[Ville] Erhedun

[Taliesin]

-Dommage. Je jouerai bien le morceau mais... le but est que l'animal s'attache à Victor, non à moi.
Il soupira.
-Malheureusement, je n'ai pas de solution miracle à proposer. Le mieux est peut-être d'attendre calmement qu'il veuille bien se montrer. La faim l'y poussera sans doute...
Mais qu'était cette créature pour avoir pu, ainsi, se volatiliser à peine éclose ?

[Galathée]

" On va lui trouver des insectes, dit Baptiste, plein d'entrain dès qu'il s'agissait de nourriture. Et je vais aller demander un verre de lait. Je suis sûr que j'ai lu quelque part que les serpents aimaient le lait.
— C'est les hérissons, pas les serpents.
— Les serpents aussi. Sûrement."
Sur un sourire ravi, il se dirigea vers la porte.
" Vous êtes priés de rassembler des mouches, vous."
Puis il sortit.

[Taliesin]

-Tu as noté comme il a sauté sur l'occasion pour filer en cuisine ? Je crois qu'il est encore plus filou que toi ! dit le barde à Victor.
Puis il se pencha pour ramasser leurs frusques.
-Je mets ça dans le couloir puis... Puis on avisera.
Chasser des mouches ? Il n'était qu'à demi motivé.

[Galathée]

Mais Taliesin n'eut pas à s'en charger : Victor était suffisamment motivé pour deux, et cela lui changeait sans doute les idées. Il poussait néanmoins de profonds soupirs.
" Après, c'était qu'un oeuf, hein..." dit-il finalement.
Puis son sourire s'élargit.
" Ce serait comique que ça sème la panique dans l'auberge ! Un serpent qui mangerait le chat... puis les poules... On sera déjà loin !"

[Taliesin]

-C'est sûr qu'ils ne pourraient pas faire le lien avec nous ! répondit-il d'un ton léger. D'un autre côté, nous ne saurions rien de ces événements...
Il posa une main sur son épaule.
-Allez, bonhomme, ne perd pas espoir. C'est sûr que ça paraît mal engagé mais ça ne veut pas dire que ça ne va pas s'arranger. En plus, comme tu as gardé longtemps cet œuf près de toi, il était imprégné de ton odeur et son ancien occypant doit être habitué à celle-ci. Il y a donc des chances qu'il revienne...

[Galathée]

" On verra. C'était un oeuf. Je ne suis pas sûr que les odeurs passent à travers... puis les bébés serpents, je suis pas sûr qu'ils s'attachent à leur maman, ou quoi."
Il haussa les épaules et empila ses mouches au centre de la pièce. Baptiste revint avec une tasse de lait et une assiette, qu'il posa à côté. Victor transféra les mouches, puis les deux garçons s'assirent autour de leur festin de reptile, et se mirent à... attendre en silence.

[Taliesin]

Sans faire de bruit, Taliesin alla récupérer dans son sac son nécessaire d'écriture : il entendait profiter de ce moment de calme - dont il ne savait pas combien de temps il durerait - pour rédiger une lettre à Galathée. Bien sûr, il laisserait aux garçons l'opportunité de faire de même, quitte à les remplacer à leur poste de garde le temps qu'ils en aient terminé.
Il voulait rassurer son épouse quand au déroulement de leur voyage, lui transmettre l'adresse qui serait la leur à Atrehy et, surtout, lui faire part de la grande nouvelle : la guérison de Baptiste. Bref, il y avait de quoi noircir quelques pages !

[Galathée]

Taliesin put profiter d'une relative quiétude, pendant quelques minutes. Mais Baptiste se désintéressa rapidement de l'assiette, arguant que les reptiles étaient des animaux lents, surtout par ce temps glacial, et qu'il n'était pas nécessaire de rester là à guetter. Il s'installa dans son lit, sous ses couvertures, avec un livre. Victor tint à peine plus longtemps.
" Est-ce que je peux descendre ? Il fait froid, ici. L'aubergiste a parlé d'un feu."

[Taliesin]

-Très bien. Mais je compte sur toi pour être sage, d'accord ?
Il sourit.
-Et il faudrait que tu remontes avant le repas : ce serait bien si, comme je te l'ai proposé, tu écrivais au moins quelques lignes à Galathée. Ça lui ferait plaisir.

[Galathée]

" Oui oui." dit Victor en disparaissant.
On entendit son pas allègre sur les lattes du plancher puis sa cavalcade dans les escaliers, puis ce fut le silence. Baptiste s'était enfoncé encore plus profondément sous ses couvertures, trompant le froid relatif de la pièce dans un cocon de laine. Ils étaient encore loin du souper et Taliesin aurait le temps d'écrire dix lettres avant le coucher du soleil...

[Taliesin]

Mais il comptait n'en écrire qu'une seule. Pour le reste de son temps, il ne manquerait pas d'occupations : il avait un livre à lire, des exercices magiques auxquels se livrer...
Peut-être ferait-il aussi un saut dans la salle commune pour se renseigner, auprès du tenancier, sur les coches pouvant leur permettre sinon d'atteindre leur destination, au moins de s'en rapprocher. Mais si leur hôte était par trop affairé, il attendrait la fin de soirée.

[Galathée]

Quand Taliesin descendit dans la salle commune, il était encore tôt et l'aubergiste aidait son personnel à dresser les tables pour le soir. Victor était assis au coin du feu, en grande discussion avec une gamine de son âge, qui semblait beaucoup rire de ce qu'il racontait. Le tenancier vint vers Taliesin.
" Ah, vous êtes là ! Je pensais que vous redescendriez vous réchauffer : il fait souvent un peu cru dans les chambres."
Il sourit.
" Vous avez reçu du courrier, pendant votre absence. Venez."
Il l'entraîna jusqu'au comptoir et lui tendit un pli, sur lequel le barde reconnut l'écriture de Galathée.

[Taliesin]

-Bien ! J'espérais qu'elle arrive avant notre départ mais je n'avais évidemment aucune certitude.
Restait à savoir si elle contenait le rapport de Mathieu ; cependant, même si ce n'était pas le cas, il serait déjà ravi d'avoir des nouvelle de sa rôdeuse d'épouse.
-Oh, et tant que j'y suis... Savez-vous si, depuis Eredhun, il existe des coches susceptibles de nous rapprocher d'Athrey ?

[Galathée]

" Je ne saurais vous dire... Sûrement que certains descendent vers le sud..."
Il pinça les lèvres.
" Cela dit, à trois, vous auriez presque intérêt à louer les services d'un coche privé. C'est à peine plus cher, c'est beaucoup plus confortable et il vous amènera jusque là."

[Taliesin]

Il sourit.
-C'est une excellente idée. Pourriez-vous m'indiquer à qui m'adresser, pour ce faire ?
La prêtresse de Corellon ayant refusé tout paiement traditionnel, c'était une dépense qu'ils pouvaient largement se permettre. Il n'y avait donc pas à hésiter, d'autant que cela leur faciliterait énormément le voyage.

[Galathée]

" Le mieux, c'est d'aller à la porte par laquelle vous comptez partir... La porte sud-ouest, en ce qui vous concerne, et d'aller voir à la guérite d'entrée. Il y a toujours un tableau d'affichage avec la liste des gens qui proposent un départ. Ce sont des indépendants... Il y a une guilde, cela dit, maintenant que j'y pense. C'est peut-être plus prudent pour ne pas tomber sur un ruffian... Elle est près du Temple de Tymora, sur la berge sud. Ils doivent regrouper les offres. Si vous voulez, je peux envoyer quelqu'un pour se renseigner... mais je n'aurai pas la possibilité avant demain matin. Là, les convives du soir vont arriver..."

[Taliesin]

-C'est très gentil mais ne vous embêtez pas : nous allons poursuivre notre visite de la ville, demain, et je comptais justement emmener les garçons au temple de Tymora. Nous ferons donc d'une pierre deux coups !
Il remercia son hôte pour ses conseils - et pour lui avoir remis la lettre - puis prit congé et, pour lire cette dernière, regagna rapidement sa chambre.

[Galathée]

Baptiste était toujours sous les draps quand Taliesin revint s'installer dans la chambre pour lire son courrier. La missive n'était pas très longue, Galathée avait appris à écrire sur le tard et, comme Victor, n'était pas une acharnée de cette activité.

Cher Taliesin,

J'espère que tu vas bien, ainsi que les enfants, et que votre voyage jusqu'à Eredhun s'est bien passé. Ici, rien de bien spécial : l'automne est une saison généreuse, et nous sommes tous à pied d'oeuvre pour préparer l'hiver. Ne t'inquiète pas : il restera à faire quand vous rentrerez.
Mathieu a envoyé des nouvelles, comme vous l'aviez convenu. Je te joins son message. Je vous embrasse bien tous les trois. J'espère que Victor se tient bien et que Baptiste te remonte le moral !
A bientôt,

Galathée.

Le message de Mathieu n'était pas beaucoup plus long et son écriture peut aisée à décrypter.

Cher Taliesin,

L'homme que tu cherches possède un domaine non loin d'Athrey, un village connu pour sa production de cire. Il n'est pas très impliqué dans la politique locale et se mêle peu des affaires des gens du commun. Il n'a pas mauvaise réputation mais pas bonne non plus : c'est quelqu'un qu'on connait peu. Son épouse était davantage populaire car c'était la fille d'un des gros négociants du coin, Wolfram Steinhave, et elle avait gardé de nombreux contacts à Athrey. Je n'ai trouvé personne pour m'en dire du mal. Je n'ai cependant pas pu pousser mon enquête beaucoup plus loin, sous peine d'attirer l'attention, ce que je sais, tu n'aurais pas voulu. Je sais encore qu'il emploie six ou sept personnes, de longue date, dont un garde-chasse, ce qui ne m'a pas permis d'aller proposer mes services chez eux. Des quelques jours que je suis resté dans la région, je n'ai pas croisé ton bonhomme, mais je sais qu'il était présent.
Je suis désolé de n'avoir pas davantage d'informations à te transmettre. J'espère que tout se passera bien pour toi et Baptiste.
A une prochaine fois,

Mathieu.

[Taliesin]

Le barde reposa les deux missives et resta un moment songeur, ne sachant trop ce qu'il en pensait.
Sans doute une infime partie de lui-même avait espéré, à son corps défendant, que le père de Baptiste soit un individu notoirement mauvais ou scandaleux, ce qui lui aurait fourni un motif légitime pour ne pas le lui restituer.
Mais surtout, il aurait aimé qu'il s'agisse d'un homme reconnu pour sa bonté : ainsi aurait-il été certain qu'avec lui, le garçon aurait été heureux.
Or, ici, ce n'était ni l'un ni l'autre.
Rien de scandaleux. Juste quelqu'un de discret.
Quelqu'un d'ordinaire, sans toute.
Ce n'était déjà pas si mal.
Réprimant un soupir, il entreprit d'ajouter un post-scriptum à sa lettre pour Galathée, afin de lui signaler qu'il avait bien reçu son pli.

[Galathée]

Petit à petit, il fit plus sombre au dehors, le ciel parut se dégager un rien même s'il pleuvinait toujours. Victor ne remonta pas mais Baptiste émergea de sa sieste avec un léger soupir et une quinte de toux.
" Je pense que je me suis enrhumé." dit-il, fataliste.
De la créature sortie de l'oeuf, toujours aucune trace.

[Taliesin]

-Navré, répondit-il. Vous sembliez tellement insensibles au climat que je n'ai pas été assez vigilant. Mais au besoin, on y remédiera demain par une petite visite à un temple.
Le ramener malade à son père, cela ferait mauvais genre.

[Galathée]

Baptiste haussa les épaules.
" C'est rien du tout." murmura-t-il avant d'éternuer.
Ils descendirent ensuite dans la salle commune. Victor était invisible mais la jeune serveuse qu'ils avaient déjà vue quelques fois les dirigea vers une table, non loin du feu, qui leur était réservée.
" Je pense que votre garçon est avec Violette. Ils vont revenir bientôt."
Baptiste jeta un regard suspicieux à Taliesin.
" C'est qui, Violette, cette fois ?"

[Taliesin]

-Une petite fille avec qui je l'ai vu discuter, tout à l'heure. Elle doit être de la famille du tenancier ou de l'un de ses employés.
Il sourit.
-Tu n'as donc pas à t'inquiéter : il est peu probable qu'elle nous embarque dans une grande aventure !
C'était presque dommage : il n'aurait rien eu contre une dernière péripétie avant d'atteindre leur destination.

[Galathée]

" Victor s'attire toujours les bonnes grâces des filles... enfin, avec Lola, c'était moi... J'espère qu'elle va bien, qu'elle n'a pas eu d'ennuis à cause de ce qu'on a fait..."
Victor reparut alors et s'installa à table. Il avait une certaine couche de poussière dans les cheveux, mais ne semblait pas s'en rendre compte.
" Tu as mauvaise mine, dit-il à Baptiste.
— J'ai pris froid."

[Taliesin]

-C'est à se demander s'il n'a pas fait exprès de tomber malade pour pouvoir retourner dans un temple. Oui, c'est à se demander si tu ne l'as pas contaminé, Victor, avec ta phase mystique !
Il plaisantait, mais il espérait vraiment que ce ne serait pas trop grave et que la visite à un clerc ne soit pas obligatoire...
Enfin, ils verraient bien.

[Galathée]

" J'ai pris froid, dit Baptiste en secouant la tête. Ça ne vaut vraiment pas un passage au Temple.
— C'est toi qui es devenu mystique si tu appelles un clerc dès qu'on a un rhume !" dit Victor en riant.
On leur apporta la carte, qui n'avait pas changé depuis leur arrivée, et les deux garçons optèrent pour une soupe de poisson servie avec du pain. Baptiste commanda aussi une infusion de thym au citron et au miel, un remède classique contre les refroidissements. Victor était en pleine forme.

[Taliesin]

Et c'était tant mieux : ç'aurait tout de même été une sacrée tuile que le crachin eredhin ait fait deux victimes...
Lui même, en tout cas, se sentait bien et aussi détendu que le permettait le contexte particulier de leur voyage. Il mangeait donc avec apétit, se demandant comment il occuperait sa soirée puisqu'il n'avait, à ce niveau, aucune obligation.
Sans doute se contenterait-il de passer un moment dans la salle commune...

[Galathée]

Ils terminèrent de manger puis montèrent se coucher. Mine de rien, la journée sous la pluie les avait fatigués, ils avaient bien marché et leur organisme avait dû lutter contre l'humidité. A la grande déception de Victor, l'assiette de mouches mortes était déserte, sans le moindre signe qu'elle ait été visitée. Il y avait une mouche supplémentaire, baignant dans le lait de Baptiste, où elle s'était noyée. Les deux enfants se mirent au lit et réclamèrent — bien évidemment — une histoire avant l'extinction des feux. A leur mine, elle ne devait pas nécessairement être longue...

[Taliesin]

Il en narra donc une plutôt courte. Certes, il n'était pas impossible que, malgré tout, ils s'endorment avant la fin. Mais ce n'était pas très grave : il pourrait toujours la poursuivre un autre soir.
Quand il en aurait terminé, il descendrait un moment pour boire un verre et, si cela se mettait, deviser avec le tenancier et les autres clients. Le faire était toujours assez nouveau, pour lui car, durant des décennies, s'il avait fréquemment logé dans ce genre d'établissement, il s'y trouvait surtout pour le travail et n'était donc pas un simple convive parmi les autres.

[Galathée]

Quand il redescendit, il y avait toujours une certaine affluence dans la salle de l'auberge. La pluie au-dehors continuait à tomber et les gens qui entraient étaient trempés. Le tenancier avait abandonné l'idée de leur imposer quoi que ce soit et il y aurait du travail, après la fermeture, pour remettre les lieux en état pour le lendemain matin. Mais il y avait de la place, ici et là, à table ou au bar. La population restait mélangée, humaine, bien sûr, dans sa grande majorité, mais il y avait un gnome ou l'autre, quelques nains, même un elfe. A peine la moitié des personnes présentes semblaient appartenir à un ordre religieux, ce qui devait être un record pour Eredhun...