[Lieu] Dargyll

[Galathée]

Ils cheminèrent à bonne allure pendant les deux jours suivants, alternant des moments de galop et d'autres, plus tranquilles, pour reposer leurs montures. La campagne ne présentait pas d'obstacles majeurs à leur progression, doucement vallonnée, parfois complètement plate, de prés, de champs et de bosquets. Ils croisèrent quelques voyageurs, surtout des paysans qui circulaient d'un village à un autre, des chasseurs, et des animaux de toutes sortes, mais la plupart s'écartaient à leur approche et les observaient de loin tandis qu'ils passaient. Ils bivouaquèrent en pleine campagne, cette fois près d'un cours d'eau qui avait résisté à l'été, puis repartirent au petit matin. A la mi-journée, ils atteignirent une piste plus conséquente, qui courait le long de la lisière de la Forêt Maudite, mais à une bonne lieue de l'orée.
" Nous allons nous arrêter une dernière fois avant notre objectif. Il y a un village un peu plus loin, annonça Joffren.
— Avec une auberge ? demanda la halfeline.
— Je ne crois pas, mais il y aura sans doute moyen de négocier quelque chose avec les gens du cru."
Ils continuèrent sur leur lancée un moment puis, sur leur gauche, apparut la silhouette d'un petit bourg. Ils s'engagèrent au trot sur le chemin qui y menait. Il était encore tôt, le soleil avait seulement commencé à décliner. La première chose qu'ils virent en approchant, fut un verger de pommiers couvert de corneilles... et une silhouette qui cheminait entre les arbres.

[Voyageuse]

Quête : De pierres et d'or pur.

Ce qui frappait tout visiteur arrivant à Dargyll, c'était le cimetière, immense, construit de part et d'autres du village, et probablement également derrière les dernières maisons. On y trouvait des tombes de toute taille, de toute forme, des caveaux antiques tombés dans l'oubli comme de petits monticules de terre apparemment fraichement retournée, des pierres tombales de marbre blanc voisinant avec de simples petits espaces caillouteux plantés de fleurs. Comment un si petit bourg, d'une trentaine d'habitations tout au plus, pouvait-il accueillir un si grand nombre de défunts ? C'était assez incompréhensible.

Le soleil était couché depuis peu lorsque Kmir et Bruno parvinrent en vue du cimetière. L'heure tardive, entre chien et loup, ajoutée à la brume qui baignait les lieux même en ce mois d'Eleasis, créait une atmosphère propre à angoisser des aventuriers moins expérimentés. Mais Kmir avait la chance d'y voir presque comme en plein jour, et Bruno n'en était plus à son premier voyage. Kmir le surprit néanmoins à scruter les tombes avec attention, particulièrement concentré.

" Nous dormirons à l'Auberge du Bon repos, annonça-t-il à Kmir. Elle est très fréquentée. Aucun voyageur sain d'esprit ne campe à la belle étoile avec un tel voisinage..."

[Kmir Tailleroc]

« Je me doute, oui. »
Après cette journée de voyage, Kmir était forcément fatigué. Mais il était du genre coriace, comme bon nombre des siens. Comme bon nombre de voyageurs également, ce qu’il était de fait par sa profession actuelle et la précédente.
Il observa, curieux, le vaste cimetière et peut-être qu’à la faveur d’un moment creux, il en demanderait l’origine. Mais en attendant, il avait hâte d’aller à l’auberge. Elle était grande et donc ne l’inquiétait pas.
Manger, dormir, repartir, voilà le programme. D’habitude, il s’attardait toujours un peu là où il passait, pour guetter les bonnes affaires. Combien de bonnes opportunités avait-il dû louper à cause de sa hâte ? Tant pis, il avait ses priorités et n’était pas prêt à en changer.

[Voyageuse]

Comme la veille, Bruno s'occupa d'emmener les chevaux dans l'écurie attenante, laissant à Kmir le soin de réserver des chambres. L'auberge du Bon Repos était suffisamment fréquentée pour que son apparence ne lui attire guère d'ennuis.
Poussant la porte, Kmir découvrit une grande salle basse de plafond et sombre, à la décoration douteuse faite de chauves-souris empaillées et de crânes d’animaux divers. Malgré l'heure tardive, les longues tables de bois qui meublaient la salle à manger n'étaient pas totalement occupées. L'aubergiste, un homme presque squelettique tant il était maigre, était occupé à circuler de l'une à l'autre, et se dirigea vers lui sitôt qu'il l'aperçut.
" Bienvenue au Bon Repos, s'exclama-t-il. Vous cherchez des chambres, je présume... Et malheureusement... on est complets ! Mais il nous reste de la place dans le caveau familial, si vous voulez...
- Il y fait frais, en cette saison c'est l'idéal, renchérit un client de la table voisine.
- Et puis, vous ne détonnerez pas au milieu des statues de gargouilles, plaisanta un autre.
- Ou sinon, il y a les grands placards, là-bas, reprit l'aubergiste, mais ils sont pleins de squelettes !
- C'est bien connu", commenta le premier client.
Il y eut des rires, puis l'aubergiste reprit son sérieux.
" Rassurez-vous, je plaisante... On voit que vous n'êtes pas d'ici. Mais on vous trouvera bien une petite place quelque part, je vous promets...
- Bien sûr, renchérit quelqu'un, William a toujours des cercueils vides, rembourrés, modèle de luxe !
- Mais sinon... on a aussi des lits dans des chambres ordinaires. C'est un peu moins typique, c'est tout..."

[Kmir Tailleroc]

Il faut bien avouer que Kmir ne s’était pas attendu à pareil accueil. D’abord pris de court, son visage finit par se fondre d’une expression amusée, un fait plutôt rare car, Bruno avait largement pu le constater, les svirfnebelins n’étaient pas des modèles d’expressivités, loin sans faut.
« Deux chambres, je vous pris, de quoi nous sustenter, moi et mon compagnon, et... maintenant que vous avez piqué ma curiosité, je commende aussi un récit. C’est la première fois que je passe par ici et, vous le comprendrez aisément, je ne peux que me demander d’où vous vient ce... comment dire ? Ce pittoresque sens de l’humour et de la décoration ? Ho, j’oubliais, superbe le cimetière ! »

[Voyageuse]

L'aubergiste sourit largement, et se dirigea vers le bar pour y récupérer deux clés.
" Ah, l'humour... disons qu'il n'y a souvent que les gens d'ici qui le comprennent ! Mais le cimetière, c'est pas nous ! Il était là bien avant notre arrivée...
- Et il sera là bien après, ajouta l'un des clients. Mais on a passé un pacte avec les esprits des défunts pour avoir l'usufruit du lieu pendant quelques siècles...
- Heu, parle pour toi, moi je n'ai passé de pacte avec personne ! s'exclama son voisin de table.
- Mais tes ancêtres, tes ancêtres, Cédric ? Que crois-tu qu'ils ont payé pour pouvoir bâtir un village quasiment au milieu du cimetière, entouré de tombes ? Si ça se trouve, ta maison est un ancien mausolée...
- Tu as raison, ça explique qu'il y fasse toujours aussi frais ! Et je comprends mieux la visite du spectre à l'automne dernier... Je dois être chez lui !"

L'aubergiste secoua la tête, amusé.
" Toutes les familles ici vous raconteront la visite d'une goule, d'un squelette ou d'un fantôme quelconque. Disons qu'on a des visiteurs un peu inhabituel...
- Et pas toujours ravis de rencontrer des vivants, ajouta le dénommé Cédric avec une grimace.
- C'est l'inconvénient de ce type de voisinage, reprit l'aubergiste. Malheureusement, le cimetière étant bien antérieur à notre arrivée, on n'a aucune certitude sur son origine. Juste des légendes qui ont sûrement un fond de vérité. Certains disent qu'il date d'une période où la forêt s'étendait presque jusqu'à la côte. Elle n'était pas encore maudite... Mais il y a eu une sorte de souillure, qui s'est étendue, avec des créatures venues de l'ombre, d'un autre plan peut-être. Les elfes qui y vivaient ont demandé l'aide des humains de la côte pour éradiquer la menace. Les combats auraient duré des décennies, des siècles peut-être,et il y a eu des centaines et des centaines de morts... D'où le cimetière. Qui n'a fait qu'aggraver les choses puisque les morts s'y relevaient et se joignaient au combat, mais dans le camp de l'ombre. On dit que la seule solution a été, finalement, de détruire la forêt aux abords de la côte pour éliminer la menace à proximité. Le cimetière reste encore un peu agité, mais sans l'influence de la forêt, la menace reste facile à maîtriser. Luménis y envoie souvent des paladins. Par contre, on dit que tous les elfes ont disparu de la forêt, qu'ils ont perdu le combat et ont été exterminés..."

[Kmir Tailleroc]

« Une sacrée histoire. Vous riez de ce qui effraierait bien des gens. Il faudra que je pense à revenir par ici, j’ai toujours aimé ce genre de folklore. »
Oui, il y avait toujours une histoire de trésor qui s’y planquait quand on savait chercher. L’épée magique d’untel, l’anneau enchanté de bidule, le sceptre brisé de machin... autant de choses que Kmir aimait dérober.
« Cependant, j’espère que cette nuit, les fantômes n’agiteront pas trop fort leurs chaînes, nous ne sommes que de passage et la route fut déjà longue jusqu’à chez vous. Et longue, elle le sera demain aussi. »
Récupérant les clefs, il alla prendre place pour attendre Bruno.

[Voyageuse]

Bruno entra dans la pièce juste au moment où il s'asseyait, et déposa leurs fontes près de l'escalier qui montait à l'étage avant de le rejoindre à table.
" J'ai rudement faim, avoua-t-il. Il faut croire que m'escrimer sur ces fichues sangles avec mes doigts gourds, ça creuse. Si je me souviens bien, ils ont des menus un peu particuliers par ici, et en particulier une tarte au potimarron absolument délicieuse... même si c'est un peu tôt dans la saison.
- Il y en a, je vous rassure, intervint l'un des clients qui avait taquiné Kmir un peu plus tôt. Mais je serais surpris qu'elle convienne à un petit homme de pierre comme vous, ajouta-t-il en se tournant vers Kmir. Vous êtes des profondeurs, ça se voit... et je pensais que les habitants des profondeurs n'aimaient que les champignons et la viande. En tout cas, pas les légumes du soleil. Le seul que j'aie jamais vu par ici n'a jamais voulu goûter notre fameuse soupe à la citrouille ! Il avait le caractère aussi dur que la pierre... ce qui ne semble pas votre cas".

[Kmir Tailleroc]

« C’est que je suis habitué à la surface, répondit Kmir au fameux client. Je la fréquente depuis de nombreuses années, de quoi un peu s’assouplir. J’apprécie en générale ses coutumes et... sa nourriture. De fait, j’ai hâte de goûter cette spécialité. »
Il était vrai que par rapport aux siens, le gnome était un modèle de sociabilité. Il demeurait d’un calme stupéfiant en bien des moments, mais quand la situation s’y prêtait, comme à présent, il lui arrivait de se montrer presque ordinaire aux regardes du comportement humain. Il devait également ressentir le besoin de faire une vraie petite pause. Penser toujours à la malédiction, c’était usant.

[Voyageuse]

" Vous verrez, c'est très bon... Enfin, selon des goûts humains... Avec une bonne petite bière, ça réchauffe le cœur. D'ailleurs, il faut que vous goûtiez notre bière ! L'Outre-Tombe, elle s'appelle..."
Bruno sourit.
" Parce qu'elle pourrait réveiller les morts, je présume ?
- Exactement. C'est vrai qu'elle est un peu forte. Les nains l'aiment bien, d'ailleurs. Je pense que ça devrait vous plaire aussi. Hey, tavernier, mets-nous donc des pintes d'Outre-Tombe. Enfin... je sais que vous n'êtes pas un nain...
- Tu vas le vexer, Gilou, intervint le dénommé Cédric. Peut-être que les gnomes des profondeurs détestent être comparés aux nains ? D'ailleurs... Est-ce qu'il y a des nains, aussi, dans l'outre-terre ?"

[Kmir Tailleroc]

« Ho, il y a des nains dans l’Outreterre, oui. Certains, vous les connaissez, puisqu’ils fréquentent la surface. D’autres, on les appelle les nains gris et ceux là sont plutôt du genre pas du tout commode, pour ne pas dire franchement belliqueux. Quoi qu’il en soit, rapprocher les gnomes des profondeurs des nains, sans être exact, n’est pas non plus une absurdité. Nous partageons avec eux le travail de la pierre, du fer, des gemmes et... les boissons fortes. Cette Outretombe me va donc à ravir. »
Kmir n’irait pas jusqu’à rouler sous la table, loin sans faut, mais une soirée un peu plus légère allait lui faire du bien.

[Voyageuse]

" Ah... un amateur de bière !
- Vous allez l'adorer !"
Bruno, en face de lui, leva les yeux au ciel, mais ne dit rien. Un pli soucieux lui barrait le front, et Kmir devina qu'il aurait du mal à se laisser distraire, même le temps d'une soirée.
Le tavernier, cependant, leur amenait à chacun une pinte de bière -une vraie pinte, pas l'un de ces grands verres citadins qu'on servait à Luménis : la quantité servie aurait parfaitement contenté un nain des Montagnes de Fer. C'étaiut une bière rousse, mais on l'informa qu'elle se déclinait également en blonde ou en brune. Et, comme Kmir put le constater, elle était plutôt forte, mais bonne.
" Mais si vous aimez les gemmes... Vous allez adorer notre cimetière, embraya Gilou. Il regorge de trésors perdus, à en croire les légendes.
- On parle notamment d'une liche louve-garoute nommée Hor-tensh qui aurait accumulé un fabuleux trésor, intervint l'aubergiste.
- Ah, la dernière fois tu parlais d'une archiliche....
- Mais non, ça a toujours été une liche ! Une Nétherisse... qui servait Talos de son vivant. Ma grand-mère l'a vue de ses yeux !"

[Kmir Tailleroc]

« Ho, des trésors... des gemmes... vous allez presque raviver ma soif d’aventure. C’est par contre la première fois que j’entends parler de liche lycanthrope. Les loups-garous m’ont toujours semblés plus doués pour déchiqueter plutôt que de lire des grimoires magiques. »
La bière était bonne, les histoires étaient intéressantes, il se pouvait même que derrière les fables narrés par les locaux se cachent de vrais trésors, de vraies opportunités. Il était cependant impensable que Kmir s’y consacre avant d’avoir réglé l’histoire de la malédiction. Il pouvait se renseigner, le temps d’une soirée, mais demain, dès l’aube, lui et Bruno seraient sur le départ, en route vers Lumenis.

[Voyageuse]

" Elle a dû être mordue sur le tard...
- Ou bien elle a voulu faire une expérience qui a mal tournée et elle s'est retrouvée lycanthrope ?
- Peut-être que c'est la lycanthropie qui lui donne sa longévité, qui sait ? Parait que ça se régénère, ces bestioles..."
Les hypothèses allaient bon train, sans être prises véritablement au sérieux. L'aubergiste, entre-temps, était allé en cuisine et revenait avec deux parts de tarte orangée à l'odeur appétissante. Il ajouta bien sûr son grain de sel.
- On a aussi un groupe de guerriers squelettes qui se lèvent de temps en temps, l'hiver. On dit qu'ils étaient la garde rapprochée d'un richissime Calimshite et qu'ils continuent de défendre son trésor. Mais personne ne sait en quoi consiste ce trésor, si ça se trouve, ce sont juste les restes squelettiques de son harem !.
- Et puis, il ne faut pas oublier l'enclos des goules ! Personne n'en est jamais revenu, vous me direz... ce qui veut dire qu'il n'y a sûrement pas que des goules dans ce coin du cimetière.
- En fait, vous n'êtes pas venu à la bonne saison. En automne, ou en hiver, on ne peut pas s'approcher du cimetière sans déranger quelques fantômes et âmes en peine, c'est plus pittoresque... Ils viennent même boire un coup à l'auberge.
- Oui, mais pour chercher des trésors, c'est moins dangereux l'été !
Bruno, qui avait écouté jusque-là d'un air plutôt imperturbable, finit par rire.
" On a vraiment des têtes de chercheurs de trésor ?
- Vous non... Mais lui, oui ! On sait bien que les nains aiment les richesses... et les gnomes des profondeurs c'est pareil, il l'a dit lui-même !"

[Kmir Tailleroc]

Kmir rit. Et ce fut pour son compagnon l’occasion de découvrir qu’il en était bien capable. Cependant, pour conserver sa couverture, il expliqua qu’en temps que marchand, la recherche de trésors ne faisait hélas pas partie de ses attributions. Puis il ajouta, faussement à la dérobée, que, peut-être, s’il pouvait s’offrir quelques jours de congés... s’improviser aventurier... dans le coin...
Ceci dit, il se consacra à son assiette. Il avait un estomac à remplir et un gosier à hydrater.

[Voyageuse]

Sans être particulièrement raffiné, le repas était bon et ravigotant. La tarte au potimarron fut suivie d'un civet de lapin accompagné de blé germé, toujours arrosé de bière. et une corbeille de fruit et de fromages vint clore la soirée. Les discussions se poursuivirent un moment, chacun y allant de son anecdote ou de sa blague -pas toujours très fine. La bière coulait à flot et les langues se déliaient, encouragées par l'aubergiste qui relançait la discussion dès qu'elle menaçait de s'interrompre. Et Kmir se retrouva ainsi à discuter avec plusieurs autres personnes de la salle, des habitués pour la plupart, mais aussi deux autres marchands en route vers Luménis, un groupe de mercenaires à la recherche d'un contrat -ou d'un trésor-, et quelques voyageurs de tous âges. Il n'en apprit pas grand-chose, sinon que les autres voyageurs connaissaient déjà le village et sa réputation, et ne prenaient pas trop au sérieux toutes ses légendes -à part le groupe de mercenaires, bien sûr, qui semblait prêt à aller en découdre immédiatement avec les zombies du voisinage.
Une petite phrase, cependant, attira son attention. L'un des mercenaires parlait d'une rencontre avec un trio d'elfes noirs qui avaient bien failli avoir leur peau, cinq jours plus tôt. Ils en avaient occis un et gravement blessé un autre... puis la conversation dévia, à nouveau.

[Kmir Tailleroc]

Kmir, forcément, se montra plus attentif. Il revint sur le sujet des elfes noirs, prétextant le légitime intérêt qu’il pouvait éprouver envers les affaires de ceux des profondeurs. Par quelques questions, il souhaitait écarter l’hypothèse selon laquelle ce trio avait été à leur poursuite. Il y avait quand même peu de chance, estimait-il. Peu importait, il était curieux et il n’avait rien de mieux à faire ce soir que de discuter.
Le repas avait été bon, l’ambiance était bonne, c’était un chouette moment !

[Voyageuse]

Il n'apprit pas grand-chose, sinon que l'escarmouche avait eu lieu non loin du village de Murols, la veille du jour où ils s'y trouvaient eux-mêmes. Les mercenaires avaient grièvement blessé deux des elfes avant que le trio ne prenne la fuite.
Ce genre d'incident était, selon eux, extrêmement rare : ils écumaient le sud de l'île depuis des années, et c'était la première fois qu'ils y croisaient un petit groupe d'elfes noirs ou qu'ils en entendaient parler. Ils supposaient que ceux-ci étaient envoyés comme éclaireurs par leur tribu, ou comme espions peut-être. Ils se trouvaient en-dehors des chemins battus, explorant minutieusement un secteur assez sauvage, à la lisière de la Forêt Maudite, comme s'ils cherchaient quelque chose. Il s'agissait pourtant d'un endroit où, selon les mercenaires, il n'y avait nul trésor à dérober ni quoi que ce soit qui puisse expliquer la présence d'un groupe de curieux venus des profondeurs.
L'aubergiste sembla sérieusement s'inquiéter de ces rumeurs -bien davantage que de celles concernant les morts-vivants du cimetière. Il évoqua la possibilité que leur présence présage une attaque d'ampleur, une invasion peut-être... Mais tous reconnaissaient ne rien savoir du fonctionnement des sociétés drows.

[Kmir Tailleroc]

Kmir en conclut que cette histoire, comme il s’y attendait, était sans rapport avec la leur. Les Drow avaient milles raisons qui pouvaient les pousser à agir ainsi. Il parla de ce qu’il savait de leur mode de fonctionnement. Des éclaireurs, oui, c’était possible. Une invasion ? Peut-être, mais il pensait plus probable qu’ils préparaient des raides d’esclavagistes. Il fallait tenir informé les autorités. Et aux gens, dans les petits villages, de se méfier, la nuit. Les esclavagistes, le plus souvent, misait sur des attaques éclairs qui pouvaient être mises en déroute s’il y avait un minimum de défense.

[Voyageuse]

Ses conseils furent écoutés avec beaucoup plus de sérieux que les légendes concernant le cimetière. La majorité des clients habitaient le village, et ils commencèrent à échafauder des plans d'action -plus ou moins foireux. Il n'y avait pas de service d'ordre sur place, mais beaucoup savaient se défendre, et ils pouvaient compter sur l'aide des clercs du temple local, qui rassemblait, de façon étonnante, chauntéens et lathandrites dans un même lieu.
Un marchand en partance vers le sud promit de prévenir les villages qu'il traverserait, et les mercenaires comptaient en faire autant de leur côté. Ainsi, la région entière serait en alerte. Ils auraient de quoi faire face, si jamais les soupçons de Kmir s'avéraient exacts.
Ces inquiétudes avaient quelque peu douché la bonne humeur générale, et compte tenu de l'heure tardive, la veillée ne se prolongea pas davantage. Bruno fut le premier à monter se coucher, refusant la petite liqueur proposée par l'aubergiste. C'était un alcool à la verveine, plutôt fort apparemment, et excellent d'après leurs voisins de tablée qui conseillèrent vivement à Kmir d'en gouter un verre... s'il n'était pas trop fatigué bien sûr.

[Kmir Tailleroc]

Se sentant un peu coupable de cette fin de soirée à l’ambiance mitigée, Kmir ne se défila pas. Il prit donc ladite liqueur et l’accompagna de quelques récits qu’il avait appris sur la route, durant ses nombreuses années de commerce.
Puis il irait se coucher. Sans doute avait-il pris un rien plus d’alcool que prévu, mais il était solide, presque un nain en la matière. Du moment que demain, il puisse tenir la cadence, tout irait bien dans le meilleur des mondes. Par ailleurs, cette petite pause lui avait fait du bien. Il était particulièrement tolérant au stress, mais l’évacuer de temps en temps, c’était toujours mieux.

[Voyageuse]

Le verre de verveine, fièrement présenté par l'aubergiste comme étant distillé par ses soins, délia les langues. Certes, l'humeur ne redevint pas aussi légère qu'elle l'était en début de soirée, mais Kmir passa néanmoins un bon moment. Il n'était pas le seul à avoir voyagé et avoir des récits intéressants à raconter : les mercenaires sillonnaient les routes depuis plusieurs années et en connaissaient un rayon sur la région et ses pièges, et notamment sur tout ce qui concernait la Forêt Maudite. Ils connaissaient plusieurs légendes sur ses origines, la plupart se rejoignant sur l'essentiel : une souillure apparue soudainement qui aurait perverti l'essence des lieux. Certaines parlaient d'une contamination venue d'Outreterre, d'autres évoquaient d'autres plans, mais en réalité, nul n'en savait rien, à part peut-être les sylvaniens et les dryades qui défendaient autrefois ces bois... mais ils avaient probablement tous été exterminés. Le petit groupe évoqua également les montagnes de fer, ses mines, ses cités naines -ils se vantaient d'avoir visité au moins deux d'entre elles-, mais aussi Antelucas et ses femmes alanguies sur les plages...
L'alcool les rendait incroyablement bavards, mais ils finirent eux aussi par se lasser et donner des signes de somnolence. Une partie du groupe monta se coucher, laissant la salle désormais presque vide. Il restait, dans un coin, un voyageur âgé, que Kmir n'avait pas vraiment remarqué au cours de la soirée, mais qui, assurément, n'avait pas perdu une miette de la discussion. Il se leva à son tour, se dirigeant vers l'escalier, trajet qu'il l'amena à proximité de Kmir.
" Il se trouve que j'ai... par hasard... ou par la main de Beshaba plutôt... passé autrefois un peu de temps en Outre-terre. Juste quelques mois, dans mes jeunes années. Je n'en ai, hélas, vu que des horreurs. Et ce soir... et bien je suis heureux d'apprendre qu'il existe également des créatures pacifiques, telles que vous, en ces lieux maudits. Merci pour votre agréable compagnie... et bonne nuit à vous."
L'inconnu, souriant, lui tendit la main.

[Kmir Tailleroc]

Kmir la serra tout en répondant, affable :
« Nous autres, gnomes des profondeurs, pouvons nous venter d’être un des rares peuples d’en-dessous fréquentables. Enfin, fréquentables, c’est beaucoup dire. Encore faut-il nous trouver. Vous avez vu dans quoi nous vivons, vous comprendrez que les miens savent très bien se cacher et ne se montrent presque jamais. Ravi en tout cas d’avoir pu vous être agréable. »
Le gnome se leva. Il se sentait... pompette, mais rien de trop grave à priori. Il n’en était théoriquement pas au point d’avoir demain la gueule de bois. Mais il était grand temps de se coucher.

[Voyageuse]

L'inconnu s'éloigna en direction des escaliers, et Kmir put en faire autant à son tour. L'aubergiste le salua d'un signe de tête et d'un sourire, tout en débarrassant les dernières tables.
Sa chambre se trouvait au premier étage, comme celles de la plupart des clients apparemment : Kmir entendait des ronflements venant de la plupart d'entre elles, y compris celle de Bruno.

Il dormit quant à lui d'un sommeil paisible, sans rêve, mais se réveilla plus tard que d'ordinaire : il avait veillé particulièrement tard, après une longue journée de chevauchée, et son organisme avait besoin de se remettre. Il faisait donc déjà jour, mais depuis très peu de temps, lorsqu'il ouvrit les yeux.
Il se sentait un peu moins frais que d'habitude. Un peu fatigué, l'estomac un peu lourd, le cerveau peut-être un peu embrumé. Pas au point d'avoir une vraie gueule de bois, bien sûr, il était resté raisonnable... mais il n'était pas au meilleur de sa forme.

[Kmir Tailleroc]

Il s’en accommoderait. C’était un prix très raisonnable pour les bons souvenirs qu’il gardait de la soirée. Il s’habilla et descendit. Le temps de prendre un petit déjeuné et le voyage se poursuivrait, Lumenis en ligne de mire.
Enfin il serait possible d’avancer sur l’histoire de la malédiction. Avec le souvenir de cette affaire vint la diffuse inquiétude, celle qu’il avait été si heureux de tenir à distance hier soir. De cela aussi il s’en accommoderait.

[Voyageuse]

Ils reprirent la route aussitôt leur petit déjeuner avalé, Bruno ayant encore plus hâte que lui de parvenir à destination. Ils étaient à une dizaine de lieues de Luménis, ce qui était largement faisable dans la journée, surtout en piquant quelques galops. Mais le rôdeur tenait à arriver à Luménis d'aussi bonne heure que possible, et pas seulement parce qu'il avait hâte d'élucider cette histoire de malédiction : en cette saison estivale, Luménis regorgeait d'animations diverses et attirait de nombreux visiteurs. Les meilleures auberges pouvaient parfois être complète.
Ils firent néanmoins une petite pause à midi, cherchant l'ombre d'un chêne pour se protéger du soleil de plomb. Leurs montures avaient besoin de se reposer, et ils s'offrirent même le luxe d'une petite sieste -davantage pour le bien-être des chevaux que pour le leur.
L'après-midi touchait à sa fin lorsqu'ils virent apparaître au loin les remparts de Luménis.

HRP : la suite à Luménis