[Lieu] La Traversée de la Lorien

[Galathée]

Mathieu eut un sourire malicieux mais n'ajouta rien.
" Bien. L'objet en question est une dague cérémonielle. Elle n'est pas difficile à reconnaître, mais voici un dessin."
Il déplia un morceau de parchemin, représentant l'arme en question. Elle était manifestement elfique, la lame courbe, la garde gravée de dessins végétaux.
" Elle n'a aucun pouvoir particulier...
— Mais elle a du style." intervint Mathieu.
L'elfe lui jeta un petit regard acéré.
" Sans doute. Elle est détenue par un négociant en métaux précieux du nom de Jarvis Tegrenn. Il loge à la Table des Elfes, l'hostellerie qui se trouve à l'entrée de Portail."

[Voyageuse]

Astrée avait la tête pleine de questions. Si cette dague n'avait aucun pouvoir particulier, pourquoi tenaient-ils tant à la récupérer ? Pourquoi les y envoyer, eux ? Bon, sans doute parce qu'on se méfierait moins.
" Je suppose qu'il s'agit d'un objet vraiment important pour votre peuple, pour que vous envisagiez de le voler", dit-elle doucement, espérant qu'ils lui en disent un peu plus.
Voler la mettait mal à l'aise, mais bon, s'il s'agissait de restituer un objet déjà volé, ce n'était sans doute pas si grave...
" Et... j'imagine que les autorités ont été alertées mais n'ont pas le temps ou le pouvoir de s'en occuper pour vous ?"
Ses remarques à demi-interrogatives risquaient de ne pas être du goût de ses interlocuteurs, mais elle avait besoin de se rassurer sur le fait que ce vol était une chose juste et indispensable, avant de se lancer tête baissée dans une histoire louche.

[Galathée]

Les deux elfes s'entreregardèrent, puis se levèrent.
" Vous le faites ou vous ne le faites pas, dit le plus âgé. L'Ecureuil lève l'ancre à l'aube. Les nuits sont courtes en été."
Puis, sans autre forme de procès, ils sortirent par la porte arrière, laissant Mathieu et Astrée en tête à tête. Dès que la porte se fut refermée, le premier laissa éclater son hilarité.
" Vous êtes mignonne" dit-il, sans se départir de sa voix modifiée.

[Voyageuse]

" Vous, non", répliqua-t-elle sèchement.
Cette situation ne lui plaisait pas du tout. Devoir voler cet objet... peut-être était-ce justifié, peut-être pas. Elle n'aimait pas ça. Et peu importait que ce Mathieu se fiche ouvertement d'elle : elle n'aimait pas les tricheurs et n'avait pas franchement envie de faire équipe avec lui.
Elle ferma les yeux un instant. Voulait-elle à tout prix avoir une place à bord de la barge ? Non.
" Et je pense que... ce n'est pas une bonne idée.", fit-elle calmement en secouant la tête.

[Galathée]

L'expression de son interlocuteur s'adoucit.
" Alors ne vous en mêlez pas. Rien ne vous y oblige. Vous n'étiez pas pressée, souvenez-vous. L'arbre finira par disparaître. Vous pouvez aussi faire le tour par Anarion."
Il eut un léger sourire.
" Il y a en ce monde des gens sages et des gens moins sages. C'est ce qui fait la diversité chère à votre coeur, souvenez-vous."

[Voyageuse]

" C'est vrai. Mais dans votre cas..."
Elle soupira.
" Je crois que ce n'est pas une bonne idée de jouer la comédie comme vous le faite si bien. S'ils découvrent la vérité, ils seront furieux, et à juste titre. Non seulement vous aurez des ennuis... mais vous en attirerez peut-être aussi à d'autres."

[Galathée]

" Ne vous en faites pas pour moi. Je calcule mes risques et j'estime que le jeu en vaut la chandelle. J'ai mes entrées chez Tymora."
Il sourit.
" Et je ne mets personne en danger : vous allez rester à terre, et nos deux compagnons vont chercher la licorne rose invisible encore longtemps, croyez-moi."
Il se leva.
" Mais je vais m'y mettre, si vous le voulez bien. Je n'ai pas l'intention de rater le bateau."
Il parut songeur une seconde.
" Si vous voulez, je le vole pour nous deux, ce truc... mais j'imagine que ça n'étouffe qu'une flamme sur les dix de vos scrupules..."

[Voyageuse]

Astrée grimaça intérieurement. C'était presque tentant. Elle avait vraiment très envie d'embarquer sur cette barge.
" Je me demande si je ne devrais pas accepter, juste pour veiller à ce que votre petite comédie n'ait pas de conséquences fâcheuses, Mathieu."
Elle soupira. S'il était découvert, elle serait considérée comme sa complice. Le capitaine n'aimait pas les humains... ils le paieraient cher.
" Je vais y réfléchir..."
C'était une mauvaise idée.

[Galathée]

" C'est... Mathilde, pas Mathieu. Essayez de le retenir." dit-il en ouvrant la porte.
Il lui décocha un clin d'oeil.
" Rendez-vous au bas du pont, côté Portail, juste avant l'aube. Si vous n'y êtes pas... je ne pourrai pas vous attendre. Et comme je sais que vous allez vous triturer la cervelle toute la nuit en essayant de peser le pour et le contre... Je vous souhaite bon voyage, si je ne vous revois pas."
Il fronça les sourcils, qu'il avait joliment dessinés.
" Vous êtes sûre que vous n'êtes pas paladin, dans le fond du fond ?"
Sans attendre la réponse, il disparut dans le couloir, balançant le postérieur de manière tout à fait convaincante.

[Voyageuse]

Astrée lui jeta un regard noir, et poussa un soupir. Il avait parfaitement raison : elle allait passer une partie de la soirée à se demander pourquoi elle avait refusé cette mission qui était sans doute tout à fait justifiée. Et une autre partie à se demander si elle devait l'accompagner. Cette barge lui plaisait, et l'elfe aux cheveux blancs était intrigant. Mais tenir tout un voyage en jouant la comédie... et en craignant les conséquences... Était-ce bien sage ?
Bon, mais elle réfléchirait mieux l'estomac plein. Elle se dirigea à son tour vers la porte.

[Galathée]

La table qu'elle avait occupée en terrasse était désormais prise, mais la serveuse, devenue plus affable, lui en trouva une autre. Prince semblait résigné à son immobilité et la disparition du soleil aidait à ce qu'il se tienne tranquille. L'air était encore chaud et les moustiques, joyeux habitants de la rivière, étaient nombreux à danser autour des tables, en dépit des bougies censées les repousser.
Le poulet s'avéra tout à fait savoureux. Portail était désormais plongé dans l'ombre, piqueté des lueurs des lanternes et des fenêtres. Les conversations allaient bon train aux tables du Diable-en-Feu. C'était une magnifique soirée estivale, propice à la langueur...

[Voyageuse]

Astrée n'était pas vraiment d'humeur à profiter de la soirée : les hésitations et tergiversations qui envahissaient son esprit l'empêchaient de savourer la quiétude du moment. Elle regrettait un peu de n'avoir pas accepté, même si elle n'avait aucun talent pour le vol : la cause semblait juste. Elle se demandait s'il était sage de prendre cette barge avec Mathieu comme compagnon de traversée. S'il était sage de le laisser y aller seul, aussi. Ce qu'il risquait si on le découvrait, et ce qu'elle risquait, elle. Il lui semblait que cette comédie pouvait l'entraîner trop loin, si Beshaba s'en mêlait, et que, de mensonge en mensonge, il risquait de s'enfoncer dans les ennuis. Au fond, c'était son problème. Mais... d'un autre côté, elle avait réellement envie de faire ce trajet en barge. Alors pourquoi ne pas y aller ? C'était une occasion unique, tout de même.

Elle décida qu'elle camperait de l'autre côté du pont, un peu à distance des barges, en espérant qu'on ne lui interdirait pas. Et puis, elle serait sûre d'être au rendez-vous. Mais auparavant, sur une impulsion, elle se décida à aller faire un tour du côté de la Table des Elfes. Par curiosité. Il était peu probable qu'elle aperçoive Mathieu, mais savait-on jamais... Et Prince serait sûrement soulagé de se dégourdir les jambes.

[Galathée]

Prince l'accueillit d'un doux soufflement, mais ne se montra pas très enjoué sous la selle : il faisait nuit, l'heure où il dormait, et il somnola tandis que la jeune femme le menait vers l'ouest de Portail. La Table des Elfes était un bâtiment imposant, illuminé, mais doté d'une imposante haie protectrice, qui empêchait d'en voir les jardins. L'entrée était surveillée par deux hommes en livrée, sans doute davantage des serviteurs que des gardes, mais il était impossible d'aller y fureter l'air de rien. Si Astrée voulait y entrer, il faudrait qu'elle le fasse par la grande porte et avec aplomb.

[Voyageuse]

Astrée s'amusa à imaginer ce que ferait Mathieu pour parvenir à ses fins. Il entrerait en demandant une chambre, puis demanderait, l'air de rien, à rencontrer le négociant en métaux précieux. Il prétendrait chercher un objet quelconque, s'arrangerait pour voir la collection, repérer la dague. La suite était plus confuse. Voler une dague ainsi n'était pas évident. Peut-être allait-il proposer plutôt de l'acheter. Ou s'il était vraiment doué, la subtiliser et la remplacer par une autre similaire qu'il aurait pris soin de dénicher auparavant...
Mais quel que soit le scénario, sa présence à elle n'était d'aucune utilité. A la limite, elle aurait pu attendre non loin avec Prince pour l'aider à fuir, mais c'était à peu près tout ce qu'elle pouvait faire. Le reste n'était pas vraiment dans ses cordes : elle risquait plus de le faire échouer qu'autre chose, si elle se décidait à s'approcher.
Malgré sa curiosité qui la poussait à aller vérifier s'il était déjà à l'intérieur, elle préféra renoncer. Sentant le manque d'enthousiasme de Prince, elle décida de mettre pied à terre pour traverser tranquillement la ville dans l'autre sens, en direction du pont sur la rivière.

HRP : Je pars dans 2h en vacances, retour dans 5-6 jours... Merci pour les posts du jour et à bientôt !

[Galathée]

HRP : bonnes vacances !

Prince somnolait derrière elle, posant un sabot devant l'autre en renâclant doucement, comme s'il rêvait. Elle atteignit les limites de la petite bourgade, toujours en effervescence malgré l'heure tardive, puis la rivière, enfin le pont. Les deux barges elfes de la rive opposée étaient plongées dans les ténèbres, ce qui ne signifiait pas forcément que leurs occupants dormaient : ils n'avaient point besoin de lumière pour se repérer dans l'obscurité. Il lui fut aisé de partir vers l'amont du cours d'eau pour s'écarter des bateaux, même s'il ne semblait y avoir aucune sentinelle. De l'autre côté, autour de la route, elle devinait la lueur de cent de feux de camp qui trahissaient la présence de voyageurs qui, comme elle, devaient se contenter du ciel étoilé comme seul toit. Le temps demeurait au beau fixe, cependant, et loin de la rivière, ils seraient moins enquiquinés par les insectes qu'elle ne le serait elle-même...
Il y avait de nombreux arbres, aulnes, bouleaux et saules, et choisir l'ombre de l'un ou l'autre n'était qu'une question de goût. Ensuite elle pourrait camper... en veillant à ne pas manquer son rendez-vous... si telle était son intention, du moins.

[Voyageuse]

La marche paisible à travers la ville avait permis à Astrée de faire le tri dans ses idées embrouillées.
Elle avait été idiote de refuser cette mission : sur le principe, elle n'était pas opposée à ce vol, en réalité. Mais la présence de Mathieu, sa comédie exubérante, son arrogance, la perspective de voyager avec lui, l'avaient fortement agacée. Malgré son envie de voyager sur cette barge, elle savait pertinemment qu'embarquer avec lui était une mauvaise idée : elle ne voulait pas être mêlée à son mensonge. Alors, bien sûr, elle pouvait toujours se trouver des raisons d'embarquer, en prétendant -y compris à elle-même- qu'elle veillerait ainsi à ce que sa comédie ne déclenche pas de catastrophe. Ça n'en demeurait pas moins une bêtise. La sagesse aurait voulu qu'elle renonce et cherche une autre solution.

Elle franchit le pont et s'éloigna un peu à l'opposé des barges, mais pas beaucoup. Elle avait décidé de s'installer en vue du pont pour être sûre de ne pas manquer Mathieu, suffisamment loin pour ne pas attirer l'attention, et au pied d'un bouquet d'arbre où Prince pourrait se transformer avant l'aube. Elle prit le temps de le caresser longuement, le remerciant de sa patience, lui demandant pardon pour l'attente et les multiples transformations. Puis elle s'enroula dans sa couverture avec un soupir, après avoir pris le temps de s'enduire d'un onguent plus ou moins efficace contre les insectes. Et elle fixa un moment les étoiles, songeuse.

En vérité, elle se moquait que Mathieu se fasse passer pour une femme : s'il était découvert, il en subirait les conséquences, c'était son problème. Non, ce qui l'horripilait, c'était qu'il ait choisi précisément la même barge qu'elle. Elle serait contrainte d'être sa complice, ce qui signifiait trahir la confiance des elfes qui les convoyaient - même s'il était sûrement illusoire de parler de confiance pour un voyage de quelques jours dans ces conditions.
Elle détestait cette situation, elle n'aimait pas mentir, pas sans raison valable. Et pourtant elle irait.... Parce que c'était cette barge qu'elle voulait, et pas une autre. L'elfe aux cheveux blancs l'intriguait, elle avait envie de faire sa connaissance.

Elle sourit aux étoiles. En somme, elle était sur le point de s'embarquer dans une comédie foireuse qui s'annonçait potentiellement catastrophique, tout ça pour rencontrer un elfe un peu étrange. Décidément, Mathieu avait raison : il y avait en ce monde des gens sages et des gens moins sages. Et elle faisait clairement partie des seconds, ce soir. Sohel se moquerait certainement d'elle s'il l'apprenait. Mais tant pis.
Il ne lui restait plus qu'à adresser une prière à Tymora en lui demandant d'accorder son appui à Mathieu pour cette nuit.... Puis à dormir un peu. Pas trop longtemps : elle comptait se réveiller bien avant l'aube pour être sûre de ne pas manquer son retour. Elle regrettait subitement de n'avoir pas eu le cran d'entrer dans la grande bâtisse pour l'aider : au moins elle aurait été fixée sur l'avancée des opérations.

[Galathée]

Ce fut Prince qui la réveilla, soufflant des naseaux dans son cou, un air chaud, qui chatouille, et elle eut tout juste le temps de voir une silhouette s'immobiliser sur le pont. Le ciel était gris sombre mais il faisait déjà plus clair qu'au coeur de la nuit. Il aurait cependant fallu un regard d'elfe pour percer davantage les ténèbres et deviner de qui il s'agissait. Astrée était du mauvais côté du pont par rapport au rendez-vous fixé, aussi devrait-elle se manifester si elle pensait avoir à faire à son désagréable compagnon de route, sans quoi il risquait d'estimer qu'elle avait laissé tomber...

[Voyageuse]

Astrée se redressa en étirant ses muscles, remercia Prince d'une caresse et roula rapidement sa couverture pour la fourrer dans son sac. Bien sûr, ce pouvait être quelqu'un d'autre, mais quelqu'un d'autre aurait traversé sans marquer de temps d'arrêt. Enfin... pas forcément. Mais il fallait qu'elle sache, de toute façon. Et puis, l'heure du rendez-vous approchait, et elle devait l'attendre de l'autre côté.
Elle prit son sac, et suggéra à Prince d'aller se dissimuler derrière les arbres pour se transformer en ce qu'il souhaitait. Elle tenta de lui faire comprendre qu'ils allaient monter sur une barge et qu'il n'y serait pas du tout à son aise sous forme de cheval.
Le laissant sous le couvert des arbres, elle s'approcha du pont.

[Galathée]

" Ah vous êtes là, dit Mathieu (ou plutôt Mathilde), en descendant à sa rencontre. C'était de l'autre côté que vous étiez censée m'attendre. Si vous m'attendiez."
Il atteignit la rive. L'obscurité ne permettait pas de discerner ses traits.
" Alors, qu'est-ce que vous avez décidé ? Vous embarquez ou pas ?"

[Voyageuse]

" J'embarque", répondit-elle simplement.
Elle plissa les yeux, cherchant à distinguer son visage.
" Je suis désolée de vous avoir laissé vous débrouiller seul, lâcha-t-elle subitement. Mais je pense que j'aurais tout fait foirer. Est-ce que.... ça s'est bien passé ?"
Après tout, c'était gentil de sa part de lui proposer d'embarquer aussi. Elle pouvait au moins s'excuser.

[Galathée]

" Pour l'heure, oui. Si nous ne filons pas rapidement, ce sera moins clair. J'ai comme l'impression que notre capitaine n'en est pas à sa première tentative pour récupérer ce machin, et même s'il n'y a eu aucun elfe étrange dans l'auberge, cette nuit, il sera sans nul doute le premier suspect. Alors je vous propose qu'on se dépêche de monter à bord."
Il jeta un coup d'oeil derrière elle.
" Vous leur avez dit que vous aviez un cheval ?"
Prince n'était pas sorti du couvert des arbres, mais sans doute Mathieu n'imaginait-il pas qu'elle ait pu vendre un aussi bel animal.

[Voyageuse]

Ils n'accepteraient pas un cheval à bord, elle en était quasiment certaine. Et Prince n'y serait pas à son aise et se trahirait.
Elle secoua donc la tête.
" Je ne pense pas qu'ils auraient pris un cheval à bord, et il y serait malheureux. Mais ne vous en faites pas pour lui, il trouvera son chemin," fit-elle d'un ton tranquille.
Qu'il imagine ce qu'il voulait. Les chevaux n'étaient pas interdits en Lorien, après tout.
" Et vous avez raison, allons-y rapidement", conclut-elle en raffermissant son sac sur son épaule.
Elle rappela à Prince de les suivre, abeille ou écureuil comme il le souhaitait.

[Galathée]

" Formidable, ce lien entre certaines bestioles et leurs propriétaires." remarqua Mathieu tout en prenant le chemin de la barge, d'un ton badin.
Il ne paraissait pas vraiment s'intéresser à ce mystère, en réalité. Prince, lui, s'était fait abeille et installé dans les cheveux d'Astrée, bien caché.
" Ils nous attendaient." ajouta-t-il.
Effectivement, une lampe diffusant une lueur verte venait de s'allumer sur le pont de l'Ecureuil. La passerelle surplombait la rivière et, sur le navire, le capitaine les attendait.
" Passez devant, proposa Mathieu. Je ne voudrais pas qu'ils se dédient. J'ai tout le respect du monde pour les elfes... mais je me méfie de certains."

[Voyageuse]

Et en quoi le fait qu'elle passe devant pourrait bien les empêcher de se dédire ? Astrée haussa les épaules, et obtempéra. Elle lui aurait pourtant volontiers laissé mener la discussion : il était certainement bien plus doué qu'elle dans ce domaine.
Elle s'approcha de la passerelle avec circonspection, observant la réaction du capitaine. Il détestait les humains... autant qu'un centaure de sa connaissance ? Bah, elle avait l'habitude, après tout.
" Bonjour, fit-elle simplement. Peut-on monter à bord ?"
Il pouvait y avoir des oreilles indiscrètes sur la barge voisine, et mieux valait ne rien trahir. Elle lui laissait l'initiative de choisir ce qu'il était possible de mentionner.

[Galathée]

Il la regarda sans répondre.
" J'ai votre dague, si c'est la question." ajouta Mathilde.
Le capitaine recula d'un pas, ce qui fut le seul signe d'une éventuelle invitation.
" Je pense que ça veut dire oui en elfique hostile. Allez-y, maintenant."

[Voyageuse]

Mathieu -ou plutôt Mathilde, il fallait qu'elle s'y fasse- était un imbécile. Parler ouvertement de la dague au lieu d'utiliser une expression plus neutre, et se montrer presque insolent en mentionnant son hostilité, comme s'il n'entendait pas... Il allait provoquer l'ire du capitaine.
Réprimant un soupir, elle s'avança calmement sur la passerelle, avec un regard de remerciement en direction de l'elfe.

[Galathée]

Le capitaine la laissa monter, ainsi que sa compagne. Deux autres silhouettes étaient sorties de l'ombre : celles des deux elfes qui les avaient envoyés en mission plus tôt. Mathilde s'immobilisa devant le capitaine puis posa son sac sur le sol, l'ouvrit et en sortit un objet empaqueté de toile. Le capitaine ne l'ouvrit pas, se contentant de le prendre des deux mains. Il le soupesa, parut en deviner les contours sous le lin sombre, puis releva l'oeil. Le plus âgé des deux elfes s'adressa alors à Astrée et Mathilde.
" Asseyez-vous là. Nous appareillons."
Il leur désigna un banc qui courait tout le long du bastingage, jusqu'à la proue.

[Voyageuse]

"Merci..."
Astrée sentit le soulagement l'envahir, et se dirigea vers le banc. Ils n'avaient pas précisé où elles devaient s'asseoir, aussi décida-t-elle de s'avancer le plus possible vers la proue. Elle voulait être en position de voir le maximum de choses, d'admirer la Lorien dans laquelle ils allaient pénétrer, d'observer la rivière, tout ce qui s'offrirait à leurs yeux. Ils appareillaient.... Elle avait un peu de mal à y croire, encore.
Elle posa son sac à ses pieds, s'assit sagement et observa les manœuvres. Il y avait une éternité qu'elle n'avait pas mis les pieds sur un bateau.

[Galathée]

Mais elle n'eut pas le loisir de voir grand chose car la lumière verte s'éteignit. Mathilde était venue s'installer juste à côté d'elle mais ne tenta pas d'engager la conversation. Il faisait extrêmement sombre, seules les étoiles se reflétaient sur l'eau noire de la Sylvestre, qu'Astrée entendait gronder contre les flancs de la barge. Elle devina le mouvement des elfes sur le pont, entendit le glissement du bois lorsqu'on remonta la passerelle, le grincement des amarres, puis une silhouette passa devant elle et s'arrêta debout à la proue.
Des mots s'élevèrent, chuchotés, dans une langue inconnue, et une brise se leva, glaciale, chargeant l'air estival de cristaux argentés, pendant trois battements de coeur, pas davantage.
La barge s'ébranla sans heurts, s'éloigna de la rive pour gagner le centre de la rivière et fila soudain à contrecourant, vers la forêt, qui ne formait pour l'heure qu'une masse obscure sur un horizon encore gris.

[Voyageuse]

Astrée ouvrit de grands yeux admiratifs, mais ne dit rien, se contentant de fixer d'un air songeur la silhouette debout à la proue. L'elfe maîtrisait à la perfection les puissances de l'air et de l'eau, c'était indéniable. Elle lui sourit dans l'obscurité, certaine que de toute façon il ne la voyait pas, concentré sur la surface de la rivière devant lui.
Elle inspira profondément l'air redevenu tiède, et savoura simplement le plaisir de filer au fil de l'eau, faisant abstraction de la présence de sa voisine. L'obscurité encore présente l'empêchait de distinguer clairement les choses, mais elle pouvait écouter, sentir, deviner par tous ses autres sens, et puis l'aube serait bientôt là.