[Bâtiment] La Maison du Peintre Fou

[Manfred]

Silmandel, de son pas félin, évolua silencieusement le long du couloir méconnaissable. Les cris de la femme ne furent pas pour le rassurer, mais en la matière, il en avait entendu d’autre. Il était résolut à aller voir de quoi il s’agissait. Y avait-il quelqu’un à sauver ? Il estimait qu’il était déjà trop tard, on ne hurlait pas ainsi sans d’affreuses raisons. Mais il devait savoir.
Et puis, cela lui donnait une direction à aller investiguer. Qui sait, la sortie était peut-être par là. En tout cas, cette maison était assez glaçante. Comment pouvait-elle évoluer de la sorte ? Y avait-il des illusions à l’œuvre ? Un lieu enté était-il capable de ce genre de prouesse ?

[Louve]

A mesure qu'il avançait, la maison reprenait de son lustre d'antan. Les portes qu'il avait passées semblaient avoir été vernies la veille. En revanche, l'odeur de putréfaction perdurait. Et il pouvait être sûr que l'ignoble poupée se tenait encore sur le lit. A l'autre bout du couloir, un escalier à double circonvolutions plongeait vers les étages du dessous.

Il entendit l'écho d'une musique, un violon solitaire sans doute, déroulant ses arpèges plaintifs. Pas un seul bruit en dehors de la musique.

[Manfred]

Le chat-fée s’engagea silencieusement dans l’escalier. Dans son sillage, un murmure d’étoffe. Son ample robe noire, son pelage couleur de nuit, son ombre, tout se mélangeait, tout s’unissait. Deux billes d’or, en guise de regard.
Singulier aventurier pour singulière demeure. Avant des hurlements à glacer le sang, maintenant un violon. Contraste et mystère. Il fallait qu’il sache ce dont il retournait.
Que se tramait-il ici, en ce lieu capable de rajeunir à vue d’œil ?

[Louve]

A mesure qu'il descendait, les bougies disposées sur d'audacieux candélabres s'éclairaient, créant d'autres ombres sur les murs. Le chat féérique se retrouva bientôt face à un nouveau couloir parsemé de portes entrouvertes donnant sûrement sur d'autres scènes macabres. La musique provenait de derrière l'une d'entre elle.

Des accords mineurs grandiloquents, parfois semblables à des pleurs ou à des hurlements de chat.

[Manfred]

Savait-on qu’il était ici ?
Probablement que oui. Il était difficile de se cacher d’un fantôme ou d’une créature parfaitement surnaturelle. Et rien de naturel ne pouvait vivre dans cette lugubre demeure. Son faste semblait n’avoir pour but que d’en souligner le sordide.
Le chat-fée pouvait estimer que détruire le mal qui régnait en ces lieux pouvait être dans ses attributions, mais il n’avait pas la prétention d’en être capable. Si déjà il pouvait s’en sortir en un seul morceau... Pour ce faire, sans doute devrait-il éviter de se rendre vers ce violon qui pouvait fort bien être un piège. Mais il voulait quand même savoir de quoi il s’agissait. Il regarderait donc, discrètement, ce qu’il y avait derrière la porte en question.

[Louve]

La pièce était entièrement vide à l'exception d'un lustre massif pendant du plafond. Un homme portant des vêtements à la mode d'un autre temps lui tournait le dos, oscillant au gré des sonorités plaintives de son instrument. Lorsque le chat féérique s'approcha de la porte, il articula théâtralement.

"Et l'inconnu poussé par la curiosité s'avança vers la porte."

[Manfred]

Le chat-fée ne fut pas surpris. Pour autant, il aurait tout de même préféré demeuré cacher, voir sans être vu. Tant pis, il ferait avec. Ayant le sens de la répartie, et étant difficile à perturber, il répondit sur le même ton théâtral que le violoniste :
« ... car il se demandait à qui il avait à faire. »
Il avait une voix un brin singulière. Son accent félin était un peu chantant. Il semblait détendu mais en vérité, il se préparait à devoir se battre. Ce n’était pas parce qu’il n’avait aucune arme visible qu’il ne pouvait pas rapidement en brandir une.

[Louve]

Le violoneux salua le chat-fée théâtralement avant de sourire puis tira de nouveau trois notes plaintives de son instrument. Puis il reprit.

"Car il se demandait ce qu'il avait à faire ... Il était bien curieux. Peut-être ne connaissait-il pas la maison dans laquelle il venait d'entrer. Peut-être ignorait-il qu'il était libre de ses actes. Tant qu'il était vivant tout du moins."

[Manfred]

Le chat-fée se gratta le menton, perplexe. Il avait saisi la menace explicite dans les propos du violoniste, mais pas le reste de sa réplique. Finalement, il haussa les épaules. Après tout, il avait sa réponse, il savait qui jouait et que cette salle n’avait nul accès vers l’extérieur. Inutile de plus s’attarder.
« Il préféra donc laisser le musicien tranquille », conclut-il, toujours aussi théâtral.
Sur ce, étant resté dans le couloir, se contentant juste de regarder par la porte entrouverte, il referma cette porte et entreprit de poursuivre sa visite. Inutile maintenant d’être discret. Il valait mieux être rapide.

[Louve]

Dans son dos, il entendit les pas du violoneux qui le suivait sans pour autant chercher à le rattraper. Ce qui ne l'empêcha pas de donner trois nouveaux coups d'archet avant de déclarer.

"Et le chat sortit donc dans le couloir. Sans doute espérait-il trouver un chemin vers la sortie. Mais la maison serait-elle prête à le laisser partir ? Rien n'était moins sur. Car il plaisait au habitants du lieu. Et il allait sûrement les rencontrer bientôt."

[Manfred]

Le chat-fée poursuivait dans le couloir, s’efforçant de ne plus prêter d’attention au violoniste. Il avait des portes à ouvrir, des lieux à explorer. Il se faisait violence pour demeurer calme, mais n’était-il pas en train de fuir ? Pourquoi ne pas confronter le musicien ? Pourquoi ne pas le menacer ? Parce qu’il n’était armé que d’un violon ? Ou parce qu’il avait un côté surnaturel révulsant sa nature féline ?
Il y avait une sortie, il y en avait forcément une ! Et il allait la trouver !

[Louve]

Le musicien le suivait sans faiblir, énumérant les actions de Silmandel à mesure qu'il évoluait dans la demeure.

"Le garou essayait de fuir. Mais il était comme un insecte empêtré dans une toile d’araignée. Il n'y avait pas d'échappatoire, seulement la mort."

Au détour d'un couloir, le chat-fée tomba sur ce qui devait-être un théâtre. Et sur la scène, le cadavre d'une jeune femme morte était étendu au milieu de fils. Ses bras et ses jambes étaient négligemment posés près d'elle. Une vision d'horreur à l'image de ce qu'avait dû être sa mort.

[Manfred]

Silmandel, un instant saisit par l’image, ne tarda pas à se reprendre. Des choses horribles, il en avait vu pas mal durant sa vie d’aventurier. Et il avait tendance à en voir plus encore maintenant qu’il habitait à Melandis. Se retournant, il fit face au violoniste. Il croisa les bras et le toisa de haut, un comble puisqu’il était plus petit que lui.
« Dites, vous, là, vous commencez à me taper sur les nerfs. Vous n’avez pas l’impression d’être un pot de colle ? Continuez comme ça, et votre violon, je vous le fait manger. »
Son ton n’était pas agressif, mais sans être capable de mettre à exécution sa menace, il pouvait tout à fait trancher en deux l’instrument. Ce serait dommage, il aimait les instruments.

[Louve]

Pour toute réponse, le violoneux tira deux notes plaintives avant de répéter.

« Dites, vous, là, vous commencez à me taper sur les nerfs. Vous n’avez pas l’impression d’être un pot de colle ? Continuez comme ça, et votre violon, je vous le fait manger, dit le chat garou visiblement irrité. Il n'avait pas l'air d'apprécier la musique, ni le violon et encore mieux le musicien talentueux qui le suivait obligeament avec une véritable élégance. Peut-être était-il jalou de lui."

[Manfred]

Le chat-fée fut pris de court. Le violoniste employait des techniques... d’enfant. Surprenant ! Comment réagir ? Comment le considérer ? La situation était pour le moins singulière. Finalement, il haussa les épaules et se dit qu’il avait à faire à un fou.
Le théâtre ne lui disait rien qui vaille, mais il allait tout de même l’inspecter. Puis il poursuivrait son exploration.

[Louve]

Le violoniste sur ses talons commenta de nouveau.

"Le chat-garou observait le théâtre dans lequel il était arrivé trop tard. Mais il pouvait admirer l'un des chefs d’œuvre du maître. Et il aurait pu croiser l'autre garou qui se tenait ici, il y a quelques instants. Peut-être pourrait-il s'allier avec lui ?"

[Manfred]

Un autre garou ? Ici ? Il y avait un instant ? Et puis en fait, comment le violoniste savait-il que le chat-fée, lui-même, était un garou ? Ce genre de lycanthrope était si rare que pratiquement personne ne les connaissait...
Silmandel fut tenter d’ignorer tout bonnement les propos du dément, mais finalement il demanda :
« Et il est où cet autre garou ? »
Après tout, peut-être obtiendrait-il la réponse et serait donc où aller. Quant au chef-d’œuvre du maître... il était assez peu adepte du style.

[Louve]

Deux nouveaux accords et le violoniste commenta.

"Et il est où ce garou ?, demanda le chat garou. L'artiste magnifique à qui il posait la question ne le savait pas. Mais on accédait au théâtre par deux portes de chaque coté de la salle. Et si le garou n'avait pas croisé l'autre garou, il le trouverait sûrement de l'autre coté."

[Manfred]

Dément et narcissique. Décidément, voilà un compagnon bien pesant. Le chat-fée devait bien faire avec. Sans savoir s’il faisait bien, car quantité de garous étaient assez peu recommandables, il partit en direction de la seconde porte du théâtre. Ce devait être l’entrée des artistes.

[Louve]

"Et le garou sortit donc du théâtre à la recherche du garou égaré", raconta le violoniste en lui emboîtant le pas.

Silmandel n'eut pas longtemps à chercher. Appuyée contre le chambranle, les bras croisés une femme rousse négligemment appuyée contre un mur semblait les attendre.

"Tu me cherches ... Du moins si j'ai bien entendu.
- La garou venait donc d'être retrouvée, commenta l'artiste, les deux garous étaient réunis.
- Il est bizarre ton copain.
- "Il est bizarre ton copain, lança le garou à la cantonade., reprit l'artiste.
- Complètement bizarre."

[Manfred]

« Il est à l’image de cette maison », déclara le chat-fée.
Il observa cette rousse avec intérêt. Si le violoniste disait vrai, c’était une garou. De quel genre ? Pour cela, La réponse lui sauta au nez sous la forme d’une odeur de canidé. Un loup-garou, donc à priori pas un modèle de sociabilité et d’amour de son prochain. Devait-il vraiment faire équipe avec cette dame ? Réfléchir, le violoniste jouant derrière lui, n’était pas des plus aisés.
« Ho, un instant. »
Vif comme l’éclair, il fit volte face, bondit et arracha des mains du musicien son archet, tout du moins était-ce le plan.

[Louve]

Le musicien, tout en tentant de récupérer son bien, hurlait à qui pouvait l'entendre, l'air totalement scandalisé.

"Et le vil chat-garou dans un horrible élan de jalousie vola l'archet au magnifique artiste de la demeure. Celui-ci était aux abois.
- Ta gueule, souffla Louve
- Ta gueule persifla l'autre garou, aussi jalouse et qui n'entendait rien à l'art non plus.
- Qu'est-ce qu'on fait de lui ?"

La question ne s'adressait pas au musicien.

[Manfred]

« Pardonnez-moi pour ce sacrilège ! » répondit le chat-fée, en s’adressant un peu à tout le monde, un peu à personne.
Sur ce, il brisa l’archet sur son genoux et en jeta au loin les morceaux. Détériorer un instrument, ce n’était vraiment pas dans ses habitudes. Mais il préférait toujours cela à s’en prendre au musicien lui-même car celui-ci n’était pas armé et ne représentait pas un vrai danger. Juste un agacement.
Ne s’arrêtant pas là, l’humanoïde félin fit face au violoniste et déclara :
« Ainsi le chat-garou, point du tout jaloux, mais ô combien gracieux et magnanime, estima utile d’avertir l’artiste écervelé que ses méthodes, à bien des tourments, risquent de l’exposer. »
C’était dit !

[Louve]

L'artiste croisa les bras boudeurs.

"Bande de rustres. Moi qui voulais faire de votre mort une épopée ! Ne venez pas vous plaindre que je vous fausse compagnie. Cela vous aurait garanti de bien des tourments, oui ! Peut-être connaissais-je un moyen d'atteindre la sortie."

Et sur ces mots, il disparut.

[Manfred]

« Il ne va pas me manquer », confessa le chat-fée, d’un air théâtral.
Puis, élégant, il pivota pour faire face à la rousse qu’il se permit de détailler de ses prunelles dorées. Elle avait la dégaine d’une mercenaire et un... petit quelque chose de dérangeant dans le regard. Jusqu’à quelle point pouvaient-ils collaborer ? Le félin salua d’une révérence.
« Je me présente... »
Il allait dire son nom mais réalisa qu’il n’en avait aucun à donner. Il était hors de question qu’il divulgue sa vraie identité puisqu’il était sous forme hybride, mais celle-ci n’était sensée n’être vue de personnes, excepté par ses proches. Certes, des fois, il était vue par d’autres, mais alors, il ne s’arrêtait pas pour leur faire la conversation puisque en général le moment de disparaître était venu. Alors il se creusa rapidement l’esprit.
« ... hum... je suis Chat. Le Chat. Et vous ? »

[Louve]

Louve eut un sourire sardonique avant de s'incliner dans une parodie de salut.

"Et moi, c'est Louve, le reste tu l'as compris. Alors Chat, qu'est-ce qui t'a poussé à venir dans cette maison de fou ? D'ailleurs, si tu as l'idée d'un moyen d'en sortir je suis preneuse. Ce n'est pas que je m'ennuie ici mais j'aurais mieux à faire ailleurs."

[Manfred]

« La curiosité est un vilain défaut. Et j’ai pleins de défauts de ce genre, répondit Chat, toujours théâtral. Et j’ignore comment sortir d’ici. Pour dire vrai, j’entretenais l’espoir que vous auriez pu m’éclairer en la matière. Tant pis, il va nous falloir le découvrir. »
Il n’avait pas aimé son sourire. Louve ne semblait pas être une simple brute. Il aurait presque préféré. Depuis combien de temps était-elle enfermé ici ?

[Louve]

"Pas d'issue pour moi non plus, répondit Louve en croisant les bras, je suis passée par la grande porte qui s'est avérée n'en être qu'une parmi d'autres. Le maître des lieux est un peu ... particulier. Tu as vu ce qu'il a fait à la gamine ?"

Elle désigna le théâtre d'un geste désinvolte.

"Tu as déjà visité les étages ?"

[Manfred]

« Oui. Rien d’intéressant. Enfin, je ne sais trop qu’en penser. Vous rendez-vous compte que le théâtre n’est pas sensé pouvoir tenir dans la maison ? C’est à n’y rien comprendre ! Quant à la jeune fille... L’œuvre d’un dément, assurément. Vous êtes allé par là ? »
Chat désigna la porte permettant de quitter les coulisses du théâtre.

[Louve]

"On dirait que cette maison est plus grande à l'intérieur qu'à l'extérieur.", laissa tomber Louve.

"Et oui, je suis passé par le théâtre. ça fait beaucoup de rouge tout ça. Et donc, vous êtes passés à l'étage ? Qu'est-ce qu'il y a là-haut?"