[Lieu] Route de Lumenis à Antelucas

[Voyageuse]

Ils quittèrent donc le poste de garde, laissant le drow se dépatouiller avec les accusations.
Bruno marchait en tête, silencieux. Peut-être un peu préoccupé, ou tout simplement fatigué. les rares lampes à huiles qui éclairaient la place et la route principale étaient éteintes, signe qu'ils devaient avoir dépassé la moitié de la nuit. Le ciel s'était légèrement voilé, mais on devinait la présence de la lune, qui suffisait à éclairer suffisamment les rues.
" Faudra m'expliquer.... J'aimerais savoir pourquoi vous ne m'avez pas donné votre vrai nom, questionna soudain Bruno, alors qu'ils arrivaient en vue de l'auberge. Qu'avez-vous donc à cacher ? Ou peut-être est-ce cette lettre de recommandation qui ne vous appartient pas ?"

[Kmir Tailleroc]

Kmir, qui s’était attendu à la question, fut prompte à répondre.
« Nous autres, svirfnebelins, avons une forte tendance à la paranoïa. Sous terre, c’est un atout, croyez-le. Là-bas, on n’a pas d’ami, c’est trop dangereux d’essayer d’en avoir. Il y a le clan, la famille, et le monde hostile. J’ai beau vivre à présent à la surface, les habitudes sont coriaces. Et pour être tout à fait franc, ça m’a pas mal aidé. »
Petit silence, puis :
« Je m’appelle bien Tailleroc. Et si vous en doutez, vous n’avez qu’à attendre notre arrivée à Lumenis. Il y a, là-bas, un comptoir de la guilde pour qui j’ai travaillé, durant de longue année. Je prétexterai une visite de courtoisie. Vous verrez que je ne suis pas un inconnu. Je suis même prêt à parier qu’ils vont chercher à me reprendre. J’étais bon, très bon. »
Tout ce qu’il avait dit était vrai. Il mentait cependant par omission. S’il ne donnait pas son vrai nom, c’était avant tout parce qu’il était un voleur.

[Voyageuse]

Bruno fronça les sourcils.
" Je ne vois vraiment pas l'utilité d'inventer un faux nom s'il ne correspond pas à celui de vos papiers... C'est au contraire un truc qui peut vous attirer des ennuis ! La preuve : si j'avais annoncé votre nom, enfin celui que vous m'aviez donné, au garde... et que vous aviez donné vos papiers seulement après, vous auriez subitement paru très très suspect..."
Son ton était d'ailleurs légèrement suspicieux.
" Et la guilde... vous n'y travaillez plus... mais vous avez encore un papier à eux ? C'est bien légal, ça ?"

[Kmir Tailleroc]

« Tout à fait, Bruno, c’est une lettre de recommandation. Vous savez ce qu’est une lettre de recommandation, je suppose ? La guilde affirme que je suis quelqu’un de bien, d’efficace et ça aide relationnelle ment, surtout quand on a une tête comme la mienne. Quant à cette lettre, soyez certain que je la montre le moins possible, uniquement dans les cas d’urgence. Et là, je ne voulais surtout pas d’histoire avec la garde, on n’a pas le temps pour ça. »
Il lui tendit la lettre, il l’avait gardé dans l’une des amples poches de sa veste.
« Lisez donc. »

[Voyageuse]

Bruno lut la lettre d'un œil distrait, et haussa les épaules.
" J'imagine que c'est utile, oui, avec une tête comme la vôtre... enfin, sans vouloir vous vexer, hein ! Ça doit aider quand vous voulez vous faire embaucher quelque part."
Il lui rendit la lettre.
" Et cette guilde.... Vous n'y travaillez plus, j'imagine, puisque vous vendez du vin ? Pourtant ça doit être bien plus passionnant, les pierres. Pourquoi avoir changé? Je veux dire, s'ils étaient si contents de vous, ils vous auraient gardé, non ?"

[Kmir Tailleroc]

« Disons que j’avais envie de nouveauté, d’arpenter d’autres chemins. Ceci et la nécessité d’aider un collègue dans son affaire. Joindre l’utile à l’agréable. Vous l’avez vu, je suis prompte à saisir les opportunités qu’offre la vie, fussent-elles peu rentables, au propre comme au figuré. Ne vous ai-je pas suivi dans cette histoire de... fouille archéologique ? »
Kmir rangea la lettre. Une bonne nuit de sommeil et ils pourraient repartir, si tout allait bien. Il ne serait pas mécontent de quitter ce patelin.

[Voyageuse]

" Oui... Sans doute. Vous devez le regretter, d'ailleurs."
Bruno haussa les épaules.
" Je suis bien désolé de vous avoir amené avec moi là-bas. Enfin, désolé pour vous. Si ça peut aboutir à régler cette histoire, je dois dire que je m'en féliciterai plutôt..."
Il sourit.
" Mais allons dormir. Demain, la route sera longue..."
Ils étaient arrivés en vue de l'auberge, dont il poussa la porter, restée ouverte. Tout était parfaitement silencieux. Les aubergistes avaient dû se rendormir. Il ne leur restait plus qu'à faire de même.

[Kmir Tailleroc]

« Les choses sont ainsi, et puis, je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. Néanmoins, tout ceci nous offre une jolie aventure. Nous avons une piste, nous allons la suivre, et si la déesse de la chance le veux, nous ne tarderons pas à considérer cette histoire comme du passé. »
Et peut-être même qu’il pourra faire main basse sur les trésors du temple profané. Mais ça, inutile de le verbaliser. Kmir alla se coucher ou, plutôt, se recoucher. Demain, la journée serait longue.

[Voyageuse]

La nuit ayant été passablement agité, il se réveilla plus tard que d'ordinaire. Il retrouva Bruno dans la salle commune, l'air lui aussi encore un peu ensommeillé.
" L'officier sort d'ici, lui apprit-il. Nous sommes libres de repartir. Le drow va être déféré devant un juge... Je ne sais pas trop où d'ailleurs. Je ne suis pas sûr qu'on ait un juge ici. Mais donc, j'ai laissé mes coordonnées, et ils demandent qu'on se tienne prêt à venir témoigner s'ils nous convoquent. Même si ce ne sera sûrement pas nécessaire, a-t-il dit... et de toute façon, pas avant un bon mois, voire deux. Ça veut dire qu'il faudra me dire où vous contacter, au cas où. Mais on n'en est pas encore là..."

[Kmir Tailleroc]

« Oui, en effet. »
S’ils étaient encore en vie d’ici deux mois, alors cela voulait dire qu’ils avaient triomphé de la malédiction. Il y avait fort à parier que le gnome se serait volatilisé dans la nature, comme il le faisait toujours. Témoigner à un procès... ils en faisaient des chichis sur cette île. Des infractions de vol, en d’autres endroits, c’était l’affaire de quelques heures, et d’une main coupée, ou d’une série de coups de fouet en place public. Ou d’une pendaison. La peine capitale tombait vite lorsqu’on n’avait pas la bonne tronche, dans certains coins.
Quoi qu’il en soit, l’incident de la nuit n’allaient pas les ralentir et c’était l’essentiel.

[Voyageuse]

Ils reprirent leur route après un solide petit déjeuner, menant leurs montures à un pas rapide, parfois au trot ou même au galop lorsque la route était suffisamment dégagée. Ils franchirent plusieurs lieues de paysage monotone, plat comme la main, fait de champs cultivés et de quelques bosquets. Quelque part à leur gauche se trouvait la mer. Elle avait beau se trouver à une dizaine de lieues, ils avaient parfois l'impression que l'air qui leur parvenait de l'ouest était chargé d'humidité.
Ils parvinrent, en début d'après-midi, à un pont impressionnant, qui franchissait la Ronde, l'un des plus importants fleuves de l'île. Une borne indiquait son année de construction, un siècle plus tôt, et précisait qu'ils se trouvaient exactement à mi-chemin entre Luménis et Antelucas. La circulation se faisait sur une seule file, alternant le sens nord-sud et le sens sud-nord, ce qui occasionnait une file d'attente désagréable et quelques grincements de dents.
" Vous qui voyagez, avez-vous déjà visité Antelucas ? s'enquit Bruno, histoire de tuer le temps. Et Luménis ?"

[Kmir Tailleroc]

« Oui. Assez souvent en fait. Ces deux villes faisaient parties de mes trajets commerciaux lorsque j’étais au service de la gilde des joailliers. J’ai également fréquenté pas mal de cités manostiennes. Puis il y a eut la guerre avec Melandis, beaucoup de choses ont changées par là-bas. »
Si Bruno voulait des détails, Kmir allait lui en donner, il avait bonnes mémoires et il connaissait quantité de choses sur les territoires mentionnés. Cependant, n’étant guère loquace, il ne chercha pas outre mesure à entretenir la conversation. Il persistait à voyager dans un silence presque total. Non qu’on le sente inaccessible, plutôt qu’il n’éprouve pas le besoin de parler.
La moitié du trajet... Les choses se déroulaient plutôt bien. Puisse la suite aller de même. Il se sentirait déjà plus léger s’ils pouvaient retrouver les objets manquant entre les mains du commanditaire demi-elfe.

[Voyageuse]

Bruno, lui, semblait vouloir prolonger la conversation. Il ne faisait pourtant pas l'effet d'un homme habituellement bavard, mais peut-être jugeait-il que c'était son devoir.
" On dit, en effet, que beaucoup de choses ont changé. Mais j'avoue que je ne m'y suis pas vraiment intéressé. Je veux dire... à part le fait que la divinité tutélaire de Manost n'est plus. Ce qui doit être un sacré chamboulement. Qui donc dirige la ville, désormais ? Il y a un nouveau culte qui a pris la place ? Je dois vous paraître ignare mais... je vis généralement loin des villes et de leurs rumeurs."

[Kmir Tailleroc]

Kmir donna les dernières nouvelles dont il disposait sur Manost. Elles n’étaient pas tout à fait fraiches, mais elles auraient au moins le mérite de donner à Bruno une idée plus précise de ce qui se tramait durant les derniers mois sur le continent.
Il lui narra même en bonus ses ressentis lorsqu’il était encore sur place, à la capitale. Des temps troublés, difficiles pour les affaires, encore que certains savaient en profiter. Durant le chaos, certains montent, certains dégringolent. Sa guilde s’était maintenu, ni plus, ni moins.

HRP : navré, je ne peux pas donner pour le vrai les nouvelles, je ne suis pas au courant des derniers développements

[Voyageuse]

HRP : flûte alors, moi qui comptais sur toi pour tout savoir !

Durant leur conversation, la file d'attente avait avancé, peu à peu. Le chariot qui les précédait, tiré par deux imposants chevaux de trait, s'engagea sur le pont. Puis ce fut leur tour, enfin. Ils franchirent l'ouvrage d'art au pas, admirant au passage les arches magnifiques qui le bordaient. De l'autre côté, la circulation redevenait plus fluide, mais il leur fallut doubler, un à un, plusieurs chariots, avant de pouvoir pousser à nouveau leurs bêtes au galop.
A cette vitesse, lui apprit Bruno, ils seraient à Luménis en quatre jours de voyage. Cependant, les villages étaient assez rares dans ce secteur, trop loin des grandes villes, et il leur faudrait probablement envisager, faute d'auberge, de demander asile à un paysan pour la nuit.

[Kmir Tailleroc]

« Dormir chez un paysan ? J’évite ça, d’habitude, vous devinez pourquoi. Si le temps s’y prête, dormons plutôt à la belle étoile, on risque moins de complication. »
Et si le temps ne s’y prêtait pas ? Tant pis, ce serait à Bruno de se charger des relations sans doute délicates avec les locaux. Heureusement que ce coin n’était pas peuplé de sauvages brutaux.
Pourvu néanmoins que la nuit soit clémente, histoire d’éviter de tenter le destin.

[Voyageuse]

Bruno acquiesça.
" Je comprends. Optons pour le bivouac, alors, d'autant que nous avons des provisions. Il fait lourd, et l'orage pourrait menacer pendant la nuit, mais on doit pouvoir trouver assez facilement de vieilles bergeries plus ou moins abandonnées, dans le coin. L'odeur n'est pas des plus agréables... Enfin, moi j'y suis habitué, vous non. "
Il sourit.
" C'est la meilleure option pour cette nuit. Et même si le propriétaire des lieux vient à passer, il ne s'offusquera pas de voir deux voyageurs se réfugier à l'abri. Ça se fait couramment... Je m'occuperait des explications, ne vous en faites pas. Ça vous arrive si souvent que ça, de vous faire jeter à cause de votre apparence ?"

[Kmir Tailleroc]

« Ça m’arrive, oui. Nous avons une sinistre réputation, nous autres les svirfnebelins. Nous venons des profondeurs, donc nous sommes maléfiques, comme les drow, c’est ce que pas mal de monde se dit. Ou alors, ce qui est tout aussi fréquent, les gens ne savent même pas ce qu’est un svirfnebelin et ils peuvent alors me prendre pour un gobelin ou je ne sais quelle autre créature. On m’a pris pour une gargouille, une fois. Heureusement, tout ça n’est pas systématique. En temps ordinaire, j’aurai tenté le coup. Seulement, là, nous sommes pressés. Pas le temps pour des complications. »

[Voyageuse]

" Vous n'avez pas tort... Cela dit, vous êtes quand même moins moche qu'un gobelin ou une gargouille, il me semble ! Mais les gens n'y connaissent rien, dans les campagnes, c'est vrai. Je veux bien croire qu'ils vous prennent pour tout et n'importe quoi."
Ils achevaient de traverser l'un des rares hameaux du secteur, avançant au pas pour ne pas risquer d'écraser les enfants, volailles et autres menues bestioles qui traversaient la route sans crier gare. Au-delà, ils purent à nouveau galoper librement, ce dont ils ne se privèrent pas. Ils dépassèrent un chariot, puis un autre, puis dépassèrent un petit groupe de cavaliers montés sur de simples poneys dans lesquels ils reconnurent les halfelins croisés à l'auberge. L'après-midi avançait, doucement, et la chaleur était insupportable sur cette route trop peu ombragée. Alors qu'ils cheminaient de nouveau au ralenti, coincés derrière une charrette tout en croisant toute une file de marchands, Bruno se tourna vers lui.
" Si le soleil est trop fort, vous souhaitez peut-être faire une pause à l'ombre pendant une heure ou deux, quitte à avancer jusqu'à la nuit noire ce soir et démarrer à l'aube demain ? Je n'y connais rien mais... vous supportez peut-être mal la chaleur et la lumière ? Je vois bien que votre peau commence à bronzer, ce qui vous met sûrement à l'abri des coups de soleil, mais ça ne fait pas tout."

[Kmir Tailleroc]

« Ho, n’ayez crainte pour moi. Je vous l’ai dit, ça fait des années que je vis à la surface. Je suis habitué à tout ça, tout autant que vous. »
Il avait chaud, oui, comme tout le monde. Quant à la peau qui bronze, cette remarque l’avait paradoxalement glacée car, bien sûr, le soleil n’y était pour rien.
« Faisons quand même une petite pause. Économisons nos montures ainsi que nous-mêmes, nous irons plus vite au final. »
S’épargner un peu de chaleur au profit de la nuit forcément plus douce, cela semblait sage, d’autant plus que Kmir gardait son capuchon. D’un autre côté, étant chauve, il serait peu indiqué de ne point se couvrir la tête sous un tel soleil.

[Voyageuse]

Ils firent donc une petite pause dans un bosquet, près d'un ruisseau où ils purent se désaltérer à volonté. Leurs montures en avaient bien besoin. C'étaient des bêtes endurantes, selon Bruno, mais ils les avaient menées à vive allure depuis le matin. Deux heures de répit étaient les bienvenues pour tous.
Ils reprirent la route alors que le soleil commençait tout doucement à décliner. Il faisait à peine moins chaud, mais les rayons du soleil perdraient bientôt en intensité. Il faisait terriblement lourd, également, et une ligne grise à l'horizon annonçait probablement un orage nocturne.

Lorsque le soleil eut disparu à l'horizon, éclairant d'une lueur rougeâtre les nuages qui avaient fini par s'amonceler, ils s'engagèrent sur un chemin transversal pour s'éloigner de la route. Les bergeries ne manquaient pas, et Bruno leur dénicha une minuscule bâtisse de pierre, abandonnées depuis des années sans doute mais au toit encore intact.
" Nous allons passer la nuit ici, expliqua Bruno en mettant pied à terre. Je poserai une alarme magique sur la porte, ça nous évitera de monter la garde. Dépêchons-nous simplement de cuisiner avant la pluie... Si vous pouvez m'aider à défaire les sangles... Juste pour aller plus vite"
Ses doigts engourdis s'acharnaient avec peine sur les boucles trop serrées des harnais, sans qu'il soit possible de déterminer si ses difficultés étaient dues à une aggravation de son état ou à la raideur causée par le fait de les avoir crispés toute la journée sur les rênes.

[Kmir Tailleroc]

« Bien sûr. J’arrive. »
Après être descendu de selle, Kmir vint aider Bruno à défaire les sangles. Il continuerait d’aider pour la suite, c’était normal. Ses pensées le poussait vers Lumenis, lui faisant regretter de ne pas avoir poursuivi plus tard leur route. Mais avec ces nuages venant, mieux valait en effet s’arrêter comme ils l’avaient fait. Un bon repas, un repos mérité et ils pourraient reprendre demain à un rythme soutenu.

[Voyageuse]

L'orage vint alors qu'ils achevaient leur repas, et ils laissèrent la pluie rincer leurs gamelles, après les avoir posées sur le rebord du toit, hors d'atteinte de la plupart des bêtes en maraude.
Baissant la tête, ils se glissèrent par l'étroite ouverture de pierre. La cabane était minuscule, mais largement suffisante pour deux. Les chevaux seraient contraints de passer la nuit dehors, ce qui n'inquiétait pas Bruno le moins du monde. Il ressortit, sous la pluie, pour les attacher à un arbre, puis revint à l'abri, et Kmir le vit marmonner quelques paroles incompréhensibles tout en dessinant quelques figures étranges dans l'air, tout autour de l'entrée.
Il se tourna ensuite vers Kmir pour expliquer.
" Nous pouvons entrer et sortir librement, tous les deux. Si quelqu'un d'autre tente d'entrer, il y aura une volée de cloches bruyantes pour nous tirer du sommeil. Par prudence, dormez habillé et avec vos armes à portée de main..."

[Kmir Tailleroc]

« Bien Bruno, je ferai ainsi. »
Il dormait toujours habillé et les armes à portées de main lorsqu’il ne pouvait profiter de la sécurité d’une auberge. Et même dans une auberge, parfois, il était tenté de prendre pareille précaution. La nuit dernière avait prouvé que les incidents pouvaient arriver n’importe où, surtout à proximité d’un sal drow.
Il fixa la porte et se dit que la magie, parfois, c’était bien pratique. Ce sortilège d’alarme était une bénédiction. Ses yeux se portèrent plus loin, sur l’orage et il tomba dans un de ces moments de fascination qu’il avait parfois à l’égard de la nature. Parce qu’il était né sous la terre, le ciel demeurait spécial à ses yeux, moins certes que lors de ses premiers voyages à la surface, mais il aimait lever le regard et se laisser happer par cette immensité. Un orage... Chez lui, la plupart ne pouvait même pas concevoir ce que c’était. Tout juste était-ce un mot croisé dans un livre.
Le gnome finit par se préparer pour la nuit. Une fois de plus, il était peu bavard.

[Voyageuse]

Bruno n'était guère plus bavard que lui, et ils se couchèrent de bonne heure. L'orage trempait tout ce qui se trouvait dehors et dormir était la meilleure chose à faire. Ils pourraient partir tôt le lendemain, quand la pluie aurait cessé.

Ils furent malheureusement tirés du sommeil bien avant le lendemain, par une volée de cloches bruyantes, exactement comme Bruno l'avait décrite. Il faisait nuit noire et une silhouette armée se découpait dans l'embrasure de la porte, figée sans doute sous l'effet de la surprise.

[Kmir Tailleroc]

Kmir, sur le coup, se demanda bien ce qui se passait. Des cloches ? Il n’y avait pas de cloche dans cette bergerie. Puis il comprit. Puis il réagit. Ce fut rapide, juste le temps de serrer la main autour de son arbalète de poing et de se redresser. Ses yeux tombèrent sur la silhouette.
« Qui va là ? » demanda-t-il, la voix encore un peu empâtée par le sommeil.
Il se préparait néanmoins à devoir tirer ou esquiver selon la réaction de l’inconnu.

[Voyageuse]

L'inconnu n'y voyait absolument rien dans le noir, à en juger par ses yeux écarquillés. Il s'agissait d'ailleurs d'une inconnue et non d'un inconnu, à en juger par le ton de sa voix paniquée.
" Je... je suis juste une voyageuse qui cherche un abri ! Mais je... je vais aller voir ailleurs... je savais pas que c'était occupé ! Désolée... Je m'en vais..."
Dehors, l'orage tonnait toujours, signe que la nuit n'était peut-être pas tombée depuis très longtemps.

[Kmir Tailleroc]

« Ho, n’ayez crainte, nous sommes également des voyageurs. Avec cet orage, il serait assez inconvenant de vous contraindre à aller chercher refuge ailleurs. Un instant, je vais allumer une torche. »
Bruno, avec ses mains raidies, et dans le noir, allait avoir du mal à le faire. Or, il était préférable que tout le monde se voit. Même si le gnome n’était pas opposé à une compagnie passagère, il voulait avoir l’avis du rôdeur et c’était bien normal.

[Voyageuse]

La torche illumina l'intérieur de l'abri, faisant cligner des yeux le rôdeur tiré du sommeil. Face à eux, juste à l'entrée, se trouvait une jeune fille qui devait être tout juste adulte, portant un sac à dos trop lourd pour ses frêles épaules, et qui poussa brusquement un cri de frayeur en découvrant Kmir.
" Ne vous inquiétez pas, intervint Bruno. Je sais qu'il a une sale gueule, comme ça, quand on ne s'y attend pas, mais vous ne risquez rien... Et vous pouvez partager notre abri.
- Je... je sais pas... Vous êtes... qui ?"
Elle avait reculé d'un pas, apeurée.
" Je m'appelle Bruno Desplaces, je suis des Combes-Rouges, le frère de l'aubergiste. Nous sommes juste deux voyageurs... Et mon compagnon de route s'appelle Kmir... Tailleroc"

[Kmir Tailleroc]

« Marchand de profession, même si actuellement occupé à d’autres affaires », ajouta Kmir avec son éternel calme
Il observa la jeune femme et jugea utile d’ajouter :
« Je suis un gnome. »
Il avait déposé son arbalète de poing. Bien qu’il la garda à portée de main, il avait adopté son attitude aimable de commerçant. Pour le reste, il laissait la demoiselle agir à sa guise. Inutile de la brusquer.