[Quête] A travers la vallée...

[Taliesin]

-Merci beaucoup.
Découvrir les lieux, veiller à l'installation de chacun, voilà qui les conduirait probablement jusqu'à l'heure du repas.
La rédaction de la lettre - ou des lettres - aurait sans doute lieu ensuite. La remettre au lendemain matin lui semblait en effet trop risqué, même si le relai de poste se trouvait globalement sur leur trajet.

[Galathée]

La chambre des enfants disposait de deux lits superposés, simples mais propres, d'une fenêtre donnant sur l'arrière et la rivière tumultueuse, d'une table sur laquelle trônait l'habituel bassin d'ablutions, et d'un feu ouvert éteint — bien normal en cette saison. Victor et Marius se perchèrent dans les hauteurs, Baptiste et Titus prirent les lits inférieurs, sans protester. A l'étage supérieur, la chambre de Taliesin était tout aussi simple, mais le lit lui parut confortable et l'exiguïté des lieux avait quelque chose de charmant, le ramenant peut-être à des pérégrinations de jeunesse.
Ils redescendirent manger et Marius s'extasia sur tout ce que Gérard de Berge — car c'était bien lui, immanquablement — avait pu découvrir en ces lieux. Il mangea l'anguille avec appétit, tandis que les autres enfants optèrent pour des choses plus traditionnelles. Titus resta sous sa couverture jusqu'à ce que son plat soit déposé devant lui, et il la baissa alors au niveau de ses épaules, contraint d'exhiber ses cornes à la serveuse. La jeune fille ne broncha pas. Baptiste resta silencieux pendant tout le repas, manifestement toujours déçu que leur voyage en coche ait été annulé. Victor, lui, était de sa bonne humeur habituelle.

[Taliesin]

Taliesin pouvait comprendre sa déception, mais se disait que le gosse devait quand même réaliser qu'ils n'avaient pas vraiment le choix, sauf à perdre une journée ici, ce qui aurait considérablement réduit le gain de temps représenté par le recours à un coche...
Quoi qu'il en soit, après le repas, il annonça à ses fils qu'ils enverraient leur lettre à Galathée le lendemain matin : il leur suggéra donc, s'il le souhaitaient, de lui rédiger une bafouille avant l'histoire traditionnelle. De son côté, il discuterait avec Titus de ce qui s'était passé plus tôt dans la journée, pour tenter de le réconforter, de dédramatiser...

[Galathée]

Victor s'appliqua sur son parchemin, rédigeant un ramassis d'aventures sans aucune structure, avant de terminer par de gentilles paroles et une promesse de tout raconter dès qu'il serait de retour. Baptiste écrivit de son côté mais demanda expressément au barde de ne pas lire sa lettre, qui n'était destinée qu'à Galathée. Marius en profita pour aller explorer l'auberge, à la recherche de traces de Gérard de Berge. Titus n'avait pas envie de parler avec Taliesin mais il l'écouta docilement, en acquiesçant et en ébauchant des monosyllabes.

[Taliesin]

Mais le barde n'était pas du genre à imposer sa verve à autrui.
Il se contenta donc de lui dire que, malheureusement, il croiserait d'autres gens comme ceux qui s'étaient moqués de lui, aujourd'hui. Mais qu'heureusement, il en croiserait tout autant, sinon plus, qui le respecteraient - comme la serveuse de ce soir. Puis il le laissa tranquille.
Il allait attendre que tout le monde soit prêt pour l'aventure quotidienne de Gérard de Berge. Lorsqu'il en aurait terminé, il leur souhaiterait bonne nuit, leur recommanderait de fermer à clef derrière lui puis regagnerait sa propre chambre.

[Galathée]

Les choses se déroulèrent comme prévu : les enfants s'installèrent pour écouter l'aventure du soir, puis ils s'installèrent pour dormir, fatigués de leur journée sur la route. Baptiste ferma consciencieusement la clé derrière Taliesin, lorsque ce dernier regagna le couloir. Il put ainsi rallier sa chambre, au milieu des mille et un bruits feutrés d'une auberge ordinaire, cadre dans lequel il n'avait plus dormi depuis longtemps. Il lui restait à écrire sa propre lettre, à — peut-être — rendre visite à Urthemiel puis à profiter de la nuit.

[Taliesin]

Taliesin aurait facilement pu écrire des pages et des pages à son épouse. En vérité, c'est ce qu'il aurait fait, spontanément. Néanmoins, pour lui épargner une interminable lecture, il se contraignit à être relativement bref.
Il lui expliqua que le séjour dans la Vallée Fertile avait été moins paisible que prévu, que le mal s'y terrait et qu'après maintes péripéties, ils étaient parvenus à en venir à bout. Il l'assura, aussi, que tout le monde allait bien et qu'ils étaient désormais sur le chemin du retour. Enfin, pour qu'elle ne soit pas prise au dépourvu, il lui parla de Titus et de Marius, expliquant qu'il n'avait pas chercher à en arriver là mais que, compte tenu des événements, cela lui avait semblé être la chose à faire.
Sa lettre terminé, il la réunit à celles des garçons, cacheta l'enveloppe et y inscrivit l'adresse de la ferme.
Une bonne chose de faite.
Ne lui restait plus qu'à rendre l'épée à la pierre...

[Galathée]

Urthemiel l'accueillit dans sa nuit éternelle. Le prince était content des progrès que le barde faisait à l'épée, Taliesin le savait. Cette fois, il le fit asseoir directement dans la rotonde.
" Nous ne pouvons pas progresser en magie tant que tu n'as pas de grimoire, lui dit le Prince, mais nous allons aborder le Chant de Lame, qui servira de base à ton style de combat. C'est une magie elfique ancienne, qui va te rendre plus rapide, plus agile et favoriser ta concentration. Quand on se bat au corps à corps, tout en espérant lancer un sortilège, cette adresse surnaturelle est indispensable. Cependant, le Chant de Lame ne dure pas longtemps et n'est utilisable que deux fois avant d'avoir besoin de repos. Cela signifie que, si tu te retrouves dans des situations de combat constant, comme en guerre... Tu devras te souvenir que tu es avant tout un magicien, et seulement ensuite, un porteur de lame. Il faudra réserver la mêlée aux moments opportuns."

[Taliesin]

Le Chant de Lame, répéta-t-il en son for intérieur tout en acquiesçant.
Le nom laissait espérer que sa formation de barde pourrait lui servir, lui faciliter l'apprentissage de cette technique. Peut-être se leurrait-il mais, dans l'immédiat, il trouvait cela encourageant. Quant aux effets du chant, ils semblaient plus que prometteurs. A n'utiliser qu'à bon escient, qu'en cas d'urgence, évidemment. Mais prometteurs malgré tout. Et susceptibles de changer la donne en bien des situations...
Sans doute cette technique aurait-elle déjà pu le faire, par le passé, s'il l'avait maîtrisée.
Il en voyait donc l'utilité. Et, il devait bien l'avouer, avait hâte de la découvrir.

[Galathée]

Urthemiel fit disparaître la rotonde et ils se retrouvèrent au coeur d'un bosquet ancien, au pied d'une petite cascade frissonnante. Il faisait nuit et la lune, bien sûr, présidait à leur conciliabule. Les arbres formaient un rempart de troncs tordus, couverts de mousse, de racines tortueuses, noirs et verts, antiques, entremêlés avec des rochers aux formes fantasmagoriques, dans un univers où le végétal et le minéral semblaient s'être perdus l'un dans l'autre. Il y avait à peine l'espace de se tenir debout et certainement pas celui de se battre.
Le prince se pencha sur la petite cascade et prit de l'eau entre ses paumes translucides. Il prononça quelques mots à mi-voix, les yeux clos, puis leva les mains au-dessus de Taliesin et les ouvrit, lui versant l'eau glaciale sur la tête. Le barde la sentit ruisseler sur son visage, ses joues, puis sa gorge, descendre à l'intérieur de ses vêtements, toujours aussi vive, toujours aussi froide, sur sa poitrine, le long de son épine dorsale, jusqu'à mouiller son giron, ses jambes et regagner le sol.
" Moi, Urthemiel de Vanimbreth, te désigne comme héritier de la tradition des Chantelames, et en appelle aux Anciens Maîtres, pour qu'ils te confèrent, en cette nuit, le pouvoir et la connaissance, le Chant de la Lame, de la Toile à tes Mains."
Taliesin eut la sensation que quelque chose s'électrisait le long du passage de l'eau sur son corps, comme autant de veinules imbues d'une puissance inconnue.
" Tu es nôtre, ton essence entend le chant, il est tien. Nous sommes un, la tradition perdure, ce qui est sera préservé."
Il posa ses deux mains glacées sur les épaules du barde.
" A présent, bois."

[Taliesin]

heureusement que le prince était là pour lui donner des consignes : sinon, il n'aurait su que faire.
Il s'était attendu à un nouvel entraînement, non... à une cérémonie. Simple, certes ; mais cette simplicité, alliée aux lieux, à l'atmosphère, aux paroles prononcées, ne la rendait que plus solennelle.
Et il se prit soudain à douter.
La lame avait-elle fait le bon choix ? Était-il vraiment le mieux placé pour être l'héritier d'une tradition qui lui était étrangère, à lui qui en avait portée une autre, celle de la Cité Idéale où toutes les races avaient cohabité dans la concorde ? A lui qui vivait parmi les humains, s'était lié à eux, avait adopté leurs pratiques ?
Au-delà d'être un elfe de soleil et non de lune, il comprenait pourquoi Wilmarin avait jugé ce choix surprenant.
Mais puisqu'il ne l'avait pas scandalisé, puisque le prince lui faisait confiance, puisque la lame avait décidé...
Sans doute étaient-ils bien meilleurs juges que lui.
Alors, après une hésitation marquée, il but.

[Galathée]

Le froid de l'eau devint énergie pure à l'intérieur de lui. Il sentit que, loin de rester dans sa gorge, dans son ventre, elle se diffusait partout en lui, dans chacune de ses fibres. Puis le froid devint feu, puis il s'éteignit, et ils étaient de retour sur leur champ de bataille environné de brume.
Urthemiel s'était écarté de quelques pas, le sourire aux lèvres. Il demeura silencieux un moment puis se retourna.
" Te voici imbu de notre premier pouvoir. En profiter est aisé, il te viendra naturellement. C'est le faire à bon escient, et l'exploiter au mieux qui est difficile. En l'invoquant, il te fera plus rapide, plus agile, plus résistant, de quoi surprendre l'adversaire qui pensait venir à bout aisément d'un magicien vulnérable, lui asséner un coup de lame meurtrier ou une déflagration d'énergie mortelle. Malheureusement, en contrepartie, tu noteras que tes chants de barde sont désormais moins efficaces. C'est la rançon du changement."
Il revint vers le barde.
" Je vais invoquer un adversaire, une ombre à mes ordres, pour te combattre. Ne crains pas de la blesser, c'est son rôle. A l'heure actuelle, ton chant ne peut pas encore te permettre de grandes prouesses magiques, mais essaie déjà de ressentir, simplement, le changement que cela crée en toi, pour tes réflexes, ta perception, ta résilience. Et si tu y arrives, enchaîne avec un des petits sorts à ta disposition, pourquoi pas ?"
Il recula, écarta les mains, et la silhouette indistincte et sombre d'un combattant elfe, armé d'un bouclier et d'une épée, se matérialisa et se mit en garde.
" Rappelle-toi, tu n'as que deux essais."

[Taliesin]

Taliesin n'aurait rien eu contre faire une pause. Afin de souffler. Afin, surtout, d'intérioriser ce qui venait de se passer. Car, mine de rien, cela l'avait ébranlé.
Mais puisque le prince en avait décidé autrement, et puisqu'il se voyait mal le contredire, il entreprit d'obtempérer.
Combattre, attendre le moment opportun pour recourir au chant, se concentrer sur ce qu'il éprouvait alors mais, aussi, s'efforcer de placer un trait de feu...
Pas simple.
Toutefois, l'envie de découvrir son nouveau pouvoir était forte. Sans compter qu'il avait envie de bien faire.

[Galathée]

HRP : tu ne dois pas hésiter à te lancer un peu et à t'approprier la métamorphose, hein

Le premier essai ne se passa pas exactement comme prévu : Taliesin parut pris au dépourvu par l'énergie qui l'envahit brusquement et Urthemiel interposa sa lame entre l'ombre et le barde comme celui-ci perdait l'équilibre, emporté par son élan subit. D'un geste, le Prince fit disparaître son invocation. Il dévisagea Taliesin, l'expression chagrine.
" J'ai présumé de tes forces, mes excuses. Veux-tu rentrer chez toi ou préfères-tu rester un moment ? Nous avons encore bien d'autres nuits à notre disposition et il est probable que tu doives, un rien, t'habituer à ce qui pulse en toi désormais, avant de reprendre l'entraînement."

[Taliesin]

-C'est à moi de vous présenter des excuses, répondit-il, embarrassé. Ce qui s'est passé m'a quelque peu... troublé, je le crains, et il est difficile de se concentrer avec des pensées parasistes en tête.
Il réfléchit quelques instants.
-Je pense effectivement que le mieux serait que je commence par user de ce chant en dehors des situations de combat, pour... me familiariser avec les changements qui l'accompagnent, apprendre à les maîtriser, à bouger en en tenant compte...

[Galathée]

" Tu n'as pas à t'excuser. Mon enthousiasme me rend parfois un peu... insensible à ton bouleversement. C'était la suite logique des choses, pour moi, pas une révolution de ma trajectoire. Je ne peux pas imaginer ce que cela modifie chez toi."
Il sourit, le champ de bataille s'estompa, et ils revinrent à la rotonde.
" Mais tu as raison, habitue-toi au Chant sans combattre, pour commencer. Sache qu'il n'est pas nécessaire de te reposer toute une nuit pour pouvoir en récupérer l'usage : une sieste suffit, un moment de repos raisonnable. Tu le sentiras en toi, de manière innée. Pour le reste, tu ne dois jamais hésiter à me poser des questions, si quelque chose te taraude. Sur des aspects techniques, ou sur la voie en tant que telle. Je suis loin d'être un érudit et j'ignore nombre de choses, mais je ferai de mon mieux pour t'apporter des réponses."

[Taliesin]

-Merci.
Il hésita puis décida de se lancer.
-Pour être honnête, tout à l'heure, je me suis fait l'impression d'être une manière d'usurpateur. La cité dont je suis natif et dont on m'a jadis chargé de perpétuer le souvenir et de retrouver les survivants était fondamentalement multiraciale. Par ailleurs, j'ai toujours eu des liens étroits avec les humains : mes parents adoptifs l'étaient, mon épouse l'est, comme nos deux fils adoptifs, et les jumeaux que nous avons eu ensemble sont, forcément, mi-elfes, mi-hommes. Alors, recevoir l'initiation d'une tradition à ce point elfique... Je me suis demandé si j'étais rellement la bonne personne pour cela.

[Galathée]

" Ah, dit Urthemiel. Hum."
Il eut un sourire un peu emprunté.
" Je ne suis effectivement peut-être pas le bon interlocuteur pour ce type de conversation."
Son expression se fit plus douce.
" Je ne sais pas répondre à cette question. La tradition de Chantelame et l'épée sont deux choses distinctes. En général, on peut être Chantelame et ne jamais porter ce type d'épée... de la même manière que ces épées peuvent être portées par n'importe qui s'en montre digne, sans avoir besoin qu'il soit Chantelame... Mais celle-ci... a toujours été maniée par un adepte de la tradition. Si elle t'a appelé... c'est, je pense, qu'elle estime que tu es un elfe à part entière, digne de la tradition, quel que soit ton lien avec les... les autres peuples. Ton temps... et le mien... ne sont pas les mêmes. Tu n'es pas d'ici, de surcroît. L'épée est en mouvement, comme le monde, et elle s'adapte à ce qu'était un elfe, hier, et ce qu'est un elfe, aujourd'hui. Sans doute espère-t-elle un nouveau départ, une nouvelle chance, sur une voie moins... condamnée."

[Taliesin]

-Les situations varient beaucoup en fonction des lieux... Ce qui n'est plus possible sur Helonna l'est encore ailleurs, tandis qu'il y a des endroits où cela s'est passé très différemment...
Il secoua la tête.
-Si je suis passé outre mes réticences, tout à l'heure, c'est justement parce que le choix émane de l'épée : je me dis qu'elle sait ce qu'elle veut. Par ailleurs, elle ne m'appartient pas, et je peux me rassurer en me disant que si, malgré mes efforts, elle me juge indigne d'elle, elle ira trouver quelqu'un d'autre. Non que j'aie envie qu'elle parte, mais... Au moins, je ne pourrai l'accaparer si je devais finalement me révéler inapte à la tâche qu'elle poursuit.

[Galathée]

" C'est certain. Il faudra être vigilant, cependant. Les Lames Lunes rejettent les indignes avec violence. Mais je pense que tu sentiras si tu es prêt ou pas. Elle ne te tendra pas de piège."
Il sourit doucement.
" Elle est très puissante. Chacun de ses porteurs l'a gratifiée d'un pouvoir particulier. Si elle te revient jamais, tu ne seras pas déçu. Et si tu te lies à elle... Tes descendants seront en première ligne pour la réclamer ensuite."

[Taliesin]

Il acquiesça sans rien dire.
Cet héritage risquait d'être problématique, car sans doute fallait-il être un elfe pour manier la lame. Et si d'aventure les demi-elfes pouvaient s'en servir, cela le mettrait mal à l'aise que, d'emblée, certains de ses enfants soient écartés uniquement en raison de leur race.
Mais cela, il ne pourrait rien y changer. Par ailleurs, la lame ne serait pas tout ce qu'il laisserait : il espérait qu'il y en aurait pour chacun d'entre eux - et il ne songeait pas uniquement aux aspects matériels. Et puis... il s'agissait là d'une perspective très lointaine.
Enfin, d'un point de vue humain.
-De toute façon, ce qui m'importe en premier lieu, c'est d'être digne de la confiance qu'on me témoigne et à la hauteur des tâches que l'on me confie... reprit-il, sincère.

[Galathée]

" C'est la meilleure attitude." répondit le Prince, sobrement.
La nuit était avancée désormais et sans doute était-il temps pour le barde de rentrer chez lui. La conversation avait posé un voile de mélancolie sur les lieux, Urthemiel paraissait un peu distant, sa silhouette moins tangible d'ordinaire.
" Travaille bien. Profite de chaque instant disponible pour t'entraîner." dit-il cependant, avant que Taliesin ne rentre chez lui.

[Taliesin]

-Comptez sur moi. dit-il avant de partir.
Une fois de retour dans la chambre, il se sentit seul. Seul et... troublé.
Il ne savait pas s'il avait bien fait d'être franc, craignait d'avoir déçu le prince tant par son échec que par ses aveux. D'un autre côté, il était le fruit de multiples événements donc beaucoup lui étaient complètement étrangers : il avait fait des choix, oui, mais un certain nombre lui avaient été imposés, ce depuis son plus jeune âge. Pouvait-îl, dès lors, se reprocher lui-même ou laisser quiconque lui reprocher ce qu'il était devenu par la force des choses ?
Sans doute que non.
Préoccupé, il eut bien du mal à entrer en rêverie. Il s'y efforça pourtant : il avait besoin de se reposer.

[Galathée]

Il fut arraché à sa Rêverie par des coups secs frappés à la porte, qui interrompirent des scènes tranquilles, estivales et sylvestres, d'un temps ancien dont il n'avait pas de souvenirs conscients.
" Taliesin ! Je peux entrer ?"
La porte s'ouvrit comme il émergeait, sur Baptiste, qui reprit sans un bonjour.
" Titus est parti pendant la nuit. J'avais laissé la clé dans la serrure et... il est plus là."
Il faisait jour, déjà, sans doute depuis plus d'une heure. La petite ville paraissait encore très silencieuse.

[Taliesin]

Le barde ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes.
Qu'est-ce qu'avaient donc ces gosses, à se carapater tous ainsi ? Une fugue par voyage, cela ne suffisait-il pas ?
Il prit une profonde inspiration.
-Merci de m'avoir prévenu. Avec un peu de chance, il est simplement dans la salle commune.
Déjà, il se levait. Déjà, il s'habillait.
Le tout sans croire un mot de ce qu'il venait de dire.
Non, Titus s'était fait la malle et il était probablement déjà loin. Peut-être pour retrouver Ainhoa, peut-être pour aller se perdre dans un lieu écarté où personne ne lui jetterait des cailloux ou ne se moquerait de lui. Mais, dans tous les cas, il savait comment ça allait se terminer : il allait devoir annuler son trajet avec le convoi, puis passer la ville au peigne fin, puis se lancer sur les éventuelles pistes qu'il aurait repérées, puis probablement arracher le petit faune aux griffes d'exploiteurs d'une sorte ou d'une autre...
Mais bon sang, qu'est ce que ces foutus mioches avait dans le crâne ?
Il s'efforça de museler sa colère mais ne s'en dit pas moins que sa prochaine expédition, il la ferait seul. Absolument seul. Et que s'il repérait un marmot à l'horizon au cours de celle-ci, il se téléporterait instantanément.
Sans doute connaitrait-il le sort adéquat, d'ici là...

[Galathée]

" Non, il y est pas, dit Baptiste avec une grimace. Victor est déjà allé voir. Et Marius a fait le tour de l'auberge, de la cave au grenier."
Il le précéda dans les escaliers.
" Est-ce que tu n'as pas un sortilège pour le trouver ? Ou alors tu invoques un chien avec un odorat très fin ? On a sa couverture..."

[Taliesin]

-On peut faire ça, oui...
Il s'efforça de réfléchir posément. Pas évident.
-J'ai un travail pour toi, si tu es d'accord pour t'en charger : rends-toi au comptoir et préviens nos amis que Titus s'est enfui et que nous risquons donc de ne pas pouvoir partir avec eux. Si nous ne sommes pas là à l'heure dite, demande-leur simplement de laisser Minuit et nos bagages sur place, nous viendrons les récupérer plus tard.
Lui-même convoquerait un chien céleste et se lancerait sur la piste du petit faune. Victor et Marius auraient pour consigne de demeurer ici.

[Galathée]

Marius et Victor attendaient dans la salle commune et Baptiste s'élança dehors pour rejoindre le comptoir. Le tenancier de l'auberge, qui mettait les tables pour le petit déjeuner, les regarda, interdit.
" Est-ce que ça va ? Vous avez l'air... dans tous vos états."

[Taliesin]

Il choisit d'être franc.
-Titus, le demi-faune dont j'ai la garde, s'est enfui. Hier, sur la route, des gosses lui ont dit des méchancetés et lui ont même lancé des pierres, avant que ces deux-là ne volent à son secours. Je pense que ça l'a profondément affecté et que, du coup... Il a préféré repartir dans des lieux plus sauvages. Sauf qu'il risque d'être à nouveau capturé par des gens mal intentionnés.
Il soupira.
-Donc voilà, nous nous lançons à sa recherche. Peut-être que je devrais informer aussi les autorités, d'ailleurs...

[Galathée]

" Les locaux de la garde sont près du service de la poste, dit l'aubergiste. Mais je peux vous prêter Molly. C'est ma chienne. Elle a un excellent flair, si vous avez quelque chose qui lui a appartenu..."
Marius leva un morceau de laine vert foncé.
" On a la couverture ! s'exclama-t-il.
— Bougez pas."
L'aubergiste disparut dans son arrière salle et reparut une minute plus tard, accompagné d'un animal hirsute, noir et joyeux, qui bondit en jappant autour des garçons. C'était une chienne de belle taille.
" Voilà. Molly, du calme !"