[Quête] Escapade en Féérie

[Galathée]

Le spectacle offert par le Festival et le simple fait de déambuler dans les allées suffit à calmer les ardeurs des plus nerveux, à moins qu'ils ne se soient déjà amplement défoulés dans la salle de l'auberge. Lola était toujours cramponnée à Baptiste, qui marchait en observant tout autour de lui, Victor et Marius cavalaient en avant, mais sans s'éloigner vraiment, Titus restait aux côtés du barde.
Tout en cheminant, Taliesin percevait des bribes de conversation, ça et là, on parlait de la récompense offerte par Dame Mahaut pour le chamois blanc, du fait que l'épée dans le rocher avait mystérieusement disparu, des prix tout à fait abordables des boules de cristal de Maître Mirlen, du prochain concours de nage dans la rivière, et du grand bal de l'esplanade.
Les lieux restaient formidables, riches et colorés, mais peut-être un peu moins que quelques jours plus tôt...

[Taliesin]

Sans doute le festival s'acheminait-il lentement mais sûrement vers son terme.
Il fallait donc espérer qu'une occasion de guetter et d'attraper le chamois se présenterait avant longtemps. Sinon...
Bah, inutile d'envisager le pire. D'autant qu'il y aurait bien de grands événements mobilisateurs avant la clôture officielle.
Et, en attendant, il n'avait pas de projets particuliers, sinon permettre à Victor - et aux autres, s'ils le souhaitaient - de se procurer de petits objets magiques et tenter de trouver un faune pour discuter avec lui du cas Titus.

[Galathée]

Taliesin vit plusieurs créatures apparentées à Titus. Elles avaient cependant la taille d'un homme ou d'un elfe, des pattes plus vigoureuses, des cornes bien plus démesurées, en spirales en pointes. Certains semblaient davantage moutons ou même taureaux que chèvres et aucun n'avait vraiment cet arrière train de daim qui, était peut-être le résultat de l'hybridation entre le satyre (ou le faune, comment savoir si la sorcière avait dit vrai ?) et l'elfe victime de ses ardeurs. La plupart étaient solitaires et Taliesin ne vit aucun enfant. Il y avait des femmes aux seins nus, des hommes barbus... Il ne lui restait qu'à choisir, s'il voulait leur parler.

[Taliesin]

Mais ce n'est pas vraiment au sexe ou à l'apparence qu'il se fierait pour faire son choix. Non, il opterait pour l'être qui lui semblerait le plus sympathique, le plus à l'aise au milieu d'une foule aussi diversifiée. Compte tenu des questions qu'il avait à poser, mieux valait avoir affaire à un interlocuteur ouvert d'esprit et prêt à faire preuve d'indulgence envers un étranger à Féérie...
Sitôt qu'il aurait trouvé la perle rare, il laisserait le groupe sous la supervision officieuse de Baptiste et Lola et irait s'entretenir avec elle.

[Galathée]

Et rare, elle l'était, cette perle, car aucun des faunes n'avait la mine avenante. On voyait bien, à leur allure, qu'ils étaient des esprits primordiaux des bois, sauvages et rustres, sans doute bien plus encore que leurs confrères restés dans le Plan matériel. Cela ne signifiait pas pour autant qu'ils étaient dangereux, mais il fallait faire fi de cette impression revêche pour leur adresser la parole. L'un ou l'autre portait au flûte à la ceinture, cependant, et peut-être était-ce là un signe susceptible de mettre le barde en confiance...

[Taliesin]

En désespoir de cause, et puisque trop tarder risquait de rendre la démarche impossible, il finit par aller aborder l'un de ces porteurs de flûtes. Il se disait qu'au pire, celui-ci l'enverrait promener : ce ne serait pas agréable mais il avait vu pire. Et puis, peut-être qu'un sourire avenant, des salutations respectueuses et une demande polie d'entretien éviteraient cela...

[Galathée]

La créature parut surprise mais ne se montra en rien hostile. Elle observa plutôt l'elfe avec circonspection, les sourcils froncés sous son imposante chevelure.
" Quelle est votre question, fils d'Urthemiel ?" demanda le satyre d'une voix profonde.

[Taliesin]

Taliesin le remercia pour le temps qu'il acceptait de lui consacrer puis choisit soigneusement ses mots.
-D'avance, je vous prie d'accepter mes excuses si cette question est offensante ou déplacée : soyez assuré qu'il n'y a derrière celle-ci aucune malice ou mauvaise intention, seulement la maladresse et la méconnaissance d'un étranger à votre monde... Mais donc... Voilà. J'aurais voulu savoir de quelle manière sont considérés les demi-faunes, en Féérie. Les demi-faunes dans les veines desquels coule du sang elfique.

[Galathée]

Le satyre souffla doucement par les narines et plissa la bouche avant de répondre.
" De telles créatures n'existent pas en Féérie. Il m'est donc très difficile d'avoir une réponse satisfaisante à votre question. Un sang-mêlé viendrait fatalement de votre monde, et en cela, serait considéré comme tel : un étranger en nos terres. Ni craint, ni révéré, mais... étranger."

[Taliesin]

Dame Perce-Neige avait donc menti. Mais la bonne nouvelle, c'est que la situation ici était moins pire que sur Helonna.
-Pensez-vous qu'un demi-faune aurait une chance d'être adopté au sein d'un groupe ?
Bon, autant tout lui expliquer.
-J'en ai un à ma garde : il se nomme Titus et est encore très jeune. La personne qui veillait sur lui jusque-là me l'a confié, en me demandant de le conduire auprès des siens. Mais elle ignorait que son sang était mêlé et que, par conséquent... Il ne serait pas très bien accueilli par les faunes de notre monde. Je suis bien sûr prêt à l'accueillir chez moi, où il grandirait aux côtés de mes autres enfants. Toutefois, au regard de la promesse que j'ai faite, et parce que je tiens à trouver pour lui la meilleure solution... Je me dois d'explorer toutes les pistes possibles.

[Galathée]

Le faune parut surpris.
" Est-ce ainsi que vous fonctionnez dans votre monde ? Vous prendriez sous votre aile le premier enfant venu sous prétexte qu'il est elfe ?" s'étonna la créature.
Elle regarda par-dessus l'épaule du barde, vers les enfants.
" Nous autres, faunes, ne nous lions pas aussi aisément. Cet enfant sera toujours différent et ne pourra jamais être pleinement des nôtres, même s'il trouvait un mentor ou une famille. C'est une question d'essence. Elle est beaucoup plus... puissante en ce monde que dans le vôtre, je le crains. Et je ne peux pas dire s'il sera plus heureux ici que chez vous, je n'ai jamais vu de créature pareille, comment pourrais-je en juger ?"

[Taliesin]

-Il sera toujours différent dans notre monde aussi. Mais il n'y aura pas cette question d'essence, c'est certain.
Il espérait tout de même que Titus parviendrait à se faire une place, peu importe l'endroit, et qu'il y serait heureux.
-Seriez vous d'accord pour lui parler ? Ou connaitriez-vous, au Festival, l'un des vôtres qui serait prêt à le faire ? Je ne parle pas de le prendre sous son aile, juste de discuter, de lui en dire un peu plus sur les faunes, leur culture... Je pense que cela lui ferait du bien d'en apprendre davantage sur cette partie de son ascendance. Et il ne le pourra malheureusement pas aisément dans notre monde.
Il marqua une pause avant d'ajouter :
-En ce qui me concerne, la race n'a guère d'importance : ce qui compte pour moi, c'est le caractère, la personnalité... Mais sur l'île d'où nous venons, du moins sur certaines parties de cette île, les questions raciales sont primordiales, les gens se mélangent très peu à cause des conflits passés et... la différence fait peur, entraînant souvent le rejet.

[Galathée]

" Je peux parler à l'enfant mais... que voulez-vous que je lui dise ? Nos rites ? Notre mode de vie ? S'il a vécu avec vous ces derniers temps, tout cela va lui paraître complètement... barbare, à mon avis. Nous sommes des esprits des bois, pas des... elfes ou des humains. Notre culture est beaucoup plus différente de la vôtre que vous l'imaginez."
Il eut alors un sourire.
" Mais amenez-le moi, vous avez raison. Il retournera ensuite vers vous sans plus jamais regarder en arrière. Ce qui est sans doute un mieux."

[Taliesin]

-Peut-être sera-t-il troublé, oui. Mais je lui apprendrai à ne pas juger. C'est ce que j'essaie d'apprendre à tous mes enfants : respecter l'autre quel qu'il soit, aussi différent soit-il.
Il sourit.
-Et dans tous les cas... Merci beaucoup. Vraiment.
Ne restait plus qu'à aller trouver Titus... et à lui expliquer.

[Galathée]

Titus écouta Taliesin avec attention puis, après lui avoir fait promettre de ne pas le quitter des yeux, à aucune minute, il se dirigea vers le satyre, à moitié rassuré. La créature tenta pourtant, Taliesin en fut convaincu, d'adoucir ses traits rudes pour ne pas le traumatiser. S'en suivit une courte conversation. Le demi-faune ne disait pratiquement rien, se contentant de hocher la tête ou de répondre par une mono-syllabe ou une autre, tandis que son vis-à-vis parlait, en esquissant de temps à autre un geste.
" Pourquoi il parle avec Titus, ce monstre ? demanda Marius, en escaladant à demi le barde.
— C'est pas un monstre, c'est un faune.
— Un faune ? Alors là... Titus c'est pas un faune, alors, c'est sûr. Il deviendra jamais comme ça quand il sera grand."

[Taliesin]

Il hésita. Dans l'absolu, c'était à l'enfant et non à lui de révéler ce qu'il était en réalité. Mais compte tenu de son caractère, de son côté peu bavard, de sa timidité... Ce serait sans doute très éprouvant pour lui.
-Titus est un demi-faune : il a aussi du sang elfique dans les veines. C'est ce qui rend sa situation si délicate car, dans la Lorien et sa région, ni les elfes ni les faunes ne l'accueilleront à bras ouverts. Je trouve cela horrible, je pense qu'on devrait se ficher de la pureté de son sang et l'accepter pour ce qu'il est au fond de lui mais... C'est ainsi.

[Galathée]

" Moi aussi, dit Marius.
— Tu ne crois pas que c'est... parce qu'au delà du sang, c'est une question de nature ? demanda Baptiste. Je ne le cautionne pas, hein... mais on voit bien que la différence, elle n'est pas que cosmétique. Un chat ne sera jamais un chien, même si tu lui apprends à s'asseoir à ton ordre."
Titus acquiesçait désormais, et il finit par s'incliner poliment devant le satyre, avant de revenir en trottinant vers les autres.

[Taliesin]

-C'est certain qu'il y a des différences de nature. Mais les êtres intelligents sont tout de même beaucoup plus adaptables que les animaux, et je suis convaincu que si on laissait davantage de place à la bienveillance, à la compréhension mutuelle... Beaucoup de choses seraient possibles.
Il réprima un soupir.
-Je vais aller le remercier puis je vous rejoins.

[Galathée]

Le faune le regarda approcher puis secoua doucement la tête.
" Je suis désolé, je vous avais prévenu. Je crois que nos manières... l'ont légèrement rebuté. Je pense qu'il a côtoyé des êtres de votre genre depuis trop longtemps... Il pourrait sans doute finir par s'adapter à nos moeurs, mais ce serait dans la douleur. Nous sommes un peu plus... primitifs, je suppose, que les civilisations elfe et humaine."

[Taliesin]

-La civilisation n'est souvent qu'un vernis très mince qu'un rien peut craqueler. Et il aurait été dommage que vous vous soyez montré à lui autrement que comme ce que vous êtes réellement.
Il lui sourit, chaleureux.
-Je vous suis reconnaissant de lui avoir consacré un peu de votre temps. Et si Titus ne l'est pas déjà, il le sera lorsqu'il aura pris un peu de recul : je suis certain que cette rencontre comptera, pour lui. Alors, en notre nom à tous les deux, je vous remercie.

[Galathée]

" Vous ne devez pas me remercier, je n'ai pas fait grand chose. Bon courage à vous... C'est noble de votre part de vous être chargé de cette mission."
Puis le satyre retourna à sa propre visite et Taliesin fut rejoint par les enfants. Titus avait attrapé la seconde main de Baptiste et semblait défier quiconque de la lui arracher. Le malheureux gamin avait donc les deux mains prises et il regarda Taliesin avec un feint désespoir.
" Allez, on repart !" proposa Victor, qui n'était pas du genre à s'apesantir sur un épisode qui n'avait manifestement pas tourné exactement comme prévu.

[Taliesin]

Mais le barde n'avait nourri aucun espoir particulier quant à cette démarche, et il était déjà content qu'elle ait pu aboutir.
Il en rediscuterait plus tard avec Titus, et tenterait de lui faire rencontrer d'autres faunes si daventure il le souhaitait. Mais, dans l'imédiat, ils étaient partis pour une petite chasse aux objets magiques. Ce faisant, il observerait Lola avec attention : s'il remarquait qu'elle s'intéressait particulièrement à quelque chose, et si c'était dans leurs moyens, il lui en ferait cadeau.
Elle l'avait bien mérité, après tous les services qu'elle leur avait rendus.

[Galathée]

Il y avait toutes sortes d'objets, partout. Des vêtements, des bijoux, des armes, des instruments de musique, des bougies, des miroirs, des outils de toutes sortes, des cordes, des harnachements pour animaux divers, des bottes, des plumes, des livres et des carnets, des outres, de la vaisselle, des tableaux de toutes tailles, des chapeaux, des meubles, des fioles, des lampes, des casseroles, des jouets. Il y avait tant et tant de choses qu'il était difficile d'y poser le regard, et aucun des enfants ne semblait savoir ce qu'il cherchait, hormis Victor, bien décidé à se trouver une épée plus digne que la vieille chose rouillée que trimbalait l'elfe. Lola, elle, ne semblait s'intéresser à rien : dans sa vague robe informe, elle était heureuse de suivre Baptiste.

[Taliesin]

Heureusement, leurs ressources limitées diminuaient considérablement le choix des possibles : il faudrait se contenter de petites choses. Ainsi Victor aurait-il à se satisfaire d'un couteau, sinon mieux encore d'un jouet aux allures d'épée. Pour Baptiste, une plume ou un encrier seraient sans doute susceptibles de l'intéresser. Pour les autres, il ne savait pas, mais il était certain que leur attention finirait par se focaliser sur un objet ou un autre.

[Galathée]

Lola s'anima soudain, alors qu'ils passaient devant l'échoppe d'un peintre à l'allure vaguement féline, qui peignait en utilisant sa propre queue, qu'il trempait dans des pots multicolores.
Elle se tourna vers Baptiste.
" Puisque tu vas partir bientôt, j'aimerais un portrait de toi.
— Un...
— Oui. Regarde ! C'est le Chat qui peint. S'il te plait !
— Heu..."
Victor, de son côté, s'était arrêté devant une échoppe qui vendait des flèches. Titus avait abandonné la main de Baptiste pour récupérer celle de Taliesin. Marius, lui, paraissait embarrassé par quelque chose, à moins qu'il n'ait un besoin pressant.

[Taliesin]

Il s'approcha de Lola et se pencha pour lui souffler à l'oreille :
-Tu veux bien aller voir si Marius a besoin de quelque chose ? Pendant ce temps, je garderai un œil sur Victor et je veillerai à ce que Baptiste se laisse tirer le portrait.

[Galathée]

" Oui ! Merciii !"
Lola fila vers Marius, tandis que Baptiste s'approchait vivement de Taliesin.
" Est-ce que c'est pas dangereux ? Je veux dire... tu ne crois pas que ce sont des peintures magiques ? Que je vais me retrouver... sans âme ? Ou bien à moitié coincé ici... ou je ne sais quoi ?"
De son côté, Victor avait sorti une flèche unique du présentoir, fine et de couleur blanche, empennée de blanc également.

[Taliesin]

-Je suis convaincu qu'il n'y a pas le moindre danger : Lola t'aime beaucoup, elle ne te ferait jamais courir le moindre risque. Mais si ça te rassure, je peux poser la question au peintre.
Il lui s ourit.
-Allez, fais pas cette tête : elle a bien mérité ce petit cadeau, non ?

[Galathée]

" Ouais... T'as de la chance qu'elle n'a pas demandé une mèche de tes cheveux, on verrait ce que tu dis."
Pendant ce temps-là, Lola, Marius et Victor discutaient l'achat de la flèche avec le vendeur, un homme mi-oiseau, mi-arbre. Le chat peintre regarda approcher le barde et l'enfant. A la question du barde, son regard se fit mutin.
" Les peintures sont magiques, votre fils n'a pas tort. Mais elles ne lui causeront aucun mal... Simplement, le décor de la peinture changera en fonction de l'environnement qui vous entoure. Cela permettra à votre aimée de savoir toujours où vous vous trouvez. Cela ne pose de problèmes que si vous comptez lui être... infidèle."

[Taliesin]

Le barde sourit : il n'y aurait pas de problème de ce côté-là, leur relation n'étant pas vraiment de ce type. Et puis, à sa connaissance, ils ne s'étaient rien promis...
-C'est une intéressante propriété. Au point que je me demande si je ne vais pas vous demander de peindre également mon autre fils, pour que je puisse savoir où il est...
Il se tourna vers Baptiste.
-Allez, en piste ! Ce n'est pas tous les jours qu'on a la chance d'être croqué par un artiste !