[Lieu] Le Domaine d'Averlande

[Galathée]

La halfeline jeta un regard terrifié à son mari.
" Ce n'est pas votre affaire, mais vous n'êtes imbu d'aucune autorité, claironna Bernard. Et vous prêtez foi aux sornettes de ces... sauvages ! Vous jurez de ne rien répéter, mais à qui, au juste, et de toute façon, ces deux-là ne jurent rien ! Ils travestiront la vérité pour rejeter la faute sur autrui, exactement comme quand cette pauvre Selena est morte. Curieusement, juste sous leur nez, mais ils n'ont rien vu, rien entendu.
— C'est la vérité ! s'offusqua Kathleen.
— Bien entendu."
Il prit la main de son épouse.
" Viens, ma chérie. Nous en avons assez subi. Nous n'avons pas à les écouter."
Mais Ancolie paraissait incertaine, son regard filant du garde chasse au barde, puis le retour. Peut-être y aurait-il moyen d'en obtenir quelque chose, si le public se réduisait...

[Taliesin]

C'est pour cela qu'il renonça finalement à menacer le sieur Saugeverte, à lui faire remarquer qu'il avait des alliés puissants et qu'il n'hésiterait pas à les faire intervenir si personne, ici, n'y mettait du sien.
Au lieu de cela, il poussa un profond soupir.
-Soit..., lacha-t-il, l'air à la fois dépité et résigné. Mais je vous serais très réconnaissant si votre épouse et vous acceptiez d'échanger encore quelques mots avec moi dans le vestibule, avant de vous en retourner au salon. Rassurez-vous, cela n'a pas de rapport avec ce qui vient d'être dit : non, c'est au sujet de Baptiste.

[Galathée]

Bernard Saugeverte ne paraissait pas enclin à écouter un mot de plus de la part du barde. Ancolie se réfugia dans son ombre. Kathleen et Lorcan étaient incertains, surpris de la tournure que prenait la situation. Mais ce n'étaient pas des bavards et ils ne dirent au final rien, se contentant d'échanger un regard lourd avant de quitter, les premiers, le bureau. Taliesin se retrouva donc avec les deux halfelins, dont l'un des deux était sur le point de franchir la porte. Mais il n'avait manifestement pas l'intention de se retrouver seul dans le couloir avec le garde-chasse et la palefrenière, aussi s'attardèrent-ils.
" Je ne vois pas bien ce que nous pourrions faire pour votre fils. Cela ne nous concerne pas." murmura Ancolie, sans pour autant regarder l'elfe.

[Taliesin]

-Vous pourriez lui raconter qui était son père, répondit-il doucement. Il s'est toujours demandé de qui il s'agissait, et plus encore après la mort de sa mère. Et voilà que celui-ci se manifeste, qu'il peut le rencontrer une soirée... et qu'un assassin l'en prive aussitôt. Je ne sais pas comment il va se remettre de ce nouveau coup mais je pense que, tôt ou tard, il voudra en apprendre davantage sur messire Maurin. Vous étiez ses amis, vous pourriez l'y aider. Alor svoilà, j'aurais voulu savoir si vous seriez d'accord pour le faire, pour peut-être lui écrire un témoignage ou lui ouvrir votre porte quand il voudra entreprendre cette démarche...

[Galathée]

" Nous ne le connaissions pas si bien que ça..." dit Ancolie, hésitante.
Bernard fronça les sourcils.
" Mais quand même depuis longtemps, et ce serait avec plaisir, bien sûr, même si je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup de choses très passionnantes à raconter, dit-il. Mais peut-être serait-il mieux pour le garçon qu'il retrouve d'abord un semblant de tranquillité... Il m'est difficile de me représenter ce que cela peut lui faire. Maurin était son père mais aussi un parfait inconnu. Le trouble doit être... d'avantage de l'ordre du regret que de la perte."

[Taliesin]

[color=#FFFFF66]-Je ne saurais dire, car nous n'avons pas encore pu en discuter. Il est trop choqué pour cela, sans compter que j'aimerais mettre la main sur ce maudit assassin : je ne peux peut-être pas rendre son père à Baptiste, mais je m'efforcerai de lui apporter au moins la vérité sur ce qui s'est passé. C'est important.[/color]
Il soupira puis s'arracha un sourire.
-Quoi qu'il en soit, je vous suis très reconnaissant d'avoir accepté de lui parler de messire Maurin, le moment venu. Je ne sais quand ce sera : je ne compte rien lui imposer, il est crucial qu'il aille à son rythme. Mais je pense que, tôt ou tard, il voudra en savoir davantage. Et plus il y aura de gens de bonne volonté, comme vous, prêts à témoigner... Mieux ce sera.

[Galathée]

" Vous ne trouverez personne pour dire du mal de lui, dit Bernard avec un sourire désolé. Tout le monde ne le trouvait pas... complètement ordinaire, dirons-nous, mais de là à en dire du mal... Certainement pas. Il avait un côté distant qui le rendait peu populaire au village... mais c'est le genre de choses qui ne surprend pas, dans une vieille famille noble. Le sang permet les excentricités."
Il rougit légèrement.
" Pardonnez-moi, une expression mal choisie. Toute cette abominable situation... nous porte à tous sur les nerfs. C'est le choc. Comme votre fils. Nous connaissions bien les d'Averlande. Tout ceci est un cauchemar dont on espère se réveiller."

[Taliesin]

Il lui sourit et ce, sans difficultés : il n'arrivait toujours pas à les soupçonner, lui et son épouse, et regrettait seulement que celle-ci n'ait pas été franche quant au rituel - lié, peut-être, à quelque rivalité ou inimitié entre elle et un autre invité.
-Je ressens exactement la même chose. Et le sentiment de menace planant sur nous tous n'aide pas... Vivement que cette affaire soit élucidée : cela mettra un terme à ces pénibles suspicions et cela permettra au temps du deuil de débuter.

[Galathée]

" Avec l'amélioration du temps, les autorités arriveront pour prendre les choses en main, dit Bernard avec conviction. Toutes ces histoires surnaturelles verront, comme toujours, une explication rationnelle. C'est un grand classique du meurtre en milieu rural, ce genre de choses... On accuse les esprits, les fées, je ne sais quelle malédiction ancienne, alors que le coupable, ma foi, est toujours un jaloux ou un envieux."
Il soupira en secouant la tête.
" M'est avis que Maurin était bien mal entouré. Evidemment, nous étions tous invités, mais c'était sûrement pour mieux noyer le poisson."

[Taliesin]

Il fronça les sourcils, perplexe.
-Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous voulez dire. Pensez-vous qu'on l'a incité à inviter autant de monde, ce afin de diluer la suspicion une fois le meurtre accompli ? D'après ce que messire Maurin lui-même m'a dit, ayant appris ma profession, il tenait simplement à me faire rencontrer tous les artistes qu'il connaissait, afin que nous puissions lier conversation...

[Galathée]

" Je ne dis pas qu'on l'y a incité, dit Bernard, mais que... l'occasion fait le larron, comme dit l'adage. Avec autant de monde sur place, et vous, de surcroît, un étranger venu de loin, avec des intentions méconnues... C'était sans doute l'idéal pour le perpétrateur. Si cela s'était déroulé en petit comité, parmi des gens qui se connaissent tous bien, les masques seraient tombés bien plus rapidement, j'en suis sûr." "

[Taliesin]

-Sans doute. Et je vous rejoins pour dire que notre réunion a dû paraître au tueur un moment tout particulièrement opportun pour frapper.. Mais il ne font pas non plus négliger l'arrivée de Baptiste : il est possible qu'elle ait joué son rôle, car on a pu souhaiter éviter qu'il ne parle trop à son père... Comment savoir, toutefois, sans connaître les motivations qui ont présidé à ce crime ?
Cette conversation ne faisait pas beaucoup avancer son enquête. Mais peut-être amènerait-elle les halfelins à lui faire davantage confiance.

[Galathée]

" C'est vrai, peut-être que la présence de l'enfant y est pour quelque chose..." dit Bernard.
Il eut un sourire un peu las.
" Mais la succession est assez directe : soit c'est lui qui récupère le domaine, soit ce sont les Steynhave : tout ça dépend de ce qui se trouve dans le testament de Maurin. Et aucun des Steynhave n'est ici, de toute façon."
Du coin de l'oeil, Taliesin vit Ancolie porter la main à sa poitrine, mais, croisant son regard, elle lui décocha un sourire nerveux.

[Taliesin]

Mais cela l'avait suffisamment marqué pour qu'il décide de ne pas en faire abstraction.
-Vous allez bien ? demanda-t-il, plein de sollicitude. Si vous voulez aller vous assoir ou vous reposer, n'hésitez surtout pas à le dire : nous pourrons très bien reprendre cette discussion plus tard.
Souffrait-elle de quelque maladie ? Etait-ce simplement le contrecoup de toute cette tension ?

[Galathée]

La sollicitude du barde la prit par surprise et elle répondit par des dénégations balbutiées. Mais son mari renchérit, lui prenant la main et la guidant d'abord vers le salon, avant de s'immobiliser.
" Du repos, c'est exactement ce qu'il te faut, oui... mais je ne suis pas sûr que l'atmosphère dans cette salle soit l'idéal... Allons plutôt par là..."
Et il se dirigea, remorquant son épouse, droit sur la pièce où, plus tôt, Lorcan avait fait entrer le maraudeur qu'il avait pincé dans le parc.

[Taliesin]

-Attendez : je ne crois pas que cette pièce soit déserte ! s'empressa-t-il d'intervenir.
Et de leur expliquer rapidement la situation.
-Je pense que l'homme est attaché, sans quoi on ne l'aurait pas laissé sans surveillance. Pour autant, je ne sais pas si c'est le meilleure endroit pour se reposer... conclut-il.

[Galathée]

" Un maraudeur, siffla Bernard. Il ne manquait plus que ça ! Est-ce que Lorcan vous a dit ce qu'il en était ? Peut-être a-t-il essayé de soutirer des informations sur le trésor à Maurin... Non, ça parait ridicule. C'est sûrement une stupide coïncidence."
Il se tourna vers Ancolie.
" Nous allons sortir un moment. Juste sur le perron. Un peu d'air frais te fera du bien."
Elle acquiesça et le suivit en trottinant.

[Taliesin]

Voilà qui ne lui disait rien qui vaille...
-Pardonnez-moi mais je serais rassuré si vous acceptiez que je vous escorte ou, à minima, si vous laissiez la porte ouverte pour que je puisse intervenir rapidement en cas de besoin. L'assassin court toujours et plus nous sommes isolés, plus il peut aisément frapper : nous devons garder cela à l'esprit.

[Galathée]

" Vous pensez vraiment que l'assassin frapperait encore, en plein jour, alors qu'il a manifestement effacé toutes ses traces ? demanda Bernard. Il m'est avis qu'Ancolie et moi-même ne risquons rien : nous ne savons rien de lui, nous cherchons pas à le trouver et nous n'avons aucun lien avec le domaine, d'aucune sorte, ni aucune querelle avec les gens d'ici. Enfin... Sauf avec ce rustre de Lorcan."
Il poussa un bref soupir.
" Mais vous avez raison. Le mieux est certainement de rester au salon. En espérant que cette fichue brume se décide enfin à disparaître."

[Taliesin]

Il acquiesça.
-J'ai hâte qu'elle le fasse : sans doute faudra-t-il attendre à Athrey le temps que l'enquête soit bouclée, mais je me sentirai malgré tout bien plus à l'aise à l'auberge qu'ici. En attendant, toutefois... Mieux vaut continuer à faire preuve de la plus grande prudence, puisque nous ignorons tout de l'identité du tueur et de ses motivations.
A ce niveau, ils n'avaient pas du tout progressé. Mais peut-être Ancolie finirait-elle par lui parler...

[Galathée]

Les deux halfelins n'ajoutèrent rien et regagnèrent le salon, Ancolie devant, Bernard derrière, puis enfin Taliesin. Bien sûr, de nombreux regards, curieux ou franchement suspicieux, se posèrent sur eux dès qu'ils parurent. Kathleen et Lorcan, eux, n'étaient pas présents. Seul restait Trévor, toujours en compagnie des trois autres plus jeunes, ce qui signifiait sans doute que le garde-chasse et la palefrenière n'avaient pas complètement déserté les lieux. Arzhel et Haran étaient les deux seuls solitaires dans la pièce, le premier jaugeant le reste de l'assemblée, le second observant distraitement la brume au dehors.

[Taliesin]

Ce fut vers l'écrivain qu'il se dirigea à nouveau. Vu la fréquence de leur conversations, il serait bien sûr très ironique que ce soit lui, l'assassin. Mais comme, dans l'absolu, tout le monde était susceptible de l'être, il fallait bien qu'il en prenne son parti.
-Alors, le temps donne-t-il l'impression de s'éclaircir ? lui demanda-t-il, l'ayant rejoint.
Si la chance était de leur côté, ce serait le cas. Mais étrangement, il pensait qu'il en irait tout autrement.

[Galathée]

" Je ne saurais dire, je ne suis pas spécialiste, dit Haran avec un haussement d'épaules un peu désolé. Je ne suis pas de la région, je n'ai pas appris à lire dans le ciel ce qui va se produire... Mais de ma courte expérience, le temps est très changeant. Ça pourrait se dégager... mais c'est difficile de savoir pendant combien de temps... La fenêtre d'opportunité sera peut-être très courte... et nous serons alors dépendants du bon vouloir de Kathleen et de son équipage. Si elle refuse de nous emmener à Athrey, je ne sais pas qui s'y risquera à pied. Pas moi, en tout cas. Ma chambre est confortable et je préfère prendre le risque de tomber sur un esprit mal embouché que de me briser la nuque dans les rochers ou me noyer dans une tourbière."

[Taliesin]

-Dans l'absolu, je pourrais invoquer deux ou trois coursiers fantômes : ce sont des montures au pied sûr et à l'allure particulièrement rapide. Mais leur aspect n'est pas forcément engageant et ils ont tendance à effrayer les animaux ordinaires. Sans compter qu'il faut une demi-heure pour faire apparaître chacun d'entre eux... Bref, ça ne s'improvise pas et c'est sans doute une solution à réserver en cas d'extrême recours. Enfin, au moins a-t-elle le mérite d'exister !

[Galathée]

Haran rit doucement.
" Des chevaux spectraux... Très approprié pour la région. Je suis sûr que cela marquerait les esprits... mais je ne suis pas sûr que cela plaiderait en votre faveur, si soudain certains se mettaient en tête de vous suspecter de manière plus musclée... Les gens ne sont pas très au fait des pouvoirs de la Toile et il ne sera pas forcément aisé de leur expliquer la différence entre un cheval fantôme et un fantôme assassin..."
Il eut un sourire.
" Oui, je suis au courant. Les gamins parlent fort. Ils ne l'ont pas fait exprès."

[Taliesin]

-Je me doute.
Il soupira.
-Cette histoire d'assassin fantôme, ça n'est qu'une vague théorie, basée sur une découverte dont l'interprétation n'est pas sûre à cent pour cent. Et c'est bien là le problème : tout ce que nous trouvons soulève de nouvelles questions sans apporter la moindre certitude. Et plus le temps passe, plus je me rends compte que je suis mal placé pour enquêter : j'ignore trop de choses, en particulier sur les relations entre toutes les personnes présentes ici.

[Galathée]

" Mais c'est le propre des enquêteurs, de tout ignorer des suspects au départ. Ils se retrouvent parachutés dans une histoire où tout le monde se connait, où personne ne dit rien, ou jamais ce qu'il pense vraiment, et ils doivent découvrir les liens... et débrouiller le vrai du faux. Etre partie prenante, voilà qui est problématique, quand on tente de résoudre un crime : on arrive pétri de ce qu'on sait des uns et des autres, et d'opinions souvent cristallisées de longue date. Même si l'observateur extérieur n'est pas exempt de préjugés, bien sûr. Mais je pense au contraire que votre ignorance n'est pas une faiblesse... Le fait que vous soyez impliqué, au moins émotionnellement, et bientôt très matériellement, en est une bien plus problématique."
Il jeta un oeil dehors.
" Même notre milice locale, qui va se saisir de l'affaire... Elle arrivera toute embrouillée dans les petites combines d'Athrey, les médisances, les copinages... Non, vraiment... Vous êtes beaucoup mieux placé que vous ne le croyez."

[Taliesin]

-Ce serait tout de même plus confortable si je n'étais pas le suspect idéal. Et si je n'étais pas aussi isolé.
Il jeta un regard circulaire sur le salon.
-Comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, je n'arrive à soupçonner aucun membre de notre petite assemblée. C'est sans apriori ou arrière-pensée que je discute avec chacun d'entre eux, que j'accepte l'aide de tous ceux qui la proposent. Mais, et bien que cette idée ne déplaise fort, je sais aussi que tout un chacun, ici, est susceptible de vouloir me manipuler et que je ne peux donc faire aveuglément confiance à personne. C'est très... pénible.

[Galathée]

" Je ne vous donnerai donc pas mon avis sur la situation, dit Haran avec un léger sourire de commisération. Je n'en ai pas vraiment, pour tout dire. Enfin. A part le classique. Si vous me disiez exactement ce que vous avez trouvé ? Une sorte de... signe ésotérique, disent les enfants. Vos garçons ont l'air d'être experts en choses sorcières... Un voyage en Féérie, si j'ai bien compris ? Cela doit sûrement être... passionnant... et le monde ordinaire, en dépit de ses meurtres, doit vous paraître bien... ordinaire, justement."

[Taliesin]

-Ce qui n'est pas forcément un défaut pour qui, comme moi, aspire à un peu de quiétude...
Il hésita puis décida de lui en dire davantage sur ce qui s'était passé. Garder le secret n'avait plus guère de sens après les bavardages des enfants.
-Pour le reste, les garçons ont découvert, dans l'aile abandonné, les restes d'un rituel. D'après Lorcan, qui l'a examiné à ma demande, il aurait pu servir, cette nuit ou hier soir, à invoquer un esprit mauvais. Forcément, cela pose question, cela fait naître des hypothèse...