[Commerce] La Taverne de la Bienveillance

[Galathée]

Les musiciens semblaient prêts à tenir la distance et s'ils s'interrompirent un moment, ce fut juste pour aller quémander quelque chose à boire au comptoir avant de reprendre leur récital. La taverne ne désemplissait pas, cependant, et si Amélie voulait mieux entendre la musique, il faudrait qu'elle se rapproche, quitte à s'imposer à une table où il restait de la place. Elle pouvait aussi décider de compléter son repas — plantureux sans être excessif — par un dessert ou une infusion, ce que lui proposa le serveur en la débarrassant.

[Althéa]

A la fin de son repas, Amélie, toute heureuse de constater que les musiciens jouaient toujours et si elle pouvait continuer son repas par une infusion à une table près de la scène. Elle espéra néanmoins ne pas le mettre dans l'embarras comme précédemment.

En même temps, il lui tardait de pouvoir profiter pleinement de la musique.

[Galathée]

HRP : il doit manquer une phrase dans ce post... mais je crois que je comprends ce que tu veux faire

Le serveur lui conseilla de s'installer là où il restait de la place : les gens qui écoutaient de la musique ne se formalisaient pas et elle vit effectivement d'autres personnes venir se glisser sur les chaises disponibles. En fait, les deux rangées de table qui se trouvaient au plus près de l'estrade étaient maintenant occupées exclusivement par des mélomanes, tandis que le reste de la salle continuait à festoyer comme si de rien n'était.
Amélie pouvait donc abandonner Angèle, ou tenter de la convaincre de l'accompagner, et il restait au moins cinq ou six chaises, près d'un jeune homme solitaire, d'un couple d'un certain âge, de quatre adolescents ou presque, de deux femmes qui se ressemblaient assez pour être soeurs...

[Althéa]

Amélie remercia chaleureusement le serveur avant de s'adresser à sa comparse.


"Alors, on se rapproche ? Ici, on entendra rien."

Comme elle ne réagissait pas, elle glissa un petit.

"Surtout que tu deviens un peu sourde avec l'âge, mamie ..."

Satisfaite de la voir relever la tête, elle continua mine de rien.

"Allez, s'il te plaît. ça nous fera du bien de profiter d'un peu de musique. Et ça te sortira un peu de tes soucis."

Angèle écarquilla les yeux.

"Je n'ai pas de soucis.
- A d'autres, je te connais. Tu veux en parler ?
- Tu n'avais pas dit qu'on devait se rapprocher pour entendre de la musique ?"

Amélie faillit regimber mais décida qu'il ne s'agissait ni du bon moment, ni le bon endroit pour une demande d'explication. Alors, elle demanda doucement.


"Alors, les adolescents, le couple âgé, le beau jeune homme tout seul ou les deux soeurs ?
- Hum .. Je suis beaucoup trop vieille pour les adolescents, les beaux jeunes hommes, je n'ai pas envie d'importuner un couple âgé donc ..."

Elles se rapprochèrent donc des deux femmes qui se ressemblaient.

[Galathée]

Les deux femmes levèrent à peine les yeux quand Amélie et Angèle se glissèrent à leur table. Elles semblaient avoir toutes deux dans la vingtaine, et suivaient le récital avec attention, l'une en balançant la tête en rythme, l'autre le pied. Les deux musiciens terminèrent un morceau instrumental dont Amélie connaissait une variation — une gigue féérunienne assez connue, puis entamèrent une complainte sur le thème classique d'un amour contrarié par la guerre. C'était manifestement un air contemporain, car il traitait des récents heurts en Dorrandin, du point de vue d'un jouvenceau hélonnien (c'était le garçon qui chantait, en l'occurrence). Les accords, la mélodie, avaient une tonalité très hélonnienne, eux aussi, car les musiques, suivant les lieux et les régions, avaient bien sûr leurs particularités.

[Althéa]

Amélie n'avait pas tardé à se laisser captiver par la musique, ses doigts rejouant instinctivement les accords de la variation qu'elle connaissait et marquant le rythme du pied. La ballade sur la guerre en Dorrandin l'émut. Contrairement à Angèle, elle ne l'avait pas vécu de plein fouet mais de derrière les lignes. Elle avait été témoin de ses conséquences sur la population, avait assisté au deuil de ceux qui avaient perdu un être cher, des vies brutalement interrompues ... Et cela démultiplié, s'étendant jusqu'en Hélonna. Sentant les larmes lui monter aux yeux, elle se détourna et s'aperçut qu'Angèle s'efforçait aussi de ne pas pleurer.

Elle n'avait rien dit de cette période-là à part qu'elle avait rencontré Chandara. Elle n'avait jamais osé lui poser de questions, respectant son silence. Elle lui adressa un sourire maladroit auquel elle répondit par réflexe, un peu gênée de s'être laissée surprendre.

[Galathée]

L'ambiance ne resta pas à la mélancolie. Après la chanson sur la guerre, les deux musiciens enchaînèrent sur deux nouveaux morceaux musicaux, le premier relativement contemplatif, sans doute pour la transition avec la complainte, puis un second plus enlevé, peut-être une danse, et certains des spectateurs rythmèrent le refrain de grands claquements de main. Ensuite la flûtiste déposa son instrument et ils interprétèrent un hymne à Lathandre, joyeux et un peu irrévérencieux, que plusieurs personnes dans le public connaissaient et murmurèrent avec eux. Suivi une chanson de marin —*Luménis était fière de son port — et une autre sur la chasse aux morts-vivants, un peu grinçante, humoristique et effrayante. Puis vint une pause et les troubadours allèrent se désaltérer sous les applaudissements.

[Althéa]

Et la mélancolie d'Amélie s'effaça comme elle était venue, au gré de la musique. Même si elle ne connaissait en rien les paroles, elle avait tapé dans ses mains au rythme de tous les autres. Elle aimait ces moment où la musique transportait, rapprochait, abolissait le temps et les frontières. Elle se sentait heureuse et de nouveau pleine d'entrain.

Quand les deux musiciens se levèrent pour aller se désaltérer sous les applaudissements du public, elle se leva à son tour et glissa un "Je reviens" à sa comparse de tablée. Puis elle alla jusqu'aux deux musiciens. Elle ne savait pas vraiment quoi leur dire et espérait de tout cœur qu'elle ne les dérangerait pas. Elle attendit qu'ils aient reçu leurs pintes et que leurs autres admirateurs leur aient parlé. Puis elle leur dit simplement.

"Bonjour ... Je voulais juste vous dire que vos chansons ... vos musiques ... Enfin tout était magnifique."

Elle se sentit un peu idiote et à court de mot, d'autant que des musiciens de leur acabit devaient avoir l'habitude de ce genre de déclarations.

[Galathée]

Les musiciens lui sourirent avec chaleur, sans paraître décontenancés par sa déclaration.
" Merci beaucoup. C'est gentil de votre part, dit la femme.
— Nous n'avons pas terminé, ajouta le jeune homme. Est-il un morceau qui pourrait vous faire plaisir ? Si c'est le cas, n'hésitez pas à demander."

[Althéa]

Un morceau qui aurait pu lui faire plaisir ? Elle en connaissait beaucoup. Mais une lui vint naturellement à l'esprit. Une berceuse que ses parents adoptifs lui avaient chanté quand elle était toute petite et qu'elle avait reprise à la première occasion. C'était l'histoire d'un maître-verrier qui avait un jour trouvé une fée prisonnière dans le vitrail qu'il travaillait. C'était un travail qui lui aurait permis de devenir très riche. Mais la fée était tellement triste et belle qu'il en était tombé amoureux. Il avait fini par détruire son grand-oeuvre et s'était marié avec la fée libérée. Elle se souvenait des paroles. "Dans un éclat/Une lueur/Dans l'épaisseur du verre soufflé/Du vitrail d'un prélat/Il entrevit médusé/Les ailes translucides d'une fée ..."

Cette chanson, sans qu'elle ne se l'avoue vraiment était une des raisons pour laquelle elle avait voulu devenir barde. C'est sur les routes de Dorrandin, alors qu'elle était en apprentissage pour devenir maître-verrier qu'elle avait rencontré des bardes. A leur contact, elle avait éprouvé un amour pour la musique. Une plénitude totale lorsqu'elle entendait de jouer et plus tard s'était mise à jouer. Elle-même avait quelque part "brisé son vitrail" pour vivre cet amour-là.

Elle espéra que son choix ne poserait pas de problème et qu'ils ne la prendraient pas pour une éternelle fillette mais elle osa tout de même.

"Hé bien ... Il y a une chanson que j'aime beaucoup. Je l'ai souvent chantée et je suis sure que vous l'interpréterez beaucoup mieux que moi. C'est la "Fée du vitrail."

Elle ne réalisa que trop tard qu'elle avait avoué qu'elle chantait elle aussi et espéra qu'aucun des deux ne le relève.

[Galathée]

Ils ne relevèrent pas : sans doute la plupart des Hélonniens chantaient-ils, à leurs heures perdues, et rien dans les paroles d'Amélie ne laissait entendre qu'il s'agissait d'autre chose que d'une ritournelle murmurée par plaisir...
" Désolé, je ne la connais pas, dit le jeune homme. C'est un morceau de votre terroir ? On entend que vous ne venez pas d'ici, c'est pour ça que je dis ça.
— C'est dorrandin, non ? J'ai l'impression que je l'ai déjà entendue. C'est une variation sur la Fée du Rocher, non ? L'histoire du sculpteur qui dégage une forme qui au final est vivante ?"

[Althéa]

Amélie sourit de nouveau.

"Je connais la Fée du rocher. Et oui ... ce pourrait bien être une variation. A Cojum, là d'où je viens, il y a une forte corporation de sculpteurs de verre. Peut-être ont ils fait varier les paroles avec le temps. Par contre, je ne me souviens plus bien de la fin de la Fée du rocher. Si le sculpteur casse son chef-d’œuvre pour libérer la fée ou s'il la laisse prisonnière "

[Galathée]

" Et bien, ça dépend des versions aussi, répondit la femme avec un sourire. Dans les versions du sud de l'île, généralement, il la libère. Dans les versions de l'ouest jusqu'au nord, il n'en fait rien mais son fils s'en charge... ou sa fille, mais ça, je crois que c'est spécifique à un village de la Vallée du Nirvana. A Lunaros, en revanche, la fée se révèle être en réalité un démon et il y a des variations où elle reste emprisonnée, d'autres où elle est tuée, souvent avec des interventions de paladins très opportunes."

[Althéa]

Amélie n'en croyait pas ses oreilles. Toutes ces versions d'une même chanson. Autant de possibles. Il suffisait de se déplacer un peu si on voulait changer la fin de l'histoire. Décidément, elle avait beaucoup à apprendre et surtout d'autres endroits à visiter, d'autres chansons à recueillir.

"Je ne savais pas qu'il en existait tant ..., dit-elle songeuse, c'est magnifique quand on y pense. Mais je parle, je parle et je ne vous laisse pas récupérer ... Merci énormément pour cette discussion."

[Galathée]

" Avec plaisir, dit la femme. C'est toujours agréable de rencontrer de véritables amateurs de musique."
Le jeune homme la gratifia d'un signe de tête et les deux musiciens retournèrent vers leur petit estrade. Sans doute s'offriraient-ils encore quelques minutes de détente avant de reprendre leur récital. Tout autour d'eux, de l'entrée au fond de la salle, d'un mur à l'autre, les convives bavardaient dans un brouhaha animé mais serein. De temps en temps un éclat de rire dominait le frou-frou, avant de disparaître. De temps en temps, un groupe sortait, mais la table ne restait jamais vide longtemps.
C'était la mi-soirée mais personne n'avait l'air d'avoir envie d'aller dormir. Les soirées estivales à Luménis duraient jusqu'au coucher du soleil... et puis encore un peu plus tard...

[Althéa]

Le bon dîner et la musique avaient totalement rasséréné Amélie contrairement à sa partenaire de table qui piquait du nez à la dérobée. Angèle luttait. En anxieuse invétérée, elle avait très peu dormi lors de son séjour sur l'eau. De retour sur la terre ferme, son corps réclamait les intérêts sur le crédit de ses forces. Au début, Amélie fit semblant de ne rien avoir remarqué mais quand son amie s'assoupit quelques secondes, elle ne put nier l'évidence. La secouant doucement par l'épaule, elle lui proposa.

"Si tu veux, je vais voir si la chambre est prête."

Angèle se redressa du mieux qu'elle le pouvait.

"Je suis en train de m'endormir, c'est ça ?
- A peu près, oui.
- Je suis désolée.
- Pas de quoi, tu ronfles très discrètement.
- A ce point là ?
-Non pas encore.
- Tu ne m'en voudras si je monte dormir ?
- Affreusement mais je ferai un effort ..."

Angèle se leva avec un sourire.

"Je vais demander moi-même alors. Belle fin de soirée.
- Et belle nuit. Ne t'endors pas dans les escaliers."

Et elle se dirigea vers le tavernier. Il lui tardait de se reposer dans un bon lit et surtout sur la terre ferme.

[Galathée]

Pintesec, le tavernier parfaitement chauve de la Bienveillance, regarda Angèle approcher avec un léger sourire sur les traits, suivant du regard ses lents zigzags dans la foule.
" Voilà une Dame bien fatiguée, dit-il quand elle arriva enfin à bon port. Mais nous nous connaissons, n'est-ce pas ? Dame Angèle de Manost. Vous étiez ici... Il n'y a pas si longtemps, en fait. Et vous voilà déjà de retour. Luménis vous a séduite, alors ?"

[Althéa]

Angèle cilla, la surprise disputant soudain sa part à la fatigue. Elle n'oubliait jamais un visage ou très rarement. Peut-être parce qu'elle se débrouillait souvent pour voir un minimum de gens. Le tavernier quant à lui devait voir passer une multitude de visages et cela tous les jours.

"Vous vous souvenez, commença-t-elle, Luménis m'a énormément séduite et plus encore lorsque je suis retournée à Manost et j'ai saisi la première occasion pour revenir."

[Galathée]

" Je suis ravi que notre cité vous ait plu, dame. J'espère que votre séjour sera moins mouvementé, cette fois."
Il eut un sourire.
" Et vous nous avez ramené quelqu'un dans vos bagages, je vois. Est-ce le début d'une grande vague migratoire de paladins manostiens ? Haha, non, vous ne devez pas répondre. Vous avez l'air fatiguée : c'est le vent du large, je le devine. Voici la clé de votre chambre, c'est la 19, au premier, tout à fond du couloir à gauche. Ferdinand vous a dit, pour les disponibilités... Vous tombez en plein été : la ville est saturée de visiteurs."

[Althéa]

Malgré la fatigue, Angèle eut un sourire.

"Oui, j'ai oublié de vous prévenir, les autres paladins arrivent par le prochain bateau ... Plus sérieusement, Amélie n'est en rien paladine et vit à Manost depuis tout récemment. Elle est barde et maître-verrier. Pour le reste, j'aurais dû être prévoyante au niveau des chambres. Au temps pour moi. Au fait, sauriez-vous si Brandon Devlin se trouve à Luménis en ce moment ?"

[Galathée]

" Oui, je sais qu'il n'est pas à Luménis, dit Pintesec avec un sourire désolé. Il est monté à Eredhun. Il y a déjà... bien un bon mois. Je ne sais pas pour combien de temps, cela dit, mais il a fêté ça ici-même, son départ, avec son ami paladin, Othon. Je ne sais pas si c'était une occasion joyeuse ou triste... Ça a commencé joyeux en tout cas, puis avec l'alcool, ces grands gaillards finissent toujours à la fois exaltés, à la fois mélancoliques... et ils n'ont pas terminé la soirée ici... Heureusement parce qu'ils en étaient déjà aux grandes déclarations quand ils ont vidé les lieux..."

[Althéa]

Eredhun ... Ce n'était pas du tout à coté. Au moins, elles ne risquaient pas de le croiser à Luménis. C'était peut-être mieux. Du moins pour l'instant. Après, tout dépendrait ce qu'Amélie déciderait quand elle saurait. Une part d'elle-même se sentait rassurée et une petite voix - dont elle n'était pas fière - lui disait qu'elle pouvait encore repousser la fameuse conversation encore un peu voire durant tout leur séjour luménien. Mais la fille de Morgan avait le droit de connaître la vérité sur ses origines. Amélie savait déjà que l'histoire entre ses parents n'avait pas connu de fin heureuse ... Avait-elle besoin d'enfoncer le clou ?

"Eredhun, ce n'est pas à coté. J'espère qu'il se porte bien."

La missive d'Amélie avait dû lui causer un choc. Et Amélie, même si elle n'en avait pas parlé souffrait de l'absence de réponse.

[Galathée]

" C'est de là qu'il vient, Eredhun. Ils viennent tous de là, les grands pontes. C'est notre fabrique à clercs locale. Il est sans doute rentré se... comment dit-on... se recycler ? Mais il y a une Porteuse de Chance qui le remplace, en son absence... Son nom ne me revient pas. Ils ont échangé leur place, quelque chose comme ça. Mais les soeurs Novembre en savent certainement plus, si ça vous intéresse."
Il eut un sourire.
" Vous devriez aller dormir, Dame. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, faites-le moi savoir."

[Althéa]

Ainsi donc, Brandon Devlin se "recyclait" ? Et les sœurs Novembre en sauraient plus. La petite pensée méchante - la même qui s'était réjouie de l'absence de Brandon Devlin à Luménis - souffla qu'il vaudrait mieux éviter de croiser les Soeurs Novembre. Plusieurs personnes à éviter en somme et des soucis en perspective. Un instant, elle en voulut à Morgan de ne rien avoir raconté à sa fille. C'était à elle de recoller les morceaux du passé. Elle ne savait même pas comment aborder le sujet.

Il allait falloir qu'elle dorme pour avoir les idées claires.

"Vous avez raison, un peu de sommeil ne me fera pas de mal, finit-elle par admettre, c'est un plaisir de revenir à Luménis, dans tous les cas. Je vous souhaite une bonne soirée."

Malgré ses inquiétudes, elle s'endormit dès que sa tête eut touché l'oreiller. Sans se douter de rien, Amélie quant à elle profitait de la musique en tout liberté.

[Galathée]

La soirée se poursuivait dans la bonne humeur et la musique. Elle durerait sans doute encore plusieurs heures, sans doute jusque bien après minuit. Des convives quittaient les lieux mais d'autres arrivaient. Les musiciens paraissaient infatigables, prenaient une pause de temps à autre, puis recommençaient. Ils finirent cependant par ranger leurs instruments, sous les bis et les vivats, puis se retirèrent vers l'arrière-cuisine, où les attendait sans doute une collation bien méritée. La salle resta animée, cependant, et personne, pratiquement, ne quitta les lieux en fin de concert. C'était l'occasion de bavarder avec entrain et de s'offrir un autre verre.

[Althéa]

Amélie s'aperçut qu'elle n'avait pas du tout sommeil. L'épisode de fatigue était complètement passé, supplanté par l'agitation de la taverne. Cependant, elle ne commanda pas d'alcool de peur de rouler sous la table. Un verre de vin suffisait amplement. Assise à table après avoir dûment bissé et applaudi les musiciens, elle commanda un thé et se laissa imprégnait par l'ambiance.

A Manost depuis le couvre-feu, tout s'endormait sitôt le soleil couché. Et les gens s'observaient avec méfiance. Elle était heureuse de découvrir cette ambiance totalement différente.

[Galathée]

Sa solitude rêveuse devant sa tasse de thé ne dura pas très longtemps.
" Vous, je ne vous connais pas."
Un jeune homme s'était matérialisé sur la chaise voisine. Il avait probablement plus de vingt ans mais moins de trente, une barbe de quelques jours, des traits toujours en mouvement, avec un nez pointu, les cheveux blond cendré, les yeux clairs.
" Or, je suis sûr que si vous étiez coutumière des lieux, je vous aurais reconnue. Vous êtes sûre que c'est prudent, pour une jeune fille comme vous, de traîner après minuit dans un... lieu comme celui-ci ? C'est plein de Luméniens un peu rustres."

[Althéa]

Si Angèle aurait sursauté et se serait tournée sur la défensive, Amélie se contenta de se tourner vers l'inconnu et l'observa avec curiosité tout le long de sa diatribe. Elle était bien incapable de déterminer s'il avait raison ou s'il plaisantait. C'était en tout cas une approche assez originale. Elle répondit avec un sourire.

"Ne vous en faites pas pour moi. Je ne compte pas bouger d'ici. Et mon chaperon n'est pas très loin. Merci de me prévenir en tout cas"

[Galathée]

" Vous avez un chaperon ? Vraiment ?"
Il regarda autour d'eux, tentant de l'identifier dans la petite foule.
" Ce n'est probablement pas Rupert, le fils du maréchal-ferrant... Ni André, il serait en train de vous compter fleurette... Ni Oscar... Ni Vlad... Mais c'est qui, alors, ce chaperon ? Le vieux marchand, là ? C'est vrai qu'il pourrait venir d'aussi loin que vous... Vous êtes manostienne, non ? Ou du coin ? J'ai une tante qui a épousé un Manostien. Diable, diable, c'était un type drôlement sérieux... C'est vrai qu'un chaperon manostien, ça fait peur."

[Althéa]

Amélie laissa passer la tirade avec un léger sourire. Peut-être n'aurait-elle pas dû plaisanter à ce sujet. Angèle n'était pas vraiment un chaperon. En tout cas, elle pouvait constater que la réputation de sérieux - non usurpée - des manostiens les poursuivait jusqu'à Luménis. Elle laissa le jeune homme s'occuper à trouver le chaperon caché avant de répondre.

"Je suis originaire de Cojum mais je vis à Manost depuis quelque temps. Et je peux vous dire que le choc culturel a été ... rude. Et vous, vous êtes luménien ?"