[Lieu] Le Domaine d'Averlande

[Galathée]

Le manque de curiosité de Taliesin n'arrêta pas la jeunesse. Trévor s'était approché à son tour, vaguement dégoûté, tandis que Miranda et Victor étaient désormais au bord de la tache.
" Cette odeur bizarre, c'est l'amande, n'est-ce pas ? demanda Miranda en se retournant vers Trévor.
— De l'amande ? Je sais pas... C'est l'odeur du gâteau que Meg fait en Martel...
—*Qu'est-ce que ça sent, l'amande ?" demanda Victor.
De là où il était, Taliesin ne percevait pas grand chose, sinon des odeurs exotiques, plus puissantes.
" C'est comme dans le bouquin d'Haran. De l'amande amère. Je parie qu'on peut le trouver dans la bibliothèque..."

[Taliesin]

Taliesin finit par s'approcher également, pour mieux sentir l'odeur et voir si, d'aventure, il parvenait à l'identifier.
Peut-être Miranda avait-elle vu juste, peut-être que l'assassin reproduisait l'histoire d'un livre d'Haran. Cependant, il n'était pas impossible, non plus, qu'elle essaie de faire coller les indices avec son idée...
Mais, comme pour le reste, c'était une piste à explorer.

[Galathée]

C'était effectivement une odeur d'amande amère, très marquée une fois qu'on était près du fauteuil. Mais en l'absence du corps, il était difficile de savoir si elle émanait du cadavre ou du siège lui-même. Personne ne semblait d'avis d'y fourrer le nez.
" C'est quoi, ce livre d'Haran ? demanda Victor.
— Je doute que tu l'aies lu, répondit Miranda. C'est un des tout premiers. Je ne suis pas sûre qu'on puisse encore le trouver aisément. Mais ma mère les a tous, alors, fatalement...
— Elle te laisse les lire ?
— Disons qu'elle n'enferme pas les livres sous clé. Puis j'ai seize ans, maintenant."

[Taliesin]

-Comme vous l'avez dit, messire Maurin possédait probablement cet ouvrage et nous n'aurons guère de mal à mettre la main dessus, quitte à demander à Cormack, intervint-il. Nous pourrions également tenter d'en discuter avec Haran mais... Je comprendrais fort bien qu'il soit réticent. Découvrir qu'un assassin s'inspire de l'un de ses romans pour perpétrer ses crimes, cela ne doit vraiment pas être évident.
Et il n'aurait pas aimé être à sa place...

[Galathée]

" Pas évident, pas évident, grommela Miranda. C'était l'ami de messire Maurin. La moindre des choses, c'est d'aider à trouver celui qui l'a tué, non ?
— Ça pourrait être lui, puisque c'est son livre, dit Trévor, toujours à distance.
— Ce ne serait pas très malin, remarqua Victor
— Personne a dit qu'il était malin."

[Taliesin]

-Je le verrais mal être le coupable : il y a une sacrée différence entre écrire des horreurs et les perpétrer. Par ailleurs, il m'a paru particulièrement effrayé par la situation...
En vérité, il verrait mal qui que ce soit être l'assassin parmi les membres du groupe. Mais c'était un simple avis sans fondement particulier...
-Nous irons le trouver et chercher son livre après que Kathleen nous ait rejoints, conclut-il.
Il serait intéressant de voir comment réagirait le chien...

[Galathée]

" Son livre, il doit être ici, dit Victor en se détournant de la tache de sang. Il suffit de chercher."
La bibliothèque était énorme, avec des dizaines et des dizaines de volumes de toutes sortes.
" Tu sais à quoi il ressemble ?
— C'est un petit bouquin noir. Assez épais. Vieux. Ronde Funeste, ça s'appelle.
— C'est pas terrible, comme titre, grommela Trévor en se tournant vers l'étagère derrière lui.
— C'est qui le tueur, dans Ronde Funeste ?
— Je ne me souviens pas. Ce n'est pas un des meilleurs."

[Taliesin]

Le barde s'approcha de la bibliothèque, la parcourant des yeux pour chercher le fameux livre.
-Il faudra être prudent au moment de prendre ce bouquin, dit-il. Si Miranda a vu juste, il n'est pas impossible que l'assassin nous ait laissé un indice ou quelque chose de plus déplaisant...
Du poison sur la couverture, par exemple.
La pensée pouvait paraître quelque peu paranoïaque mais avec des individus capables de s'inspirer d'un récit horrifique pour perpétrer leurs méfaits, il fallait s'attendre à tout.

[Galathée]

Ils se divisèrent l'exploration de la bibliothèque en quatre vastes zones et se mirent à chercher. Il y avait beaucoup de livres divers sur Maztica et certains n'étaient pas en commun. Il y avait aussi des récits de voyage, de la philosophie et de la poésie, un nombre impressionnant de romans. Certains livres semblaient récents, d'autres étaient vétustes, et une armoire entière était dévolue à des rouleaux de parchemin soigneusement triés. Et parmi ces ouvrages, sur chacune des planches des bibliothèques, il y avait des petits objets mystérieux, fétiches, géodes, osselets.
C'est Victor qui trouva les romans d'Haran et il poussa un petit cri de victoire qui attira les autres enfants. Mais il leur fallut rapidement déchanter : si Maurin avait possédé Ronde Funeste, le roman avait disparu.

[Taliesin]

Il se tourna vers Miranda.
[color=#FFFFF66]-Êtes-vous en mesure de nous dire si c'est le seul roman d'Haran qui manque à l'appel ? Sinon, il faudra aller chercher leur auteur pour être fixé sur ce point. Parce que s'il se confirme, cela donnerait encore plus de poids à votre théorie...[/color]
Et cela rendrait absolument indispensable la coopération de l'écrivain.

[Galathée]

" Il en manque d'autres."
Elle posa le doigt sur la tranche des livres.
" Ceux-ci, les petits noirs, ce sont des éditions anciennes, de l'époque où Haran était peu connu... Seuls les puristes les ont. Il y en a treize... et ici seulement neuf. On voit bien les endroits où ils manquent, la poussière est déplacée..."
Victor frissonna.
" Vous pensez qu'il pourrait décider d'imiter un crime dans chaque bouquin ? Ça ferait encore trois meurtres à venir..."

[Taliesin]

-C'est une possibilité. Heureusement, il en existe d'autre : messire Maurin aurait pu, par exemple, déplacer ces livres dans sa chambre pour les lire avant de dormir. Il faudra interroger ses employés pour voir s'ils ont remarqué quelque chose à ce sujet. Mais dans l'immédiat, et au cas où... Pourriez-vous déterminer les titres des livres manquants, Miranda ?
Il espérait toutefois, avec force, que cette piste n'était pas la bonne : il y avait eu largement assez de morts à son goût.

[Galathée]

HRP : désolée, trop de choses, pas assez de temps

Elle attrapa le dernier des petits livres noirs et l'ouvrit à la première page.
" Il y a la liste ici... Voyons... Il manque... Le 3, c'est Brünhilde. Le 4, c'est Ronde Funeste. Il manque aussi le 7, La Purge. Et le 11, Etincelant."
Elle haussa les épaules.
" Je ne vois pas de rapport particulier entre eux... Ce sont juste... des romans d'Haran. Pas les meilleurs, mais pas les pires."

[Taliesin]

-Vous souvenez-vous s'il y a, dans ces romans, des meurtres aussi marquants que celui qu'accompagne l'odeur de l'amande amère ?
Si tel était le cas et si, comme le supposait la jeune fille, l'assassin opérait selon des schémas copiant les œuvres d'Haran, ils auraient peut-être une chance d'éviter de nouveaux drames. Peut-être seulement car tout cela demeurait purement théorique.

[Galathée]

" Il y a toujours des meurtres répugnants chez Haran, dit Miranda avec un sourire. Dans Etincelant, c'est surtout à la hache... il y en a plusieurs. Ça se passe dans une auberge. Dans Brünehilde, c'est un chariot hanté, qui écrase les gens. Et dans la Purge... c'est une maladie qui fait exploser les gens..."
Victor avait les yeux écarquillés.
" Tu as lu ces trucs ?"
Miranda se contenta de hausser les épaules.

[Taliesin]

Le côté positif, c'était que Victor n'aurait plus envie de lire ces livres.
Du moins... Dans l'immédiat.
-L'assassin n'aurait aucun mal à s'inspirer du premier de ces romans. Ce serait en revanche plus dur pour le second, à moins qu'il ne se contente d'une vague ressemblance en faisant en sorte que l'un d'entre nous ait un accident de chariot. Enfin, pour le troisième roman, cela me paraît totalement impossible. Sauf bien sûr si c'est un mage puissant.

[Galathée]

" Si c'est un mage puissant, sans doute ne s'enquiquinerait-il pas avec ce genre de gamineries..." remarqua Miranda.
Victor était retourné vers l'étagère.
" Et celui-ci, ça raconte quoi ? Daku ?
— C'est l'histoire d'un cochon enragé qui coince un porcher et son fils sur le toit de leur ferme en plein été.
— Il les mange à la fin ?
— Faut le lire pour le savoir."
Peut-être Taliesin s'était-il mépris sur l'émotion derrière les yeux écarquillés.

[Taliesin]

Il se garda de faire le moindre commentaire à ce sujet : jouer les rabats-joie en cet instant aurait été contreproductif, ne serait-ce que parce que Victor n'aurait pas manqué de répliquer que des bouquins ne pouvaient pas lui faire plus de mal que la situation qu'ils étaient en train de vivre. Et le pire, c'est qu'il n'aurait pas tort. Mais voilà...
-Tout bien réfléchi, je ne crois pas que nos mésaventures puissent inspirer Haran : il a une imagination débordante et en comparaison de ses récits, ce que nous avons vécu apparaît plutôt classique.

[Galathée]

" Je ne crois pas." dit Victor d'un air songeur.
Puis il eut un sourire.
" Mais peut-être que je devrais lire ces trucs pour mettre nos mésaventures en perspective.
— C'est de la fiction, remarqua Miranda.
— Peut-être pas." dit Victor.
Il se tourna vers la tache et le fauteuil vide.
" La preuve."

[Taliesin]

-Oui enfin, ce n'est quand même pas tout à fait la même chose, dans la mesure où il s'agit probablement d'un meurtre inspiré d'un récit de fiction...
Il tourna ses regards vers la porte du bureau. Si Kathleen n'arrivait pas bientôt, cela signifierait soit que son chien avait trouvé une piste, soit qu'elle était confrontée à des ennuis. Dans un cas comme dans l'autre, il faudrait se lancer à sa recherche pour s'assurer qu'elle allait bien et parce qu'ils avaient besoin de son concours pour poursuivre leurs investigations.

[Galathée]

Kathleen finit par arriver mais elle était seule, et manifestement chagrinée. Trévor devança Taliesin.
" Où est Silence ?
— Je l'ai laissé sortir un moment. Il était... perturbé. Il y a quelque chose sur le cadavre qui le gêne. Je ne sais pas quoi. Une odeur que je ne peux pas percevoir, qui lui fait peur."
Elle secoua la tête, haussa les épaules.
" Il faudra se débrouiller sans lui."

[Taliesin]

-Mince... Je comptais justement sur lui car il y a, ici aussi, une histoire d'odeur étrange pour laquelle son flair aurait pu nous être bien utile.
Il désigna Trévor.
[color=#FFFFF66]-C'est votre fils qui l'a sentie en premier, puis Miranda l'a identifiée. Mais, si vous en êtes d'accord, je vous laisse vous en faire votre propre idée.[/color]
Ne pas pouvoir compter sur le chien était une sacrée tuile. Quant à l'odeur qui l'avait effrayé... Elle n'augurait rien de bon.

[Galathée]

Kathleen s'approcha de la tache.
" Hum... Ce bureau sent tellement fort, c'est difficile de percevoir quoi que ce soit... Toutes ces herbes de Maztica... ces vieux os, ces bestioles empaillées..."
Elle secoua la tête.
" Je perçois du sang... de la poussière... Ah oui, une odeur d'amande amère... Comme si on avait cuit un gâteau. Mais le cadavre ne dégage pas cette odeur. Ou en tout cas pas de manière perceptible..."

[Taliesin]

-Miranda nous a expliqué que cette odeur d'amande amère était associée à un meurtre dans Ronde funeste, un roman de messire Haran. Cet élément, tout comme l'absence, dans la bibliothèque, de ce fameux livre ainsi que d'autres ouvrages de notre ami écrivain, tendrait à confirmer son hypothèse selon laquelle l'assassin s'inspirerait de ces œuvres. Bien sûr, il peut aussi ne s'agir que de coïncidences mais dans tous les cas, il me semble important de le vérifier.

[Galathée]

Kathleen fit la grimace.
" Ça ne m'étonnerait pas que des tordus puissent s'inspirer de ce genre de... choses. Mais je n'ai lu aucun de ces bouquins. Est-ce que le mieux, ce n'est pas de lui poser directement la question, à Haran ? S'il a écrit ce livre, il doit bien savoir ce qu'il y a dedans.
— Il a peut-être des ennemis, intervint Victor.
— Plein. Plein de gens inquiets des horreurs qu'il dissémine."

[Taliesin]

Ceux-là feraient mieux de s'inquiéter des horreurs autrement plus tangibles et dangereuses du monde réel : les monstres assoiffés de sang y étaient légion et il n'y avait même pas à s'écarter des sentiers battus pour en trouver...
-Il devient impératif d'en discuter avec lui. Mais il faudra le faire avec doigté, diplomatie : la situation est délicate, tout le monde est à cran, tout le monde est suspicieux, et j'ai peur que d'aucuns, apprenant la piste que nous suivons, le jugent responsable de ce qui se passe. Alors qu'il n'y est absolument pour rien.
Mais la mère de Miranda, par exemple, si prompte à trouver un coupable, n'hésiterait pas à lui mettre sur le dos les agissements d'un individu assez malade pour accomplir dans la vraie vie ce qu'il avait lu dans de simples romans.

[Galathée]

Kathleen était dans le même camp, car elle haussa les sourcils.
" Monsieur va faire le douillet, soudain, après avoir couché toutes ces atrocités sur papier pendant des décennies ? Je suis sûre que ce n'est pas la première fois que ça arrive."
Elle se dirigea vers la porte.
" Mais je propose que vous vous en occupiez, dans ce cas. Personnellement, j'aurai juste envie de le secouer. Les amabilités ne sont pas mon fort."

[Taliesin]

-Je verrais ce que je peux faire, répondit-il, choisissant de ne pas trop s'avancer quant au résultat de son intervention.
Peut-être que secouer Haran fonctionnerait. Toutefois, comme toujours, il préférait la manière douce, jugeait plus indiqué de tenter de convaincre l'écrivain de les aider de son plein gré.
-Allez, je pense que nous en avons terminé, ici, reprit-il à l'intention de Victor et Miranda.
Ne pas se disperser lui paraissait toujours aussi indispensable.

[Galathée]

Victor le rejoignit mais Miranda demeura près de la tache.
" Est-ce qu'on ne devrait pas regarder la porte ? Pour déterminer par où il est entré et sorti ? Et s'il est entré et sorti ? Il y a peut-être des traces, non ? De la boue ou de la graisse... Je ne sais pas... Et voir s'il a laissé des empreintes de pas dans le jardin ?"

[Taliesin]

[color=#FFFFF66]-Avec cette brume, nous aurons du mal à repérer quoi que ce soit, sans compter le risque que sortir représente. Le faire deviendra envisageable quand Silence sera à nouveau d'attaque mais, d'ici là, je pense plus prudent de s'abstenir. Quant à des traces laissées à l'intérieur... Dans le bureau, les seules que nous avons remarquées étaient les miennes : j'arrivais du cottage. Ailleurs, vers la porte par exemple... Rien n'empêche d'aller regarder, en effet. Toutefois, discuter avec Haran me semble vraiment une priorité : je ne devrai pas trop tarder à le faire.[/color]