[Lieu] La Vallée Fertile

[Galathée]

" Très bien, merci. Les dernières heures ont été... assez intéressantes. Mais l'orage est passé, désormais. Un gros bouleversement dans la Toile. Nous verrons ce qu'il nous amène."
Il revint au barde.
" Et ne t'inquiète pas, Taliesin. Tu es un gamin. Tu y retourneras, immanquablement."

[Taliesin]

-Un gamin qui se sent parfois très vieux.
Il haussa les épaules.
-Mais je plaisantais. J'aurais aimé passer davantage de temps en Féérie, c'est vrai, mais je ne suis pas non plus mécontent de rentrer. Je suis loin d'avoir tout vu d'Helonna, sans compter que mes proches sont ici.

[Galathée]

" Philosophe, c'est bien."
Le vieil elfe se tut et l'observa un moment, sans rien dire. Ses yeux clairs, vifs, le détaillèrent de haut en bas, puis de bas en haut.
" Voilà une épée... des plus intéressantes. Elle était en Féérie, alors ? Ça fait sens, je suppose. Est-ce que ça veut dire... que tu as accepté quelque chose ? Quelque chose d'imprévu ?"

[Taliesin]

Il hésita.
-Oui, dit-il finalement. Je ne sais si je suis autorisé à vous en dire davantage mais... Oui, j'ai accepté quelque chose d'imprévu. Et je ne le regrette pas, même si c'est à la fois déstabilisant et intimidant.

[Galathée]

" Et c'est bien naturel, le contraire serait inquiétant. Mais tu ne dois pas m'en parler davantage. Sache juste que... je détiens le fourreau de cette arme. Je te le ferai parvenir. Sache aussi qu'elle va peu à peu révéler sa vraie nature, pour autant que tu t'en montres digne. Elle risque alors d'attirer un peu plus l'attention... Personne ne la reconnaîtra hors Lorien, mais il est de nombreux elfes, dans la forêt, qui l'identifieront."
Il sourit.
" C'est un bon choix. Je ne l'aurais jamais imaginé, mais... je dois reconnaître que c'est un bon choix."

[Taliesin]

Il fronça les sourcils puis rit.
-Y a-t-il quelque chose que vous ignorez, maître Wilmarin ?
Il se fit plus sérieux, tout en conservant son sourire.
-Non, mais j'aurais dû m'attendre à ce que vous la reconnaissiez. Et tout ce que je peux espérer, c'est être à la hauteur de ce choix. D'où... le côté intimidant de la chose.

[Galathée]

" Tu seras à la hauteur, Taliesin. Si l'épée est venue à toi, c'est qu'elle l'a senti. Le potentiel. L'énergie. J'ai pensé, un temps, te proposer de rester avec moi. Tu aurais refusé, je sais, mais... j'ai senti ce potentiel. Je me suis dit : en voilà un à qui je pourrais transmettre quelque chose... quelque chose d'utile... et dont il ferait bon usage."
Il pinça les lèvres.
" Tu as beaucoup erré, ces derniers temps, et cela se sent. Tu as fait des choix, respectables, et qui sont moins étranges que tu le penses peut-être. En mon temps, j'ai été père, moi aussi, mais c'était dans une autre vie. Mais tu restes un elfe du soleil, un être qui a en lui des possibilités immenses... L'épée l'a senti. C'est une bonne chose. Elle te permettra d'être plus pleinement toi. Si ça sonne farfelu aujourd'hui... Cela aura du sens, tôt ou tard."

[Taliesin]

-Tout cela me dépasse un peu, je dois bien l'avouer, mais je me fie entièrement à vos paroles. Et je vous sais gré de la proposition à laquelle vous avez songé : je n'aurais pu l'accepter dans l'état actuel des choses, bien sûr, mais elle ne m'aurait pas laissé insensible, loin de là...
Il se fit pensif.
-Je serai assurément amené à revenir dans cette région dans les années à venir : j'essaierai d'en profiter pour venir vous rendre visite. Et si d'aventure je trouve des objets qui doivent rester entre de bonnes mains, je ne manquerai pas de vous les confier.

[Galathée]

" Voilà qui est sage." dit le vieil elfe avec un sourire.
Il jeta un coup d'oeil à l'amas de rochers derrière eux, sur lequel se tenait, perché, le bouc blanc.
" Je vois que tu n'es pas rentré seul de Féérie. Je ne le connais pas, celui-là. Tu vois, je ne sais pas tout."
Il revint au barde.
" Je pense que je serai ici, si tu me cherches. Au moins pendant le siècle prochain. Je ferai des allers-retours avec le bosquet, mais jamais pour très longtemps."

[Taliesin]

-Très bien. Et sachez qu'en cas de besoin, Amrod aura mon adresse.
Il jeta à son tour un regard au bouc, revint à Wilmarin.
-Comme je ne sais pas si nous nous recroiserons avant mon départ de la Vallée, je tiens à vous remercier pour votre aide. Et pour avoir accepté d'ouvrir votre chênaie aux enfants. Je sais que ce n'était pas rien.

[Galathée]

" Ce n'était pas rien, non. Mais j'étais un peu encroûté, je suppose. Quand on a mon âge, on oublie parfois qu'on a encore toute la vie devant soi."
Il rit doucement.
" Je te remercie pour ce grand nettoyage. La poussière n'est pas bonne pour les elfes."
Il tendit une main amicale à Taliesin et serra la sienne.
" Nous nous reverrons. Immanquablement. Ton destin est lié à la Lorien, désormais, que tu le veuilles ou non."
Son sourire s'élargit.
" Ah, j'en aurais tant à te dire sur cette lame... mais ce n'est pas mon rôle, et donc, sagement, je n'en dirai rien. Que ta voie soit verte et dorée, mon ami. Et celle des tiens."

[Taliesin]

-Merci. Je vous souhatie pour ma part une bonne installation à Champsdor, une cohabitation agréable avec ses habitants et de belles découvertes.
Il recula d'un pas.
-A bientôt. Sans faute.

[Galathée]

" Passe mon bonjour à Urthemiel." ajouta le sage, avant de lui décocher un clin d'oeil, de s'incliner, et de repartir vers les bois.
Le bouc blanc le regarda s'éloigner en agitant les oreilles puis reposa son regard noir de jais sur le barde. Il ne leur restait plus qu'à redescendre vers Champsdor et se mettre en route pour Vauxgrisants.

[Taliesin]

Il faillit adresser la parole au bouc mais, se souvenant de sa conversation avec Titus, il préféra ne rien en faire et reprit donc tranquillement la direction de la demeure d'Amrod. Il entendait y faire une brève halte, pour laisser la possibilité à ceux qui le souhaiteraient de l'accompagner, puis il repartirait pour le village où vivait Mona : il n'aurait pas trop de la journée pour faire l'aller-retour et échanger avec leur ancienne et bienveillante hôtesse.

[Galathée]

Il descendait le chemin vers la ville, depuis quelques minutes seulement, lorsqu'une voix résonna dans son crâne.
Qui es-tu ?
Il n'y avait personne aux alentours, hormis le bouc, qui se trouvait sur sa gauche, les yeux noirs fixés sur lui.

[Taliesin]

Eh bien, il ne s'était pas attendu à ce que le dialogue débute si tot...
-Je me nomme Taliesin et je suis barde de profession, répondit-il à voix haute - ne sachant pas si une pensée suffirait à être entendu.
Ne sachant pas trop, non plus, quoi dire d'autre.

[Galathée]

Mais la discussion s'arrêta là. Le bouc l'observa encore une seconde, puis reprit sa route bondissante vers la petite ville et se glissa dans la rue non loin du barde. Il l'accompagna tout au long du chemin, sans plus lui adresser de pensées, et, comme la fois précédente, il n'entra pas dans le domaine d'Amrod. Taliesin y découvrit, rapidement, qu'on l'attendait de pied ferme. Les quatre enfants, escortés par Cordélia, jouaient sur la pelouse devant le bâtiment.
" Voilà la fine équipe. Vu le taux de... nervosité ambiant... Je pense qu'ils bénéficieront tous de la petite trotte vers Vauxgrisants. J'imagine que vous logerez là-bas ? C'est un peu loin pour faire l'aller retour dans la journée..."

[Taliesin]

-Oh, cela reste faisable. Mais s'ils viennent tous les quatre, dormir sur place sera plus simple effectivement. Et si d'aventure Mona ne peut pas nous loger, ce dont je doute fort, il y a de quoi camper dans nos bagages, là-bas.
Il se rappela subitement quelque chose.
-Oh, et je vais laisser mon pourpoint à Amrod. Chose promise, chose due, comme on dit.

[Galathée]

" Je vais t'en trouver un en remplacement." dit Cordélia en filant vers l'intérieur.
Victor regarda l'elfe de travers.
" Tu vas donner ton pourpoint féérique à... Amrod ? C'est une blague ?
— Je peux lui donner le mien, si tu veux, proposa Titus. Mais ce ne sera pas sa taille.
— C'est juste un prêt, dit Baptiste, ne vous en faites pas.
— J'espère bien, parce que je veux voir la tête de Galathée quand on va arriver tous les cinq dans nos supers costumes, sur le chemin de la ferme !"

[Taliesin]

-J'étais prêt à lui l'offrir, vu tous les services qu'il nous a rendus, notamment pour l'expédition qui nous a permis de libérer Cordélia. Mais il a refusé et c'est donc juste un prêt, oui : il veut voir comment il est fabriqué.
Il se tourna vers Titus.
-Il n'acceptera pas davantage que tu lui offres le tien : et c'est vrai que ce serait dommage de t'en séparer, car il te va bien. Après, libre à toi de le lui prêter pour qu'il en étudie le tissage, si tu le souhaites.

[Galathée]

Cordélia avait reparu, avec un pourpoint vert et doré d'excellente facture... pour un pourpoint du plan matériel, et ils procédèrent à l'échange. Il allait bien à Taliesin et lui donnait un petit air elfique qui fit rire Victor. Titus faillit lui remettre sa propre tunique, mais elle lui dit que cela n'était pas nécessaire et le faune garda son vêtement. La jeune femme promit de prendre grand soin du trésor féérique, puis leur souhaita une bonne randonnée.
Ils purent ensuite quitter le domaine d'Amrod. Le bouc blanc reparut aussitôt et cala son pas sur les leurs. Il demeura cependant silencieux tandis qu'ils traversaient les rues tranquilles de Champsdor. Ils furent bientôt aux portes, puis au champ de tentes, enfin dans la campagne... Il ne leur restait plus qu' traverser les plaines, puis les champs, jusqu'à Vaux-Grisants.

[Taliesin]

Puisqu'ils dormiraient au village, il n'y avait aucune raison de presser le pas : c'était donc une promenade tranquille qui les attendait. D'autant plus tranquille qu'ici, il n'était pas nécessaire de rester sur ses gardes, de guetter un quelconque danger. Non, elle serait au contraire propice aux pensées vagabondes et aux observations d'un paysage en changement, avec la lente mais sans doute flagrante reconquête des lieux par une nature jusqu'alors tenue à l'écart.

[Galathée]

Les insectes et les oiseaux n'avaient pas tardé à revenir, comme ils s'en rendirent compte rapidement. Victor et Marius marchaient en tête, Titus musardait à l'écart, non loin du bouc qui avait manifestement décidé de conserver cette apparence. Seul Baptiste restait à proximité de Taliesin. Il avait la mine de quelqu'un qui réfléchit et qui va bientôt dire quelque chose, mais qui ne sait pas encore très bien comment le formuler, parce que c'est embarrassant ou qu'il craint un refus, ou qu'il veut être sûr d'être bien compris. Il lui fallut un certain temps pour se décider. En réalité, il lui fallut tout le temps qu'ils prirent pour traverser la zone de pâturages, car il ne prit la parole qu'au moment où ils atteignirent les premiers champs de légumes.
" Dis, hum, Taliesin... tu es barde, n'est-ce pas ?"
C'était une sacrée entrée en matière, on ne pouvait pas le nier...

[Taliesin]

Il fut d'ailleurs à deux doigts de le taquiner à ce propos. Mais il n'en fit rien.
[color=#FFFFF66]-Eh bien, même si je ne me produis plus beaucoup dans des auberges ces temps-ci... Oui, je suis et je reste barde.[/color]
Il lui sourit, encourageant.
-Pourquoi cette question ?

[Galathée]

" Est-ce que les bardes, heu... hum... Est-ce qu'ils prennent... ombrage... de la concurrence... Je veux dire.. Imaginons que je sois barde, et j'ai un projet et puis j'apprends que quelqu'un d'autre... par exemple, c'est juste un exemple, hein... a justement le même projet. Est-ce que c'est... grave ? Je veux dire, le barde il est... Même si l'autre barde... c'est même pas un barde... et il est pas doué, bien sûr... pas aussi doué... mais il a choisi... quand même... de chanter la même chanson... Tu vois ? Enfin... Est-ce que le barde, le premier barde, il est... en colère ?"
Tout en parlant, Baptiste regardait ailleurs, vers Titus et le bouc, sauf qu'on ne les voyait plus à cause des plants de maïs. Et que de toute façon, ce n'était pas certain qu'il les regardait vraiment.

[Taliesin]

Taliesin fut tenté de lui demander d'être plus précis mais opta finalement pour une réponse également d'ordre général.
-Cela dépend un peu du caractère du barde. Mais je pense qu'il aurait tort de se mettre en colère pour cela. Après tout, il y a bien des façons de traiter le même sujet, et une chanson donnée peut être interprétée de bien des manières.

[Galathée]

" Est-ce que tu seras fâché si j'écris ce qui nous est arrivé en Féérie ? Je sais que tu le ferais sûrement mieux que moi et que toi c'est ton métier, et moi pas, et d'ailleurs je ne veux pas devenir barde, pas du tout, j'ai même pas une bonne voix, contrairement à Victor, et je me doute que tu voudras raconter tout ça à Galathée, et puis je sais bien que Féérie, ça t'a transcendé, sûrement plus que moi, et il y a des choses et des endroits que je n'ai pas vus et donc c'est sûr que tu es mieux placé, en plus tu es plus doué aussi et... oui, tu as raison, c'était stupide. Pardon d'avoir... eu cette idée. C'est mieux que tu le fasses, c'est clair."

[Taliesin]

-Baptiste ? Je n'ai jamais dit une chose pareille.
Il n'en revenai tpas que le gosse soit à ce point hésitant, embarrassé.
-Si tu as envie d'écrire ce qui nous est arrivé en Féérie, fais-le sans la moindre hésitation : cela ne me dérange pas du tout, c'est même plutôt le contraire et tu peux donc compter sur tout mon soutien.
Il sourit.
-Et arrête de dire que tu n'es pas doué, de te tracasser à propos du résultat... Sinon, je serai obligé de fouiller dans mes archives pour voir si je retrouve certaines des choses que j'ai gribouillées à ton âge. Hum, d'ailleurs, ce serait sans doute une bonne idée que je le fasse, parce qu'après avoir lu ça, tu serais sacrément rasséréné quant à tes capacités...

[Galathée]

" Ça, je ne crois pas." dit Baptiste.
Il soupira.
" Je n'ai pas beaucoup d'imagination. A part pour imaginer des horreurs. Mais pour une fois, là... Je me suis dit que c'était quelque chose qui s'était réellement passé... que c'était important qu'on écrive avant d'oublier. On oublie tant de choses. J'ai pris beaucoup de notes, déjà. J'ai fait des dessins. Mais ça ne suffira pas. Il y a toujours quelque chose qui va disparaître. L'émotion. Ça c'est le boulot des bardes, évidemment."
Il baissa les yeux sur l'épée.
" Mais maintenant que tu as trouvé... cette épée... tu vas toujours être barde ?"

[Taliesin]

Il plissa le front, soudain songeur.
-Je suis encore barde aujourd'hui, bien que je ne me livre plus guère aux activités bardiques. J'imagine donc que je ne cesserai jamais de l'être, même avec cette épée : il m'arrivera toujours de jouer de la musique, de chanter des chanson, de raconter des histoires, de récolter des légendes... Mais sans doute ne serai-je plus uniquement barde. Je n'en sais encore trop rien, à vrai dire.