[Féérie] Sur la piste de Kaljivahu...

[Galathée]

Le fey parut tout à fait stupéfait qu'elle ose marcher droit sur lui, et pendant une seconde, il sembla qu'il allait lui barrer le passage, par la force au besoin. Mais quand elle fut sur lui, déterminée, il s'esquiva d'un pas maladroit. L'outrage était toujours indéniable, rayonnant sur son visage, mais quand il se tourna pour la suivre des yeux et que ceux-ci tombèrent sur le corps meurtri du chevalier, il eut un haut le coeur et s'écarta.
" Ne vous avisez pas..."
Aghdea était revenue.
" Tu peux y aller, dit Catus. Mais tu dois te souvenir de te modérer. Il m'a dit un truc du genre : trop d'engrais tue autant que la sécheresse... Quelque chose comme ça, mais en plus alambiqué."
Sur la couche, le chevalier fey avait désormais les yeux révulsés et la respiration haletante, de plus en plus superficielle. Il semblait néanmoins indispensable de le débarrasser de ses couches de métal avant d'y aller trop franchement, car elles lui pénétraient les chairs et même un sort de soin ne pourrait les en extirper.

[Voyageuse]

Astrée fit totalement abstraction du fey récalcitrant : dans l'état de fatigue dans lequel elle se trouvait après plusieurs heures de soins ininterrompus, elle n'avait plus l'énergie de se préoccuper de la susceptibilité des uns et des autres. Elle savait ce qu'elle avait à faire, et elle ne devait pas perdre une minute.

Elle se pencha sur le corps inanimé, et détacha aussi rapidement que possible les pièces d'armure, consciente qu'elle aggravait ainsi l'hémorragie et qu'elle devrait faire très vite. Elle posa fermement la main sur les chairs blessées, s'efforçant de freiner l'écoulement du sang... mais le fey était mourant : un sort de soin était indispensable pour le sauver. Il fallait juste qu'elle parvienne à doser sa magie.

Elle incanta calmement, s'efforçant de se détacher de la situation, d'évacuer toute inquiétude qui la pousserait à ouvrir tout grand les vannes de la magie. Elle devait agir comme si elle cherchait juste à stabiliser son état : il fallait beaucoup plus de magie bien sûr, mais se focaliser sur cet objectif minime lui permettrait sans doute de réduire le flux magique à un niveau intermédiaire.
Astrée --> soins légers (niv1) --> fey blessé.

[Galathée]

Il ne fut pas aisé de maîtriser ce flux, car il rugit en elle comme un torrent, se précipitant vers l'extérieur avec pétulance, et elle-même ressentit une envie de le libérer tout entier au monde. Mais Astrée savait combien il était indispensable d'y parvenir en cet instant critique. Elle banda donc toute sa volonté pour canaliser cette énergie curative, sans l'éteindre, sans la brusquer, jusqu'à obtenir entre les doigts ce qui lui sembla la juste dose. Il y eut un claquement sec au moment où le sortilège passa de la druidesse au blessé, Astrée sentit ses cheveux se dresser sur sa tête, et puis la magie disparut, ne lui laissant qu'un léger bourdonnement aux oreilles. Sur la table, le chevalier à la poitrine défoncée gisait toujours, mais parfaitement indemne. Son corps était maculé de boue et de sang séché, mais il n'y avait plus aucune trace de plaie ou de fracture. Sa respiration était plus ample et il paraissait simplement profondément endormi.

[Voyageuse]

Astrée laissa échapper le souffle qu'elle avait retenu durant toute l'opération. Elle se redressa, un peu chancelante. Bizarrement, elle se remémora à cet instant seulement les paroles de Mathieu qui lui recommandait de ne surtout pas tuer quelqu'un d'important... Mais elle avait réussi.
Elle s'écarta d'un pas un peu chancelant et chercha du regard Aghdea, s'autorisant enfin à sourire largement, sans un mot. Elle avait réussi.
Elle n'avait ni l'envie, ni l'énergie d'épiloguer avec le fey agressif : elle lui accorda à peine un regard et s'éloigna simplement de la couche du blessé, laissant ses proches s'approcher pour se rassurer sur son état. Elle-même devait sûrement être attendue quelque part, ailleurs... Mais il lui fallait tout de même faire une toute petite pause, boire quelque chose, au moins un verre d'eau, sans quoi elle allait s'écrouler : la tension avait été trop forte, et son relâchement la laissait sans force.

[Galathée]

Elle fut guidée vers la petite salle de matériel par un des deux korrigans — peut-être Nip — et Aghdea lui porta une coupe d'eau fraîche, relevée d'une touche de quelque chose de délicatement acidulé. Cela lui fit un bien fou, immédiat, comme si une partie de sa lassitude (surtout physique) était instantanément effacée. Personne ne la sollicita pendant dix, quinze, peut-être vingt minutes, après quoi, la fey qui avait travaillé avec eux pendant la soirée, et qui s'était présentée comme Cat (aussi le diminutif de quelque chose de bien plus complexe), passa une tête soucieuse entre les deux voiles qui en fermaient l'entrée.
" Il y a un centaure qui a besoin d'une suture... Tu as le courage de t'en charger ?"

[Voyageuse]

Elle acquiesça.

Elle ignorait combien de temps elle était restée assise sur un banc de la réserve, mais le repos lui avait été profitable. Elle était restée tout ce temps la tête vide, incapable de penser, avec juste un immense soulagement au fond de l'âme et une petite inquiétude rétrospective : elle avait fortement contrarié quelqu'un d'important, tout de même. Mais ça n'avait plus aucune importance : l'essentiel était d'avoir réussi, et même l’irascible fey devait déjà avoir totalement oublié qu'elle avait bravé son autorité, puisque le blessé était sauvé.

Elle ignorait ce qui avait été versé dans son verre, mais c'était incroyablement efficace : elle se sentait à nouveau en état de travailler. Elle sourit calmement à Cat et ressortit de la réserve, lui demandant de la guider jusqu'au centaure, en cherchant du regard son assistante qui devrait elle aussi reprendre du service : il lui faudrait une aiguille propre lorsqu'elle en aurait terminé.

[Galathée]

Il n'y eut plus autant d'animation, ensuite. Astrée recousit le centaure, qui avait une déchirure assez profonde dans la cuisse droite, ce qui nécessita des sutures à plusieurs niveaux de profondeur, puis elle alla aider Cat à remettre l'épaule d'un fey qui était mal tombé. Un être velu, mi-gnome, mi-raton-laveur, eut besoin d'un lavement (Astrée assista à nouveau Cat). Le silence s'installait peu à peu sur le dispensaire, mais on entendait davantage de bruit au dehors, le fracas des cavaliers et des centaures qui rentraient. Alors que les guérisseurs terminaient le tour des chambrettes, pour vérifier que tout le monde était désormais bien installé, qu'on ne souffrait plus, qu'on ne saignait plus, de la musique s'éleva dans le lointain, joyeuse et entraînante. Fidèles à leur réputation, les êtres fées se préparaient à la fête.

[Voyageuse]

Le tarissement de l'afflux des blessés annonçait déjà la fin des combats, et Astrée ne fut pas surprise d'entendre la musique. Elle sourit à Aghdea.
" Hum... ça, ça veut dire qu'on a gagné, c'est ça ? Non pas que j'en aie jamais douté mais... c'est quand même rassurant."
Certes, l'heure lui semblait bien tardive pour faire la fête : elle aurait cru que les guerriers aspiraient avant tout à un repos bien mérité. C'était en tout cas ce qu'elle-même ressentait : l'envie de se glisser sous les couvertures et de dormir au moins douze heures d'affilée. Après un brin de toilette, tout de même...

[Galathée]

" Oui, on a gagné, dit Aghdea. Comme prévu. Maintenant, c'est l'heure de faire la fête ! "
Elle paraissait très excitée.
" Vous pouvez y aller, intervint Maître Catus. Je veillerai sur nos pensionnaires.
— Allons, Maître Catus ! Il parait que vous êtes le roi de la farandole !
— Je n'ai plus deux cent ans ! Ce n'est plus de mon âge." rétorqua le satyre.

[Voyageuse]

Astrée sourit au satyre.
" Si vous avez envie d'y aller, je peux vous relayer ici un moment. Après tout, il ne devrait rien se passer de grave. Et puis, moi je ne connais personne, là-bas..."
Elle se demandait comment la pixie trouvait l'énergie de vouloir s'amuser après une nuit pareille. La seule raison qu'elle-même pouvait trouver pour s'y rendre était la volonté de rassurer ses compagnons sur son sort, en espérant qu'ils aient eu une nuit moins harassante qu'elle-même. Mais le pauvre Mathieu était peut-être coincé en cuisine...

[Galathée]

" Non, non, allez-y, les jeunes. Vous l'avez bien mérité." dit le vieux satyre en s'asseyant sur un coffre.
Il passa les mains le long de ses cornes.
" Il reste un peu d'élixir de vigueur, si vous en avez besoin. Il faudra de toute façon le jeter demain, donc n'hésitez pas."

[Voyageuse]

" Oh... "
C'était effectivement tentant. Mais elle demeurait un peu méfiante face à ces coups de pouce artificiels.
" J'en aurais sûrement besoin si je veux tenir debout encore un peu. Mais... Il n'y a pas d'effet secondaire ? On ne tombe pas d'un coup quand il ne fait plus d'effet, avec la nécessité de dormir vingt heures d'affilée, ou quelque chose de ce genre ?"

[Galathée]

" Non... Sauf si vous en usez pendant dix jours !" dit le satyre.
Il la dévisagea.
" Bon, sur une constitution humaine, je ne suis pas sûr de ce que ça donne... Mais jusqu'ici, vous n'avez pas eu l'air d'avoir le moindre effet secondaire. Si quelque chose de spécial avait dû se produire, ce serait fait."
Aghdea tira sur l'épaule d'Astrée, comme si elle pouvait avoir la force de la remorquer.
" Viens ! Viens ! Il faut qu'on aille à la fontaine pour se nettoyer ! Et puis il te faut une robe ! Une belle robe ! Je sais qui aller trouver !"

[Voyageuse]

Astrée leva les yeux vers la pixie, mi amusée, mi-interloquée.
" Heu... attends... c'est quoi cette idée ? Pourquoi une belle robe ? Je ne me mets jamais en robe, ou presque, dans mon monde, tu sais ça ? Ou alors tu es toujours dans ton idée de séduire un beau prince ? Laisse tomber, oublie ça !"
Elle secoua la tête en souriant.
" Mais je veux bien un petit remontant et un bon bain, par contre...," ajouta-t-elle avec plus de sérieux.

[Galathée]

" Pas le temps pour un bain... et si tu ne veux pas attirer tous les regards, tu dois mettre une robe. Ça se fait. Ça s'appelle... respecter la coutume locale !"
La pixie gloussa en l'entraînant vers l'extérieur. Le sous-bois était toujours plongé dans les ténèbres, illuminé de lampions colorés, mais on devinait de la lumière plus forte émanant des trois quatre chapiteaux de l'autre côté de l'esplanade où s'étaient rassemblées les troupes, et de la musique endiablée, des rires, des conversations. Toutes sortes de créatures entraient et sortaient, du minuscule pixie à l'imposant centaure.
Sans attendre qu'Astrée ajoute quoi que ce soit, Aghdea l'entraîna entre les arbres, vers ce qui ressemblait à une fontaine ancienne, en pierre, qui s'écoulait dans un bassin fumant. L'eau était phosphorescente, comme éclairée de l'intérieur.

[Voyageuse]

" Et la robe, tu la trouves où ?" questionna Astrée, résignée, en la suivant.
Elle se sentait sale et avait désespérément besoin de se laver. L'eau de la fontaine semblait prometteuse.
" Et on a du savon, ou bien c'est une eau magique qui nettoie parfaitement ?", poursuivit-elle en contemplant la fontaine avec curiosité.
Sans attendre, elle tendit la main pour la plonger dans l'eau.

[Galathée]

" La robe, on la conjure, dit la pixie. L'eau... elle suffira. Te mets quand même pas tout entière dedans, ça attire les satyres. Tu n'aimerais pas leurs attentions."
Elle voleta autour d'Astrée.
" Je vais te laisser à tes ablutions, et aller chercher notre conjuratrice... Elle s'adaptera à ton style, tu verras... Plein de froufrous roses !"
Sur un rire aigu, elle s'envola entre les arbres.

[Voyageuse]

Astrée leva les yeux au ciel à la mention des froufrou rose. Elle craignait le pire, et espérait que la conjuratrice ait un réel don pour deviner ce qui lui conviendrait, bien qu'elle n'en ait pas la moindre idée elle-même.

Elle brûlait d'envie de se déshabiller entièrement et de se plonger dans l'eau, sans se préoccuper de pudeur : il n'y avait personne dans les environs, lui semblait-il. Mais la pixie le lui avait déconseillé, aussi se résolut-elle à rester sagement sur le bord du bassin, se contentant d'enlever les couches superficielles de ses vêtements pour pouvoir se laver du mieux possible. Elle se sentait sale de transpiration, de sang et de divers fluides corporels récoltés au fur et à mesure des soins, qu'elle préférait ne pas identifier. Leur tablier ne les protégeait qu'imparfaitement...

[Galathée]

L'eau se révéla étrangement efficace, effaçant ce qui la maculait sans difficultés, et elle se retrouva bientôt presque propre. Aghdea reparut peu après, traînant derrière elle une grand-mère gnome ridée comme un pruneau. Haute comme trois pommes, elle leva des yeux myopes vers Astrée puis, sans lui adresser la parole, se mit à marmonner et sortit de son chignon une pair d'aiguilles à tricoter. En marmonnant toujours, elle agita ses aiguilles, et en quelques secondes, tissa des sous-vêtements et une robe grise tirant vers le mauve, discrète mais élégante, dans un tissu qui semblait curieusement doux, et qui n'était rien qu'Astrée ait jamais vu. Puis elle repartit dans le sous-bois en se dandinant et disparut.
" On y va ! Youpie !" s'exclama la pixie.

[Voyageuse]

Astrée regarda la robe avec étonnement, tâtant le tissu étrange sans l'identifier. Puis elle l'enfila, soulagée de constater qu'elle était parfaitement à sa taille, et plutôt confortable.
" C'est... je n'ai jamais rien vu de tel. Ce tissu est si doux... Et ta couturière... Cela lui arrive souvent, de fabriquer des robes pour des inconnues ? Et surtout... tu crois que je peux ramener la robe chez moi ?"
En prononçant cette dernière phrase, elle se demanda si le caractère extraverti de la pixie ne déteignait pas un peu sur elle : depuis quand se préoccupait-elle de ramener une belle robe ? Elle n'allait tout de même pas chercher à frimer dans des habits exotiques ! De quoi briller en soirée -où elle n'allait jamais- ou faire se retourner tout le monde sur son passage -ce qu'elle détestait...
Mais tout de même, un souvenir de Féérie, ça n'était pas rien, et elle doutait d'avoir l'occasion de faire les boutiques -ce genre de passe-temps n'existait certainement pas ici. La robe serait parfaite... et elle pourrait joyeusement raconter à Dimitri qu'elle avait eu l'occasion de danser avec de beaux seigneurs feys.

[Galathée]

" Si tu la reçues, tu peux la garder, dit Aghdea d'un air malicieux. Mais les cadeaux des fées ne sont pas toujours ce dont ils ont l'air... Cette robe pourrait se transformer en guenilles dès le lever du soleil..."
Elle éclata d'un rire joyeux.
" Mais viens l'étrenner ! Allons danser !"
Et la pixie se mit à voler en zigzag entre les arbres, attendant Astrée, bien sûr, mais pressée de rejoindre la danse.

[Voyageuse]

Elle la suivit avec moins d'enthousiasme. Elle tenta de se remémorer le temps pas si lointain où, jeune fille éperdument amoureuse d'un jeune barde, elle appréciait ce genre de chose. Il y avait bien longtemps qu'elle n'avait pas eu l'occasion de monter sur une piste de danse, et les danses d'ici n'étaient certainement pas celles de chez elle... et puis, tout simplement, il fallait bien avouer que l'époque où elle aimait danser était révolue depuis un certain temps. Même Reynald n'avait pas réussi à lui en redonner le goût... quoique, en sa compagnie, elle aurait volontiers fait n'importe quoi, y compris danser toute la nuit.

Elle décida qu'elle allait commencer par repérer ses compagnons, prendre de leurs nouvelles, se restaurer... Et puis, si la musique était entraînante, pourquoi pas danser quelques farandoles, cercles et autres rondes : c'était loin d'être déplaisant, dans ses souvenirs...

[Galathée]

Astrée pénétra donc sous la tente et fut immédiatement projetée dans une fête telle qu'elle n'en avait jamais vue. Il y avait une véritable foule sous le chapiteau, des créatures allaient et venaient avec de la nourriture ou des boissons, d'autres volaient au-dessus des têtes, il y avait de la magie dans l'air, des lumières multicolores, flottantes, des fées qui apparaissaient puis disparaissaient dans un "poc !", on dansait un peu partout, entre et sur les tables, dans les espaces dégagés, et Astrée perçut trois musiques différentes, qui se supplantaient les unes les autres en fonction de celle qu'on décidait d'écouter. De grandes tables couvertes de victuailles jouxtaient l'une des parois, et dans le fond, elle apercevait, sur un semblant d'estrade, une autre table où mangeaient des feys, sans doute les personnages les plus importants de l'assemblée. Cela parlait sylvestre, commun, elfique, et d'autres langues encore, et Astrée dut s'écarter rapidement de l'entrée sous peine d'être bousculée. Personne ne l'importuna, personne ne lui adressa non plus la parole. Aux regards qui glissaient sur elle, elle devinait qu'ils savaient instantanément qu'elle n'était pas des leurs, mais personne ne semblait s'en inquiéter ou s'en offusquer. Par contre, retrouver Raevan, Mathieu ou Lae dans cette cohue ne serait certainement pas aussi facile que de sauver des mourants...

[Voyageuse]

Elle avait tout son temps pour les trouver : en errant sous le chapiteau, elle finirait certainement par les apercevoir. Mais elle avait faim, avant toute chose. Elle décida donc que son exploration des lieux débuterait par la recherche d'un en-cas et d'une boisson... si possible pas trop forte et adaptée à sa constitution d'humaine. Aghdea aurait certainement pu la conseiller en ce domaine, mais suivre la pixie dans une telle cohue lui semblait encore plus complexe que retrouver ses amis.

Elle décida qu'elle éviterait autant que possible de s'approcher de l'estrade où se trouvaient les personnalité des lieux. Elle craignait d'y croiser l'irascible fey rencontré un peu plus tôt. Il n'était pas utile de se rappeler à son souvenir : vu son arrogance, il était possible qu'il continue à lui en vouloir malgré le fait qu'elle ait sauvé son compagnon, -ou son fils peut-être? Et puis, elle n'avait aucune envie de revoir quelqu'un qui avait insulté sa race avec autant de hargne.
Elle prit donc une direction au hasard, cherchant sans trop d'espoir à retrouver la proximité d'Aghdea ou de Cat, et, surtout, cherchant quelque chose de consistant à avaler.

[Galathée]

Aghdea lui faussa compagnie assez rapidement, rattrapée par ses congénères qui volaient haut au-dessus des têtes, et retrouver Cat dans cette foule tenait de l'impossible. Par contre, elle put assez aisément se faufiler jusqu'aux tables chargées de victuailles. Il y en avait vraiment pour tous les goûts : viandes, poissons, herbes, fleurs, des préparations impossibles à identifier et d'autres qui paraissaient ordinaires en comparaison. Plusieurs gnomes courraient sur les tables, remplissant ce qui se vidait et emportant parfois un plat vide. L'un d'entre eux, une sorte de gamin rubicond, capta le regard un peu décontenancé de la druidesse.
Il s'adressa à elle en elfique, puis, réalisant qu'elle n'y comprenait rien, reprit en commun.
" Prenez d'la tourte, dame, elle est sans danger pour les gens comme vous. Méfiez-vous de ce qui est trop jaune ou trop rouge, c'est souvent pas adapté."

[Voyageuse]

Astrée acquiesça.
" Merci !"
Elle répéta son remerciement en sylvestre, par acquis de conscience. Obéissant à son interlocuteur, elle attrapa une part de tourte, qu'elle dégusta en silence tout en écoutant la -les- musique-s. Elle regrettait presque d'avoir accepté de venir. Se trouver seule à une fête sans connaître personne, à écouter parler des langues inconnues, n'était pas très enthousiasmant.
Elle poursuivit son repas, piochant un peu au hasard, dédaignant les fruits trop colorés, les viandes d'apparence épicées. Et elle recommença à déambuler dans la salle pour chercher ses amis, en s'obligeant à retrouver un esprit plus positif : elle avait ici l'occasion unique d'observer des centaines de créatures inconnues, de découvrir de nouveaux plats. A défaut de s'amuser vraiment, elle pouvait, tout simplement, savourer le plaisir de la découverte.

[Galathée]

Et Astrée eut l'occasion de s'en mettre plein les yeux.
Elle vit une farandole de satyres de tous âges, battant du sabot dans un rythme endiablé en s'entortillant tout autour des convives, manifestement ravis et éméchés, infatigables.
Elle vit une bande de minuscules elfes aux cheveux blancs, aux vêtements bleus et aux ailes diaphanes qui s'étaient conjuré une patinoire à leur échelle, sur laquelle ils dansaient en paire, pieds nus sur la glace, en effectuant des figures compliquées.
Elle vit des centaures s'affronter au bras de fer, concentrés, comme si tout l'avenir d'un monde était en jeu.
Elle vit des feys danser, la mine sérieuse, le port parfait, des quadrilles complexes, sans transpirer.
Elle vit d'étranges renards à plusieurs queues, gris, roux ou parfaitement blancs, se poursuivre en tous sens, glissant entre les jambes, sautant sur les tables, chapardant quelque chose au passage, sans jamais rien renverser.
Elle vit des flithidirs, un peu partout, extatiques.
Elle vit des êtres arbres, debout dans un coin, se balançant lentement au rythme d'une musique inaudible.
Des farfadets, des korrigans et des leprechauns galopaient un peu partout, des pixies et des sprites menaient leur propre bal dans les hauteurs.
Mais dans tout ce tumulte joyeux, et qui n'avait pas l'air près de s'arrêter, Astrée ne vit ni Lunn, ni Mathieu, ni Raevan, ni Lae.

[Voyageuse]

Après un long moment passé à déambuler sous le chapiteau, après avoir observé de tous ses yeux toutes les merveilles qui s'y trouvaient, écouté de toutes ses oreilles les musiques et les langues inconnues, Astrée finit par se rendre à l'évidence : ses compagnons ne semblaient pas être là. Et elle commença à ressentir une certaine inquiétude.
L'absence de Lunn ne l'étonnait pas vraiment : il avait suggéré de laisser une trace de leur passage, c'est donc qu'ils escomptait que son service soit plus long que le leur. Et c'était normal : il appartenait à ce monde et était inféodé à ces seigneurs. Ils pouvaient lui demander bien des choses.
L'absence de Mathieu pouvait aussi s'expliquer : il pouvait être retenu en cuisine, et dans ce cas, elle le plaignait de tout son cœur.
L'absence de Lae lui semblait totalement inexplicable... et la seule explication qu'elle pouvait imaginer concernant celle de Raevan était de supposer qu'il avait été envoyé au combat... et elle ne voulait même pas y penser. S'il avait été blessé, elle l'aurait vu parmi ses patients. S'il ne l'était pas, il aurait dû être là. La troisième option... elle ne voulait pas la verbaliser.
Elle finit par se décider à prendre le problème à bras-le-corps. Elle allait commencer par se mettre en quête des cuisines pour tenter d'y repérer Mathieu.

[Galathée]

Trouver les cuisines ne fut pas très compliqué : il suffisait de suivre à rebours l'arrivée des plats. Comme les convives avaient grand faim et que les tables se vidaient constamment, les créatures qui se chargeaient du ravitaillement étaient en mouvement constant. Plus difficile fut de ne pas les déranger, car elles s'offusquaient dès qu'on leur barrait le passage. Astrée, remontant leur file indienne, réalisa que la vaisselle sale n'empruntait pas le même chemin que la nourriture, et elle bifurqua dans un couloir de toile, puis un second, avant d'arriver dans la tente de plonge. Celle-ci était vaste et occupée par une vingtaine de baquets mousseux, dans lesquels diverses créatures — de taille réduite pour la plupart — frottaient assiettes, couverts, coupes et plats, avant de les empiler en des tas impressionnants et qui paraissaient peu stables. Si certains travaillaient en silence, avec une intense concentration, d'autres chantaient à tue-tête et les derniers se battaient avec de la mousse quand ils ne nageaient pas directement dans les baquets. C'était un capharnaüm indescriptible mais Astrée, à première vue, n'y vit pas Mathieu. Par contre, une petite grand-mère aux oreilles pointues et au nez de chat vint à sa rencontre.
" Tu viens aider, ma belle ? Ce n'est pas la bonne tenue !"

[Voyageuse]

" Oh... Oui, ça je me doute... Et je me doute que vous avez besoin d'autant d'aide que possible vu la fête."
Elle haussa les épaules avec un sourire d'excuses.
" Je suis juste à la recherche de quelqu'un qui a dû vous être envoyé pour aider à la vaisselle, au cours de l'après-midi. Un humain, comme moi, j'imagine que ça n'est pas si courant. Il s'appelle Mathieu."
Il n'avait pas l'air d'être présent et elle espéra, de tout son coeur, qu'il n'avait rien fait de répréhensible ou quoi que ce soit qui aurait laissé un mauvais souvenir de son passage ici.