[Quête] Ce que les vagues ne sauraient effacer

[Chandara]

Chandara comprenait le raisonnement de son jeune compagnons : il ne devait pas être très facile de s'amuser et oublier ses soucis lorsqu'ils étaient si fermement ancrés qu'ils en influençaient le quotidien. Mais la paladine restait convaincue qu'il fallait tenter d'apporter un peu d'insouciance à ceux qui accepteraient d'assister au spectacle. Peut-être seraient-ils ensuite plus disposés à évoquer les malheurs qui s'étaient abattus sur la ville et les problèmes qu'ils enduraient. Cela n'apporterait peut-être pas la solution à l'ensemble d'entre eux mais parler était une première étape.

[Taliesin]

Leur promenade les mena jusqu'aux quais. Faits d'une pierre grise érodée par le temps et les flots, ils étaient quasiment déserts, exception faite de deux petits bateaux de pêche. Sans doute ceux-ci étaient-ils rentrés depuis peu, sans doute d'autres finiraient-ils par les rejoindre. Quoi qu'il en soit, et même si l'endroit ne manquait pas de charme, surtout sous ce beau soleil estival et ce ciel sans nuage, il manquait par trop d'animation pour qu'on ait vraiment envie de s'y attarder.

[Chandara]

Malgré l'ambiance nostalgique, il était agréable de se promener librement dans un nouvel endroit et la jeune paladine prétexta de chercher à acheter du poisson frais pour nouer conversation avec un pêcheur. Peut-être celui-ci pourrait-il les éclairer sur les raisons de l'humeur en ville même si elle ne commettrait pas l'erreur d'aborder en premier le sujet.

HRP : 3000 !

[Taliesin]

Fort logiquement, le marin ne put rien lui vendre : la pêche du jour, achetée d'avance, avait déjà été livrée à une poissonnerie de la rue principale. En revanche, n'étant pas du genre taiseux - et sans doute pas, non plus, du genre à demeurer insensible face aux charmes de Chandara -, il bavarda volontiers avec elle. Mais il ne ressortit pas grand chose de neuf de cet agréable badinage, hormis quelques détails : la paladine apprit en effet que la bourgade souffrait depuis longtemps de la concurrence d'Evendum, par laquelle passait désormais la principale route commerciale, si bien que beaucoup de gens, en particulier les plus jeunes, déménageaient vers cette cité. L'économie locale en était fragilisée, ce qui empirait encore lorsque le poisson se faisait rare, ce qui était le cas en ce moment.

[Chandara]

Elle-même s'était expatriée en quittant sa petite ville natale pour parcourir les grandes villes et les capitales de cette partie du monde. Elle était donc bien placée pour comprendre la motivation de ces jeunes gens qui s'étaient éloignés de leurs racines en quête d'un autre avenir. La paladine répondit toutefois avec sincérité au marin que même s'ils avaient quitté Tristécume, les jeunes gens se sentaient probablement encore nostalgiques de leurs familles, contribuaient à faire vivre une partie de leur culture d'origine loin de leurs débuts et reviendraient sans doute de temps en temps pour enrichir celle de la petite cité côtière. Cette séparation était triste mais il fallait aussi y voir des occasions d'échanges et de nouvelles expériences.

[Taliesin]

Le marin, qui semblait avoir prit son parti de la situation et n'envisageait pas de partir lui-même à moins d'y être contraint, admit que les choses pouvaient être comme la paladine les avait décrites. En partie du moins car tout le monde ne revenait pas, fut-ce pour de courtes durées : il n'avait ainsi pas revu plusieurs de ses anciens voisins depuis nombre d'années. Mais c'était la vie !
La conversation se poursuivit un moment, puis il dut prendre congé et partit vers le centre-ville après avoir salué Chandara et Quentin.
-On part pour Evendum ? demanda ce dernier, espiègle. Ce serait mieux, comme base !

[Chandara]

Chandara s'était accoutumée à l'espièglerie de son jeune compagnon aussi ne lui en tenait-elle aucune rigueur. Elle lui répondit néanmoins que cette idée était malavisée : si leur passage pouvait alléger aussi modestement que ce soit l'ambiance morose en ville, il fallait ne pas manquer de le faire. De plus, ils avaient une mission qu'ils reprendraient le lendemain : la recherche du lieu mentionné sur la carte et Tristécume était la meilleure base d'opération possible.

[Taliesin]

Quentin, évidemment, ne manqua pas de s'inscrire en faux. Avec force éloquence, quoiqu'en n'élevant pas trop la voix pour éviter de vexer d'éventuels auditeurs, il argua que non seulement il leur serait impossible de lutter contre la morosité ambiante mais que, de surcroit, celle-ci risquait de les affecter, de saper leurs forces et leur courage et, au final, de nuire grandement à la réussite de leur mission, laquelle était pourtant d'une importance cruciale. Il alla même jusqu'à avancer qu'il percevait quelque chose de mauvais, ici : qui sait si les habitants n'allaient pas les sacrifier pour apaiser les fantômes de la cité engloutie lorsque les cloches sonneraient depuis le fond des mers ?

[Chandara]

Chandara se demandait bien où Quentin allait puiser de tels trésors d'imagination et elle ne prit évidemment pas son avertissement au sérieux :

- Ce ne serait pas très charitable d'abandonner ces habitants à leur sort. Ou pire, les prochains visiteurs si tu as raison ! Non, nous devons faire de notre mieux ici. Au moins le temps qu'il nous faudra pour localiser notre trésor ! D'ailleurs, à ce propos, nous ne devrions pas trop traîner à aller nous coucher ce soir pour être d'attaque au petit jour demain matin. Une belle balade nous attend si j'en crois nos premiers repérages. Mais d'ici là, peut-être pourrons-nous trouver quelqu'un qui pourrait nous présenter une carte des environs. Tu aurais une idée ?

[Taliesin]

-Je ne sais pas s'il y a une capitainerie, ici, mais ça vaudrait le coup de demander car, si c'est le cas, on y trouvera forcément des cartes. Sinon, notre meilleure option me semble être l'aubergiste : s'il n'en a pa slui-même, j'imagine qu'il pourra nous renseigner.
Il y avait bien une capitainerie au port, de Tristécume, mais on leur expliqua qu'elle n'ouvrait généralement que le matin. En revanche, leur fortune fut meilleure avec leur aubergiste : il avait bien une carte dont il se servait pour suggérer des promenades aux rares clients désireux de s'attarder dans les environs.
-Vous recherchez quelque chose en particulier ? demanda-t-il.

[Chandara]

Chandara faisait souvent montre d'impétuosité mais elle avait acquis une certaine prudence pour tempérer ses penchants naturels au cours de sa jeune carrière. Elle se devait d'éviter tout mensonge, en tant que paladine et se doutait également que sa seule présence ne pourrait pas passer inaperçue. Toutefois, elle opta pour une approche discrète dans sa réponse :

- Nous recherchons des sites dignes d'intérêt, principalement des cavernes. Elle recèlent bien souvent des beautés naturelles insoupçonnées et le jeune Quentin adore se baigner ! Alors si vous avez des cartes des littoraux environnants à nous montrer, je suis certaine que nous trouverons de quoi contenter notre curiosité.

[Taliesin]

Quoique souhaitant indéniablement lui être agréable et lui rendre service, l'aubergiste ne put lui présenter d'autre carte : celle qu'il avait sortie était la seule à sa disposition. Et s'il fut en mesure de lui indiquer, sur celle-ci, plusieurs lieux de baignade particulièrement agréables et quelques grottes valant le détour, aucune de ces dernières ne se trouvait à l'endroit que la paladine avait d'emblée identifié comme pouvant abriter le fameux trésor sur les traces duquel elle était lancée depuis son séjour à Bordeleaux.

[Chandara]

Ce n'était ni étonnant ni même inquiétant, au contraire. En effet, les chances de découvrir le mystère qu'ils recherchaient auraient été bien moindre si la cachette en était notoirement connue et fréquentée au point de ne plus en être une. Chandara remercia l'aubergiste pour son aide et fit un effort pour mémoriser ces informations. Pour le reste, ils allaient devoir se lancer dans une exploration plus lointaine. Ce qui supposait de remplumer un peu leurs réserves de provisions. Voilà qui désignait tout à fait leur prochain objectif : il y avait forcément un marché ou son équivalent en ville.

[Taliesin]

Il y en avait un, oui, et ils purent lui acheter tout ce dont ils avaient besoin.
L'après-midi s'acheminant lentement mais surement vers sa fin, Quentin décida ensuite, conformément à l'accord qu'il avait passé avec l'aubergiste juste après que Chandara se soit enquise des grottes environnantes, de jouer de la musique sur la petite place que bordait l'établissement.
Ainsi qu'il l'avait présumé, le résultat fut mitigé : certains des badauds de passage apprécièrent, s'arrêtant pour écouter et le gratifiant de quelques pièces ; d'autres continuèrent leur chemin sans même ralentir, indifférents à ce saltimbanque ou agacés par sa présence troublant, de leur point de vue, le calme des lieux. Maus au moins, aucun ne songea à tenter de le faire déguerpir !

[Chandara]

Chandara quant à elle ne se priva pas pour manifester son enthousiasme pour le récital de musique. Ce n'était certes pas un triomphe de la part du public mais ce n'était certainement pas à mettre sur le compte de la qualité de la prestation de Quentin. Elle vit quelques sourires supplémentaires lui emboîter le pas et même plusieurs badauds applaudir ou battre la mesure avec elle. C'était une modeste contribution au spectacle mais la paladine était heureuse de pouvoir participer à sa façon à apporter quelques instants de joie à cette population sinistrée.

[Taliesin]

Le repas et la soirée qui s'ensuivirent furent agréables, quoique rien de notable ne les ponctua. De toute façon, ils partirent se coucher relativement tôt, en prévision de l'expédition du lendemain.
Celle-ci débuta peu après l'aube, alors que le soleil planait encore assez bas au-dessus de l'horizon. Le ciel était parfaitement dégagé, même si l'aubergiste les prévint qu'un orage n'était pas à exclure. Par ailleurs, peut-être par contraste avec la monotonie de la cité déclinante, la nature environnante, quoique non dépourvue d'âpreté, leur parut particulièrement riante. De quoi agrémenter leur périple, en somme.

[Chandara]

Qu'il était agréable de reprendre la route avec une aventure en point de mire ! Après l'ambiance morose de Tristécume, retrouver les contrées sauvages offrait la perspective de nouvelles découvertes. Présentement, Chandara tirait un grand plaisir de pouvoir à nouveau chevaucher Lune de Miel, d'autant plus que cette dernière partageait largement son enthousiasme. La paladine savait, d'après les cartes des environs qu'ils avaient consulté en ville, qu'ils ne pourraient pas immédiatement atteindre la zone de recherche. C'était une raison suffisante pour relâcher un peu sa vigilance et entamer une conversation avec Quentin :

- J'espère que tu ne m'en veux pas trop de t'emmener loin de ton public !

[Taliesin]

La question parut le surprendre.
-Pourquoi vous en voudrais-je ? Je n'ai pas de public attitré et si j'aime à prévoir des itinéraires, je n'y suis pas cramponné : quand on passe sa vie sur les routes, il faut savoir se laisser porter par le vent, sous peine de manquer de belles occasions.
Il sourit, espiègle.
-Certes, c'est un peu... Beaucoup... D'accord, c'est énormément dommage pour les gens que j'avais prévu de divertir. Mais comme je suis grand seigneur, je n emanquerai pas, d'ici quelques semaines, quelques mois, d'aller les gratifier de mon incommensurable talent !

[Chandara]

L'attitude de Quentin ne manquait jamais de lui donner le sourire et Chandara reconnut sur le ton de l'humour qu'il n'était pas désagréable de pouvoir bénéficier quelque temps de l'exclusivité de son talent immense. Les recherches allaient les tenir éloignés de toute ville pendant quelque temps mais la paladine aimait ces excursions en pleine nature et il semblait qu'elles ne déplaisaient pas non plus à son jeune acolyte.

- C'est entendu dans ce cas : nous organiserons un grand concert pour célébrer ton retour après que tes admirateurs aient eu à se languir de ta soudaine absence. Il faut parfois user de frustration pour susciter le désir !

[Taliesin]

Il fronça les sourcils.
-J'imagine que c'est là, au sein de votre ordre, l'équivalent du dicton voulant que l'attente soit le début du plaisir...
Il souri tà nouveau.
-Mais je passe mon tour, pour le grand concert. Je préfère de loin les récitals en petit commité, afin d'avoir un lien plus direct avec chacun des membres de mon public. Ils méritent bien, en plus de mon art, un regard ou un sourire de ma part. C'est le moins que je puisse faire !

[Chandara]

Chandara approuva l'attitude de son jeune ami :

- Je trouve aussi que c'est important d'accorder de la valeur à ceux qui t'écoutent : c'est de cette façon que tu contribueras à les rendre meilleurs. Et j'espère que tu garderas cette approche quand ton public s'étoffera à la mesure de ton talent.

Elle marqua une pause pour scruter les environs avant de reprendre d'un ton léger en accord avec son humeur :

- Mais inutile de faire des plans à long terme : nous avons un trésor qui nous tend les bras et encore pas mal de route à faire pour l'atteindre !

[Taliesin]

Pas mal de route, c'était un euphémisme.
En effet, ils n'atteignirent leur destination qu'en début d'après-midi, après avoir dû s'accorder une pause pour souffler et pour se sustenter. Et alors qu'ils commençaient à fatiguer, surtout sous ce soleil de plomb.
Mais ils arrivèrent à bon port et c'était bien là l'essentiel.
Un paysage accidenté, une falaise surplombant la mer, une rivière au lit profondément encaissé qu'enjambait un vieux pont de pierre... Tel serait le site de leurs fouilles.

[Chandara]

Chandara n'avait pas rechigné à leur accorder quelques courtes pauses. Non pas seulement pour ménager Quentin mais aussi pour que son âne et son destrier puissent se désaltérer à l'ombre à chaque fois qu'ils croisaient un lieu adapté. La paladine était certes curieuse de découvrir ce qui les attendait mais pas au détriment du confort et de la santé de la petite expédition.

Satisfaite d'arriver sur les lieux semblant correspondre aux indications de la carte, Chandara mit aussitôt pied à terre pour chercher un lieu où ils pourraient laisser leurs animaux paître pendant leurs recherches préliminaires. Ce faisant, elle eut tout loisir d'admirer les lieux d'aspect enchanteur. Il y avait certes des traces de civilisation, notamment ce pont solide, mais elle se sentait transportée dans une aventure comme à ses débuts en tant que voyageuse.

[Taliesin]

Il y avait un bosquet, en amont de la rivière : ils allèrent y attacher leurs montures. Lorsque ce fut chose faite, Quentin prit sa gourde pour boire de longues gorgées d'une eau sans doute plus très fraiche.
-Bon, les choses sérieuses commencent, fit-il, après avoir épongé d'un revers de manche la sueur qui perlait à son front. Vous pouvez sans crainte procéder aux fouilles : je monte la garde !
Et il s'assit au pied d'un arbre, comme s'il s'apprêtait à faire la sieste.

[Chandara]

Chandara prit un air peiné et répondit d'une petite voix qu'elle ferait de son mieux pour ne pas le décevoir si telle était sa décision, elle passerait la zone au peigne fin pour lui dégager la voie vers les grandes découvertes qu'il était le seul à pouvoir faire...

- ... Mais plus sérieusement, si tu souhaites un peu te reposer par cette chaleur, nous pouvons très bien faire une petite pause. J'ai bien conscience de t'en avoir beaucoup demandé ces derniers jours !

[Taliesin]

-Mais non, voyons ! Les longues journées de marche sont mon quotidien depuis des années et celles-ci, il faut bien l'admettre, sont autrement plus courtes que celles dont j'ai l'habitude. Quant à la température... Elle n'est même pas digne d'un été : j'ai presque froid, d'ailleurs ! Non, la vérité, c'est que nous sommes dans une région sauvage : bien des périls peuvent nous y guetter, bien des menaces peuvent s'abattre sur nous si nous n'y prenons pas garde. Voilà pourquoi il faut que je fasse le guet, pour empêcher des gobelins, des squelettes, des pirates ou des dragons de s'en prendre à vous !

[Chandara]

Chandara sourit à nouveau en songeant à quel point Quentin s'était rapidement senti assez à son aise avec elle pour plaisanter sans cesse. Elle décida que, pour cette fois, elle jouerait son jeu :

- Que ferais-je sans mon fidèle protecteur ? Je m'en remets donc à ta vigilance pour que je ne courre aucun danger pendant que je repère les environs. Mais surtout, préviens-moi en cas d'irruption de dragon : tu pourrais les affronter seul, sans nul doute mais j'aime me sentir utile !

[Taliesin]

-Je ne manquerai évidemment pas de vous prévenir. De toute façon, si je veux que mes exploits soient connus, il faut bien quelqu'un pour les voir et pour être ensuite en mesure de les narrer !
Il fronça les sourcils.
-Mais vous comptez donc vous éloigner ? Bigre, je ne puis vous laisser partir seule dans si périlleuse région ! Ce ne serait pas courtois !
Et il bondissait sur ses pieds.

[Chandara]

Chandara s'amusa de la réponse mais protesta tout de même pour la forme :

- Il me semblait pourtant que le rôle des bardes était avant tout de narrer les exploits des autres. Et que celui des paladins était de leur en inspirer ! Il va falloir que je fasse des efforts si je veux rivaliser avec tes histoires de dragons et de marins fantômes donc autant s'y mettre dès maintenant.

La paladine n'avait pas l'intention de pousser ce premier repérage au-delà d'une reconnaissance du terrain : il importait néanmoins de déterminer si le secteur ne présentait aucun danger et s'ils pourraient y bivouaquer tout en s'y approvisonnant en ressources de base. Ensuite il serait temps de rechercher des passages vers un éventuel complexe dissimulé.

[Taliesin]

-Et qu'est-ce qui m'empêche d'être à la fois barde et paladin ? demanda Quentin, espiègle, en lui emboîtant le pas. J'ai largement les épaules pour faire les deux en même temps. Ainsi que mage, rôdeur, guerrier ou encore prêtre mais bon, au bout d'un moment, ça ne ressemblerait plus à rien. Disons donc que je m'en tienne à barde-paladin : je pourrai narrer les exploits des autres, d'accord, mais il sera indispensable que quelqu'un puisse narrer les miens car le faire moi-même serait tout sauf déontologique.