[Lieu] La ferme Desmoulins

[Taliesin]

-Je n'y suis jamais allé, non... Et la seule adresse dont je dispose est celle du temple de Milil. Mais j'imagine effectivement que je pourrai m'enquérir d'une bonne auberge là où je réserverai nos places sur le bateau.
Il soupira.
-J'espère que ce séjour sera bref. Mais entre la démarche au temple et celles liées au père de baptiste, j'ai bien peur que cela prenne davantage que quelques jours. Cela m'ennuie profondément mais comme pour le reste, je n'ai aucune marge de manœuvre. Alors en effet, il faudra une adresse où tu puisses m'écrire en cas de besoin. En ce qui me concerne, je te tiendrai régulièrement informée.

[Galathée]

" Ne t'en fais pas. C'est pour le mieux. Il faut le faire, et Baptiste a besoin de toi."
Elle sourit.
" Je persiste à penser qu'un dieu, quelque part, sait que tu t'ennuierais, à rester ici à enlever des limaces et poncer des planchers."

[Taliesin]

-Si encore il m'envoyait au loin pour des motifs réjouissants, je ne dis pas, peut-être éprouverais-je pour lui un peu de gratitude. Mais en l'occurrence, les limaces et les planches me semblent autrement plus intéressantes, et j'aimerais, avec respect et humilité, lui suggérer d'aller s'occuper de quelqu'un d'autre.
Il sourit.
-Mais assez d'inutiles récriminations. On va faire ça vite, on va faire ça bien, et ensuite, je reviendrai construire une nouvelle aile au palais de Guilhem.

[Galathée]

" Très bien. Parle avec Baptiste, n'attends pas."
Elle lui tapota l'épaule et retourna vers l'intérieur de la maison, l'abandonnant face à leur potager gigantesque. Taliesin n'eut cependant pas le temps de se lever pour aller traquer un autre escargot, une mauvais herbe ou simplement le principal intéressé.
" Je savais qu'il y avait un truc louche qui se tramait." dit une voix sur sa gauche.
Se laissant tomber des branches du châtaigner qui jouxtait le jardin, Victor surgit, la mine soupçonneuse.

[Taliesin]

Il ne chercha pas à nier. A quoi bon ?
[color=#FFFFF66]-Et tu ne tarderas plus à connaître le fin mot de l'histoire.[/color]
Soupir.
-Je te demande seulement de faire encore preuve d'un peu de patience. D'un tout petit peu de patience.
Dans l'absolu, il préférait que ce soit Baptiste qui fasse l'annonce.

[Galathée]

Victor haussa les épaules.
" Si le fin mot de l'histoire, c'est que Baptiste va aller vivre avec son père, alors je l'ai entendu. Ça explique sa tête bizarre depuis l'autre jour, et puis ta tête bizarre depuis un peu plus longtemps, et aussi toutes ces manières bizarres de Galathée."
Il resta à distance.
" Je savais qu'il avait un père quelque part, mais je n'aurais pas cru que vous vous mettriez à sa recherche. Il l'a abandonné, non ?"

[Taliesin]

-On ne l'a pas cherché : Baptiste ne savait rien le concernant, on n'avait pas ne serait-ce qu'une ombre de piste... Non, c'est lui qui s'est mis à chercher Baptiste. Et les paladins ont été chargés de le retrouver. Sauf qu'évidemment, ils savaient parfaitement où il était... Ils m'ont donc contacté et nous ont laissé la possibilité de gérer nous-mêmes les démarches, la prise de contact... Ce que nous avons fait.
Et de poursuivre son explication de son ton posé.
-Pour le reste, dur de savoir ce qui s'est passé, à l'époque, et pourquoi il se manifeste seulement maintenant. J'imagine qu'il nous le dira quand nous nous rencontrerons.

[Galathée]

Le gosse l'écouta sans broncher, sans manifester d'émotion non plus, puis opina du chef.
" Je viens avec, déclara Victor. Ne proteste pas, j'en parlerai moi-même à Galathée et à Baptiste."
Il sourit.
" Tu auras besoin de moi. Puis j'ai toujours rêvé d'aller à Dérindhun."

[Taliesin]

Il secoua la tête.
[color=#FFFFF66]-Non Victor, il vaut mieux que tu ne viennes pas.[/color]
Les arguments raisonnables avaient peu de chances de le convaincre mais sait-on jamais...
-Il n'y aura rien pour toi, durant ce voyage. A Eredhun, nous irons dans un temple pour faire soigner Baptiste. Et ensuite, il y aura seulement des rencontres avec son père, pour discuter de lui, de la manière dont nous allons nous organiser... Tu n'auras rien à faire et moi... je serai malheureusement trop occupé et trop préoccupé pour te consacrer du temps.
Il réprima un soupir.
-Quand tout cela sera terminé... Je serai plus présent, c'est promis. Et je t'embarquerai pour une excursion dont les contours restent à définir.

[Galathée]

" J'ai pas besoin que tu me consacres du temps, tu sais. Et quand tu reviendras, il faudra peut-être que tu songes à... t'occuper un peu de tes autres enfants. La pauvre Galathée doit se farcir tout le travail pendant que tu te balades. Moi, je m'ennuie vite. Je me ferai petit. Et j'ouvrirai l'oeil. J'aurai accès à des endroits que toi tu ne pourras pas visiter. Et à Deredrhun, il y a sûrement des choses à faire... Bon, c'est plein de prêtres, mais... y'a aussi d'autres choses, non ? De toute façon, c'est pas à toi que je vais demander."

[Taliesin]

Il sourit.
-Tu sais, bonhomme, mon avis compte quand même. Mais fais donc à ta guise, tu verras bien ce qu'il en résulte, répondit-il tranquillement.
De toute façon, ils en avaient déjà discuté avec Galathée : il ferait le voyage seul avec Baptiste. Victor devrait en prendre son parti, que ça lui plaise ou non.

[Galathée]

Victor eut un sourire de défi puis détala vers l'intérieur. Taliesin demeura alors seul et tranquille face à son potager ensoleillé. Il lui restait des tomates à cueillir, des salades à arroser, une chasse aux chenilles à reprendre à zéro, et de nombreuses mauvaises herbes à arracher autour des futurs potirons. Il devait aussi juger du mûrissement des courgettes et des raisins, puis semer des épinards et de la mâche.
Il avait donc encore de quoi s'occuper jusqu'à l'heure du goûter, après lequel, traditionnellement, il devrait donner leur bain aux jumeaux, une partie de plaisir quotidienne...

[Taliesin]

Mais cela ne le dérangeait pas le moins du monde : ça faisait partie du boulot de parent et il s'en acquittait sans rechigner.
Il se chargea donc du potager puis des jumeaux, pas mécontent d'avoir de quoi s'occuper. Ce qui ne l'empêchait pas de réfléchir à ce qu'il allait dire à Baptiste.
Mais, en vérité, qu'y avait-il à dire, sinon le prévenir qu'ils partiraient bientôt ?
Il devait avouer qu'il séchait, à ce niveau.

[Galathée]

Il n'eut pas à franchir le pas, Baptiste s'en chargea lui-même. Il le rejoignit alors qu'il était en train de mettre leur pyjama aux terreurs, avant leur dernier repas du jour et la mise au lit prochaine.
" Victor est venu me dire qu'on partait bientôt, annonça le gamin. Qu'on allait prendre le bateau. Est-ce que c'est vrai ?"

[Taliesin]

-En partie. Nous allons effectivement prendre le bateau, ce qui évitera que les aventures nous tombent dessus en cours de route, et nous ne tarderons en effet pas à lever l'ancre. En revanche, Victor s'est un peu trop avancé en affirmant qu'il viendrait : aux dernières nouvelles, tu devras te contenter de moi seul comme compagnon de route.

[Galathée]

" Ah." dit Baptiste.
Il acquiesça, songeur.
" Est-ce que ça veut dire que je dois dire au revoir à tout le monde maintenant ? Ou bien tu crois que je pourrai revenir ?"

[Taliesin]

-Je n'en sais rien, Baptiste. Cela dépendra de ce que voudra ton père.
Il s'efforça de sourire.
-Tu peux dire au revoir, au cas où. Mais pas adieu. On va partir du principe que même s'il veut que tu t'installes d'emblée avec lui, il sera d'accord pour que tu nous rendes visite de temps en temps.

[Galathée]

" Et si j'ai pas envie de rester avec lui, je devrai quand même, n'est-ce pas ?" demanda-t-il.
Il secoua la tête.
" Ne réponds pas. Je connais la loi."
Il s'assit.
" Quand j'étais petit, chez les paladins, il y avait un novice qui s'appelait Siméon. Il avait... peut-être quatre ans de plus que moi ? Les paladins l'avaient trouvé à moitié mort de froid, pendant un hiver, dans le parc. Le gamin avait des bleus partout, et il avait rien mangé depuis un bail... Je m'en souviens parce qu'il était plus grand que moi en âge, mais à peine en taille, et il avait toujours peur de son ombre. Les paladins l'ont gardé. Ils lui ont donné à manger, ils l'ont soigné, et Sire Anselme l'a pris sous son aile. Et puis... peut-être deux ans plus tard... ou un peu moins... ses parents sont venus le récupérer."
Il haussa les épaules.
" Les paladins n'ont rien pu faire. Les parents ont prétendu qu'ils ne l'avaient jamais touché, que Siméon s'était enfui, qu'il avait des mauvaises fréquentations..."

[Taliesin]

-Je vois...
Il hésita.
-Mais nous ne sommes pas dans le même cas de figure. Nous ne sommes pas des paladins et si d'aventure tu ne voulais vraiment pas vivre avec ton père... Nous pourrions songer à d'autres solutions.
Il sourit.
-Mais j'espère que nous n'en arriverons pas là et que tu apprécieras ton père.

[Galathée]

Baptiste le regarda en coin, légèrement incrédule.
" Tu ferais ça ? Enfreindre la loi pour moi, si je ne voulais pas rester ? Tu mettrais toute la famille hors la loi ? Ou alors... tu maquillerais ça plus subtilement, pour qu'on ne puisse rien deviner ? En me faisant passer pour mort... ou en inventant qu'en réalité, je ne suis pas du tout ce fils que l'on croyait ? Que je me suis fait passer pour le fils de Filippa pour qu'on s'occupe de moi, mais qu'en fait, je n'ai rien à voir avec cette paladine, et son amant mystérieux ?"
Il eut un sourire triste.
" J'y ai pensé, moi aussi, tu vois."

[Taliesin]

-Je vois, en effet. Et ce n'est pas un mauvais plan. Mais pour répondre à ta question... Oui, si ton père n'est pas quelqu'un de bien et si tu ne veux pas vivre avec lui, nous envisagerons toutes les possibilités. Je suis pour le respect des lois, qui sont indispensables à toute société, mais dans certains cas de figure bien précis, si c'est pour le bien...
Il haussa les épaules.
-Essayons toutefois de ne pas envisager d'emblée le pire.

[Galathée]

" Il faut tout envisager, c'est important." dit-il.
Un léger sourire revint sur ses traits.
" Mais j'ai envie de le rencontrer, mon père. De voir qui c'est. Ce qu'il fait. Comment il est. Je sais qu'on n'est pas forcé de devenir comme ses parents, qu'il y a une part de choix... d'incertitude... mais je suis curieux. Même si je suis bien, ici. Ce n'est pas facile."

[Taliesin]

-Je me doute.
Il lui sourit.
-En tout cas, sache que nous savons que tu te sens bien, parmi nous, et que nous comprenons parfaitement ton envie de rencontrer ton père. C'est on ne peut plus normal.

[Galathée]

Baptiste le dévisagea un instant, songeur, comme s'il essayait de deviner la vérité derrière ces paroles convenues. Puis il acquiesça et se leva.
" Pour moi, on peut y aller quand tu veux. Je n'ai rien à faire de spécial ici. Et j'ai toujours eu envie de goûter les anguilles à l'Eredhine."
Sans attendre de réponse, il s'en fut vers l'intérieur, laissant Taliesin à Héloïse et Tristan, qui s'étaient montrés étonnamment calmes pendant leur entretien.

[Taliesin]

Il les en remercia puis, les prenant tous deux - il commençait à avoir l'habitude de la manœuvre, quoiqu'elle demeurât tout sauf simple -, il les conduisit au lieu de leur dernier repas de la journée.
Peut-être irait-il à Luménis diès le lendemain. Lui non plus n'avait rien de particulier à faire, d'autant que, prévoyant, il avait préparé pour les élèves qu'il lui restait un petit programme qu'ils pourraient suivre en son absence, avec l'aide de Galathée et de Guilhem. Ils pouvaient donc se mettre en route au plus vite, ce qui lui semblait être le mieux.

[Galathée]

Galathée et Victor prirent le relais du barde pour la dernière panade avant les limbes. A la mine de la rôdeuse, Taliesin devina qu'ils auraient encore au moins une discussion avant d'aller dormir. Victor avait probablement mis ses menaces à exécution et le dévisageait d'un air satisfait. Peut-être la jeune femme avait-elle cédé, comment le savoir ?
Ils n'eurent aucune opportunité de parler car Victor l'accompagna pour coucher les jumeaux (Héloïse semblait s'être prise d'un amour baveux pour lui) et Taliesin fut réquisitionné en cuisine. Peu après, ils passèrent tous à table. Baptiste s'installa près de Taliesin, Victor également, et Galathée était, comme de plus en plus souvent, entourée de Marius et Titus. Le premier avait les cheveux de plus en plus longs, ce qui lui donnait un air de moins en moins masculin, bien qu'à son jeune âge, ses traits soient encore très ambigus. Titus, lui, n'avait pas changé : il y avait toujours autant de plantules dans ses cheveux.
" Tu ne crois pas qu'on devrait prévenir les gens... maintenant que tout le monde est là." souffla soudain Baptiste.

[Taliesin]

-On pourrait, en effet, murmura-t-il. Mais c'est à toi de décider.
En ce domaine, il avait veillé à lui laisser autant que possible l'initiative. Il s'agissait d'une affaire importante sous bien des aspects, d'une affaire intime, aussi, et il se serait mal vu rendre la nouvelle publique de son propre chef.

[Galathée]

" J'aimerais mieux que ce soit toi qui t'en charges. Vu que parler en public, c'est ton truc." souffla Baptiste.
Victor, juste de l'autre côté de l'elfe, eut un sourire carnassier.
" Surtout que si tu ne le fais pas, c'est moi qui vais le faire. Et tout le monde regarde vers nous, maintenant."
Ce qui n'était pas faux.

[Taliesin]

Ah c'était comme ça !
Eh bien, on allait voir...
Ou pas.
Car si Taliesin songea à expliquer en trois mots seulement ce qui se passait, il y renonça, optant pour une approche certes légère, pour ne pas dramatiser le moment, mais malgré tout plus complète.
-Gentes dames, gentils seigneurs, oyez donc ! Il vous est fortement recommandé de savourer ce repas comme il se doit car, avant longtemps, notre révéré maître queux partira en voyage. Ce pour une cause pour le moins incroyable. En effet, son père, dont nous ignorions tout, s'est fait connaître et s'est lancé à sa recherche. Je vais donc avoir l'honneur de l'escorter jusqu'en là région d'Eredhun, où il réside, afin que se tienne une prime rencontre. Toutefois, ne désespérez point : ce repas n'est en rien le dernier. Même s'il s'installera probablement en la demeure paternelle, nul doute que Baptiste pourra revenir, en certaines occasions, nous gratifier de sa cuisine... et de sa présence.

[Galathée]

La tablée resta stupéfaite et silencieuse, paralysée entre deux bouchées. Galathée et Guillhem n'étaient pas les moins estomaqués du lot, et si Victor retenait son rire à grand peine, Baptiste paraissait presque choqué par la manière. Titus leva les yeux vers la rôdeuse, en quête d'une traduction, et Marius rompit le silence.
" J'ai rien compris. Titus s'en va ? Et quel est le rapport avec Baptiste ?"