[Lieu] Aubépine

[Voyageuse]

La brume vint, effectivement. La plupart des loups s'étaient installés pour la nuit, et les trois guetteurs de la soirée avaient été relayés. Il les vit tendre l'oreille, et deux d'entre eux bondirent subitement. Il entendit un vague grognement, des bruits de luttes... et quelques minutes plus tard ils étaient de retour, sans la moindre blessure, tout juste un peu essoufflés. Un combat probablement très inégal en leur faveur, à moins que leur présence n'ait fait fuir d'autres adversaires.

Il n'y eut pas d'autre alerte, ou du moins rien dont il n'ait conscience : il sombra à nouveau dans le sommeil et se réveilla juste avant l'aube. Affamé. Ce qui était signe que sa fièvre avait baissé et que son état général s'améliorait. Il ne sentait plus de douleur à sa cheville -mais elle se rappela à lui lorsqu'il la bougea, bien moindre que la veille mais pas encore guérie.
Première Neige ouvrit un oeil en le sentant s'éveiller, mais elle semblait vouloir dormir encore, tout comme le reste de la meute : seuls deux guetteurs étaient encore en poste. Le chef de meute en faisait partie, et semblait le surveiller d'un oeil vaguement méfiant.

[Kasumi]

HRP : désolé, j'étais persuadé d'avoir posté le message mais j'ai manifestement oublié de le faire...

Kasumi se leva sans chercher à priver Première Neige d’un sommeil bien mérité. Son intention n’était de toute façon pas de se mettre en route immédiatement : il avait l’intention d’aller se débarbouiller à la source, d’y prier pour renouveler son serment de dévotion envers Mielikki et récupérer les sorts dont elle le gratifiait. Ensuite, il faudrait encore songer à s’alimenter à partir de la viande mise à mariner la veille au soir. Il pourrait s’estimer heureux de pouvoir partir une heure plus tard et il serait alors bien temps de s’interroger de la suite des opérations. Comme de laisser sa louve en compagnie de la meute et de la retrouver quelques jours plus tard quand il serait en état pour l’accompagner dans ses recherches.

[Voyageuse]

Il boitilla jusqu'au ruisseau, plus alerte que la veille même si sa démarche était encore hésitante. Sa cheville était douloureuse, mais après avoir prié, il pourrait utiliser ses sorts de soin pour améliorer encore son état, et quasiment la guérir cette fois-ci. Le trajet jusqu'au village allait cependant lui prendre toute la journée, puisqu'il avancerait plus lentement que d'habitude.
Il avait faim, au point d'en avoir des crampes d'estomac. La viande marinée, accompagnée des quelques fruits qu'il pouvait glaner, serait indispensable s'il voulait avoir la force de marcher. Il pouvait disposer d'un sortilège pour purifier sa nourriture s'il craignait qu'elle soit trop indigeste. Et après tout, une fois suffisamment éloigné de la meute, rien n'empêcherait de la faire cuire.
A son retour auprès de la meute, il trouva l'aïeule, ses herbes médicinales habituelles dans la gueule, qui l'attendait près de Première Neige. celle-ci avait fini par s'éveiller et paressait tranquillement, repue.

[Kasumi]

Kasumi était rassuré quant à l'état de sa blessure et soulagé de pouvoir tenter sans grand risque de retourner donner de ses nouvelles à Peyregorde. Ce constat effectué, il était temps pour lui de prendre ses dispositions. Il réunit ses quelques affaires, récupéra la herbes offertes par l'aïeule en affichant une attitude humble et reconnaissante puis se pencha devant Première Neige pour lui faire part de ses intentions : il tenta de lui expliquer qu'il devait retourner auprès des humains pour finir de se soigner puis qu'il avait l'intention de revenir dès que possible pour l'accompagner dans sa mission. S'il ne revenait pas à temps, il saurait la retrouver en chemin mais il était important qu'elle cherche dans la direction qu'il lui avait déjà indiquée. Il était persuadé que les meilleurs sites s'y trouveraient.

[Voyageuse]

Première Neige était frustrée et déçue de le voir partir déjà. Elle comprenait ses intentions, mais elle lui fit clairement comprendre qu'il était hors de question qu'il parte seul. Il était encore blessé, fragile, et la forêt était dangereuse. Elle comptait donc l'accompagner jusqu'à un secteur plus sûr pour lui, dans la zone plus "humanisée" du bois. Elle reviendrait ensuite pour la nuit auprès de la meute. Et elle partirait en exploration quand elle en aurait l'autorisation. Elle comptait sur son retour avant, c'était visiblement important pour elle :sans cela elle se sentirait abandonnée.
Son attitude, son ton peut-être, devait être parlant :les autres loups semblaient avoir compris qu'ils partaient. Il n'y eut pas d'adieu, mais ils lui semblèrent plus distants, presque méfiants. Comme s'il était à nouveau un étranger.

[Kasumi]

Kasumi se sentit mal en songeant qu'il trahissait une partie de la confiance naissante qu'il avait pu acquérir auprès de la meute. Mais il savait aussi que les loups l'accepteraient à nouveau à condition qu'il se rende utile. La meilleure manière d'y parvenir était de rentrer à Peyregorde pour hâter sa guérison : ainsi il pourrait revenir plus rapidement pour les aider. Le cas de Première Neige était plus délicat : la louve devait se sentir - à raison - délaissée depuis plusieurs mois. La mise en garde d'Hortense résonnait encore à ses oreilles et il voulait vraiment faire en sorte de renouer le lien qui s'était par trop distendu. Il accepta donc avec joie sa proposition d'escorte et promit de faire tout son possible pour revenir dès le surlendemain pour explorer et chasser en sa compagnie.

[Voyageuse]

Ils prirent donc la route, tous les deux, Première Neige jouant les éclaireurs. Comme autrefois.
La présence de la louve devait avoir un effet dissuasif sur les autres créatures de la forêt : ils n'eurent affaire à aucun prédateur et ne subirent aucune attaque de mort-vivant. Kasumi sentait très nettement la souillure de cette partie des bois, mais cela restait une impression de menace diffuse.
Sa cheville demeurait un peu douloureuse, et il veillait à la ménager, avançant plus lentement qu'à son habitude, s'octroyant des pauses fréquentes et plus longues que de coutume. Ce petit désagrément à part, la promenade avec sa louve était agréable, leur permettant à tous les deux de renouer avec des habitudes anciennes.
Ils parvinrent en fin d'après-midi dans un secteur où se faisait sentir l'influence humaine. On voyait des branches abîmées, on y avait glané le petit bois et cueilli des champignons récemment. Ils seraient au village dans moins d'une demi-heure, probablement. Il devina que Première Neige hésitait à poursuivre plus avant.

[Kasumi]

Kasumi assura cette dernière qu'il saurait se débrouiller seul à partir de là et qu'il la remerciait pour son aide précieuse. Il était sincère : ce moment avait été très agréable malgré sa situation et il était soulagé de n'avoir pas eu à combattre dans son état de convalescence. Il continua donc seul pour ne pas forcer sa louve à se rendre dans un endroit qui la mettait mal à l'aise et lui intima d'être prudente sur le chemin du retour. Il la rejoindrait le surlendemain sans faute, il le lui assura en songeant à deux couchers et levers de soleil pour transmettre cette notion du temps. Quand Première Neige se serait éloignée, il continuerait en direction de la lisière de la forêt ou vers le premier groupe de villageois qu'il entendrait sur son chemin.

[Voyageuse]

Il était encore loin du village, et la forêt était déserte. Mais au fur et à mesure qu'il approchait, il entendait plus nettement, au loin, le choc des haches des bûcherons. Lorsque l'orée du proche, il devina des cris et des rires d'enfant, et finit par apercevoir un petit groupe de trois enfants d'une dizaine d'années, en train de ramasser gaiement un peu de petit bois et tout en grignotant des fraises des bois.
Son apparition les stoppa net dans leur activité, et ils se regroupèrent aussitôt, sur la défensive devant cet inconnu. Il fallut en effet quelques instants pour qu'ils mettent un nom sur son visage.
" Bonjour, commença l'un d'eux d'une voix hésitante.
- Ah mais vous êtes le M'sieur Kasumi qui loge chez Martha ! s'exclama enfin l'un de ses camarades.
- Ah... Pardon... Ça fait longtemps qu'on vous a pas vu, on croyait que vous étiez parti ailleurs !, expliqua précipitamment le premier pour excuser son erreur.
- Nan mais tu réfléchis des fois à ce que tu dis ? Il a sa femme au village, rétorqua le troisième.
- Oui, ben, et alors ? Ca arrive..."

[Kasumi]

Après plusieurs jours passés dans les bois parmi les loups et étant donné le peu d’apparitions qu’il faisait au village, il n’était pas étonnant que les enfants ne l’aient pas immédiatement reconnu. Kasumi leur adressa un salut et un sourire avant de poursuivre son chemin : sa cheville lui était douloureuse et il avait grand faim aussi ne comptait-il pas vraiment s’attarder. D’autant plus que la présence des enfants confirmait qu’il était près du village. Avant de s’éloigner de ces derniers, il demanda tout de même encore s’il s’était passé des événements notables en son absence.

[Voyageuse]

Les enfants n'avaient rien de spécial à lui apprendre. C'était la pleine saison des récoltes, et tout le monde ou presque était aux champs. Tous les jeunes avaient été réquisitionnée, tout comme le menuisier, le forgeron-maréchal-ferrand, ainsi qu'une partie des bûcherons. Même les enfants. Sauf eux qui s'étaient esquivés pour une tâche tout aussi utile -mais qu'ils accomplissaient sans grande efficacité.

Comme annoncé par les enfants, il découvrit en parvenant à l'orée des bois l'effervescence des fins de journée : on cueillait des légumes, on finissait de couper l'herbe sèche pour l'entasser en meules. Tout le village semblait dehors, ou presque. Et personne ne faisait vraiment attention à lui, car tout cela se passait un peu plus loin : les terres les plus proches des bois étaient dévolues à l'élevage ou aux vergers. Il reconnut la haute silhouette de Bertrand, occupé aux foins, ou celle du frère de Martha, mais n'aperçut pas son hôtesse. Et encore moins Sylvia, comme il s'en doutait.
Il pouvait donc poursuivre sa route et entrer directement dans le village s'il le souhaitait.

HRP : tu peux poster directement au village...

[Arnaud de Laincourt]

Il émergea dans la clairière aux dernières lueurs du crépuscule. Blanc destrier, argent de crinière, fier d’allure, il se dégageait de lui cette impression qu’ont les bêtes d’un autre monde et son regard, trop intelligent pour un banal cheval, achevait ce constat. Harnaché, il allait au trop mais il écumait sous l’effort d’une course folle. D’où il venait, c’était la Forêt Maudite et ses mille périls.
Sur son dos, tenant à peine en selle, un homme inerte. Son large chapeau à panache était tombé sur son visage et sa rodingotte ondulait faiblement au gré de cette allure modérée. Une de ses mains, empoissée de sang, était crispée sur une poitrine meurtrie. Son autre main avait rengainée une élégante rapière et depuis, ne la lâchait plus. Le cavalier était inconscient, sa monture se dirigeait à l’instinct, assurément guidé par l’aura du bosquet sacré.

Encore quelques pas et l’homme glissa dans l’herbe. Il portait les effluves nécrotiques d’une créature impie, celle probablement qui l’avait mis dans cet état. Sous peu, il passerait de vie à trépas...

[Kasumi]

Lorsqu’il rouvrit les yeux, le barde constata plusieurs choses. La première d’entre elles était qu’il n’était pas mort. Ou en tous cas ne semblait pas l’être à en juger par ses sensations et la douleur toujours présente dans son organisme. La deuxième était qu’il se trouvait allongé, la tête posée sur un amas de mousse et de feuilles recouvert d’une serviette de lin. La troisième - il l’entendit et le surprit du coin de l’œil – était que sa monture s’ébrouait tranquillement à quelques pas de là, tantôt broutant l’herbe incroyablement verte, tantôt buvant à une source qui s’écoulait joyeusement sur sa gauche. La quatrième et la cinquième – en redressant légèrement la tête pour regarder autour de lui – était le bandage frais qui barrait sa poitrine dénudée et meurtrie et les frondaisons d’un immense et magnifique chêne dont il profitait de l’ombre bienveillante.

Tout le reste - où il se trouvait, qui s'était occupé de lui et sans doute mille autres questions - restait pour le moment un mystère.

[Arnaud de Laincourt]

Vivant...
Et apparemment entre de bonnes mains...
Arnaud laissa retomber sa tête sur cet oreiller végétal. Avait-il craint la mort ? Non, certes non. Il était des rares chanceux à savoir avec certitude de quoi était fait son chemin, que ce soit dans ce monde ou au-delà.
Alors avait-il cru sa dernière heure venue ? Il ne s’était pas posé cette question. Il n’avait pas envisagé qu’il perdrait connaissance. Il se souvenait avoir enfourché Vaillant, qu’il se sentait faible, qu’il se savait mal en point, et s’en était remis à lui, juste concentré sur la nécessité de rester en selle.
Ce n’était pas la première fois qu’il se faisait amocher. C’était le lot des aventuriers. Son corps en témoignait par de nombreuses cicatrices, chacune une histoire, une anecdote, dont il profitait pour ses récits. La vie était une joyeuse bataille. Et il aimait la vie.

Alors il n’était vraiment pas mécontent que Vaillant ce soit une fois de plus montré à la hauteur. Il avait encore tant à accomplir, tant à narrer, tant de belles filles à embrasser...
Qui sait, ce serait peut-être une belle demoiselle qui avait fait ce bandage. Il sourit à cette pensée.

Mais où était-il, en fait ? Toujours dans la forêt, mais cette herbe, cet air, cet arbre... non, tout ceci n’était décidément pas banal. Alors il tourna la tête de gauche, de droite, pour découvrir ce havre de paix...

[Kasumi]

Et c’en était assurément un : la clairière dans laquelle il se trouvait semblait appartenir au monde de Féérie : les plantes y semblaient plus vivaces et moins hostiles que tout ce qu’il avait vu jusqu’ici – dans cette forêt en tous cas. Il y avait même de petits animaux – lièvres et écureuils principalement – qui s’ébattaient sans crainte à proximité de sa couche. Le chant des oiseaux dans les arbres était joyeux et aussi mélodieux que le son d’un luth entre des mains expertes.

La petite source près de laquelle se tenait Vaillant était toute proche et il ne doutait pas que son eau était claire et fraîche. Cette sensation lui provenait de son lien avec l’animal. Mais avant qu’il puisse approfondir cette sensation, il vit se découper une silhouette dans son champ de vision. Elle semblait avoir surgi du néant comme si la personne à qui elle appartenait choisissait de se montrer à lui.

Ses espoirs de jeune donzelle furent déçus – mais tout espoir n’était peut-être pas perdu – quand l’homme releva la capuche de son manteau vert et approcha de lui. A ses traits, Arnaud devina une ascendance elfique, quoique diluée. Le demi-elfe s’exprima d’une voix amicale en langue commune :

[color=#99000]- Vous êtes réveillé : c’est une bonne chose. Je commençais à craindre que l’empoisonnement n’ait atteint vos organes vitaux et que la Source ne puisse plus rien faire pour vous.[/color]

[Arnaud de Laincourt]

Dommage pour la belle demoiselle. Il l’aurait bien imaginé, là, sortant des eaux cristallines, nue, ruisselante et... Enfin bref, une prochaine fois.
Arnaud avait une affection certaine pour les demi-elfes. Ces derniers se sentaient souvent à part, piégés entre le monde des hommes, trop éphémère pour eux, et celui des elfes, trop immuable. Or, les aazimars vivaient sensiblement aussi longtemps qu’eux. Le noble barde savait ce que être à part signifiait, tout comme il savait comment être ensemble avec tout le monde. Il adressa à cet aimable inconnu, son bienfaiteur du jour, un sourire affable.

« Je suis coriace. »

Il se redressa lentement. Il se sentait faible mais avait récupéré assez de force pour adopter une prudente position assise. C’était plus convenable pour parler.

« Je vous dois la vie, à vous et à cette source. Je ne l’oublierais pas. »

Quelques noms de plus sur une liste déjà longue. C’était la beauté de l’existence d’aventurier telle qu’il la concevait. Aider et être aider. Il fallait être ensemble pour avancer. Pour rire aussi, et boire !

« Je me nomme Arnaud de Laincourt. À qui ai-je l’honneur ? »

Il n’avait plus l’habitude de se présenter sous son vrai nom. Il savait, ou tout du moins supposait qu’ici, loin de Féérune, sa notoriété n’était pas aussi forte. Les occasions de se faire connaître ne manquerait pas, il en avait la conviction. Pour l’instant, cependant, il préférait endosser le rôle, non moins véritable, du Baron en route vers ses terres.

HRP : le domaine de Laincourt est proche de la Forêt Maudite. Ton personnage peut à mon avis le connaître. De surcroît, des rumeurs inquiétantes ont émané depuis peu de la Baronnie. Il parait qu’elle n’est pas au mieux de sa forme.

[Kasumi]

Un noble. Kasumi s’en était douté en observant la mise de son patient et aussi sa monture magnifique. Le demi-elfe ne portait pas particulièrement dans son cœur cette engeance souvent arrogante et bien éloignée des réalités quotidiennes et ses idées bien arrêtées de l’autorité et de la justice. Toutefois, cet Arnaud de Laincourt méritait le bénéfice du doute : il dégageait une impression sympathique et un magnétisme qu’on ne pouvait ignorer. C’est donc d’un ton amical qu’il répondit à nouveau :

- Je suis Kasumi, gardien de ce bosquet. Vous êtes coriace, c’est indubitable : sans quoi votre blessure vous aurez été fatale. Et même pire. Je n’en ai que rarement vu de pareilles, même dans ces bois où les morts se relèvent beaucoup trop fréquemment.

Alors qu’il s’était approché, le barde put mieux visualiser son interlocuteur : il s’agissait d’un demi-elfe plutôt jeune quoique manifestement aguerri. Il portait une armure légère et deux épées raffinées ceignaient sa taille. Le détail le plus notable était néanmoins le pendentif qu’il portait autour du cou : il figurait une tête de licorne associée au culte de Mielikki, la Dame des bois.


HRP : Kasumi est arrivé trop récemment dans la région pour connaître ce genre d’informations. Toutefois, il aura peut-être vu le nom de Laincourt sur une des cartes qu’il a emportée mais je ne pense pas que l’évocation de ce nom suffise à le faire réagir.

[Arnaud de Laincourt]

« Enchanté, Kasumi. Les gardiens de bosquets sont toujours des gens admirables. J’ai eu la chance d’en connaître un autre. Il fut mon compagnon durant plusieurs lune. Il avait une tâche à accomplir qui, par un heureux hasard, le menait dans la même direction que moi. Nous avons eut des discussions très intéressantes au coin du feu. Et son herbe à pipe était... fabuleuse. »

Large sourire.

« C’était un gnome, un gnome des forêts. Il était minuscule. J’avais un peu peur de lui marcher dessus. Ne riez pas, dans le feu de l’action, lorsqu’il faut croiser le fer, cela aurait pu coûter cher. Sans parler qu’il m’en aurait voulu, le bougre ! On peut le comprendre. »

On sentait que le barde était loquace, que tout dans sa bouche pouvait se muer en histoire. Il avait de plus une grande expressivité, accompagnant sans le vouloir ses mots de gestes évocateurs. Le noble qui se cachait derrière sa profession pouvait sans doute se deviner par cette assurance, cette stature. À moins que ce ne soit dû à autre chose ? Le regard de l’homme n’était pas ordinaire. Il semblait fait d’argent liquide, une fenêtre ouvert sur les cieux.

« Quant à ma blessure, je suis allé la chercher profondément. Je viens tout juste de rentrer de Féérune, il me fallait de nouveaux récits à ajouter à mon répertoires, des récits locaux. Finalement, il y aura plus qu’un monstre hideux dans cette histoire. Il y aura aussi un demi-elfe secourable et un bosquet mirifique. Qu’en dites-vous ? »

[Kasumi]

Arnaud était de ces personnes qui suscitaient l'attention et savait assurément captiver un auditoire. Kasumi ne faisait pas vraiment exception à la règle et l'avait écouté malgré les circonvolutions dont il parsemait son discours. Le demi-elfe n'avait pas vraiment eu l'intention de se révéler ainsi mais la mention de Féérune et peut-être aussi la volonté de ne pas paraître bourru et taciturne en présence de ce condensé de gouaille l'amena à répondre :

- Ce serait assurément une bonne histoire. Mais peut-être la trouverait-on ennuyeuse : les monstres qui se balladent librement dans la Forêt Maudite sont interdits dans ce bosquet. Mais avez parcouru un bien long chemin pour enrichir votre répertoire et le hasard veut que je vienne moi aussi de Féérune. De Haute Forêt et d'Everaska pour être plus précis.

[Arnaud de Laincourt]

« Ha, Evereska... Je n’y suis jamais allé mais je connais ce qu’on dit de cette belle et puissante cité elfique. En revanche, j’ai pas mal sillonné le reste des Contrées du Mitan occidentales. C’est un vivier d’aventuriers. Et où se trouvent les aventures, je dois m’y trouver. »

Après avoir détaillé ce fort sympathique Kasumi, Arnaud perdit son regard en direction des arbres verdoyants. Puis il poursuivit.

« Je viens de Féérune, oui, mais je suis originaire d’ici, d’Hélonna. Ça fait fort longtemps que j’ai traversé l’océan pour suivre ma vocation. Et me voilà de retour. »

Court silence. De nouveau le barde fixa le demi-elfe.

« Pour être franc, quand je me suis présenté, j’espérais un peu que mon nom vous dirait quelque chose. Le domaine de Laincourt se trouve dans les parages. Je ne sais plus où exactement, mais je dois m’y rendre. »

Et vite. Son rêve était alarmant. Heureusement que dès qu’il pourrait vraiment se reposer, il retrouverait l’usage de sa magie et pourrait drastiquement accélérer sa récupération.

[Kasumi]

Le demi-elfe fit la moue et prit le temps de réfléchir avant de répondre d'un ton incertain :

- Ce nom ne me dit rien, non. Mais il faut dire que je ne suis arrivé dans cette région de l'île que très récemment... J'ai une carte cela dit : je l'ai laissée chez moi mais je pourrai la consulter pour vous quand nous pourrons nous y rendre.

Il s'éloigna de quelques pas pour fouiller dans une besace déposée de l'autre côté de l'arbre etrevenir avec des bandages propres.

- Mais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation : je vais changer examiner votre blessure et voir si elle a besoin d'un nouveau soin. Enfin, si vous n'y voyez pas d'objection.

[Arnaud de Laincourt]

Arnaud invita d’un geste Kasumi à s’approcher.

« Je vous en prie, procédez. »

Toujours cette assurance, cette affabilité.

« Je pourrais terminer ce que vous avez commencé dès que je me serai reposé. Je pars demain. Cet endroit est charmant et mériterait assurément qu’on s’y attarde d’avantage, mais le temps est présentement une ressource qui me manque. »

Le Barde d’Argent était de toute manière souvent sur les routes, rarement deux fois de suite au même endroit. Ce qu’il garda pour lui, de manière diplomatique, c’était que la nature sauvage n’était pas son élément. Il y était pourtant allé bien souvent, l’aventure menait parfois aux cœurs des domaines hostiles et vide de civilisation, mais il se sentait toujours mieux dans une auberge, fut-elle miteuse.

« Où habitez-vous, si ce n’est pas indiscret ?"

[Kasumi]

Le demi-elfe présenta ses mains, paumes en avant et récita une prière à la déesse qu’il vénérait. Aussitôt, le barde sentait l’énergie divine se diffuser dans sa poitrine et apaiser ses douleurs. Il savait d’expérience que sa blessure était quasiment guérie et que ses propres talents curatifs ne seraient pas nécessaires dans l’immédiat. Malgré son apparence, il sembla évident que Kasumi n’était pas qu’un simple rôdeur :

Kasumi -> Soins (niveau 2) -> Arnaud

Ce dernier se retira et répondit à la question avec un sourire vaguement amusé :

- J’espère que la marche ne vous fait pas peur : le plus proche village, où se trouve aussi ma maison, est à trois heures d’ici. Je vous y accompagnerai demain matin et vous pourrez consulter ma carte pour vous situer.

[Arnaud de Laincourt]

« La marche ne me fait pas peur. Je vis de voyage. De voyage et d’aventure, de bravoure et de beauté. »

Arnaud se redressa. Toujours faible, mais néanmoins un rien ragaillardi par ce sortilège qui avait retenu son attention, il parvint sans trop de mal à se hisser sur ses pieds. Un léger vertige le fit vaciller, il dût un instant s’appuyer au tronc de l’arbre vénérable, mais déjà il retrouvait équilibre, stabilité.
Du haut de son mètre quatre-vingt, il put d’avantage admirer le bosquet. Il était aisé en un tel lieu de trouver l’inspiration poétique. Il se détourna, s’approcha de Vaillant qu’il flatta d’une caresse avant de lui murmurer quelques mots dans une belle et étrange langue fort peu répandue. L’animal parut le comprendre et manifesta de l’entrain. Le barde alla ensuite jusqu’aux fontes du destrier et se mit à farfouiller à l’intérieur.

« Ce n’était pas de la magie de rôdeur, lâcha-t-il, alors qu’il était toujours dos à Kasumi, sur le ton de la conversation. Je me trompe ? »

[Kasumi]

Kasumi avait sourcillé en voyant son patient se lever et prendre le risque d’aller jusqu’à sa monture. C’était bon signe bien sûr mais à vouloir se rétablir trop vite on ralentissait parfois le processus naturel de cicatrisation. Arnaud semblait savoir ce qu’il faisait mais il le tiendrait tout de même à l’œil pour détecter des signes de faiblesse. Pour l’heure, il était plus poli et plus diplomatique de répondre à la question sous-jacente à la remarque du barde :

- La frontière est ténue entre les différentes voies pour servir la Dame des Bois. Mais vous ne vous y trompez pas : je suis rôdeur depuis que je suis en âge de l’être mais j’ai aussi, depuis peu, la charge d’un clerc. C’était nécessaire pour faire renaître ce bosquet.

[Arnaud de Laincourt]

Arnaud refit face à Kasumi. Il tenait désormais en main un luth de fort belle facture. Il aurait été surprenant de voir quelqu’un de sa qualité et de sa profession se servir d’un instrument médiocre.

« Les vocations savent nous pousser sur des chemins parfois surprenants. Surprenants pour les proches, ou pour le concerné, ou pour les deux, cela dépend. Ce qui compte, c’est d’arriver. Peu importe que le chemin zigzag. Au contraire. »

Le barde, toujours lent et précautionneux dans ses gestes, s’assit sur une des racines de l’arbre, s’adossa à son tronc.

« Mon père voulait que j’administre le domaine. Puis, il a cherché à faire de moi un paladin. Je me demande que serais ma vie si j’avais suivi ses conseils. Sans doute un peu ennuyeuse, j’en ai peur. »

Il commença à jouer. Les notes du luth emplirent l’air d’une douce mélopée.

« Que représente pour vous ce bosquet ? »

[Kasumi]

Le demi-elfe se perdit un peu dans ses pensées, méditant les paroles d’Arnaud : qu’aurait été sa propre vie s’il avait choisi de suivre son père et ses aspirations plutôt que sa mère ? Aurait-il fini par se faire à une vie aussi différente que celle qu’il avait finalement embrassée ? La seule chose qui lui paraissait certaine était qu’il avait trouvé sa place, sa fonction. Et qu’il ne regrettait aucun de ses choix. Pensif, il répondit à la question directe du barde :

- Il représente beaucoup pour moi. Un idéal de paix et d’harmonie. Un sanctuaire pour les créatures malmenées. Un espoir pour ses bois qui en avaient cruellement besoin. Une première étape pour combattre la noirceur qui le corrompt. Et aussi, plus personnellement, une bonne raison de me battre ici plutôt qu’ailleurs.

[Arnaud de Laincourt]

Arnaud, tout en écoutant Kasumi, poursuivit sa douce mélopée. Jouer était naturel pour lui, ses doigts dansaient sur les cordes au gré de l’humeur de l’instant.

« C’est bien, vous savez ce que vous faites et vous le faites bien. Il y avait bien besoin d’un bosquet dans cette sinistre forêt. Le mal qu’elle abrite est ancien, rampant. Depuis que je suis en âge de me souvenir, la Forêt Maudite était toujours là, menaçant les frontières du domaine de ma famille. Que d’anecdotes sur elles... Si peu qui ont une fin heureuse, si peu que je puisse me permettre de mettre à mon répertoire, mis à part pour mettre en garde ceux qui préfère ignorer plutôt qu’affronter. »

Laincourt ferma les yeux. Sa musique se fit plus rapide, plus profonde, plus martiale. Il appartenait au collège de la vaillance, il savait mettre en musique la bataille et l’épique et même si présentement ce n’était qu’une esquisse, on pouvait deviner l’effet d’un tel thème sur les esprits lorsqu’il s’enflammait vraiment.

« N’oubliez pas, les braves d’aujourd’hui sont les héros de demain. »

Des paroles murmurées à un auditoire invisible. Arnaud rouvrit les yeux et appela son cheval. Celui-ci s’approcha et lui présenta ses fontes, lui évitant ainsi de devoir à nouveau se lever. Il en sortit de quoi écrire.

HRP : au fait, ça fait combien de temps que ton personnage a quitté Féérune ? Si ça fait moins de 20 ans, environs, alors il doit connaître le Barde d’Argent en tant que nom de héros. ça ne veut pas dire qu’il peut le reconnaître, d’autant plus que c’est un héros de Féérune, on ne s’attend pas à le croiser sur Hélonna, mais plus tard, il pourrait faire le rapprochement.

[Kasumi]

HRP : cela fait 5 ou 6 ans que Kasumi a quitté Féérune. Ceci étant, il a passé la majorité de son existence dans des endroits isolés (Haute Forêt et Anauroch) donc il n'aura pas souvent été confronté au nom des célébrités du moment. Cela dit, il aura pu l'entendre dans certaines tavernes et peut-être mis de côté dans sa mémoire.

Kasumi écoutait avec plaisir les accords de luth et le récit qu'ils portaient. Même s'il n'avait que peu d'affinités pour la musique ou les récits bardiques, il aurait fallu être totalement insensibles pour ne pas en être en partie subjugué. Ne s'immergeant toutefois pas complètement hors de l'instant, le jeune clerc proposa :

- Vous devriez vous reposer encore cette nuit : les soins magiqueshâtent la guérison mais ne remplacent pas le repos. Nous partirons ainsi demain matin avec toute la journée pour voyager en sécurité. Est-ce que cela vous convient ?

[Arnaud de Laincourt]

« Tout à fait, faisons ainsi », répondit Arnaud dont la plume grattait déjà le papier.

Il ne nota que quelques mots avant de reprendre sa mélodie, une mélodie qu’il interrompait pour reprendre presque à l’identique, cherchant les nuances tout en murmurant des mots épars. Le barde était en train de composer, c’était évident. Il n’oublia cependant pas qu’il n’était pas seul et finit par retourner la tête vers Kasumi.

« Il faudra cependant se hâter, demain. Souvent le destin n’attend pas. »

Ce jour de retard était regrettable. Il songeait à son rêve alarmant et se demandait ce qui se jouait en ce moment sur les terres de son père. Il se demandait, aussi, comment allait se passer ses retrouvailles familiales. Et quel rôle ce rôdeur clerc pouvait-il joué exactement dans le récit en cours ? N’était-il qu’un visage éphémère sur sa route ? Il avait l’impression que non. On ne sauvait pas la vie du Barde d’Argent sans être entrainé dans son sillage.

Kasumi l’ignorait encore, mais il avait en ce jour plus d’amis que la veille... et plus d’ennemis également.