[Bâtiment] La Maison du Peintre Fou

[Manfred]

Chat raconta brièvement ce qu’il avait croisé en haut, mais Louve, en cet instant précis, eut sa concentration absorbée par autre chose. Une voix raisonna dans sa tête, la voix désagréablement mielleuse du peintre et maître des lieux.
« Hummmm... Cette jeune femme démembrée est d’un charme fou ! Quelle inspiration aujourd’hui ! Et dire qu’après m’attend un garou. Un seul, il va falloir choisir... »
Forcément, le spectre n’envoyait pas ses pensées dans la tête de quelqu’un d’autre par hasard. C’était une manière de rappeler à la rousse l’affreux marcher. Elle avait, elle, un moyen de sortir. Allait-elle s’en saisir ?
Et voilà que Chat, nonchalamment appuyé contre une des parois de bois des coulisses, faillit basculer en arrière. Une porte dérobée venait de s’ouvrir, une porte donnant sur un obscur couloir.
« Ha, bah, tiens, ça par exemple ! » fit le félin elfique en se retournant.

[Louve]

Louve gardait le marché en tête, il ne la répugnait pas. Trahir pour s'en sortir ne l'avait jamais empêchée de s'endormir. Il était bon d'être vivant, même avec du sang sur les doigts. Mais le chat semblait être un sacré veinard pour trouver des issus dérobées. Et rien ne lui garantissait que le peintre fou ne la libère, son forfait accompli.

Alors, autant se rapprocher au maximum de la sortie. Ensuite ...

"Je te laisse passer devant ?"

[Manfred]

« À votre guise, belle demoiselle, mais à la prochaine porte, à vous d’ouvrir la marche », répondit Chat qui, aimable, n’entendait pas pour autant prendre tous les risques.
Il s’engagea donc dans un couloir plutôt obscur ; Mais l’obscurité n’était un problème ni pour lui, ni pour elle. Ainsi purent-ils progresser jusqu’à une salle vaste et troublante.
Troublante car elle était occupée par des rangées de mannequins portants tous des costumes différents, costumes qui devaient sans doute servir au théâtre. Il y avait de tout, du roi au mendiant, du chevalier au magicien, du diable à l’ange. Chaque tenue était réalisé avec soins mais ne faisait bizarrement pas oublier toutes ces faces de bois, ces visages figés qui semblaient fixer les deux garous.

[Louve]

"Je n'aime pas ça., souffla Louve en portant une nouvelle fois la main à la garde de son épée, dans cette maison on dirait que n'importe quoi peut se mettre à bouger ou apparaître. Même des nouvelles pièces apparaissent. En tout cas, je ne lui donnerai pas ma peau."

Elle n'ajouta pas qu'elle était prête à vendre la peau d'un autre si cela le lui permettait.

[Manfred]

Le Chat répondit, mais sa voix fut couverte par un rire tonitruant, le rire d’une dame avec une sacrée carrure car pour sûr, une maigrelette aurait été bien incapable de produire pareil son. C’était un rire gras et caustique. Il sembla insuffler à tous les mannequins une vie impie. Tous ces visages de bois figé s’animèrent, tous ces membres raides s’agitèrent. Les rangs bien soignés se rompirent à la faveur d’une danse indescriptible et tourbillonnante qui fut d’un tel saisissement surréaliste que Louve se sentit perdre pied, que sa tête lui tourna.
« Tu ne lui donneras pas ta peau ? » déclara la voix de la grosse dame.
La danse, arrivé à son paroxysme, ne fut plus qu’un caléidoscope de couleurs et de mouvement. Puis, subitement, Louve perdit l’équilibre et tomba... assise sur un siège moelleux. Dans sa tête raisonnait encore l’échos de milliers de pieds en bois foulant frénétiquement le plancher. Mais tous semblait n’avoir été qu’un rêve, un songe, car elle réalisait maintenant se trouver dans un coquet salon. Le crépitement d’une cheminée et le tic tac d’une horloge avaient remplacé le vacarme.
Devant le siège, devant la lycanthrope, il y avait une table ronde avec une nappe de dentelle blanche. Sur cette table, un service à thé en porcelaine. Et derrière cette table, une femme énorme, qui probablement devait avoir du sang d’ogre dans les veines. Elle devait peser plus de 150 kilos. Une robe de haute couture tout aussi blanche que la nappe couvrait son corps obèse. La peau de son visage flasque et huileux s’ornait du sourire le plus malsain que Louve ait vu jusqu’à ce jour. Et ses yeux... deux fentes de pure malveillance.
« Dans ce cas, tu t’y prends mal. Un thé, ma chère ? » demanda la dame, presque mielleuse maintenant.

[Louve]

Louve regarda autour d'elle. Les décors changeaient très vite dans cette maison maudite. Un tableau monstrueux en succédait à un autre. Mais la lycanthrope entendait ne pas se montrer impressionnable. Elle ne donnerait pas à tous les pensionnaires se plaisir-là. Elle considéra l'adipeuse apparition avec une pointe de dégoût. Elle n'aimait pas qu'on dispose ainsi d'elle, surtout pour jouer à la dinette en lui soustrayant un allié potentiel. Un contretemps auquel elle s'était bien passée.

Loin de s'avachir sur le fauteuil confortable, elle se redressa et secoua la tête, laissant filtrer un léger sourire derrière ses lèvres pincées. Elle n'avait pas peur et faisait savoir que quoi qu'il arrive, elle vendrait chèrement sa peau. Elle était le chef d'une bande de mercenaires et pas un quidam impressionnable et convocable à tout bout de champ.

"Et je peux savoir ce que tu ferais avec ? Un manteau de fourrure, je suppose ? Si je peux me permettre, il en faudrait beaucoup. Et pas d'eau chaude, merci."

Elle fixa l'apparition dans les yeux en attente de sa réaction. Elle lui avait rendu son tutoiement à dessein pour lui montrer qu'elle lui parlait d'égale à égale. Dans sa main droite, elle tenait la garde de son épée, juste au cas où.

[Manfred]

« Ce que je ferai avec ta peau ? Rien, petite sotte, rétorqua, mordante et moqueuse, la grosse. Ce n’est pas moi qui vais te l’arracher, quoi que si tu continues à te montrer aussi effrontée, tout est possible. »
Elle porta une tasse de thé fumante à ses lèvres et prit de bruyantes gorgées. Le délicat de sa tenue, du décor, du service à thé, même de sa manière de manipuler la tasse, contrastait avec sa nature qu’il était aisée de deviner vulgaire, brutale, pour ne pas dire sauvage.
« Mettons tout de suite les choses au point. Je peux te tuer d’un claquement de doigt. »
Elle claqua des doigts et Louve grimaça de douleur. Elle eut brièvement l’impression qu’on lui passait une lame au travers de la poitrine. Ce ne fut qu’une fugace impression, fugace mais fulgurante.
« Et crois-moi, mignonne, c’est très loin d’être le pire de ce qui peut t’arriver. Non, on ne joue pas à arme égale. Ici, tu es un jouet, juste un jouet ! »
Elle s’était mise à hurler. Sa voix était devenue roque, démoniaque. Sa bouche parût un instant plus grande et garnie de crocs démesurés. Mais déjà elle se calmait, reprenait une gorgée de thé, reparlait avec douceur :
« Or, le peintre a des projets pour toi. Et tu te demandes pour y échapper s’il vaut mieux être avec le chat, ou contre le chat. N’ais aucun doute, dans les deux cas, tu crèves à la fin. »
Sur ce, la grosse éclata de son rire cruel. Puis, de nouveau, la voilà redevenue mielleuse.
« Tu crèves sauf si tu suis MON plan. Car tu n’es pas... dénuée d’intérêt. Moi, la Baronne, je m’en suis rendu compte, pas encore ce crétin de Blazius. »

[Louve]

Louve avait grimacé mais ses yeux n'avaient pas quitté ceux de la baronne. Puis elle l'avait écouté parlé, fasciné par ce mélange de sauvagerie et de mondanité. Et quelque part, cela lui plut. La menace lui fit pincer les lèvres, parce qu'elle savait qu'elle la mettrait à exécution et de manière brutale mais sûrement raffinée. Et elle n'avait aucunement envie de tester cela. Aussi devait-elle se montrait docile, d'autant qu'elle lui proposait en fin de compte une porte de sortie.

Le Chat n'entrait plus en ligne de compte, quoi qu'il se passe. Il redevenait un paramètre sacrifiable. Tant mieux. Elle n'avait pas envie de s'embarrasser avec qui que ce soit. D'une voix calme et respectueuse, elle demanda.

"Que puis-je faire pour vous, baronne ?"

[Manfred]

« Pour moi ? » reprit la Baronne.
Et elle éclata à nouveau de son rire malsain.
« Non, ma belle, pas pour moi. Pour toi, et pour Blasius. Moi, je ne suis qu’une entremetteuse », affirma-t-elle, mielleuse, presque dégoulinante.
D’un geste négligeant, elle jeta sa tasse vide derrière elle. Le fragile objet se brisa en mille morceaux contre un mur. La Baronne, ensuite, s’empara de la théière et commença à boire directement à son bec verseur. Après quelques bruyantes gorgées, elle poursuivit de sa voix perfide :
« Néanmoins tu apprends vite, une bonne chose. La liseuse de runes, c’était moi. La prophétie était ma première tentative pour influencer Blasius. Mais ça ne va pas marcher, je le sens. Mets-toi à sa place : il est enfermé dans cette maison, condamné à devoir se satisfaire des curieux et imprudents qui viennent à lui. Alors, bien sûr, quand il a la chance de voir débarquer, non pas un, mais deux garous, l’idée d’en épargner un n’est pas exactement la première idée qui lui vient en tête. Pourtant, s’il veut aller de l’avent, il doit trouver des collaborateurs qui ne sont pas enchainés ici, des gens qui pourront lui fournir des victimes. Il est dans mon intérêt que sa collection de tableaux croisse, donc qu’il se rende compte que tu peux lui être utile. »
La Baronne recommença à boire à même la théière. Elle procédait de manière de plus en plus répugnante, comme si le verni de délicatesse sous sa nature première était en train de partir.
« Sois franche, fournir des âmes innocentes à un effroyable spectre n’est pas quelque chose qui te dérange, n’est-ce pas ? Tu pourrais y gagner plus que ta simple survie. »

[Louve]

Louve fit effort devant le spectacle répugnant qui s'offrait à elle. Elle avait devant elle une alliée potentielle et surtout la perspective d'une véritable porte du sortie et qui plus est très influente. Si le peintre fou était en quelque sorte le poumon de la maison, la Baronne en était le cerveau. Alors, si elle devait faire comme si l'adipeuse dégoûtante était une princesse, elle le ferait.

Elle sourit sans en avoir conscience quand sa nouvelle amie - Louve en avait décidé ainsi - lui proposa de devenir l'intermédiaire entre des victimes potentielles et la maison. Voilà qui pourrait s'avérer à la fois amusant et hautement profitable. Les spectres étaient puissants et personne ne pouvait se targuer de compter de si beaux alliés dans ses rangs. Par contre, elle se devait d'apporter un ajustement au contrat.

"Vous connaissez mon âme mieux que personne, baronne. Libérez-moi et j'apporterai de nouveaux sujets à notre cher artiste. En revanche, je ne donne pas dans les enfants. Je suis désolée mais c'est comme ça."

[Manfred]

« Tu te compliques la tâche, très chère, répondit la baronne avec un rien de mépris, comme si épargner les enfants n’était à ses yeux qu’une stupide fantaisie. Mais chacun ses choix. Tu l’expliqueras à Blasius si jamais tu en as l’occasion. »
La théière vide, le monstre la jeta à son tour contre un mur où elle se brisa. Il semblait que le feu, dans la cheminée, prenait une allure de brasier infernal. Toute la pièce, initialement coquette, prenait des airs d’antichambre infernale. D’ardents reflets couraient sur la peau huileuse de la Baronne et sa robe, tendue, craquait aux coutures.
« À toi, maintenant, d’être à la hauteur. Tu en as l’opportunité puisque Blasius veut d’abord peindre le chat. Il t’as demandé de le foutre à poil, alors donne-lui satisfaction. »
La robe, maintenant, se déchirait franchement, laissant les bourrelets de l’abominations s’étaler. La chose perdait forme humaine, devenait démon véritable, tas de graisse animée de pure malveillance. Sa tête n’avait plus de cou, ses bras devenaient des tentacules et, au milieu de son ventre était en train de s’ouvrir une nouvelle gueule, gigantesque. Ce fut cette nouvelle gueule qui parla. Sa voix, grave, inhumaine, était dédoublée. Elle donnait mal au crâne rien que de l’entendre.
« Mais si tu te contentes de ça, tu crèves à la fin comme je te l’ai dis. Alors tu dois faire PLUS ! Tu dois IMPRESSIONNER Blasius ! Pourquoi veut-il voir le chat nu ? Pour avoir des images, pour s’inspirer ! Donne lui PLUS d’images, BEAUCOUP PLUS ! »
La voix du démon emplissait la tête de Louve, au point qu’elle avait l’impression qu’elle allait éclater. Devant elle, le monstre ne cessait de grossir. Sa masse colossale emplissait l’espace, l’énorme gueule dentue maintenant accompagnée de deux yeux comme des abysses sans fond. Les flammes de la cheminée débordaient, auréolait l’être cauchemardesque.
« Joue avec le chat ! TRAHIS-LE au pire moment ! Fais-lui vivre l’ENFER ! L’ENFER !!! »
La voix et ses échos partirent d’un rire d’ouragan. Louve en perdit presque conscience. Voilà qu’elle réalisa être allongé au sol, avec une sale migraine.
« Hé ! Ça va ? »
Devant elle, la figure féline de Chat. Il était en train de lui donner de petites gifles, probablement pour la réanimer.
« Ha, enfin ! Vous savez que vous m’avez presque fait peur ? »
Il se redressa. Il tenait une fine et belle épée lumineuse, manifestement magique. Il sembla la ranger dans une de ses manches, où elle disparût contre toute logique. La lame aurait dût être trop longue pour ne pas être remarquée. Et pourtant, plus d’épée. Dans la salle, il y avait des débris de mannequins, des morceaux de costume.
« Vous avez pris un coup sur la tête. Heureusement que j’étais là pour vous sauver, belle demoiselle. »
Le chat donnait toujours dans le théâtral, alors que dans la tête de Louve le rire dément continuait de raisonner, quoi que plus lointain, plus éthéré. Bientôt, il se tut, mais il y eut encore un perfide murmure :
« Mais surtout, ne parle à personne de notre petite discussion, mignonne. Je... te... surveille... »

[Louve]

Louve avait ouvert des yeux différents sur le chat. Du moins, si elle le regardait avec l'oeil un tantinet vitreux d'une personne reprenant conscience, son point de vue était tout autre. Pour elle, il était devenu une proie, un élément sacrifiable. Cependant, il n'y eut aucune fébrilité dans ses gestes quand elle se remit debout, d'un geste fluide. Elle se massa les tempes quelques secondes histoire de donner le change - mieux valait qu'il la croie affaiblie pour la suite des opérations - avant de soupirer pendant que la voix de la Baronne résonnait dans sa tête.

Il fallait qu'elle trouve le moment opportun pour trahir. Le moment que personne n'attendrait afin de créer la surprise. Il allait falloir qu'elle attende avec calme et vigilance, guettant l'instant opportun. Loin de le montrer, elle bougea le cou, histoire de faire craquer quelques vertèbres endoloris avant de déclarer.

"Cette maison commence à me taper sérieusement sur le système."

[Manfred]

« Il semble que ce soit sa vocation. Tâchons de ne pas perdre la raison, ou la vie, ou les deux. »
Chat s’exprimait avec calme d’une voix toujours un peu chantante, du fait de ses intonations exotiques. Après un dernier regard lancé à Louve, il se tourna vers le fond de la pièce. Une porte, qu’il aurait juré absente un instant plus tôt, s’y trouvait maintenant, semblant les appeler vers d’autres démences.
« Vous vous sentez en état ? Nous avions dit, chacun notre tour. À vous l’honneur ! »
[]Il s’effaça, laissant à Louve la "joie" d’ouvrir cette nouvelle porte. Comment cela ce n’était pas galant ? Chat se montrait peut-être aimable, et il n’avait dans l’absolu rien contre Louve en particulier, mais il n’était pas pour autant stupide. Il devait savoir de quoi était fait ce loup-garou. Fiable ou pas fiable ? On les disait brutal. Au moins ne devrait-il pas trop s’attendre à des coups trop retors.[/i]

[Louve]

Louve se redressa quelque peu et se dirigea avec lenteur vers la nouvelle porte. Il fallait que sa proie la sente faible et perdue afin de faire tomber sa vigilance. Ensuite, elle pourrait frapper. Et se serait sans remord. Pas qu'elle ait une quelconque animosité envers lui - elle le connaissait à peine - mais il était ici avec elle et le peintre avait besoin de lui. C'était tout. Elle se débrouillerait pour qu'il ne souffre pas trop, du moins pendant sa capture. Parce qu'elle savait que ce qui l'attendrait ensuite dépasserait la souffrance et l'entendement.

Ce n'était qu'une question de temps, ou de moment opportun. Elle ouvrit donc la porte suivante qui s'avéra être une grande pièce circulaire au milieu de laquelle se dressait une grande maison de poupée à deux étages. Au vu des nombreux détails, il s'agissait de la reproduction de la demeure du peintre fou.

"Intéressant", dit-elle en se rapprochant.

[Manfred]

« Oui, intéressant, mais hélas, nous avons tout les deux pu constater que l’intérieur de la maison ne correspondait pas à l’extérieur, loin s’en faut. Le théâtre, à lui, seul, est plus grande que la masure. »
Chat ne s’en approcha pas moins, non sans précaution. Il observa le modèle réduit, curieux sur la raison qui avait pu pousser les propriétaires du lieu à avoir ce genre d’objets.
« Peut-être qu’on peut regarder à l’intérieur et qu’il y aura un plan ou des indices pour nous mener à la sortie. Vous voyez quelque chose ? »

[Louve]

Dans la maison, quelqu'un avait ajouté des figurines en bois et les avait peintes avec un luxe impressionnant de détail. Deux d'entre elles attirèrent l'attention du chat fée. Il s'agissait d'une mercenaire rousse et d'un chat hybride. Louve quant à elle en repéra une autre dans une pièce un peu plus loin. Un personnage costaud et coiffé d'une cagoule : un bourreau. Un renfort potentiel pour l'aider à se saisir de sa proie. Elle l'empocha sans dire un mot.

Un autre détail capta l'attention de Silmandel. Dans la même pièce qu'eux, près de l'autre fenêtre, une autre silhouette de bois avait été installée. Une femme - ou tout du moins le supposèrent-ils - cachée sous d'immenses cheveux noirs, vêtue seulement d'une chemise de nuit. Et autour d'elle, quelqu'un avait représenté une ombre noire qui semblait s'étendre.

[Manfred]

L’œil vif de Chat crut surprendre un geste furtif de Louve. N’avait-elle pas retiré quelque chose de la maison de poupée ? Peut-être pas. Il aurait sans doute dût regarder en premier, c’aurait été plus judicieux. De toute manière, s’il poursuivaient sur leur manière d’arrangement, ce serait à lui d’ouvrir la marche pour la prochaine pièce.
« Ho, cette femme avec les longs cheveux noirs est absolument charmante, ne trouvez-vous pas ? », déclara-t-il, après avoir vu la figurine en question.
Il releva les yeux pour voir s’il apercevait ladite personne.
« On devrait éviter de perdre trop de temps ici, car il semble compté, plus qu’ailleurs. »

[Louve]

Louve s'était tournée elle aussi et tout d'abord, ils ne la virent pas. Elle commença à apparaître petit à petit, comme si elle émergeait du plancher dans lequel elle eut un instant l'air de nager. Puis elle se redressa, silhouette diaphane cachée par un rideau de cheveux très noirs. Elle bloquait l'entrée de la nouvelle pièce par laquelle Louve désirait passer mais celle-ci n'avait pas véritablement envie de s'en préoccuper, du moins pour l'instant. Ses sens lupins hurlaient à la panique et l'incitaient à la fuite mais sa part humaine la maîtrisa à temps.

Elle regarda autour d'elle et avisa une autre porte. Elle tira Silmandel par la manche et le tira à sa suite. Elle ne pouvait se permettre de le perdre, du moins pas avant de l'avoir livré au peintre. Derrière eux, la dame ne bougea pas mais les ombres devant elle commencèrent à s'étendre.

[Manfred]

Oui, en effet, il était peu recommandé de s’attarder ici. Chat dégagea néanmoins sa manche de la main de Louve.
« Je préfère les mots aux gestes, Madame », dit-il, aimable mais ferme.
Il suivait s’il voulait suivre, ce qui était présentement le cas. Mais il ne la connaissait pas assez pour la laisser le mener ainsi. De nouveau, il songea au geste furtif, mais les ombres, pressantes, appelaient à d’autres priorités.
À la suite de Louve, il franchit donc la porte latérale, prêt à une nouvelle surprise, qui ne pouvait être que mauvaise. Quoi d’autres en ce domaine de dingues ?

[Louve]

Louve lâcha Silmandel sans aucun état d'âme. D'accord, il n'aimait pas qu'on le touche. Libre à lui d'être pointilleux à ce sujet-là. De toute façon, il leur fallait s'enfuir et c'était la seule chose qui importait pour le moment. Derrière eux, les ombres croissaient et il semblait à Louve que l'entité se fichait bien du travail de l'artiste. Tout ce qui avait l'air de lui importer était ... Elle ne voulait pas le savoir.

La porte latérale donnait sur une salle occupée par une étagère présentant de nombreuses vitrines dont chacune était occupée par une tête de femme. Toutes, pour le moment avaient les yeux fermés. Une autre porte était visible mais elle se trouvait de l'autre de coté de la pièce. Les deux prisonniers de la maison allaient devoir passer devant le meuble macabre s'ils voulaient avancer.

[Manfred]

« Tiens ! Mais quelle charmante mise en scène ! » déclara Chat, tout en refermant la porte qu’ils venaient de franchir.
Il n’attarda pas son regard sur les têtes, fixant plutôt la porte d’en face :
« Foncez ! Et ne regardez pas les têtes ! C’est jamais bon de regarder ce genre de choses ! » conseilla-t-il.
Puis, s’étant décalé d’un pas agile, le félin bondit en avant, exécutant un saut en longueur que Louve aurait bien été incapable d’égaler, quand bien même elle était plus grande. En vérité, un tel saut ne pouvait qu’être surnaturel. Il permit à Chat de traverser toute la pièce en un clin d’œil et le voilà la main sur la porte suivante, déjà prêt à l’ouvrir.

[Louve]

Mais la porte ne s'ouvrit pas pour la bonne et simple raison qu'elle était fermée à clé. Des ombres commençaient à envahir la porte par laquelle ils étaient rentrés. Toute retraite était donc impossible.

"Et merde.", souffla Louve, voyant ses plans de sortie réduits à néant. Quelque chose lui disait que la Baronne ne l'aiderait pas sur ce coup-là.

C'est Silmandel qui aperçut leur sésame sur une étagère à coté de l'une des têtes de ce qui avait l'air d'avoir appartenu à une toute jeune femme.

[Manfred]

Chat eut un petit rire navré.
« Non », dit-il alors.
Non, je ne jouerai pas à ce jeu là, voulait-il affirmer à la maison et à ses occupants. Non, il n’était pas un jouet.
Le félin, toujours à côté de la porte, plongea une main dans sa manche et en sortit inexplicablement un fin stylet, comme une longue aiguille d’argent bleuté lumineux. Il l’introduisit dans la serrure, tourna. Il y eut de la résistance, mais il força, força, força jusqu’à ce que le verrou cède. Bruit de métal brisé, petites pièces qui tombent au sol. Un frémissement furibond traversa la demeure. Pour la première fois, quelque chose ne se passait pas comme prévu !
Chat, gardant son stylait en main, ouvrit la porte, cette porte qu’il n’aurait jamais dû pouvoir ouvrir ainsi.
« Qui m’aime me suive ! » fanfaronna-t-il en entrant.

[Louve]

Louve observa le chat fée avec des yeux différents. Il s'accrochait, contrevenait aux règles. En d'autres temps, s'il n'était pas devenu proie, elle l'aurait admiré. Dans cette maison folle avec laquelle elle était à présent liée, elle sentit une inexplicable bouffée de colère l'envahir. Loin de le montrer cependant, elle se contenta de le suivre. Qu'il fanfaronne tant qu'il avait encore la possibilité. La Maison se chargerait bientôt de lui rappeler qu'elle était la seule à dicter les règles et elle serait là pour les faire respecter. Il suffisait juste d'attendre le bon moment.

Dans la pièce, les têtes ouvrirent leurs yeux d'un même mouvement et se mirent à hurler. Un cri perçant, désespéré et terrible presque immédiatement suivi d'un bruit de pas lourd néanmoins décidé. Quelqu'un venait de se lancer à leur poursuite.

[Manfred]

La porte donnait sur un couloir si long qu’il se donnait des airs d’infini. On voulait qu’ils courent, courent, courent sans fin, comme dans les cauchemars dont cette maison horrible semblait se gorger.

Chat, lui, ne courait pas. Il s’était certes éloigné de la porte, mais maintenant s’était retourné. Louve l’avait rejoint, dépassée. Entendant les pas pesant, il rangea son stylet dans sa manche... pour en sortir une rapière aussi belle que dangereuse. S’il ne se battait pas, comment pourrait-il savoir si la fuite s’imposait ?
« Si ça se trouve, ces gens se payent notre tête. Tout ça n’est peut-être que le fruit de notre imagination, que des illusions ! Que diriez-vous de refroidir ce qui vient ? »

Louve savait, cependant, que se battre n’était pas le plus conseillé.

[Louve]

Il fallait lui faire croire qu'elle était de son coté jusqu'au moment propice. Mais ce moment n'était pas là et Louve n'avait rien contre un peu d'exercice. Elle sortit son épée à son tour. Elle n'avait pas peur de ce qu'elle allait voir car elle était du coté de la Maison, même si la majeure partie de ses habitants ne le savaient pas encore. Avec son arme en main, elle se sentit un peu plus assurée. Elle se redressa, fière comme à chaque fois qu'elle combattait.

C'est un corps dépourvu de tête qu'ils virent traverser à grand pas le couloir. Visiblement, celles qui se trouvaient dans la pièce précédente et il les échangeait comme tout un chacun changeait ... de chapeau. Cette pensée fit plisser le nez de Louve de dégoût. Elle dit doucement au Chat.

"Pas de quartier."

[Manfred]

Le corps sans tête s’approchait, curieusement imposant dans une robe noire aux funestes ondulations. N’était-ce point la dépouille d’une sorcière curieusement pleine d’une vie furieuse qui se dressait là ? Quoi qu’il en soit, la chose, sans cesser d’avancer, brandit des doigts aux ongles crochus et des éclaires se mirent à danser, à palpiter, puis à fuser dans l’air avec un vacarme de tous les diables !

Chat, qui avait escompté engager le corps à corps, sentit l’atmosphère électrique lui hérisser le poil. Une illusion pouvait-elle faire cela ? Encore un peu et l’une des ramifications foudroyantes déchira le vide presque en dent de scie et lui brula le bras. Quant à Louve, elle ne fut en rien épargné. Guerrière expérimentée qu’elle était, elle sut son trépas certain si elle ne battait pas en retraite car les éclairs, par dizaines, s’abattaient en un lieu peu adapté pour s’y soustraire.
Chat, reculant d’un bond, se sentit obligé de riposter. Sa main libre exécuta un arc de cercle, comme s’il voulait lancer quelque chose et se furent deux flammes d’énergie jaunes qui zigzaguèrent à folle allure vers le corps sans tête. Intention louable mais résultat en berne, l’ennemi n’avait même pas réagi à l’agression pourtant encaissée de plein fouet.
« Ok, mauvaise idée ! C’est qu’ils rigolent pas dans cette maison de fous ! »
Demi tour, Chat fuyait à présent. Et à toute allure !

[Louve]

Et Louve le suivit, légèrement sonnée par les charges électriques. Cette maison abritait des fous dangereux. Elle n'avait pas d'autres choix que fuir, du moins pour le moment. Elle n'avait pas le moyen de se repérer pour atteindre la salle du bourreau qu'elle avait aperçu. Tant pis pour le moment. L'important était de s'éloigner de cette sorcière furieuse.

En même temps qu'elle courait, elle espéra une aide providentielle de la Baronne qui m'aime si elle n'avait pas vraiment d'intérêt à la voir mourir devait bien s'amuser du spectacle.

[Manfred]

Aide providentielle y eut-il ? Difficile à dire, mais le couloir, qui pourtant avait semblé aussi long que l’éternité, s’avéra bien plus court. Une chance car cette longue ligne droite n’offrait aucun refuge contre les assauts foudroyants de la décapitée enragée. Les deux garous, sans cesse, devaient garder un regard derrière eux pour bondir ou s’aplatir à l’approche d’un éclair ou d’une légion d’étincelles. L’air lui-même semblait crépiter !
Seulement voilà une porte, là, juste devant ! Une porte que Louve fut la première à franchir et qui, elle le sut, sans savoir comment, abritait le bourreau. Chat arriva juste après elle et referma la porte avec grande hâte.
« Ha, décidément, impossible de discuter avec ces gens ! » plaisanta-t-il, essoufflé.

[Louve]

Les poils et les cheveux de Louve s'étaient hérissés à cause de l'électricité statique. Elle passa une main rageuse dans ses cheveux qui le fut d'autant plus quand elle reçut une décharge. Là, dans cette maison, elle avait crû mourir jusqu'à ce que la Baronne - mais était-ce bien elle - ne créée une porte providentielle. Peut-être veillait-elle sur elle après tout. Dans tous les cas, ils avaient dû offrir un spectacle rocambolesque au maître des lieux, si tout du moins il avait pu les observer.

Elle lança à Chat un regard vénéneux. Qu'il plaisante tant qu'il le pouvait encore. Ce serait encore moins le cas quand la Maison aurait raison de lui. En attendant, il avait failli les faire tuer avec sa bravoure déplacée ou plutôt son inconscience. Le pire étant qu'elle l'avait suivi ! Et puis, elle n'avait pas envie que l'on se moque de ses futurs employeurs et surtout pas un jeune freluquet surgi de nulle part. L'enjeu était trop grand. Dès que l'occasion se présenterait, elle le livrerait aux occupants du lieu. En attendant, elle observa la nouvelle pièce.