Au nord de Melandis, les aîtres du Peuple Oublié

[Eldurvellir]

Fhiongan resta encore un peu, le temps de se faire offrir à dîner. La conversation lui parut languissante. C'est ça, les bonnes femmes, c'est trop sentimental... Enfin, pas toutes, heureusement... Y'en a pas une que je mettrais dans mon pieu, tiens... Hazuni est un peu vieille, faudrait avoir vraiment faim, la Melusia est trop prude, et Béroalde bien trop intello... Et puis, c'est la gonzesse de mon cher p'tit mago... Comme un frère, pour moi, qu'il était... Ca serait presque de l'inceste... Et puis, les intellos, c'est vite insupportable... Ce fut à ce moment-là que Fhiongan se souvint que les bordeaux se trouvaient volontiers au sous-sol des auberges. Enfin, il espérait bien qu'il y en eût un.

- Mes dames, je vais filer. Voir si les autres membres de l'équipe traînent à l'auberge... Entre autres petites choses ! bien le bonsoir !

Béroalde n'eut pas le temps de sauter de son siège pour le rattraper ; le bandit était déjà parti, visiblement pressé d'aller boire tout son soûl en bonne compagnie.

- Ne vous inquiétez pas, Béroalde, vous aurez tout le loisir d'aller le récupérer à l'auberge avant votre départ.
- Oui, il ne devrait pas être en état de se réveiller tout seul...

Elles rirent et dame Hazuni sortit du buffet un vieux vin aux épices délicieusement parfumé.

[Eldurvellir]

Le lendemain, bien que Fhiongan eut un vague mal aux cheveux, il y voyait assez clair pour se rendre compte que ses compagnons n'étaient pas passés par l'auberge. Ni par le village, de toute apparence.

- Après tout je m'en fiche... J'ai eu mon pognon ! allons voir ces dames.

Il montra ses dents jaunes aux serveuses en guise de sourire et quitta l'auberge. Et se heurta à Béroalde.

- Ah, très bien, Fhiongan ! tôt levé !

Le bandit haussa un sourcil dubitatif. Le soleil était déjà haut dans le ciel. Les ribaudes n'avaient pas été à la hauteur, ou plutôt lui. La fatigue, sûrement... avait pensé Fhiongan tout penaud. Du bon argent gâché, en somme. Il s'était donc rattrapé sur la bibine, qui était fameuse.

Le sourire narquois de Béroalde réveilla la vivacité de son esprit.

- Ah mais ma chère, c'est que j'étais si impatient de vous retrouver !
- Fhiongan, une chose est sûre : avec vous, nous n'allons pas nous ennuyer en chemin.
- Mouais.

Mélusia venait de les rejoindre.

- Il y a les chevaux à ramener, je crois. La jument que montait Eldurvellir et celui de la tieffeline.
- Oui, il pourra servir pour Roetir... HA HA HA !

Le rire tonitruant de Fhiongan fit sursauter tout le monde. Un menuisier, un porteur d'eau, deux dames allant au marché et bien sûr Melusia et Béroalde. L'idée de Roetir, demi-ogre, chevauchant le petit cheval de Chance amusa beaucoup la prêtresse de Kelemvor.

- J'espère que Roetir a sa propre monture. Sinon il y a la jument d'Eldurvellir...

Quelques minutes plus tard, ils étaient prêts pour le départ. Dame Hazuni était arrivée avec la petite Eldine et la remit à Béroalde, déjà en selle, ainsi qu'un nécessaire pour nourrir et soigner l'enfant. Melusia tenait la bride de la jument Hersente, que Roetir tenta de monter. Il dut faire plusieurs tentatives avant que la bête accepte son nouveau cavalier. Fhiongan avait pris la bride d'Arald et le cajolait.

- Brave petite bête ! tu as dû avoir du mal, à sentir la tieffeline ! hé, Béroalde, on pourrait l'acheter pour la petite ! c'est une crème, ce petit canasson.
- Vous ne comptez pas la faire monter à cheval à son âge !
- Bof, la fille d'Eldurvellir sera capable de tout !
- C'est ça... Allons-y ! au revoir, Hazuni, j'espère vous revoir un de ces jours...
- Bonne route ! Fhiongan, n'agacez pas trop ces dames.
- Pas de souci ! au revoir, dame Hazuni, ravi de la rencontre.

Les adieux terminés, la petite compagnie de mit en route. Quelques villageois les accompagnèrent un bout de chemin, puis la forêt se referma sur le petit groupe.

[Eldurvellir]

Il y eut bien quelques attaques de gobelins, vite liquidées et sans intérêt notoire, puis la rencontre avec des gnolls qui reconnurent Fhiongan et les saluèrent, à la grande surprise des deux femmes. L'enfant était étrangement calme. Comme la plupart des enfants orphelins, pensait Béroalde.

Fhiongan amusa la galerie, comme à son habitude. Il fit une tentative de drague à peine déguisée auprès de Melusia, qui au lieu de le rembarrer vertement soupira avec quelque tristesse. Il ne m'a même pas attendue, songeait-elle, ses pensées tournées vers le bel et dangereux Alexiel. Le bandit eut le bon goût de ne pas insister. Béroalde en fut soulagée. Fhiongan était à peu près correct, mais parfois lourd. Volontairement, semblait-il. La provocation était chez lui une seconde nature.

Ils arrivèrent à Melandis sans difficultés majeures, Fhiongan, qui avait fait sauter une des pierres précieuses trouvées sur un des gobelins au creux de sa main pendant presque tout le trajet, la rangea prestement. Ah ! j'ai pas perdu la main ! heureusement, va falloir recommencer le boulot...

Arrivés sur l'Esplanade, ils allèrent directement à la boutique d'Eldurvellir.

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