[Lieu] Peyregorde

[Kasumi]

Kasumi demeura calme mais se montra cette fois un peu plus sur la défensive :

- Tous ne se laissent pas sauver et ne saisissent pas les opportunités d'une seconde chance. J'ai affronté plusieurs fois Yvan et ses anciens sbires. Ils ont bien failli détruire tout ce que je cherchais à préserver mais j'ai choisi de ne jamais recourir à la facilité d'une solution définitive. En fin de compte, s'il avait fallu choisir entre la vie de ceux que j'ai promis de défendre et celle de mes anciens ennemis, je n'aurais guère eu le choix que de consentir au sacrifice.

[Voyageuse]

Mylène ouvrit la bouche pour répondre aussitôt, mais préféra finalement réfléchir au lieu de répondre trop impulsivement -signe incontestable qu'elle mûrissait. Et elle répondit sur un ton presque aussi calme que celui de Kasumi.
" Je comprends mais... Tout de même.... Ce n'est pas pareil de tuer quelqu'un en se défendant, et de traquer quelqu'un qui semble être une menace. Surtout qu'il était parti assez loin pour ne plus être un danger pour personne ici, et qu'il n'avait pas l'intention de revenir."
Elle soupira.
" Je suis vraiment soulagée qu'on n'en soit pas arrivés... à ce genre de chose. Je ne vous aurais pas laissé faire, de toute façon."
A nouveau, elle affichait la mine revêche que Kasumi lui connaissait bien.

[Kasumi]

Kasumi jugea que le moment était venu pour une tentative d'apaisement et répondit d'un sur le ton de l'humour :

- Et tu serais probablement parvenu à m'en empêcher : d'ausi loin que je me souvienne, je me suis toujours fait manipuler par la genr féminine. Et en parlant de ça, nous ferions mieux de nous remettre en route sinon je vais me faire passer un savon pour avoir lambiné en route.

[Voyageuse]

Mylène acquiesça en silence, l'air songeur, ruminant sans doute des pensées mornes, qu'elle n'extériorisa pas. Elle n'avait pas souri au trait d'humour de Kasumi.
Comme il l'avait proposé, elle se remit en route, marchant en silence aux côtés du demi-elfe. Le village était tout proche, à dix bonnes minutes de marche, mais ils n'étaient pas à mi-chemin qu'il reconnut une silhouette au ventre arrondi, à la longue chevelure rousse, qui avançait dans sa direction, tandis qu'un faucon venait, à nouveau, se poser sur son épaule. C'était Sylvia. Son état l'obligeait à marcher lentement, mais elle souriait largement et il devina qu'elle se hâtait autant qu'elle le pouvait.
Mylène, imperceptiblement, ralentit l'allure pour lui permettre de rejoindre le premier sa fiancée.

[Kasumi]

En voyant Sylvia, il oublia aussitôt la tension de la discussion avec Mylène : les conséquences attendraient plus tard et l'adolescente avait de toute façon besoin de digérer les derniers événements. Il pressa le pas en résistant tout de même à l'impulsion de courir comme une jouvencelle. En la rejoignant, il l'enserra tendrement dans ses bras sans un mot. Il sentit son apprentie les dépasser et continuer vers le village pour les laisser seuls. Quand ce fut le cas, il desserra légèrement son étreinte pour l'embrasser et tenter d'un ton léger :

- J'espère que je ne suis pas trop en retard cette fois...

[Voyageuse]

Sylvia jeta un bref coup d’œil à l'adolescente qui s'éloignait discrètement, et répondit d'un air mutin.
" Si, tu es affreusement en retard. Je t'attends depuis des jours et des jours..."
Son large sourire démentait ses paroles. Sans lui laisser le temps de se justifier, elle l'embrassa avec tendresse, longuement, comme si elle voulait rattraper le temps perdu.
Autour d'eux, la vie suivait son cours : il y avait quelques paysans dans les champs, un berger un peu plus loin, des femmes cueillant des fruits dans le verger tout proche. Personne ne semblait faire attention à eux, mais la nouvelle de son retour ferait certainement le tour du village avant même qu'il y ait mis un pied.

[Kasumi]

Pour la première fois depuis des veilles, il ne ressentait aucune forme d'appréhension à l'idée de retourner parmi les habitants de Peyregorde : certes, sa mission n'était pas encore tout à fait achevée mais plus rien ne s'y opposait désormais. Une dernière expédition avec Première Neige devrait y suffire. Il allait falloir faire patienter Sylvia un peu plus mais pas tout de suite : pour quelques jours au moins, il avait envie de goûter à la quiétude de ce petit hameau. Il allait aussi falloir parler au père d'Yvan mais là non plus, les nouvelles qu'il avait à annoncer ne lui paraissaient plus aussi terribles.

[Voyageuse]

Sylvia finit par relâcher son étreinte -pour respirer- et le prit par la taille, l'entraînant lentement vers le village. Mylène avait déjà disparu parmi les premières maisons. Ils croisèrent deux villageois, guidant une charrette vide tirée par un vieil âne, qui les saluèrent d'un sourire. En cette saison, l'activité agricole était maximale, et tout le village était réquisitionné pour ramasser les fruits et légumes.
Le faucon de Sylvia vint se poser sur son épaule, pour le saluer sans doute, et s'éloigna ensuite à tire-d'ailes tandis qu'ils se dirigeaient vers lamaison de Martha.

[Voyageuse]

En provenance d'ici

Il ne ressentait toujours pas la présence de Première Neige, mais il sentit, très nettement, la souillure de la forêt, au bout d'une petite heure de marche. Peut-être ses pouvoirs de clerc l'y rendaient-il plus sensible, ou peut-être y avait-il davantage de brume que d'habitude. Elle s'insinuait entre les troncs, glaciale, menaçante, masquant aussi la présence de dangers plus ordinaires. S'habituait-on jamais à cette souillure ?
Il marcha d'un bon pas, pendant un temps indéfini, puis devina que loin au-dessus de sa tête, le soleil déclinait, sans que cela change grand-chose, pour l'heure, à l'absence de luminosité du sous-bois. La forêt ici était toujours incroyablement sombre, comme si aucun rayon de soleil ne parvenait jamais au sol. La brume, elle, épaississait. Il lui semblait qu'il approchait du secteur où se trouvait la meute, mais il était peu probable qu'il l'atteigne avant la nuit. Le plus inquiétant était qu'il n'avait toujours pas été rejoint par sa louve.

[Kasumi]

Cette nouvelle séparation temporaire après avoir évoqué ses projets de mariage, le retrait inédit de sa jeune apprentie avec laquelle il n'était pas certain de pouvoir revenir en bons termes, l'inquiétante absence de toute sensation concernant Première Neige. Tout cela pesait lourdement sur le moral de Kasumi et son sentiment de solitude et d'isolement. Cette forêt qu'il avait juré de protéger semblait manifester son hostilité, semblait le repousser. Il tenta malgré tout de se concentrer sur le bonheur qui l'attendait à la fin de sa mission, sur la lumière qu'il avait réveillée dans l'antique bosquet, sur l'inspiration divine qui l'avait touchée. Tout cela l'incitait à continuer d'avancer, à passer la nuit - en courbant les épaules certes - avant que le matin ne chasse à nouveau les ombres, un tout petit peu plus loin que la veille. Le rôdeur se chercha un arbre dans lequel il pourrait se hisser. Alors seulement il aurait l'occasion de relâcher sa vigilance et s'adonner à de nouvelles réflexions, même si cela impliquait de s'inquiéter de ceux qu'il aimait, comme Première Neige.

[Voyageuse]

Les arbres de ces bois n'avaient hélas rien d'accueillants. Silhouettes sombres et torturées, aux branchages maigres souvent ornés d'épines, ils semblaient fragiles et faméliques, et totalement inhospitaliers. Il se trouvait dans un secteur particulièrement sombre et touffu, dont le sous-bois abritait d'innombrables taillis de ronces, et il dut marcher un bon moment pour trouver enfin un espace plus dégagé avec, en particulier, un hêtre d'apparence solide qu'il pouvait escalader.
Le simple fait de quitter le sol et la brume qui s'y trouvait lui fit l'effet d'une délivrance. A défaut de se sentir réellement en sécurité, il se sentait moins en danger : ne pas voir ce qui se tramait au niveau du sol était un peu anxiogène. En revanche, Première Neige n'était toujours pas là, et il ne parvenait pas à savoir dans quelle direction elle se trouvait. Il ne pourrait se baser que sur ses souvenirs pour retrouver la meute, le lendemain. Mais sans doute trouverait-il des traces.

[Kasumi]

Maintenant qu'il avait un moment pour souffler et faire le point, cette absence totale de présence recommençait à l'inquiéter et même à se demander s'il était bien parti dans la bonne direction. Il était fier de ne s'être quasiment jamais perdu, surtout en forêt, mais les distractions n'avaient pas manqué ces derniers temps. Le plus difficile était, comme souvent dans son cas, de ne rien pouvoir entreprendre pour retrouver Première Neige : il allait devoir passer la nuit ici et prendre son mal en patience. Et comme il n'avait pas encore trouvé le temps de le faire aujourd'hui, il adressa une prière à sa déesse en tentant d'y trouver une certaine sérénité et un réconfort.

[Voyageuse]

Il ne trouva pas autant de réconfort dans la prière qu'il l'avait espéré. Perdu dans les bois, loin de tout, inquiet pour sa louve, il n'était peut-être pas aussi serein qu'à l'ordinaire, ou peut-être que l'atmosphère délétère des lieux pervertissait son lien à sa Déesse. Il ne lui restait plus qu'à tenter de s'endormir.

Le silence était presque total. Anormal, en un sens : une forêt ordinaire bruissait de mille et un petits bruits à la tombée de la nuit. Ici, il devinait un ou deux oiseaux de nuits, quelques crissements sur le sol. Des rongeurs peut-être, ou autre chose. Puis il lui sembla entendre un bruit de métal frottant sur la roche, tout proche. Un grincement étrange. Un chuchotement, puis une plainte déchirante au loin. Et à nouveau le silence.

Il commença à sombrer dans le sommeil. Puis il y eut à nouveau ce bruit de métal. Une odeur de pourriture monta jusqu'à lui. Il y avait du bruit au pied de son arbre, des pas faisaient crisser les premières feuilles mortes. Quelque chose s'arrêta au pied de son arbre.

[Kasumi]

Seul et donc sans personne dont se soucier, il avait pensé trouvé le sommeil malgré l'ambiance hostile. Il était un expert en dissimulation et peu de créatures pouvaient l'atteindre où il s'était réfugié. Mais il avait appris à toujours se méfier et rester en alerte, d'autant que certaines abominations pouvaient sans doute sentir sa présence comme il ressentait la leur. Alors, lentement, prudemment, dans le plus grand silence, il se glissa de sorte à pouvoir observer dans la direction de la source du bruit. juste pour évaluer la menace sans être vu. Du moins l'espérait-il : il n'était pas question de mener un combat évitable dans une situation aussi précaire, bien qu'il soit indigné et révolté par les mort-vivants qui infestaient ces bois.

[Voyageuse]

Les feuillages le protégeaient des regards extérieurs, mais l'empêchaient de distinguer quoi que ce soit. Il lui fallut redescendre un peu, lentement, en maîtrisant ses gestes pour ne faire craquer aucune branche, ne faire tomber aucune feuille. Il finit par atteindre une zone de feuillage moins dense et put observer dans une trouée ce qui se passait au-dessous de lui.
Kasumi avait la chance de pouvoir bénéficier de la vision de ceux de sa race, et, malgré l'obscurité, il devina sans peine du mouvement au pied de son arbre. Il identifia, à l'odeur et à leur aspect, un petit groupe de trois ou quatre morts-vivants, sans vraiment identifier s'il s'agissait de goules ou de blêmes ; deux autres portaient des armures et des armes, et l'un d'eux avait la taille d'un ogre. Il entendit également le cliquetis caractéristique des ossements d'un squelette, sans parvenir à l'apercevoir : il était possible qu'il y ait d'autres morts-vivants à proximité immédiate. Il lui semblait en tout cas que ce groupe-ci portait un intérêt particulier à son arbre, comme s'ils avaient deviné sa présence. Mais, de ce qu'il en voyait, aucun ne semblait apte à en tenter l'escalade, ou seulement de manière très maladroite.

[Kasumi]

Malgré l'effort et le dégoût que cela occasionnait, Kasumi préféra tenter d'ignorer ces aberrations : les alerter ne servirait qu'à en attirer d'autres jusqu'à lui. Et potentiellement, des horreurs qui seraient capables de constituer une menace plus directe. Non, son arbre était solide et il ne tenterait rien dans l'immédiat à part repousser son besoin de repos et observer leurs mouvements, en partilculier ceux du plus massif d'entre eux. Et s'ils étaient assez téméraires pour rester là jusq'au matin, il les éliminerait alors sans crainte qu'ils ne reçoivent des renforts malencontreux.

[Voyageuse]

Il y eut plusieurs tentatives d'escalade. Malgré leurs gestes maladroits, certains morts-vivants faisaient preuve de ténacité : ils savaient qu'il était là, c'était une évidence. Celui qui avait la taille d'un ogre renonça très vite, après avoir cassé deux branches. Les autres s'obstinèrent un moment, mais sans succès. Ils restèrent cependant un bon moment au pied de l'arbre, avant de se décider à s'éloigner un peu. Et il eut la nette sensation qu'ils n'étaient pas partis très loin. Juste hors de vue.
Il pouvait, néanmoins, dormir tranquille... pour le moment immédiat.

[Kasumi]

Kasumi savait qu'il ne pouvait pas espérer se reposer pleinement mais il était suffisamment coutumier du danger pour parvenir à fermer les yeux tout en restant partiellement en alerte. Que n'aurait-il donné pour bénéficier des avantages de ses parents elfes et de leur Rêverie si mystérieuse ? Cette pensée l'amena à songer à son père et immédiatement à son demi-frère. Tilmandil ne comprendrait pas ce qu'il faisait en pleine nuit au sommet d'un arbre assiégé par des mort-vivants mais sans doute trouverait-il à en plaisanter en lui assénant une petite pique amicale. Kasumi espérait malgré tout que son parent ne se soit pas lui-même fourré dans une situation sociale impossible. Peut-être n'étaient-ils pas si différents après tout ? Tenaient-ils leur impulsivité et leur capacité à attirer les ennuis de leur père commun ? Cette théorie avait au moins le métrite de remettre en perspective les circonstances dans lesquels un certain elfe diplomate s'était retrouvé dans une autre forêt, contraignant sa mère à venir à son secours. Oui, c'était sans doute une caractéristique familiale !

[Voyageuse]

Même si ses pensées voguaient vers eux, le moment aurait été mal choisi pour que sa famille elfique cherche à le contacter : s'il leur répondait à voix haute, il risquait d'attirer à nouveau les créatures indésirables qui se trouvaient au niveau du sol. Mais le fait est qu'il n'avait eu aucune nouvelle du continent depuis plusieurs veilles, et il était normal qu'il s'en inquiète. Ses pensées finirent peu à peu par devenir plus chaotiques, et le sommeil l'envahit. Il se réveilla une fois ou deux, à demi, en entendant des bruits inquiétants, trop proches, mais aucun mort-vivant ne grimpa dans l'arbre.
Ce fut le froid qui le réveilla finalement, le froid et quelques trilles timides d'un oiseau égaré. L'automne approchait et les températures chutaient. Le soleil était sur le point de se lever, estima-t-il : mais la luminosité demeurait très faible, signe que le ciel était probablement couvert. Il n'entendait plus de cliquetis étrange sur le sol, ni de bruits de chaines, mais l'odeur de charogne demeurait présente - ou peut-être l'imaginait-il, à force de l'avoir sentie une bonne partie de la nuit.

[Kasumi]

Le rôdeur s'emmitoufla dans sa cape pour se secouer puis, afin de déterminer si l'odeur n'était que le fruit de son imagination, il employa une technique apprise il y a bien longtemps en Haute-Forêt : il fouilla dans son sac pour y sentir une victuaille odorante, prit une profonde inspiration, et tenta à nouveau de déterminer si ses sens le trompaient ou non. Et comme le jour était revenu malgré tout et que les trilles des oiseaux étaient rassurantes, il se glissa hors de sa cachette pour approcher du bord de l'arbre et ainsi utiliser ses autres sens à la recherche d'un danger plus proche. Si rien ne guettait, il prendrait rapidement un déjeuner sur le pouce avant de se mettre en route pour l'endroit où il avait laissé les loups lors de sa dernière venue.

[Voyageuse]

L'odeur de charogne subsista malgré toutes ses tentatives. Elle était bien réelle.
Mais il eut beau observer les alentours de tous ses yeux, il ne vit rien. Aucune menace, aucun mouvement. Aucun bruit à proximité. Aucune charogne non plus.
Il subsistait une légère brume au niveau du sol, une brume trop épaisse, trop grise... mais tout à fait ordinaire en ces lieux.
Il put prendre son petit déjeuner sans être importuné, sans que rien ne bouge au-dessous de lui. L'odeur demeurait forte, omniprésente. Ce ne fut qu'au moment où il se décidait à s'extirper de sa cachette qu'il devina un mouvement à la limite de son champ de vision, sur sa droite. Un buisson bas avait bougé. Mais le mouvement s'arrêta aussitôt. Ce pouvait être un prédateur ordinaire à l’affût.

[Kasumi]

Le demi-elfe en doutait cependant mais il tenta de puiser dans son lien avec la nature, dans son instinct, pour tenter de savoir s'il avait affaire à une horreur de la nuit s'attardant malgré le retour de la lumière ou à tout autre chose. En tout état de cause, il ne pourrait pas se permettre de rester trop longuement ici : il avait encore bien du chemin à parcourur et il n'était plus si certain de retrouver les loups à l'endroit de leur précédente tanière. Ni même qu'il disposait encore d'une alliée pour les convaincre de le suivre où il voulait les mener.

[Voyageuse]

Il ne put pas ressentir grand-chose dans cette forêt pervertie.
Il finit par deviner un nouveau mouvement, puis distingua des yeux jaunes. Puis il crut voir des oreilles pointues. Un nouveau bruissement des feuillages, et il vit dépasser une truffe levée, flairant l'air. De toute évidence, c'était un simple quadrupède. Peut-être un loup : il semblait en avoir le gabarit.
Il n'avait pas perçu la présence du rôdeur, pas encore. L'odeur de charogne, omniprésente, l'empêchait sans doute de le détecter via ses sens olfactifs.

[Kasumi]

Se pouvait-il qu'il se soit approché plus près de la tanière qu'il ne l'avait cru ou que les loups - voire même Première Neige - aient senti sa présence et décidé de venir à sa rencontre ? Mais alors, pourquoi ne ressentirait-il pas lui-même la proximité avec son compagnon de longue date ? Tant de conjectures qu'il n'avait pas la possibilité de démêler en restant dans son perchoir. Kasumi se décida à quitter son couvert et à descendre prudemment, tous les sens aux aguets et ses armes prêtes à être dégainées au cas où les mort-vivants se seraient encore attardés dans les parages.

[Voyageuse]

Le loup le vit et se replia dans son buisson, inquiet. Mais il ne s'éloigna pas pour autant. Kasumi devinait ses yeux jaunes fixés sur lui. L'odeur de charogne était prégnante, et peut-être était-ce cela qui l'avait attiré. Il n'y avait pas de cadavre en vue, cependant.

Lorsque le demi-elfe mit pied à terre, il devina un mouvement derrière lui, et son instinct de combattant le fit se retourner aussitôt, arme au poing, juste à temps pour parer l'attaque d'une créature restée tapie dans les fourrés à proximité, et qui guettait probablement son retour sur terre. La masse de chair qui se jetait sur lui heurta son épée, poussa un cri qui n'avait rien d'humain et recula vivement, tandis que les piquants de son arme ne faisaient qu'effleurer l'épaule de Kasumi. L'odeur de charogne, immonde, faillit lui faire rendre son petit déjeuner.
Mais le monstre qui lui faisait face ne semblait pas vouloir se laisser décourager par le tranchant d'une épée. Le toisant de toute sa hauteur -il devait faire le double de la taille de Kasumi-, il repartit de plus belle à l'assaut, brandissant une masse d'arme ornée de pointes qu'il maniait avec une force surhumaine. Il portait les vestiges q'une cuirasse, à moitié en lambeaux, qui ne le protégeait qu'imparfaitement, mais sa taille et sa force en faisaient un adversaire impressionnant.

[Kasumi]

Face à un tel colosse, Kasumi n'avait que peu d'avantages à exploiter : certes, sa masse et son style de combat en faisaient un adversaire lent et plus aisé à esquiver mais il était aussi infatigable de par sa nature et un seul de ses coups - même approximatif - aurait raison du demi-elfe. En somme, la seule chance et la seule stratégie possible était d'attirer le monstre vers des arbres où il serait susceptible de s'empétrer suffisamment pour que quelques coups d'épées puissent lui être assénés sans prendre des risques inconsidérés. Il était peu probable qu'il parvienne à fracasser un tronc sinon il aurait abattu celui de l'arbre où Kasumi s'était réfugié. Il fallait donc l'amener à frapper ces derniers pour tenter de l'atteindre. Sur un malentendu, le colosse pourrait finir par lâcher son arme, ne serait-ce que quelques instants.

[Voyageuse]

Il se trouvait dans une zone relativement dégagée : c'était ce qui lui avait permis de trouver un hêtre d'un gabarit suffisant pour l'héberger, haut et solide. La végétation, trop clairsemée, jouait en sa défaveur. Mais le sous-bois était plus touffu sur sa gauche : c'était là-bas qu'il devait déplacer le combat s'il voulait que son adversaire s'y empêtre.
Par chance, l'immense créature était relativement pataude et lente, et Kasumi parvenait sans trop de mal à esquiver ses coups. Mais il lui fallait une concentration de tous les instants pour anticiper ses prochaines attaques tout en se déplaçant -et, surtout, il devait se déplacer suffisamment vite pour ne pas risquer de se faire écraser par le monstre.
Il parvint dans un secteur où poussaient pêle-mêle arbustes, buissons d'épineux, lierre et lianes, une végétation touffue qui ne semblait pas gêner son adversaire le moins du monde : il se contentait de tout écraser et arracher sur son passage. Le demi-elfe, en revanche, en fut quelque peu ralentit. L'arme de la créature faillit lui arracher la tête alors qu'il bondissait en arrière, et il sentit les ronces lacérer ses vêtements et pénétrer sa chair. La masse revint se planter dans le sol à ses pieds tandis qu'il continuait à reculer aussi vite qu'il l'osait : tout près se trouvaient des arbres plus solides, un bouquet serré de peupliers, quelques chênes solides.

[Kasumi]

Il l'avait échappé d'extrême justesse... Quelle guigne d'être tombé sur cet adversaire en imaginant que tous les dangers seraient écartés avec la naissance du jour. Kasumi n'avait pas une seconde à consacrer à ces réflexions et ses regrets et ne devait de survivre - comme bien souvent auparavant - qu'à son instinct et sa bonne fortune. Le demi-elfe poursuivit sa progression de manière aussi imprévisible que possible vers les arbres plus nombreux. Là, il aurait peut-être une chance de guetter une opportunité. Il envoya son épée courte vers son adversaire en espérant le décontenancer juste une seconde. Cela lui permettrait aussi de raffermir sa prise sur son épée enchantée. Il n'aurait sans doute droit qu'à un coup. Il devrait être assez puissant pour trancher quelque-chose : une main si possible pour désarmer la créature.

[Voyageuse]

Il parvint, enfin, à proximité d'arbres jeunes et robustes, suffisamment denses pour gêner les mouvements de la créature qu'il affrontait. Jusque-là, ses tentatives de contre-attaque n'avaient abouti à rien : son dernier coup d'épée semblait n'avoir causé qu'une égratignure au flanc de son adversaire, sans parvenir à ralentir ses attaques et son avancée. Et il avait bien failli se prendre sa masse dans le crâne en retour : il s'en était fallu d'un cheveu.
Mais une opportunité se présenta enfin. Comme il l'avait espéré en se dirigeant dans cette direction, l'arme brandie par la créature se retrouva un instant coincée dans les branchages serrés d'un bouleau, au-dessus de lui. Juste un bref instant, durant lequel le géant dut interrompre son mouvement, le bras en l'air, pour tirer fermement sur le manche de sa masse et la dégager -ce qu'il réussirait immédiatement, étant donné sa force. Durant ce bref instant, Kasumi avait une chance d'agir.

[Kasumi]

Kasumi saisit cette ouverture comme par instinct - ses centaines d'heures d'entraînement en Haute Forêt et sa souplesse naturelle prenant le relais de la raison. Le demi-elfe brandit son épée pour bénéficier du maximum de portée offert par sa nouvelle prise et asséna un coup d'estoc en direction de l'aiselle exposée du monstre. Il n'avait droit qu'à un coup pour trancher un maximum de chair et de tendons avant de rouler plus loin pour se dégager de l'imminente contre-attaque.