[Lieu] Route d'Erhedun à Rohan

[Taliesin]

-C'est aimable à vous de dire cela. Et, de fait, il est agréable de savoir qu'on a une porte de sortie. Mais... Je me connais : je m'en voudrais trop, après coup, si je me défilais. Ne pas avoir saisi cette opportunité tant qu'elle se présentait, laisser les assassins l'emporter, priver Baptiste de ce lien avec sa famille dont il aura besoin, tôt ou tard... Non, je n'arriverais pas à me dire que j'ai pris la bonne décision.
Il s'arracha un sourire.
-Allez, haut les cœurs ! Je suis bien revenu de Féérie : je reviendrai de Gisombre.

[Galathée]

" Je n'en doute pas, dit Rufus avec un sourire. Je ne vous l'aurais pas proposé, dans le cas contraire. Imaginez si vous ne revenez pas : tout le monde sait que vous étiez chez moi ce soir. Je serais dans de beaux draps... et connaissant Kiazalle, elle ne l'aurait jamais permis si elle avait un doute."
Il haussa les épaules.
" Je ne connais pas Gisombre, je n'y ai jamais mis les pieds mais... je pense que si vous suivez ses consignes, vous vous en sortirez. Elle revient toujours en un seul morceau, en tout cas."

[Taliesin]

-Je ne la quitterai pas d'une semelle. Et je suivrai à la lettre la moindre de ses consignes.
Il en rajoutait un peu, pour détendre l'atmosphère. Mais dans le fond, c'était ça, l'idée : il n'entendait pas prendre le moindre risque, ce qui passait par appliquer les directives de son guide.
En parlant de guide, cela lui faisait un peu bizarre de remettre ainsi sa vie entre les mains d'une parfaite inconnue. Mais puisque Haran - ou plutôt, Rufus - lui faisait confiance, il devait pouvoir faire de même.

[Galathée]

Haran acquiesça et le laissa monter rassembler ses affaires. A priori, il n'avait pas à entrer dans la chambre des enfants —*il en provenait le son tranquille de respirations endormies — mais c'était à lui de voir. De toute façon, le sortilège l'empêcherait de leur communiquer quoi que ce soit. Il pouvait aussi décider d'aller directement dans sa chambre et de prendre son matériel.

HRP : je veux bien savoir ce qu'emporte Taliesin, très exactement

[Taliesin]

Taliesin prit directement la direction de sa chambre. Aller voir les enfants, ç'aurait été risquer de les réveiller, surtout s'ils avaient pensé à mettre en place ce dont ils avaient parlé au cas où Victor ait une nouvelle crise de somnambulisme.
Une fois dans ses quartiers, il alla droit à l'essentiel, prenant de quoi bien se couvrir - il lui semblait que Gisombre n'était pas le lieu le plus chaleureux qui soit - ainsi que son épée. Quant au pipeau, après une longue hésitation, il décida de le laisser : avoir, avec lui, un artefact empreint de magie lathandrite, c'était un coup à se faire repérer et attaquer par des entités malveillantes. Et puis, si cela devait mal se passer pour lui, il préférait que les garçons puissent l'avoir : Victor savait s'en servir et cela pourrait les tirer de bien des situations délicates...
Estimant avoir tout le nécessaire, puisque c'était Haran - enfin, Rufus, il allait finir par s'y faire ! - qui s'occupait des vivres, il entreprit de rallier le lieu de rendez-vous.

[Galathée]

Il arriva le premier dans le hall, Rufus survint peu après avec son ravitaillement.
" Je vous ai mis des fruits secs, du pain, du fromage, du saucisson, des pommes, une outre d'eau et une autre avec du vin. Apparemment, l'alcool est parfois utile en ces lieux. Ou alors Kiazalle raconte ça juste parce qu'elle aime se faire plaisir."
Il haussa les épaules avec un sourire.
" Je suppose que ça réchauffe l'âme en ces lieux troublés."

[Taliesin]

-J'imagine que ça ne doit pas être de trop, effectivement...
Il eut un sourire ironique.
-Dire qu'à l'origine, je venais simplement dans la région pour que Baptiste rencontre son père et voilà que je me retrouve à aller chercher l'âme de ce dernier en plein Gisombre. C'est tout de même étrange, la vie.

[Galathée]

" Je suppose que ce genre de choses, par essence, provoque des remous. Ils sont parfois... plus spectaculaires, c'est tout."
Il soupira.
" Passez mes salutations à Maurin. Il me manquera. C'était une des seules personnes vraiment chaleureuses, dans cet endroit... Enfin bref. Voilà Kiazalle."
L'elfe noire était de retour, vêtue d'une longue houppelande et armée d'un bâton en bois gris. Elle portait un sac et le posa sur le sol pour y glisser les victuailles de Rufus. Elle en sortit une baguette noire, qui semblait façonnée dans un bois particulièrement noueux.
" Voilà qui fera de vous un elfe noir. Mais nous ferons tout ça dehors. Je vois que vous avez décidé d'opter pour des couleurs sobres, c'est mieux."
Rufus leur ouvrit la porte et ils sortirent dans la nuit. Le ciel était voilé, le vent chahutait.
" Le site est à dix minutes de marche. Avez-vous des questions avant que nous traversions ?"

[Taliesin]

-Eh bien, je ne connais Gisombre que de réputation : peut-être y a-t-il des choses qu'il faut impérativement savoir avant d'y mettre les pieds, pour éviter par exemple de commettre d'emblée des faux pas ? Par ailleurs, si nous venions à être séparés, peut-être serait-il préférable que vous m'enseigniez un moyen de revenir ici...
Il sourit.
-Je souhaite évidemment qu'il n'en sera rien. Mais comme l'on dit, mieux vaut se préparer au pire tout en espérant le meilleur.

[Galathée]

" Si nous sommes séparés, vous ne pourrez pas rentrer aisément..."
Elle fronça le nez et jeta un oeil à Rufus.
" Si cela arrivait, le mieux que vous ayez à faire est de revenir à l'endroit où nous serons arrivés. Soit je vous y récupérerai, soit Rufus le fera."
Ils s'éloignaient du manoir, sur un sentier tracé dans les herbes et la bruyère.
" A retenir principalement : ne rien consommer, ne rien ramener. Tout ce qui s'y trouve est potentiellement infecté. N'ayez pas d'échange de fluides avec les habitants de Gisombre... mais je suppose que vous n'en aurez pas envie. Si vous êtes blessé, même égratigné, dites-le moi immédiatement. Pour le reste, vous êtes un elfe noir et les gens là-bas s'attendront à ce que vous vous comportiez comme tel. Vous êtes un homme, cependant, donc ne soyez pas trop arrogant, surtout avec les créatures de sexe féminin. Mais dans l'ensemble... Fiez-vous à moi."

[Taliesin]

Eh bien, Gisombre semblait encore pire qu'il ne le pensait...
-Merci pour ces informations, répondit-il néanmoins.
Se comporter comme un elfe noir, donc... Sa malheureuse expérience dans les profondeurs de Mersant allait lui servir, tout compte fait. Quoiqu'en vérité, il entende surtout faire profil bas et, comme elle le lui recommandait, s'en remettre à sa guide.

[Galathée]

" Ne vous en faites pas... Dites-vous que c'est comme si vous étiez invité à la cour d'un grand prince... d'une culture que vous ne connaissez pas... Vous devriez vous tenir sur vos gardes, ne pas commettre d'impair... Mais vous êtes rompu à ce genre d'exercices, je suppose, de part votre profession."
Ils escaladèrent une petite éminence et parvinrent au sommet, où se dressaient une série de pierres levées, huit exactement, de taille impressionnante. Deux d'entre elles brillaient d'un reflet bleu, deux autres d'un reflet vert, deux encore d'un reflet violacé, les deux dernières paraissaient par contre absorber toute lumière. Elles étaient disposées d'une manière qui paraissait aléatoire, mais qui ne l'était sans doute pas. Il était difficile d'en faire sens... Peut-être en les examinant par le dessus ?
Kiazalle pointa la baguette noueuse sur Taliesin et lui imprima un léger mouvement en spirale. Il en fusa un trait de lumière qui frappa le barde et celui-ci ressentit un très léger picotement, qui s'estompa rapidement, comme aspiré par le sol. Il n'avait changé en rien, sinon qu'il avait désormais la peau sombre, d'un noir grisé, typique des drows.
" Vous auriez du succès en Ombreterre, remarqua Kiazalle. Mais c'est plutôt une malédiction, quand on est un mâle."

[Taliesin]

-J'en ai eu un petit aperçu, il y a quelques temps... répondit-il sur le ton de la conversation.
Bon, il était alors prisonnier et pas le moins du monde déguisé en drow. Mais la manière dont on l'avait traité, et la manière dont il avait vu les matriarches traiter leurs hommes lui avaient donné une idée assez claire de la façon dont les choses devaient se passer, là-bas en Ombreterre. De quoi être bien décidé à ne jamais, jamais y mettre les pieds !

[Galathée]

Kiazalle rit doucement puis lui désigna une des pierres sombres.
" Bon, mais trêve de bavardages, la nuit avance. Le portail va s'ouvrir au niveau de ce roc. Je passerai devant, vous n'aurez qu'à me suivre. Ne vous effrayez pas quand nous arriverons de l'autre côté : il s'y trouve de nombreux fantômes et ils vous interpelleront. Ignorez-les. Ne répondez pas à leurs questions, à leurs menaces ou à leurs suppliques. S'ils vous touchent, vous aurez simplement très froid. C'est désagréable mais on s'y habitue."
Elle écarta ensuite les mains et se mit à psalmodier à mi-voix. Une lumière rougeâtre s'échappa bientôt de sa bouche en volutes, comme si elle vomissait une brume sanglante. Puis elle ouvrit les yeux et deux rayons s'en échappèrent pour frapper la roche sombre. En bougeant la tête, elle y traça deux lignes parallèles et Taliesin eut la sensation qu'entre les deux, la pierre s'obscurcissait encore. En périphérie de son champ de vision, il devina Rufus, qui leur fit un petit signe de la main. Ensuite, Kiazalle fit un pas en avant, et s'engouffra dans la pierre. Il ne lui restait plus qu'à suivre...

[Taliesin]

Taliesin, à son tour, fit un signe de main à Rufus, puis il prit une profonde inspiration et, sans tergiverser davantage, s'avança à la suite de l'elfe noire.
S'il suivait scrupuleusement les consignes de cette dernière, s'il se blindait contre ce qu'il allait voir et entendre, tout devrait bien se passer.
Il n'empêche : le barde ne pouvait s'empêcher de se demander s'il n'était pas en train de commettre une grave, très grave erreur...
Mais ce qui était fait était fait : ce n'était plus le moment de se poser ce genre de questions, il fallait avancer et s'en sortir au mieux.

[Galathée]

Le passage à travers la pierre fit à Taliesin l’impression d’un déchirement subit, pas vraiment douloureux mais néanmoins désagréable, assorti d’un crissement suraigu qui lui traîna dans les oreilles même de l’autre côté du portail.
Il déboucha entre les pierres dressées, lesquelles étaient, dans ce nouvel environnement, plus hautes et plus acérées, comme des dents gigantesques surgies d’une terre noire et visqueuse sous les bottes. Il y avait de la brume, un ciel obscurci et Kiazalle était quelques pas devant lui. Elle lui adressa une moue peu amène, mais qui ne touchait pas ses yeux, et Taliesin devina qu’il s’agissait un impératif des lieux. Autour d’eux, des silhouettes translucides se pressaient, des spectres humanoïdes, hommes, femmes et enfants, dont l’elfe parvint bientôt à discerner les traits. Tous avaient les yeux cernés, la bouche dégoulinante d’un liquide sombre, et des marques sur la peau, à l’endroit où leurs guenilles éthérées la révélaient. Ils ne semblaient pas se soucier d’eux, pas vraiment, du moins. Kiazalle fit signe à Taliesin de la suivre et il la rejoignit en bordure du cercle. La colline descendait dans un entrelacs de ronces et, plus bas, on devinait la silhouette d’une ruine à l’endroit où s’était trouvé le manoir d’Haran.
La chose la plus frappante, cependant, était que rien, ni le sol, ni le ciel, ni les spectres, n’avait la moindre couleur, comme si l’univers entier s’était réduit au noir, au blanc, et aux nuances entre les deux. La main de la drow, cependant, lorsqu’elle se referma sur le poignet de l’elfe, était chaude, seul signe que quelque chose, en ces lieux, était vivant.

[Taliesin]

Taliesin, que le panorama avait saisi, presque happé, le fascinant autant que l'horrifiant. remercia mentalement Kiazalle pour son geste qui l'avait ramené à la réalité, à l'instant présent.
S'abîmer dans la contemplation de pareil spectacle était tout sauf indiqué. Ici, il ne fallait pas s'attarder, il ne fallait pas s'immobiliser ; il fallait, au contraire, aller de l'avant, se souvenir à chaque instant que l'on était vivant.
Bien décidé à ne plus se laisser prendre, à ne pas se laisser atteindre, il commença à marcher dans les pas de son guide.
Un drôw. Il était un drow. S'astreindre à jouer parfaitement ce rôle était une bonne manière de bouclier.

[Galathée]

Les fantômes dépenaillés qui rôdaient autour d'eux finirent par prendre conscience de leur présence, tandis qu'ils s'éloignaient de la butte et de ses rochers acérés. Une petite fille aux yeux caves vint se poster devant Taliesin en lui demandant l'aumône d'une main tendue et décharnée, mais Kiazalle entraîna le barde au travers d'elle, et il ressentit, comme elle l'avait prévenu, une brève sensation glaciale, comme s'il avait reçu quelques gouttes d'eau froide dans le col. Il ne put s'empêcher de frissonner. Un peu plus tard, un fier à bras couvert de pustules noires l'invectiva, le défiant de s'arrêter pour rendre des comptes — de quoi, mystère — et à nouveau il ressentit ce frisson glaçant. Un bébé pleurait quelque part, hurlements hantés, douloureux aux oreilles, mais le drow ne ralentissait pas, et ils reprirent le chemin dans la bruyère qu'ils avaient emprunté plus tôt, dans le monde coloré qui leur était familier. Le sentier s'élargit bientôt, devint pierreux, bien que les pavés qui le composent soient très inégaux et truffés de pièges pour la cheville fragile. De temps en temps, une des pierres qui le composaient était ronde et blanche, Kiazalle les évitait, et Taliesin devina, après en avoir vu l'une ou l'autre brisée, qu'il s'agissait en fait de crânes, affleurant à la surface de leur piste. Ils se dirigèrent vers la ruine qui figurait à la place du manoir d'Haran.
" Nous ne pouvons pas aller jusque chez le Gurthal à pied, expliqua l'elfe noire à son compagnon. Nous allons emprunter la voie des eaux."
Elle baissa les yeux sur l'épée du barde.
" Savez-vous vous en servir ? Cela nous permettrait de progresser plus rapidement ?"

[Taliesin]

Le barde s'arracha aux réflexions dans lesquelles l'avait plongé la mention du Gurthal : il s'était notamment remémoré les paroles de Meg qui, semblait-il, avait eu plutôt raison sur ce point...
-Je sais m'en servir, oui, répondit-il.
Il n'avait pas été fait mention de combats avant qu'ils ne franchissent le portail. Mais s'il fallait en passer par là pour aller plus vite, il le ferait.
Cela aurait au moins le mérite de lui occuper l'esprit, de le distraire de ce qui l'environnait.

[Galathée]

HRP : mille excuses, je ne sais pas comment mais j'ai loupé ce message...

" Il y a une petite zone riche en zombies un peu plus loin. Ils sont généralement assez agressifs avec les vivants. J'évite en général de passer par là, mais si vous avez une lame... Cela nous permettrait d'atteindre le lac plus rapidement."
Son sourire indiquait qu'elle trouvait la perspective intéressante.
" Cela me ferait même une excellente scène pour mon roman en cours... Bon, il ne contient pas d'elfe noir, et en fait pas d'elfe tout court, mais je n'ai plus assisté à un combat à l'ancienne depuis longtemps..."

[Taliesin]

HRP : Il n'y a aucun souci, d'autant que ça me l'a déjà fait...

Le barde l'observa un instant, surpris, avant d'esquisser un sourire.
-Du moment que vous ne me demandez pas de vous montrer une scène d'agonie douloureuse ou de trépas tragique, je suis tout prêt à vous rendre service, répondit-il à mi-voix.
Il fallait malgré tout espérer que l'adversité ne serait pas trop nombreuses : quelques zombies n'étaient pas bien dangereux, mais toute une horde...

[Galathée]

" Je vais conférer de la magie à votre lame, ainsi elle pourfendra ces zombies avec brio." dit Kiazalle.
Elle lui désigna un chemin étroit qui s'échappait de la route principale et serpentait sèchement dans la pente, vers la gauche du manoir en ruines.
" Ce n'est pas vraiment dangereux... juste assez... sale, je dirais. Mais cela pourrait impressionner nos interlocuteurs à venir."

[Taliesin]

-Tout ce qui peut nous aider est bon à prendre, j'imagine...
Si se salir était la seule conséquence néfaste de ce périple, ils s'en tireraient assurément à très, très bon compte. Mais il doutait que ce soit aussi simple.
En tout cas, pour mettre toutes les chances de son côté, il repérait avec soin le chemin qu'ils suivaient, afin d'être en mesure de le faire en sens inverse en cas de problème. On n'était jamais trop prudent...

[Galathée]

Jusque là, Taliesin avait davantage été frappé par le décor que par d'autres éléments des lieux, mais il eut soudain l'étrange impression que la température s'élevait. Il ne faisait pas franchement chaud, mais il y avait quelque chose de poisseux dans l'air, qui se sentait sur la peau, sans qu'il ne s'agisse clairement d'une odeur. Celle-ci vint ensuite, âcre, et sans qu'il puisse s'en empêcher, il sentit ses yeux larmoyer. La végétation se fit drue, de plus en plus haute, gris sombre et gris clair, parfois noire en ronces acérées, parfois blanche en petits champignons à la forme tordue. La drow ne paraissait pas incommodée, mais l'elfe solaire ne pouvait pas en dire autant, malgré sa vaste expérience en matière d'endroits douteux. Les branchages autour d'eux dépassèrent leurs genoux, leur taille, puis leurs épaules. Il leur fallait se recroqueviller pour passer, mais ils étaient bien couverts, et Taliesin s'en sortit sans égratignures qui, en ces lieux, auraient pu mener à des conséquences problématiques. La pente se fit plus raide, le sol plus glissant, l'elfe dut se retenir aux branches à portée de main pour ne pas tomber. Puis ils arrivèrent dans une cuvette boisée — même si les arbres n'en avaient que la silhouette torturée, sans véritables feuilles, comme s'ils avaient brûlé — et Kiazalle se retourna vers le barde.
" Je vais..."
Mais à peine avait-elle levé les mains qu'elle frissonna en fronçant les sourcils.
" Votre épée est déjà imbue de magie. Il ne serait pas prudent que j'y ajoute quoi que ce soit."

[Taliesin]

-Désolé, j'aurais dû vous le dire tout à l'heure. Mais je n'étais pas certain que l'un empêcherait l'autre, sans compter que j'avais un peu l'esprit ailleurs.
On avait beau essayer de s'y contraindre, il n'était pas évident de faire abstraction du monde environnant, un monde qui, en l'occurrence, était l'exact opposé de ce qu'il aimait, de ce à quoi il aspirait. Et que dire de ceux qui vivaient là ? Il se félicitait de ne plus avoir de spectres sous les yeux, certes, mais les zombies ne tarderaient pas à apparaître. Quoique leur image serait moins poignante, et de loin, que celles offertes par les fantômes...

[Galathée]

" Espérons que c'est une magie utile en ces lieux." dit Kiazalle, avec circonspection.
Mais son sourire revint rapidement et elle reprit la tête de leur équipée. Elle se glissa entre un nouveau massif de buissons épineux puis s'immobilisa et invita le barde à regarder par-dessus son épaule. Un ruisseau noir coulait entre des rives boueuses, couleur cendre. Autour, en groupes épars, se tenaient une bonne vingtaine de créatures humanoïdes, difformes, de taille humaine. C'était peut-être une chance, cette fois, que les lieux soient privés de toute couleur, car les plaies purulentes qui marbraient leur peau auraient sans doute arboré une palette des plus répugnantes. On voyait des os saillir sous une chair en lambeaux, des organes palpitants à nu, parfois un membre amputé, suintant d'un liquide épais. Des insectes semblaient se délecter de ces trésors offerts et leur vrombissement dans l'air puant couvrait tout autre bruit. Ils ne semblaient pas armés, et pour l'heure, ils n'avaient pas repéré les deux elfes.
" Nous devons suivre le ruisseau jusqu'au lac, dit Kiazalle à mi-voix. Il y en a pour... environ dix minutes, d'un bon pas. Mais cela nous en prendra un peu plus de temps avec cette compagnie. Une suggestion ?"

[Taliesin]

-Eh bien, une solution serait de foncer, de ne tuer que ceux qui nous barrent le passage et de distancer le reste. Cela impliquerait, cependant, qu'ils soient aussi lents que leurs homologues du monde ordinaire et pas du genre à traquer leurs proies sur des lieux et des lieux. L'autre option reste évidemment de tous les éliminer, pour en être débarrassés une bonne fois pour toutes.
Kiazalle étant mieux placée que lui pour savoir ce qu'il convenait de faire en ces contrées, il se rallierait à son avis.

[Galathée]

Kiazalle rit joyeusement.
" Cette seconde option vous prendrait environ... le reste de votre vie d'elfe. Si vous voyez ce que je veux dire. Il en viendra toujours de nouveaux. Ils poussent un peu comme les champignons. Nous sommes en Gisombre, c'est un endroit qu'on ne peut... débarrasser de ses habitants."
Elle regarda à nouveau les zombies.
" Je vais leur lancer un sort de lenteur, qu'en dites-vous ? Ensuite, vous vous élancerez tel un fier chevalier de légende, et je courrai derrière vous. Vous voyez le gros arbre noir, là ? Passez à droite, c'est un conseil. Dès que nous arriverons sur les rives du lac, les zombies devraient nous laisser tranquilles. Ils n'aiment pas l'eau."
Elle le regarda avec un petit sourire en coin.
" Mais je suppose que vous savez nager, vous..."

[Taliesin]

-Ah, parce que vous pensiez traverser le lac à la nage, pas simplement longer ses rives ? Je n'avais pas compris cela comme ça...
Haussement d'épaules.
-Mais si c'est le plus rapide, le plus pratique et si vous êtes certaine que nous ne risquons pas d'être attrapés par des horreurs aquatiques, faisons ainsi.
En rajoutait-elle pour le côté épique ? Pour se donner de l'inspiration ? Il n'aurait su dire, espérait que non mais, quoi qu'il en soit, devait bien faire avec.

[Galathée]

" Non, non, c'est au cas où il faut attendre le passeur... Vous pouvez défendre la rive, si ça vous amuse, mais vous en aurez sans doute un peu marre, à ce stade... Et c'est bien de garder un peu de force dans les bras."
Puis, sans attendre, elle sortit du buisson et se mit à incanter. La magie dont elle usa était étrange, différente de celle qu'utilisait Taliesin d'ordinaire, mais aussi de celle de la plupart des magiciens qu'il avait vus à l'oeuvre. Ce n'était pas davantage une magie divine, mais il y avait comme un appel, néanmoins, dans la manière dont elle prononçait les strophes de son sortilège, dans la langue heurtée des drows. Les rais de lumière qu'elle conjura étaient aussi gris que le reste de l'environnement, toute couleur absorbée par l'ombre ambiante, mais ils attirèrent l'attention des zombies juste avant qu'elle les touche. Ils s'enroulèrent en lassos de lumière terne autour d'un premier, d'un second, jusqu'à en toucher une petite dizaine. Ils levèrent leurs membres décharnés, articulant des imprécations incompréhensibles, et se dirigèrent vers eux. Moins vite qu'ils ne l'espéraient sans doute, mais avec une intention mauvaise. Kiazalle se tourna vers Taliesin.
" A vous... Bonne danse."

HRP : si tu veux trancher du zombie, c'est le moment de te faire plaisir