de s’achever.

[Kasumi]

Les jours suivants lui confirmèrent la prime impression qu'il avait ressentie à ce moment. Belroc avait vaincu. Au prix de nombreux morts, de la destruction d'une partie de ses remparts et de gros dégâts dans les quartiers limitrophes.

Mais les drows avaient pêchés par excès de confiance et d'esprit de vengeance. Ils n'avaient pas fait le poids face à la détermination des svirfneblins qu'ils considéraient comme des êtres inférieurs et les renforts de leurs amis nains. Il y aurait d'autres crises de ce type - la guerre n'était jamais terminée avec les drows - mais Alchem laissait désormais une ville en paix.

Dotha mit plusieurs jours à se remettre de son état d'épuisement et elle finit par lui confier que l'absence de lumière naturelle commençait à peser sur son organisme. Elle avait fait tout ce qu'elle pouvait pour le général mais, même s'il semblait maintenant hors de danger, il ne s'était pas réveillé et demeurait dans un état de coma qu'elle ne s'expliquait pas.

[Alchem]

Sitôt remis, ce qui fut rapide, Alchem assuma ses derniers devoirs.
Il présida la cérémonie en l’honneur des patrouilleurs tombés au combat. Ce n’était pas la première dont il avait la charge, mais elle fut pour lui particulièrement éprouvante. Puis il nomma officiellement Deskata chef des patrouilleurs, ce qui signait de fait la fin de ses propres fonctions.
On lui rendit hommage pour ses longues années de service et ce fut l’achèvement du tourbillon.
Un poids s’était envolé, celui du devoir. Il trouva le temps de veiller le général nain, pour qui il avait beaucoup d’estime.
Enfin, il conduisit Dotha au lac souterrain, non loin d’Ornegemme. Elle méritait de le voir.
Ce fut là qu’il lui annonça qu’il allait la raccompagner à Lumenis.
Ce qu’il ferait ensuite, il l’ignorait...