[Lieu-dit] Le parc verdoyant de Lumenis

[Althéa]

"Je ... je ne sais pas si c'est une bonne idée de lui raconter.", dit Angèle soudain déconfite.

Elle n'avait pas envie que tout Luménis soit au courant, même si personne ne savait qui elle était. Quant à un livre ... Non, elle ne préférait même pas l'envisager même si les titres énoncés par Soren la firent sourire. Elle préféra tout de même changer de sujet.

"Au fait à tout hasard, tu ne saurais pas quelle taverne aurait encore des chambres disponibles. Nous avons oublié de réserver à la Bienveillance et tous les établissements ont l'air pleins."

C'était bien plus trivial mais avait l'avantage d'être moins dangereux.

[Galathée]

" Tous les établissements ne sont sûrement pas pleins ! Mais je suppose qu'un certain nombre, et les plus connus, le sont... Après, ça dépend un peu de ce que vous cherchez et pour combien de temps... Il y a des petites pensions familiales ou des établissements plus chics. Pour les premières, l'Ombre de l'Arbre est sans doute une solution... C'est situé dans le quartier du port, mais près du Parc. Vous y serez tranquilles. Sinon, il y a le Sommeil du Juste, au sud du quartier sud, presque hors les murs. C'est une hostellerie tranquille, prisée des gens qui savent se tenir, du beau monde. Tu y serais sûrement très bien, dans un environnement... policé, sauf si ta pupille a l'alcool bruyant. Ils ont quelques très belles statues."
De sa main, à en croire son sourire un brin satisfait.

[Althéa]

Angèle sourit rassurée. Il était beaucoup plus facile de se repérer avec un natif de la ville. Connaissant Amélie, elle serait sûrement plus attirée par un établissement comme l'Ombre de l'arbre que par un établissement plus chic où la discipline et le silence seraient de rigueur. Bien sûr, il y avait les statues de Soren, mais c'était le seul argument en leur faveur.

"Merci beaucoup pour ton aide en tout cas. Je me voyais déjà courir partout à la recherche des tavernes aux quatre coins de la ville. Et toi alors, que deviens-tu ? Parce que l'on parle de moi et je ne t'ai même pas demandé comment tu allais. Et Moïra ? Tu disais qu'elle était accaparée par une affaire. J'espère que ce n'est pas trop grave."

[Galathée]

" Les affaires sunites sont toujours incroyablement graves... et complètement frivoles, Angèle, tu devrais savoir ça. Ça dépend toujours de l'importance qu'on accorde à l'amour et à la beauté. Moïra remplit pleinement son rôle de prêtresse sunite : elle sert d'entremetteuse dans une histoire de coeur... à la fois rocambolesque, romantique, très confidentielle et absolument pathétique. Une mission classique, en somme. Il l'aime mais elle l'ignore, elle l'aime mais il ne peut pas, ils s'aiment mais les parents sont contre, ils ne s'aiment pas alors qu'ils devraient. Quelque chose du genre."
Il haussa les épaules, blasé.
" C'est quand même bête de devoir porter quelque chose alors qu'il fait si beau... mais si je me mets... dans ma tenue de naissance... Je pense que ces deux-là pourraient bien m'arrêter."
Il désigna deux gardes du menton, discrètement, avant de leur décocher un sourire radieux.
" Je connais bien Bertie. Il adorerait me mettre au trou dans le plus simple appareil et ensuite profiter du spectacle."
Il se retourna vers Angèle.
" Et moi, tu disais ? Et bien j'ai migré à Eredhun. C'est une longue histoire. Mais pour résumer, ils avaient besoin de moi là-bas, pour raisons artistiques et pédagogiques entre autres. Comme je viens de là... C'est un peu un retour aux sources. Ça fait du bien, même à mon jeune âge. Je connais la ville par coeur... et ils manquent sérieusement de statues."

[Althéa]

Angèle, devant les gardes sentit une nouvelle poussée d'angoisse l'envahir et elle tira discrètement sur le bras de Soren pour l'entraîner un peu plus loin. Mieux valait ne pas tenter Beshaba. Et elle n'avait aucune envie de conforter son ami dans ses instincts exhibitionniste. Le voir vêtu d'un simple pagne était déjà assez éprouvant comme ça.

"Tu es déjà presque tout nu Soren si ça peut te rassurer."

La dernière tirade la surprit totalement.

"Quoi ? Tu quittes Luménis ? Et ton atelier ne te manquera pas ?"

Pour la casanière endurcie qu'elle était, cette épreuve lui paraissait insurmontable.

[Galathée]

" Tu penses bien que j'ai un atelier là-bas aussi, Angèle, voyons. Il est même un peu plus grand qu'ici... et le Temple jouit d'un espace extérieur protégé... sur lequel débouche mon atelier et dès que le temps le permet, je travaille dehors. Non, ils sont aux petits oignons avec moi, à Eredhun. Ici... Hum... Les gens se lassent de moi, je le crains. Là-bas, ils sont tellement contents de m'accueillir qu'ils se plient en quatre. Alors oui, volontiers, je vais à Eredhun. C'est une ville... stupéfiante, sur le plan architectural. Surchargée et moche, à pleins d'endroits, cela dit, mais le nombre de temples à la toise carrée force une sorte de... déploiement qui vaut le détour. Ton amie la vitrière s'y plairait sûrement."
Il se tourna dans la direction approximative du Temple de Sunie, loin, caché par les arbres, les murs, la ville.
" Et puis Eredhun est à la fois plus religieuse et plus détendue que Luménis. Plus de la moitié de la population appartient à un temple. Du coup... Toutes les excentricités des cultes sont tolérées... acceptées... et presque encouragées. Etre Sunite à Luménis, c'est gérable. Etre Sunite à Antelucas, c'est banal. Etre Sunite à Eredhun... C'est spécial. Par ailleurs... Ils n'oseraient jamais fermer mon atelier luménien en mon absence. Je ferais un scandale qu'on entendrait jusqu'à Manost."

[Althéa]

Angèle sourit, rassurée pour le coup. Elle-même aurait très mal pris de changer quoi que ce soit dans sa vie quotidienne. Quoi que ... Depuis quelque temps, elle avait un tantinet progressé à ce niveau-là. La preuve, elle était à Luménis en compagnie d'un clerc sunite très peu habillé. Une progression sans doute, dont elle était heureuse.

"Je suis contente de voir que ce changement t'est à ce point bénéfique. Et je ne sais pas ce qu'en pensera Amélie, mais si nous allons à Eredhun, je serais contente de voyager avec toi pour voir à quoi la ville ressemble. Je suis assez curieuse, je t'avoue."

En espérant que tous les sunites ne se déplacent pas entièrement nus dans la rue.

[Galathée]

" Vois avec elle et tiens-moi au courant, dit-il. Si elle tient vraiment à rencontrer Brandon, c'est la seule solution. Il ne va pas rentrer à Luménis avant un certain temps, je pense... même si je ne suis pas dans le secret des Tymorans."
Il se tourna vers elle.
" Tu savais déjà, pour elle ? Que c'était la fille de Brandon ? Quand tu es venue la dernière fois ?"

[Althéa]

Angèle secoua la tête. Il lui était encore étrange de se rappeler le moment où la fille de Morgan avait débarqué chez elle, faisant basculer une partie de son univers.

"Non, je ne le savais pas. Je ne savais pas qu'elle existait non plus. J'étais rentrée de Luménis depuis à peine une journée quand elle a frappé à ma porte. Elle voulait voir sa mère ... Et il n'y avait que moi. Je te laisse imaginer ... Nous n'en avons jamais reparlé mais je n'ose pas imaginer ce qu'Amélie a ressenti à ce moment-là. Et moi ... Je me suis retrouvée face à un des plus grands secrets de Morgan, le pire peut-être. Comment avait-elle pu me cacher qu'elle avait une fille ? Je l'ai haïe à ce moment-là. Toutes les deux d'ailleurs. Cela n'a pas duré longtemps pour Amélie, voire pas du tout. Et puis, nous avons trouvé un mot dans le secrétaire de Morgan. Elle l'avait sûrement écrit juste avant son départ et comme je n'étais pas revenue au Clos des roses depuis une éternité ... La lettre nous enjoignait de veiller l'une sur l'autre. Rien d'autre. Et aussi étrange que cela puisse paraître, c'est ce que nous avons fait. Nous étions sonnées et totalement perdues. Nous avons commencé par remettre le jardin en état. C'est tout ce que nous avions trouvé pour nous occuper et oublier que Morgan n'était pas là."

Elle sentit les larmes monter au coin de ses yeux et s'interrompit de peur de réveiller les sanglots. Elle n'avait pas envie d'être triste, surtout pas ici.

[Galathée]

Soren resta silencieux un instant.
" Je comprends ce que tu as pu ressentir... Ce que tu ressens encore. C'est un secret très étrange à garder de ceux qu'on aime, et il n'y a sans doute pas de réponses simples aux questions que vous vous posez. Morgan devait être une femme drôlement torturée."
Il fit quelques pas.
" Je comprends l'élan de ton amie, mais je comprends aussi la décision de Brandon. Je ne sais pas s'il peut sortir quelque chose de bon de leur rencontre. C'est difficile à dire. Morgan a posé des choix... déconcertants."

[Althéa]

"Elle l'était, déconcertante et torturée, entourée de secrets et presque inconsciente de ce que les autres auraient pu ressentir. J'ai toujours détesté cet aspect d'elle. Et je le déteste encore plus maintenant que j'en vois les conséquences. Je ne sais pas quoi dire à Amélie. Est-ce que je dois lui dire d'arrêter là notre périple et de rester dans l'inachevé ou la pousser à aller à Eredhun et de trouver porte close. Dans les deux cas, elle risque d'avoir mal. Tu vas trouvé idiot, mais je pense qu'elle ne mérite pas de vivre ça. Elle n'a pas demandé d'être là mais c'est elle qui hérite des conséquences."

Angèle marqua un temps d'arrêt, le temps de rassembler les mots éparpillés par l'émotion.

"Peut-être qu'il faudrait que je parle avant à Brandon. Je ne sais pas si j'arriverais à le faire changer d'avis ou quoi que ce soit d'autre. Mais j'aimerais juste savoir si je peux faire quelque chose."

[Galathée]

" Ce n'est pas un méchant homme. Si Amélie va le voir, il lui parlera. Mais c'est important qu'elle sache ce qu'elle cherche. Et que les liens du sang ne sont pas obligatoirement des liens d'amour. Ce qui ne veut pas dire qu'ils ne peuvent pas le devenir... mais l'amour que Brandon avait pour Morgan était le fruit d'un sortilège, pas d'un sentiment véritable. Evidemment, je ne sais pas comment Amélie a été conçue... Je ne suis pas sûr que je veuille le savoir, d'ailleurs."
Il frissonna.
" Toute cette affaire est épouvantable, au final. Je ne sais pas ce qui est passé par la tête de la prêtresse qui a prononcé cette malédiction. C'était tout à fait... disproportionné... cruel... et ça n'a eu aucun effet positif, pour personne. Mais l'erreur est humaine, et être Sunite n'en protège pas particulièrement."

[Althéa]

Angèle frissonna à son tour.

"Personne ne veut le savoir, je pense ..."

Un instant, elle se reprit.

"J'ai parlé de la malédiction à Amélie ce matin. C'est pour cela qu'elle est partie, en larmes. Je ne l'avais jamais vue ainsi. Si elle avait des illusions, je crois que je les ai détruites. Tout cela à cause d'une malédiction cruelle et en même temps qui a fait qu'elle est ici. Je ne sais pas quoi lui dire."

[Galathée]

" Angèle, ce qui est fait est fait mais... quelle idée de ne lui parler de la malédiction qu'ici, alors qu'elle est loin de chez elle, en terre étrangère, sans personne sauf toi, la porteuse de mauvaises nouvelles, pour la serrer dans ses bras..."
Il grimaça.
" Ce n'était vraiment pas très inspiré. Lui dire avant le départ aurait été beaucoup moins rude... Toi qui es chantre de la vérité... Diable, diable, diable... Tu aurais dû l'avouer sans détours. "

[Althéa]

"Je sais", dit Angèle tout doucement comme si chaque mot pesait sur ses poumons.

"Je ne lui ai pas menti. J'ai attendu un bon moment qui n'est jamais venu. De toute façon, elle se serait rendue à Luménis même sans Brandon Devlin. Son père adoptif avait besoin qu'elle choisisse des pigments. D'habitude, c'est lui qui fait le voyage mais il commence à se faire vieux. Je sais que j'aurais dû le faire avant mais je n'ai pas trouvé le courage. Ce n'est pas une excuse. Je ne voulais pas la blesser. Mais ici, c'est encore pire. Et je ne sais même pas quoi faire pour l'aider."

[Galathée]

" Tu peux être là quand elle aura envie de revenir vers toi. C'est déjà quelque chose. Je sais que ce sont des choses compliquées... et je suis convaincu que tu n'as pas cherché à la blesser... Elle le sait aussi, Angèle, évidemment."
Il posa une main sur son épaule.
" Excuse-moi si j'ai été un peu frontal. Je suis parfois un peu... rude, je le sais bien... Il n'y avait sans doute pas de bon moment pour annoncer ces choses-là."

[Althéa]

Angèle croisa les bras mais ne se déroba pas à la main de Soren.

"Je sais qu'elle le sait. Mais en attendant, nous en sommes-là avec tous ces non-dits et ces secrets. Quoi qu'Amélie décide, je serai là. Même si j'ai l'impression que le voyage à Eredhun n'est pas une bonne idée. Je sais que Brandon n'est pas une mauvaise personne mais comme tu le dis, il a porté le poids d'une malédiction pendant un temps inimaginable. Et quand il s'en croit libéré ... A sa place ... Amélie sait tout ça aussi. Et tu vois, elle n'a rien demandé à part des réponses. Et peut-être voir son père une fois. Tu sais, c'est une belle personne dont le défaut est d'être arrivée-là où on l'attendait le moins. Une fille totalement improbable."

[Galathée]

" Improbable, improbable, on voit que tu ne travailles pas dans le même secteur que moi, dit Soren avec un léger rire. Des enfants de l'amour, de la rage, de la guerre, du hasard, d'un soir, des orphelins de père, de mère, des deux, qui grandissent à l'orphelinat, qui croient que leur mère est en fait leur soeur, qui prennent des étrangers pour leurs véritables parents, qui sont adoptés ici puis là, par des loups, des wyvernes, des Mélandiens, même !, avant la réapparition subite d'un oncle ou d'un géniteur, la découverte d'un héritage bienvenu ou malvenu ou royal ou divin, diable, Angèle, il y en a treize à la douzaine ! C'est le reflet des temps, si tu veux mon avis. Plus personne ne sait qui il est et d'où il vient."
Il haussa les épaules.
" Je pense qu'on a tort de s'interroger tant sur ses racines. On est qui on est. Bien sûr qu'on vient de quelque part... mais ce qui compte, c'est ce qu'on devient. Tu diras que je prêche pour ma paroisse. C'est vrai. Je me fiche, personnellement, de qui étaient mes parents. Ce qui compte, c'est l'amour, et l'amour se soucie peu du sang."

[Althéa]

Angèle écouta en silence la tirade de Soren, les bras toujours croisés. Elle était bien placée pour savoir que les liens du sang ne faisaient pas une famille. Elle-même était en froid avec les siens depuis … bien des années. Sa famille, elle se l’était choisie, en quelque sorte. Soren, lui-même avait l’air de très bien vivre son absence de racines ou tout du moins de terreau familial.

Mais elle comprenait aussi la détresse d’Amélie, ce bouleversement induit par l’arrivée de Morgan.

« Peut-être aurait-il mieux valu qu’Amélie avance sans rien savoir, murmura-t-elle presque pour elle-même, j’ai peur que quoi que je lui dise, je finisse par la blesser. D’ailleurs, je ne suis même pas sure qu’elle veuille de nouveau se fier à moi maintenant qu’elle sait tout ce que j’ai éludé. Mais peut-être … Peut-être que je pourrais aller au temple de Tymora pour en apprendre plus. Après tout, je peux très bien aller prendre des nouvelles de Brandon sans être obligée d’en dire plus. Et même, je pourrais aussi aller voir les soeurs Novembre. Peut-être leur Brandon leur a-t-il parlé aussi. Amélie est de leur famille après tout. Et puis… »

Elle regarda Soren. Elle n’aimait pas demander des faveurs à qui que ce soit. Mais comme l’avait dit Soren, elle était pour l’instant la seule interlocutrice d’Amélie.

« Est-ce que tu pourrais essayer de lui parler comme tu viens le faire ? Je sais que j’exagère et que tu as mieux à faire que de chaperonner les jeunes filles en détresse. Mais je pense que je suis la dernière personne qu’Amélie doit avoir envie d’entendre. »

[Galathée]

Soren eut une légère grimace.
" C'est sûr que j'ai mieux à faire..."
Puis il sourit.
" Mais je le ferai pour toi. Ecoute, honnêtement, cela dit, je pense que tu t'inventes des drames. C'est normal que ce soit bouleversant pour elle, ça l'aurait été ici ou ailleurs... mais tu n'es responsable de rien. Toi aussi, tu as été... trompée par Morgan, quelque part. Je suis sûr qu'Amélie est une fille assez sensible pour le comprendre en dépit de son désarroi. Mais si tu veux j'irai lui parler. Diable, ça fait des années... des décennies, même... que je n'ai pas fait ce genre de choses. Et tu peux essayer chez les soeurs Novembre, oui... mais vu la situation, ça m'étonnerait beaucoup qu'il leur ait dit quoi que ce soit."

[Althéa]

Angèle sentit l'émotion l'envahir. Soren était occupé et jouer les médiateurs n'était visiblement pas son passe-temps préféré, mais il le ferait ... pour elle. L'espace d'un instant, elle eut envie de le prendre dans ses bras avant de se raviser. Une paladine étreignant un clerc plus qu'à moitié nu, cela aurait fait désordre.

"Merci. Tu ne peux pas savoir à quel point ça me touche."

Elle se tut un instant mais son regard parlait pour elle, laissant transparaître une grattitude tout à fait sincère.

"En attendant, je pourrais aller au temple de Tymora pour tâter le terrain. Quoi qu'il se passe, c'est sûrement là-bas que j'en apprendrai le plus."

[Galathée]

" A ta guise, dit Soren avec un calme sourire. Je vais retourner au Temple de Sunie, en ce qui me concerne. Ton Amélie traquait Lliira. Ce qui est bon signe, en soi. Lliira n'est pas du genre à rester longtemps sombre et mélancolique. Elle sait que les petits soucis du quotidien, les déceptions de la vie, ne méritent pas qu'on s'y attarde... et la joie, toujours, reprend le dessus."
Il se fendit rapidement vers la paladine et lui posa un baiser sur le front.
" Bonne chance dans ta recherche tymoranne."

[Althéa]

Cette fois, Angèle se permit de serrer brièvement Soren dans ses bras. Elle se sentait rassurée de savoir Amélie occupée à poursuivre Liiria dans un temple sunite plutôt que restant prostrée à pleurer quelque part. C'était déjà signe qu'elle allait mieux et qu'elle n'était pas seule.

"Merci encore pour tout.", souffla-t-elle avant de laisser le sunite s'éloigner.

Elle même reprit sa route vers le port. D'abord, elle irait à l'Ombre de l'arbre afin de voir s'ils avaient des chambres de disponibles, ensuite, elle irait voir les tymorans.

[Althéa]

Angèle fit une pause avant le temple, histoire de calmer un peu ses émotions. Quelque part, elle savait qu'Amélie serait moins atteinte qu'elle mais elle n'avait plus envie de la laisser avec des mauvaises nouvelles et dans l'incertitude. En même temps, retourner au temple de Sunie lui semblait étrange. Une nouvelle fois, elle eut l'impression de remonter le temps. Mais elle avait changé depuis, elle avait retrouvé la force de continuer sa vie.

Elle s'arrêta un moment à l'ombre d'un arbre pour se protéger des baisers d'un soleil trop affectueux - elle avait tendance à rougir vite - assise le dos contre le tronc, elle ferma les yeux quelques instants. Là, elle essaya de ne penser à rien durant quelques secondes. Un exercice très difficile mais qui selon Amélie aidait à se détendre.

[Galathée]

Il était difficile de faire le vide car le Parc, à la mi-journée, était un des endroits les plus courus de la ville et les taches d'ombre portées par les arbres particulièrement convoitées. Il y avait des oiseaux, des chiens, des enfants qui couraient, des jeunes gens alanguis dans les pelouses qui bavardaient ou jouaient de la musique ou jouaient aux cartes ou buvaient leur premier verre de la journée, des couples et des groupes qui circulaient ou s'arrêtaient pour prendre leur déjeuner — il était passé l'heure à présent —, des serviteurs, des secrétaires, des ouvriers traversant le parc pour rejoindre un autre coin de la ville, des vendeurs ambulants et des artistes de rue... Elle pouvait penser à tout cela, mais pas vraiment à rien... C'était peut-être suffisant pour se changer les idées, cependant.

[Althéa]

Angèle essaya tout de même de faire le vide dans son esprit. Mais c'était compter sans le monde autour d'elle, le monde qui passait, criait, sautait, chantait, achetait, convolait ou bien d'autres choses encore. Elle ferma les yeux et tenta de se concentrer sur un souvenir agréable comme Amélie lui avait appris. Même si elle en trouva aisément, son esprit alla s'engoncer vers des perspectives inquiétantes et refusa d'en bouger. Elle tenta encore de se détendre durant quelques minutes avant de décider que la relaxation n'était pas pour elle avant de se lever.

Elle épousseta ses vêtements afin d'être sure de ne pas emporter d'herbe avec elle et se mit en route vers le temple de Sunie.

[Althéa]

Elles s'assirent sous un arbre pour se soustraire au soleil. Angèle avait la tête emplie de l'angoisse du voyage à venir, Amélie souriait, la tête ailleurs, les yeux fermés. Au bout d'un moment, alors que la paladine pensait qu'elle s'était endormie, elle murmura.

"Je l'ai fait. Je ne pensais pas me débrouiller mais je l'ai fait. Sans l'aide de Flore, ç'aurait été beaucoup plus difficile. Et tu te rends compte ?
- Je ne connais pas grand chose aux pigments mais je pense que toi et Flore formez une bonne équipe.
- Et toi, comment s'est passé ta première fois ?", demanda son amie passant soudain du coq à l'âne comme elle en avait l'habitude.

Angèle écarquilla les yeux, totalement prise au dépourvu. Amélie réalisa que sa question était ambiguë et rougit jusqu'aux oreilles en dépêchant de préciser.

"La première fois que tu as plaidé.
- Tu ne veux pas savoir.
- J'aime savoir.
- Tu vas te moquer.
- Jamais.
- On parie ?
- D'accord."

Angèle replongea dans son passé pendant que sa cadette s'assit plus confortablement en tailleurs.

"Alors ... Je devais avoir une vingtaine d'années et pour la toute première fois j'ai été commise d'office pour une affaire d'ébriété sur la voie publique qui était jugée en comparution immédiate. J'étais totalement terrifiée comme tu peux l'imaginer. Pas le temps de me préparer, ni de rencontrer la personne que je défendais. Quand je suis arrivée au tribunal, le monsieur était totalement ivre et hurlait des chansons paillardes devant la cour qui se rassemblait. Je peux te dire que c'était clairement mal parti. Dans la panique, j'avais mis ma robe à l'envers et je ne l'ai compris que lorsque j'ai saisi les gestes amusés que Dimitri m'adressait depuis le fond de la salle. La personne que je défendais s'est mise à imiter toutes sortes d'animaux. Si je me souviens bien, il ne se débrouillait pas mal. La juge Doyle était furieuse."

Amélie ne put s'empêcher de rire.

"Ma pauvre, et comment ça s'est fini ?
- En fait, je ne sais plus vraiment. J'ai tourné de l’œil quand la personne que je défendais a vomi sur l'avocat de la partie civile. Je crois que l'accusé s'en est tiré avec une journée en cellule de dégrisement et une amende. Quand à moi, on me rappelle l'épisode chaque fois que l'occasion se présente."
- Je ne vois pas pourquoi., conclut Amélie avec un faux air sérieux.
- Tu vois que tu te moques.
- Moi ? Jamais. D'ailleurs, ce n'est pas drôle du tout. Surtout si la personne s'est mise à imiter ... une poule."

Angèle leva les yeux au ciel.

"Ah non, on ne va pas recommencer avec ça. Et tu avais promis que tu ne te moquerais pas.
- Pas promis ... parié. J'ai perdu.
- C'est malin."

Elles replongèrent quelques instants dans le silence.

"Il n'empêche qu'avec Flore, nous formons une bonne équipe. A Manost, la Bienveillance Culturelle nous aurait rendu une petite visite. Et même, une boutique comme ça aurait été fermée depuis longtemps.
- Manost n'est pas une ville pour toi, tu sais ?"

C'était à la paladine de passer du coq à l'âne. Amélie la regarda interloquée. Elle précisa le fond de sa pensée.

"Manost, c'est l'inverse de tout ce que tu es. J'ai peur qu'elle finisse par déteindre sur toi, qu'elle te fasse perdre tes couleurs et te rende grisâtre.

Amélie haussa les épaules.

"Et toi pas ?
- Moi ?
- Tu n'as pas peur qu'elle te rende toute grise ? Malo et moi, on serait contents si tu venais vivre à Cojum. On rapatrierait Léonard avec toi."

Angèle secoua la tête.

"Plus tard peut-être. En attendant, j'essaye de ralentir un peu la chute. Et si je vois qu'il n'y a plus rien à faire, je partirai.
- Promis ?
- Parole de paladine."

Elles restèrent encore un long moment assise à l'abri de l'arbre jusqu'à ce qu'Amélie décrète qu'il fallait qu'elle se change pour être présentable. Elles retournèrent donc à l'Ombre de l'Arbre.

hrp : je reposte chez les soeurs Novembre après.

[Voyageuse]

RP : crise politique

Le grand parc verdoyant portait bien son nom. Le contraste avec la zone portuaire d'où venait Jordin était saisissant. Il était si grand qu'une fois enfoncé en son coeur, on oubliait quasiment totalement qu'on se trouvait au milieu d'une ville.
Ou du moins... on pouvait l'oublier à certaines heures, certaines saisons.
Ce jour-là, un soleil timide de début d'automne réchauffait les promeneurs, et beaucoup avaient décidé de profiter de cette belle journée pour pique-niquer, en guise de pause agréable dans leur travail ou leurs multiples activités. Plusieurs vendeurs proposaient des soupes, des chataignes grillées, des tartines garnies de toutes sortes de viandes et fromages, de quoi se sustenter de façon originale et agréable. On y croisait des groupes bruyants d'étudiants de l'Université de la Magie, des groupes plus rares et beaucoup plus discrets de fonctionnaires ou de politiciens travaillant dans les quartiers nord, des mères de familles ou des nourrices accompagnées d'une petite ribambelle d'enfants, et toute une faune de personnes anonymes, de toutes races, de tous âges.
Ce jour-là, donc, on voyait nettement la différence entre une forêt sauvage et un parc urbain. Mais le lieu restait néanmoins infiniment agréable à traverser.

[Vel Cheran]

Si Jordin avait passé la majorité de son existence dans des villes, il appréciait toujours, en bon citadin, la fraîcheur d'un parc aménagé. Le temps d'une journée, on pouvait s'y couper des soucis du quotidien, du bruit et de l'agitation de la cité et profiter simplement du fait d'être vivant, avec des gens que l'on aime. Et même pour un être solitaire comme lui - encore que ses récentes amitiés renversaient totalement cette réputation -, la promenade était revigorante.

Il décida de prendre son temps, et acheta une soupe et quelques châtaignes grillées, curieux de goûter à ces fruits relativement rares sous les latitudes où il avait passé la majeure partie de sa vie. Il s'arrêta quelques instants sous un arbre pour manger son déjeuner, et pensa qu'il devrait emmener son apprentie ici à son retour : nul doute qu'elle l'apprécierait à sa juste valeur.

Une fois sa pause terminée, il reprit son chemin vers les taudis, non sans un léger regret.

[Voyageuse]

Chemin faisant, il eut tout le loisir d'observer les citoyens de sa ville d'accueil, laissant ses oreilles saisir des bribes de conversation. La démission récente des conseillers et les élections prochaines faisaient l'objet de débats houleux dans un groupe de jeunes -qui approuvaient la démission mais étaient en désaccord complet sur l'avenir à espérer. Des ouvriers en tenue de chantier fulminaient contre la difficulté à trouver du travail depuis l'arrivée massive de réfugiés du continent de Dorrandin -ils semblaient en vouloir particulièrement aux mélandiens, accusés de tous les maux. Un peu plus loin, un groupe de personnes dont les vêtements traduisaient un milieu plus aisé, sans pour autant être de noble extraction, se perdaient en récriminations sur les hausses des taxes à l'importation -il en déduisit qu'ils devaient vivre du commerce.
En résumé, malgré la luminosité et la douceur de cette belle journée de début d'automne, il régnait dans l'atmosphère une ambiance vaguement maussade, où les frustrations et les craintes dominaient. Même les mères avec leurs enfants lui semblaient soucieuses, sans doute par contagion. Seuls les gosses s'amusant bruyamment, les oiseaux pépiant gaiement, et quelques personnes âgées paisibles, échappaient totalement à la morosité et profitaient pleinement de cette belle journée.
Un vendeur de journaux ambulants annonçait les gros titres : grèves et manifestations, hausse des prix, nouveaux réfugiés, recrudescence de vols à main armée -il reconnut l'allusion au vol de la mercerie-, et bien sûr l'actualité politique du moment avec la propagande de certains candidats.
L'est du parc était moins fréquentés, et les quartiers attenants, où il se rendait, semblaient particulièrement déserts à cette heure-ci, et presque calmes...

HRP : je dois l'écrire, ce journal... ça viendra, promis ! (si je l'écris avant que tu postes, je te mets le lien...)