[Féérie] Sur la piste de Kaljivahu...

[Galathée]

" Moi non plus." dit l'elfe, un peu désemparé.
Lae fit un pas vers la créature assise.
" Mon seigneur, notre amie, ici présente, est humaine, elle aussi. Les humains ont une odeur particulière, tout le monde le sait. Est-ce que ça ne suffirait pas à votre chien au flair si sensible ?"
Le géant inclina à nouveau la tête et cette fois, il fixa le chien, des trois yeux en même temps. Il s'adressa à l'animal en sylvestre. Le chien aboya.
" Ça ne sera pas suffisant."

[Voyageuse]

Les choses étaient décidément mal engagées. Elle réfléchit à voix haute
" Au campement... Il a touché de la vaisselle, mais pour la laver. Il n'a pas dû laisser d'odeur dessus. Et les torchons ont dû être lavés depuis."
Et le campement était loin -ses compagnons ne savaient pas qu'elle disposait d'un cheval en cas de besoin, et elle gardait cette information pour elle tant que cela ne devenait pas indispensable.
" On a peut-être un sac de provisions qu'il aurait transporté pendant la journée d'hier ?"

[Galathée]

" Mais j'y pense, j'ai un morceau de sa chemise ! s'exclama Lae. Il me l'a déchirée pour que je puisse m'en faire un bandeau contre le soleil."
Elle décrocha la bande de tissu qu'elle avait autour du cou et la tendit vers le chien.
" Je l'ai beaucoup portée depuis, mais elle n'a pas été lavée... et je suppose que mon odeur de drow est très différente."
Fumio s'en approcha en agitant la queue et la renifla. Il s'en écarta ensuite et renifla Lae, qui se crispa légèrement mais ne bougea pas, puis il alla renifler Astrée un moment, avant de revenir à l'écharpe de fortune. Ensuite il jappa deux fois.
" Il dit qu'il peut s'en sortir."
Le soulagement se peignit sur les traits de Raevan.
" Il va lui falloir un petit moment pour trouver la piste... Vous feriez mieux de vous reposer d'ici là... La route sera peut-être longue."

[Voyageuse]

Astrée fut tout aussi soulagée que Raevan. Elle avait bien sûr oublié cette histoire de bandeau, n'étant pas elle-même concernée.
Elle posa la seule question qui s'imposait, vu leur état de fatigue.
Elle se tourna vers ses compagnons, un détail lui revenant en mémoire.
" Au cas où... J'ai une potion pour nous requinquer, si jamais nous n'avons pas le temps de nous reposer assez. "
Elle se tourna vers le géant aux trois yeux.
" Pouvons-nous rester ici pendant ce temps ? Ou sinon, y a-t-il un lieu sûr dans les environs ?"

[Galathée]

" La zone autour des ruines est sûre, dit la créature. Mais vous pouvez rester ici, je n'y vois pas d'inconvénients."
Lae sourit et se trouva une pierre pour s'asseoir. Raevan, par contre, demeura debout, bras croisés, et fut rapidement gagné par une certaine nervosité. Il quitta le cercle de lumière et s'éloigna de quelques mètres sur la colline, s'y arrêtant un peu plus bas, face à la forêt enténébrée. Fumio, lui, avait disparu.

[Voyageuse]

Astrée était indécise, observant Raevan qui s'éloignait. Peut-être devait-elle tenter de lui parler ? Mais, à part mettre des mots sur l'impuissance et l'angoisse qu'ils ressentaient tous, que pouvait-elle faire ?
Il restait certainement traumatisé par ce qui s'était passé au cours des combats, mais il ne voulait pas en parler. Était-il sage d'insister ? Elle peinait à imaginer ce qui s'était produit : dans une guerre, tout était possible, même les pire décisions.
Elle se souvenait qu'il craignait que Mathieu ait été entraîné dans le nid des selangs... Peut-être ce nid avait-il été détruit intégralement et violemment, par le feu ou la magie, sans prendre le temps de vérifier s'il ne s'y trouvait personne à sauver ?

Elle laissa échapper un soupir... et décida de donner une occasion à Raevan de dire ce qu'il avait sur le coeur, s'il le souhaitait. Elle s'attendait à ce qu'il refuse, et n'insisterait pas, bien sûr : ils avaient tous besoin de repos. Mais elle pouvait bien lui consacrer quelques minutes. Juste au cas où cela lui soit bénéfique...
Elle laissa passer un court moment, puis sortit à son tour du cercle de lumière et s'approcha de lui, un peu hésitante, et surtout, attentive à sa réaction : elle ne devait pas s'imposer s'il souhaitait rester seul.

[Galathée]

Il l'entendit approcher, tourna la tête dans la direction et l'accueillit d'un semblant de sourire.
" Ne vous en faites pas, ça va aller, dit-il. Je n'ai juste pas la tête à attendre à nouveau. Vous me direz que nous avons des heures de retard, et c'est vrai mais... J'ai cette pensée idiote que chaque seconde compte."
Il secoua la tête et leva les yeux vers le ciel.
" J'aurais dû refuser cette solution. Venir ici. C'est beaucoup plus dangereux que ce qu'on nous avait dit. Mais un Lathandrite va de l'avant. Je n'entends pas faire autre chose."

[Voyageuse]

" C'était la seule solution pour vous sauver tous. Bon, je sais bien qu'on peut aussi ramener les morts mais... -elle grimaça- ce n'est pas le genre de solution qui me vient spontanément à l'esprit. Alors, puisqu'on pouvait venir trouver de l'aide ici, il fallait tenter le coup."
Elle laissa passer quelques secondes.
" Je crois que nous n'avons juste... pas eu de chance. J'ai entendu raconter des choses merveilleuses sur Féérie. Mais nous, on est tombés sur une fée ombreuse puis sur un conflit sanglant. On ne pouvait pas le prévoir. Un mauvais cadeau de Beshaba. C'était particulièrement rude pour vous... d'avoir dû aller combattre dans une guerre qui ne vous concerne pas".

[Galathée]

" C'était assez... difficile à intégrer, pour vous dire à la vérité. J'ai une certaine habitude de me battre, mais pas à cette échelle, et pas contre... ce genre de choses... Je ne suis toujours pas bien sûr d'avoir compris tout ce que j'ai vu."
Il eut un léger sourire.
" Mais ça m'a rendu l'expérience moins pénible, je pense. C'est un peu comme un cauchemar violent... Quand on s'éveille, on l'oublie assez vite. J'y pense à peine, déjà..."
Son expression se fit plus sérieuse.
" Mais je pense que vous vous leurrez sur ces lieux. Je pense que... notre informateur, de part sa race et son statut, n'a dû connaître qu'une partie de ce monde, celle qui arrivait jusqu'à lui... et qu'il est probablement tellement nostalgique que ses pires aspects se sont effacés de sa mémoire."

[Voyageuse]

" C'est fort possible", acquiesça Astrée.
Elle songea avec compassion à Dimitri, exilé loin de son monde depuis un temps indéfini. Elle aimerait pouvoir l'aider...
" Mais je dois avouer que devant tant de beauté, j'ai moi aussi tendance à aimer spontanément cet endroit, et à en sous-estimer les dangers. Je sais pourtant que je ne devrais pas m'y fier, et que les plus belles roses ont leurs épines. Et donc, un endroit qui affiche tant de merveilles doit aussi receler des dangers et des horreurs... Et puis notre informateur nous a aussi mis en garde, très clairement."
Elle secoua la tête.
" Je ne le crois pas... aveugle aux danger de ce monde. Ce n'est pas son genre. Il est d'un naturel prudent et réfléchi, du peu que je le connais. S'il nous a suggéré de venir ici, c'est qu'il nous pense de taille à en affronter les périls. Mais... Il avait raison de me dire de veiller sur Mathieu," soupira-t-elle.

[Galathée]

Raevan se tourna vers elle avec une petite grimace.
" Ah ? Il vous l'a dit aussi ?"
Il refit face à la nuit.
" Peut-être que la lutte est inutile, peut-être que certains sont appelés à mourir jeunes, dans des situations absurdes, quoi que l'on tente... Mais je veux croire que Tymora l'a réellement choisi."
Ils entendirent un aboiement sur leur gauche.
" Nous le saurons bientôt."

[Voyageuse]

Astrée tourna la tête en direction des aboiement, pleine d'espoir, et sourit.
" Moi, je reste confiante. Oui, je sais, ça peut paraitre étrange dans ces circonstances apparemment désespérées. Mais depuis que je le connais, j'ai toujours vu Mathieu se mettre dans des situations impossibles et s'en tirer de façon quasi miraculeuse. Je crois sincèrement qu'il est béni de Tymora. Si quelqu'un est capable de frôler la catastrophe et de s'en sortir avec le sourire, c'est bien lui. "
Elle écarquilla des yeux dans la nuit, cherchant à apercevoir le chien -qui était, elle l'espérait, Fumio.
" Remontons voir s'il y a du nouveau..."

[Galathée]

Mais Fumio était vers le bas et Lae les rejoignit à mi-pente. Raevan prit ensuite la tête de leur petit groupe et ils descendirent prudemment la colline en direction de l'endroit où se trouvait le chien. Il les attendait au pied d'un arbre, en remuant les fesses avec frénésie, et dès qu'ils furent à proximité, il s'élança entre les arbres. Il s'éloignait manifestement de la zone des combats, la contournant par la gauche pour partir au-delà des ruines.
" Nous allons sortir rapidement de la zone protégée, remarqua l'elfe. Il faut rester vigilant."
Devant eux, le chien allait et venait. Il s'immobilisait par moments pour renifler le pied d'un arbre ou quelque chose dans les feuilles, puis repartait en avant, avant de disparaître pour réapparaître juste devant eux. Leur rythme était évidemment bien moindre que celui de l'animal, mais il semblait disposé à les attendre régulièrement.

[Voyageuse]

Il ne leur restait plus qu'à suivre l'animal. Mais Raevan avait raison : ils quittaient la zone protégée, et Astrée s'efforça de se montrer prudente et attentive à ce qui les entourait. Par prudence, pour ne pas se signaler à d'éventuelles créatures hostiles, elle avait éteint son lampion : la pleine lune éclairait suffisamment, pour le moment, pour qu'elle puisse cheminer sans risque.
Elle se demandait pourquoi Mathieu avait choisi de s'éloigner de la zone des combats, alors qu'il cherchait Raevan. Il était probable qu'il ne se soit pas déplacé de son plein gré... Ou alors, une créature malintentionnée l'avait aiguillé sur une fausse piste.

[Galathée]

Il commença à faire plus froid, une petite brume surplombait le sol, pas plus haute que les genoux, et des lucioles — ou quelque chose y ressemblant fortement — voletaient ici et là avant de s'éteindre. Ils marchaient jusque là à un rythme rapide, mais sans visibilité au sol, ils furent rapidement contraints de ralentir pour ne pas trébucher. Le grand chien éclipsant ne paraissait pas particulièrement nerveux et continuait à tracer sa piste dans le noir, revenant toujours en arrière pour vérifier que le trio suivait, avant de repartir. Il faisait curieusement silencieux, on n'entendait aucun oiseau de nuit et pas davantage le vent dans le branche. La nuit semblait presque figée, comme s'ils étaient les seuls êtres vivants à l'arpenter. Raevan avait dégainé son épée, Lae scrutait leurs arrières. Leur vision d'elfe leur permettait sans doute d'en voir davantage qu'Astrée, mais la brume les gênait tous. Les arbres devinrent plus grands, les espaces au sol plus large, et bientôt ce fut comme s'ils marchaient dans un temple aux multiples piliers, car on voyait les troncs mais peu de branches, dans un alignement tellement régulier qu'il semblait artificiel. Entre ces arbres, dans la pénombre, Astrée eut le sentiment de voir quelque chose passer au loin, une ombre élancée, un grand herbivore, peut-être un cerf ou un cheval, mais l'impression fut fugitive et disparut en une seconde.
Ils réalisèrent subitement qu'hypnotisés par l'étrangeté des lieux, ils s'étaient légèrement séparés : Raevan était loin devant, Astrée errait au centre, et Lae avait pris du retard. Ils se rejoignirent. Leur respiration était maintenant aussi blanche que la brume qui les environnait. La lune conférait à tout une lumière argentée magnifique mais aussi très froide, comme si toute couleur avait été aspirée du monde.

[Voyageuse]

L'endroit était... anormal. Magique, bien sûr, mais Astrée ne parvenait pas à déterminer si la magie en question leur voudrait du bien ou du mal. Peut-être ni l'un ni l'autre : des êtres du plan matériel étaient tellement insignifiants en ces lieux... Elle sentait une certaine tension en elle, une méfiance instinctive. Tout était trop froid, trop net, trop... immatériel. Irréel. Comme s'ils avaient quitté cette nature exubérante et envahissante, omniprésente, pour pénétrer dans un autre lieu très différent, presque immuable, où la nuit serait éternelle.
Bien sûr, ce n'étaient là que des sensations fugaces, causées par le décalage avec ce qu'ils avaient déjà vu de Féérie, et avec leur propre monde. Mais ils devaient veiller à ne pas se laisser piéger par ces lieux qui cherchaient à les séparer, à les éloigner les uns des autres. Astrée s'obligea à marcher au même pas que Raevan, et espéra que Lae faisait de même, derrière elle.
Que diable Mathieu était-il venu faire par ici ?

[Galathée]

Ils sentirent bientôt la végétation craquer sous leurs pas, signe qu'elle s'était couverte de givre. Astrée ne pouvait que se féliciter de s'être changée car il faisait désormais vraiment froid. Le contraste avec la douceur automnale du jour précédent était impressionnante mais au final, cela les ramenait dans le début d'hiver qu'ils avaient quitté dans leur propre Plan. Fumio courait, disparaissait, reparaissait, encore et encore, la queue frétillante. La brume grimpait, atteignant désormais la mi-cuisse, et il semblait que tôt ou tard, elle les engloutirait. Le chien était heureusement assez grand pour la surplomber. L'impression que des créatures habitaient dans cet endroit étrange persistait : Astrée devinait parfois du mouvement dans les ombres portées par les troncs ou un frémissement dans la brume, comme si quelque chose s'y déplaçait. Le seul réel bruit était provoqué par le crissement du gel sous leurs bottes, cependant, et la course du chien.
Ils marchèrent et marchèrent encore, les joues transies, les doigts gourds, et Astrée sentit la fatigue l'envahir. Elle n'avait pas dormi depuis la veille et la journée puis la nuit avaient été épuisantes, d'autant que le temps était complètement perturbé. Une petite lampée de l'élixir de vigueur suffit à la relancer, cependant. Lae, qui était restée oisive pendant des heures, semblait en meilleure forme. Quant à Raevan, c'était difficile de savoir ce qui le poussait en avant : un sentiment d'urgence ou le fait qu'il avait eu le temps, entre le retour des troupes et le moment où Astrée l'avait retrouvé, de passer quelques heures en rêverie.

[Voyageuse]

Malgré ses vêtements chauds, adaptés à l'hiver qu'ils avaient quitté dans le monde matériel, le contraste thermique était rude. Ajouté à la fatigue, il amenait Astrée dans un état de semi-torpeur : elle avançait d'un pas machinal, comme une automate, et peinait à garder sa vigilance intacte. L'endroit était dangereux, pourtant, et pas totalement inhabité, même si ceux qui le peuplaient semblaient plutôt des ombres, des fantômes, accentuant l'impression d'irréalité et d'étrangeté. En fait, les lieux lui paraissaient être à l'opposé de leur plan. Immatériels. Et totalement inhospitaliers.
L’élixir de vigueur lui donna un regain d'entrain, la tirant de sa torpeur, la ramenant à la réalité, mais celle-ci était si froide et étrangère qu'elle sentait une angoisse sourde l'envahir : quel genre d'être -le mot créature lui semblait bizarrement inapproprié- vivait ici ? Quel genre d'être avait pu capturer Mathieu ? Et que comptait-il en faire ?
Elle s'obligea à se concentrer, luttant à la fois contre le froid et la torpeur. L'essentiel était de ne pas perdre le chien de vue... ni ses compagnons. Elle comptait sur Fumio pour les avertir si un danger surgissait.

[Galathée]

Ils parvinrent à une sorte de clairière, cercle entre les arbres géants, légèrement bombé. Fumio y tournait frénétiquement, remuant la queue, allant dans une direction, puis une autre, revenant en arrière.
" Il l'a perdu." murmura Raevan.
Le chien revint vers eux, excité, langue pendante et gémit quelques secondes, avant de se remettre à la recherche de la piste. En attendant, ils ne pouvaient rien faire sinon attendre sous le disque lunaire.

[Voyageuse]

" Il n'y a peut-être pas beaucoup d'odeur ici. Tout est tellement... Bizarre. Immatériel. "
Astrée frissonna.
Puis, ses réflexes de rôdeuse prenant le dessus, elle se mit à observer attentivement le sol, parcourant lentement la clairière : à défaut d'odeur, peut-être pouvait-elle trouver une trace de passage de Mathieu? Bien sûr, dans Féérie, la nature reprenait ses droits très vite, bien plus vite que dans le monde matériel. Mais l'endroit où ils se trouvaient semblait différent, de ce point de vue-là...

[Galathée]

Mais Astrée ne vit absolument rien. Déjà, la brume lui bloquait toute vue à trois pieds du sol, elle ne pouvait donc que tâter les feuilles gelées du bout des doigts, sans rien voir. Plus haut, à l'endroit où Mathieu aurait pu poser la main par exemple, il n'y avait absolument rien. Les troncs argentés étaient lisses, leur écorce presque douce, sans noeuds ni craquelures.
Comme elle, Raevan s'était mis en quête de signes. Lae, restée au centre de la petite éminence, scrutait les tréfonds du temple végétal.
Fumio revint en arrière, elle s'écarta, et le chien se mit à aboyer en direction du ciel, manifestement mécontent.

[Voyageuse]

" Ce n'est pas ta faute, mon pauvre...", souffla Astrée, sensible à sa déception, en s'approchant.
Mais ses aboiements risquaient d'attirer sur eux l'attention des habitants des lieux, et ce n'était pas forcément souhaitable.
" Chut", fit-elle d'un ton ferme, le doigt sur la bouche.
Puis, prise d'un doute, elle se tourna vers Raevan.
" Si Mathieu était là, je le verrais bien crier très fort juste pour provoquer une réaction... Peut-être qu'on devrait le laisser aboyer, en fait ? Et puis, si la piste s'arrête ici... c'est peut-être qu'il n'est pas allé au-delà, du moins pas en marchant..."
Pouvait-il y avoir une sorte de portail magique?

[Galathée]

" Au point où nous en sommes..." dit l'elfe.
Le chien continuait d'aboyer vers la lune, puis il galopait un instant autour d'Astrée et de Lae, avant de recommencer à aboyer. Mais la forêt demeurait silencieuse et quand Fumio se taisait, on n'entendait rien, aucun appel à l'aide, aucun cri. Et Fumio recommençait à aboyer.
" C'est pas bientôt fini ce raffut, par tous les glands de la chênaie !" s'éleva soudain une voix en hauteur, sur leur droite.
A califourchon sur une branche basse, se trouvait une petite créature dont les traits étaient impossibles à distinguer dans le manque de lumière. Elle paraissait tout à fait ébouriffée, cependant, comme une grosse touffe d'herbe. Elle avait de grands yeux vert pâle, lumineux dans le noir, c'était la seule chose vraiment visible.
" Y'a des gens qui essaient de dormir, ici, bande de ruffians ! Emmenez votre clébard et votre puanteur de Matériels hors de mon bois !"
Il leur cala quelque chose de petit et un peu douloureux, qui s'avéra être une poignée de glands.

[Voyageuse]

Astrée s'avança et attrapa fermement le chien par le cou, avec un nouveau "chut" ferme.
Elle y ajouta un "silence" en sylvestre, au cas où le chut ne soit pas vraiment universel.
" Nous sommes désolés, vraiment... Nous cherchons notre ami, et sa piste nous a menés ici. Vous l'avez peut-être vu passer ?"
C'était même une certitude. Et puis, il parlait de "son" bois...

[Galathée]

La créature se pencha vers elle.
" Oui j'ai vu passer un Matériel..."
Il se mit à glousser.
" Mais elle l'a emporté... Psshhhit ! Dans le ciel !"
Fumio aboya.
" Tais-toi, clignotant de malheur !"
Il l'invectiva ensuite en sylvestre et lui lança plusieurs poignées de glands. Le chien les esquiva puis courut jusqu'à son arbre et se soulagea.
" Tu pisses sur mon tronc ! Il va t'en cuire ! Espèce de blaireau puant ! Tu feras moins l'malin quand ton boucan aura attiré la guenaude !"

[Voyageuse]

" Fumio !" s'exclama Astrée, d'un ton réprobateur.
Certes, l'autre l'avait un peu cherché. Mais elle s'efforça de pousuivre son interrogatoire.
" Qui l'a emporté ? Une guenaude ? Ça ne vole pas, une guenaude, si ?"
Elle se tourna vers ses compagnons, interloquée.

[Galathée]

" La guenaude l'aurait pas emporté, stupide femelle ! s'exclama la créature en riant. La guenaude lui aurait arraché le visage puis boulotté les tripes ! Y'en aurait partout, sur le sol et sur les arbres !
— Ça suffit ! s'exclama brusquement Raevan.
— Et comment tu vas me faire taire, sous-elfe ? En agitant ton épée matérielle ? Tu crois vraiment qu'elle peut me blesser ? Ha !"
Lae posa la main sur le bras de Raevan et s'avança d'un pas.
" Le fer ne peut peut-être rien contre toi, mais que dirait ton arbre, si je le faisais goûter à ma magie ?"
Les yeux verts de la créature s'étrécirent.
" Tu n'oserais pas, sombre dame...
— Tente-moi."
La créature se tut, reculant vers l'abri du tronc.
" Je ne dirai ce que je sais que si vous faites quelque chose pour moi."

[Voyageuse]

Astrée songea que voyager avec une drow avait certains avantages... Leur réputation les précédait partout où ils allaient. Ce ne devait pas toujours être confortable.
Bien sûr, elle pouvait laisser Lae mener l'interrogatoire par la menace. Elle ne parviendrait certainement à le convaincre aisément : l'étrange créature ne brillait pas par sa témérité. Mais... ça n'était pas dans son tempérament.
" Tout dépend ce que tu demandes...", intervint-elle.
Elle posa une main sur l'encolure de Fumio, pour l'inciter au silence.

[Galathée]

" C'est oui ou non, dit la créature. Sinon, je m'en vais."
Joignant le geste à la parole, il disparut, comme avalé par le tronc. Sa voix revint sur la gauche : il avait émergé d'un autre arbre.
" Je vous donne à chacun un petit gâteau. Chacun mange son gâteau. Ensuite, je vous dis ce que je sais.
— Ils font quoi, ces gâteaux ? demanda Lae.
— Ah ça, c'est la bonne question. Pourquoi tu crois que j'ai besoin que quelqu'un les goûte ?"

[Voyageuse]

Astrée secoua la tête, un peu dépitée. Ils n'allaient tout de même pas se risquer à manger de la nourriture magique dont ils ignoraient les effets ? S'il s'agissait d'un simple empoisonnement, elle serait incapable de les soigner. S'il s'agissait d'un sortilège, ce serait pire encore...
" Ils viennent d'où, ces gâteaux, pour que tu ne saches pas ce qu'ils font ?"