[Féérie] Sur la piste de Kaljivahu...

[Galathée]

Les paroles de la druidesse firent mouche. Aranmil inclina la tête, comme songeur.
" Peut-être pourrions-nous vous attendre...
— Non, trancha alors Relmorn. Nous sommes attendus à la Cour."
Aranmil parut courroucé mais ne dit rien, se contentant d'échanger un regard avec Astrée. A leurs côtés, les autres s'étaient approchés. Mathieu fut le premier à franchir la limite noire, posant un pied dessus, attendant une seconde puis progressant avec un haussement d'épaules. Lae poussait Kalju et elle le suivit. Kerun contemplait les lieux dans toute son indifférence, mains sur les hanches. Il semblait clair qu'une fois qu'ils seraient rentrés dans le domaine du Félon, les feys s'en iraient.

[Voyageuse]

Astrée acquiesça.
" Je sais que vous ne pouvez pas rester, et je le comprends très bien, ne vous inquiétez pas..."
C'étaient les termes du marché, après tout.

Elle s'avisa que Mathieu commençait à avancer.
" J'ai un dernier tout petit service que je voudrais vous demander... mais excusez-moi juste une minute..."
Elle se tourna vers Mathieu.
"Mathieu, attend juste une minute avant de franchir la ligne, je dois t'avertir de quelque chose..."

[Galathée]

Mathieu s'immobilisa, agacé, mais se tint coi. Lae et Kalju, qui étaient juste derrière lui, s'arrêtèrent aussi. Kerun, lui, n'avait pas encore commencé à franchir la frontière.
Relmorn et Aranmil dévisagèrent Astrée, attendant l'énoncé de ce fameux service.

[Voyageuse]

Astrée devina que Mathieu n'attendrait pas indéfiniment et qu'elle devait se hâter. Bien sûr, il y avait peu de chance qu'il renonce à leur projet, mais elle devait tout de même l'avertir de ce qu'elle avait compris en discutant avec Catus...
Elle revint à Aranmil et à Relmorn.
" En fait j'ai un service à demander et une question à poser. Le service, c'est simplement, si vous croisez un brownie du nom de Lunn, de bien vouloir lui indiquer où nous sommes et ce que nous faisons : il est probablement à notre recherche. Et la question, c'est... si vous pouviez nous indiquer le chemin le plus rapide pour rejoindre les cascades lorsque nous sortirons d'ici..."

[Galathée]

" Le brownie n'entrera jamais sur les terres du Félon, dit Relmorn. Mais si nous le croisons, nous lui dirons que vous êtes entrés ici."
Aranmil acquiesça.
" Les cascades sont vers l'est..."
Il désigna une direction approximative, sur sa droite.
" Vous les rejoindrez plus vite si vous passez par le Verger, c'est la forêt que vous voyez là-bas, ajouta Relmorn. Il y coule une petite rivière qui se jette directement dans le lac des Cascades. Nous pouvons y diriger le brownie, si vous pensez user de cette route."

[Voyageuse]

" Il est probable que nous passerons par là-bas, oui. Si vous trouvez Lunn, vous pouvez lui indiquer de nous y rejoindre... Je vous en remercie d'avance. "
Elle sourit à Aranmil comme à Relmorn, veillant à englober ses deux interlocuteurs dans ses remerciements pour que le jeune fey ne se vexe pas. Puis elle songea que si l'endroit en question s'appelait le verger, c'était sans doute qu'on y trouvait des fruits, et elle risqua une dernière question.
" Il n'y a pas de règle particulière à respecter dans ce bois que vous indiquez ? Je veux dire... est-ce qu'il serait interdit d'en manger les fruits, par exemple ?"

[Galathée]

" Il se trouve dans le domaine du Félon, dit Relmorn. Nous ne savons pas s'il est prudent d'en manger. Mais vos sacs contiennent suffisamment de nourriture pour tenir un certain temps, si vous ne vous attardez pas. Aucun fey ne boirait ni ne mangerait quoi que ce soit de cet endroit. Vous êtes différents."

[Voyageuse]

" Même si nous sommes différents, nous ne prendrons pas de risque inutile. Merci encore pour votre aide et toutes ces informations. Nous n'allons pas vous retarder davantage..."
Elle recula d'un pas s'inclina légèrement en guise de salutation.
" Je vous souhaite un bon retour chez vous, Sire Aranmil, dit-elle avec douceur au jeune chevalier. Ce fut un plaisir de chevaucher en votre compagnie."

[Galathée]

" C'est moi qui vous suis éternellement redevable, Dame. Sachez que mon âme saigne à l'idée de vous laisser affronter ces périls sans la protection de mon épée, et mon coeur se réjouirait de chevaucher encore à vos côtés, dans votre si douce lumière... Mais je ne suis pas libre de moi-même et d'autres défis requièrent mon attention... Je ne vous dis pas adieu, cependant, je vous dis à bientôt..."
Même si Relmorn était resté impassible, Astrée avait l'impression qu'il levait les yeux au ciel intérieurement. Mathieu, lui, avait vraiment levé les yeux au ciel. Lae pouffait derrière sa main et se détourna vivement. Le mouvement de ses épaules trahissait son hilarité.
" Dame ! s'exclama alors Aranmil, alors que Relmorn avait mis la main sur son épaule pour l'entraîner vers son cheval. Me donneriez-vous un gage... un objet que je pourrais chérir et que je porterais fièrement au combat et en joute ? Je suis certain qu'il me porterait chance... et j'en ai tant besoin."

[Voyageuse]

" Heu..."
Il voulait... un objet lui appartenant ? Astrée se sentit rosir, davantage à cause de l'hilarité de ses compagnons que de la demande du jeune chevalier. Mais il était bien sûr inutile de protester : elle risquerait de le vexer. Il fallait juste trouver... une idée. Quelque chose qui ne soit pas ridicule, mais qui ne lui manquerait pas. Et elle n'avait pas grand-chose sur elle. A part quelques objets auxquels elle vouait un attachement sentimental, des ustensiles indispensables, et des vêtements chauds... dont elle n'avait pas vraiment besoin dans l'immédiat : la température ici était plus clémente que dans leur monde.
" Je peux vous confier mon écharpe..."
C'était certainement l'objet idéal, même s'il s'agissait d'un banal tricot de laine aux couleurs ternes. Elle l'ôta de son cou et la lui tendit.
" Mais elle est tellement moins belle que vos atours habituels... "

[Galathée]

" Vous n'en voyez pas la beauté, mais pour moi elle rayonne." dit Aranmil, l'expression extatique.
Il la prit et la noua aussitôt autour de sa gorge.
" Je vous remercie pour ce présent, Dame. J'en ressens déjà profondément la force. Je suis votre obligé."
Il tomba sur un genou, lui prit la main et la baisa.
" Nous devons y aller, dit Relmorn.
— Bien sûr."
Aranmil lâcha la main d'Astrée, lui adressant un ultime regard plein d'adoration, puis il rejoignit ses compagnons — de marbre, tous —, enfourcha son cheval et sur un dernier signe d'adieu, ils disparurent en un battement de coeur, au triple galop.
Derrière Astrée, Lae explosa de rire.
" Je suis jaloux, en fait, remarqua Mathieu. Je me farcis une démonne meurtrière et toi, tu récoltes un prince charmant. J'ai vraiment raté ma vocation."

[Voyageuse]

Astrée affichait un large sourire et contenait sa propre hilarité, se reprochant de vouloir rire de sentiments si purs. Le jeune chevalier réagissait conformément à ses propres valeurs, après tout... et elle ne pouvait pas lui reprocher son empressement.
" C'est parce que tu as voulu viser trop haut, trop belle, trop magnifiquement parfaite..., répliqua-t-elle à Mathieu d'un ton goguenard. Ou alors je suis devenue subitement d'un charme irrésistible... Mais si ça peut te rassurer, il valait mieux qu'il ne me ramène pas sur son beau cheval blanc dans son palais doré. Son papa n'aurait pas du tout apprécié ! "
Mais elle redevint immédiatement sérieuse et laissa échapper un soupir.
" Bon. Désolée de casser l'ambiance mais... Avant qu'on s'engage derrière cette ligne, il faut qu'on parle. Que je vous dise le peu que j'ai appris. En particulier à toi et à... Kerun."

[Galathée]

Kerun la dévisagea sans rien dire. Mathieu s'assit à même le sol, sur la terre noircie.
" Astrée, seulement si ça va vite, annonça-t-il d'emblée. Je sais que tu vas parler de ruine, de ton héros en armure, mais franchement, s'il avait joué un peu franc jeu, en nous disant à quoi nous nous exposions..."
Il secoua la tête.
" Nous aurions sans doute fait la même chose, d'accord, mais...
— Laisse-la parler, non ?" proposa Lae.
Il poussa un soupir mais resta silencieux.

[Voyageuse]

Astrée secoua la tête.
" Je pense qu'il joué franc jeu, sincèrement... Féérie est vaste, il pouvait ne pas connaître ces lieux en particulier, et il nous a averti qu'il y avait des dangers, qu'on devait rester sur nos gardes. Et accessoirement, ce n'est pas "mon" héros en armure : tu as passé une certaine énergie à me convaincre qu'il était formidable et mystérieux, et qu'il avait tout d'un paladin... Mais passons, là n'est pas la question."
Elle regarda Kerun, puis Mathieu, avec un soupir, et baissa le ton, au cas où on puisse les entendre depuis l'autre côté de la ligne noire.
" La chose que vous devez savoir, tous les deux, avant d'avoir affaire au Conteur, c'est qu'il pourra probablement avoir accès à tous les souvenirs qu'il rendra à Kerun. Enfin, si j'ai bien compris ce que m'a dit Maitre Catus. Outre la demande expresse de notre passeur, qui semblait extrêmement importante, je me dis qu'étant donné votre métier à tous les deux, ça n'a rien d'anodin. Parce que, je ne sais pas où vous en étiez il y a neuf ans, Kerun... mais actuellement, vous êtes quand même haut placé dans la hiérarchie des services secrets, si j'ai bien compris. Vous connaissez donc beaucoup de secrets. Ce qui va fortement l'intéresser."

[Galathée]

" Mon intérêt pour lui a toujours été purement professionnel, dit Mathieu. C'est Kerun lui-même qui m'a demandé de me renseigner à son sujet.
— Vous travaillez pour moi ? demanda l'elfe.
— C'est plus compliqué que ça, mais on va dire oui." répondit Mathieu.
Kerun parut surpris mais n'ajouta rien.
" Tu penses vraiment que nos petites histoires matérielles peuvent intéresser cette créature de Féérie ? dit Lae. Enfin je veux dire... Tu as vu cet endroit... Qui pourrait se soucier de nos turpitudes ?"

[Voyageuse]

Astrée soupira.
" Oui, sans doute... C'est ce que je me dis aussi pour me rassurer. Mais je sais aussi que des créatures de ce monde passent parfois dans notre monde, pas toujours avec de bonnes intentions. Et que donc, nos secrets matériels pourraient intéresser certains êtres de ce monde... Bref. Il faut être conscient de cela avant de s'engager sur cette voie, réfléchir et ne pas prendre cette décision à la légère. Et vu l'insistance de notre passeur, je pense aussi que trahir son secret peut nous attirer des ennuis, à nous : il ne m'a pas paru être du genre à s'inquiéter pour lui-même."
Évidemment, elle-même s'inquiétait davantage pour Dimitri que pour eux.

[Galathée]

Lae avait croisé les bras.
" Je comprends tes réticences, Astrée, je les comprends parfaitement mais... nous n'avons pas le choix. Nous ne pouvons pas priver Kerun de sa mémoire. Il est incapable de prendre cette décision lui-même... et nous sommes responsables. S'il y a des conséquences, nous les affronterons. Et nous pouvons jouer franc jeu avec ce Conteur... Si ses conditions nous semblent inacceptables, nous aviserons. Mais de ce que j'ai compris, ce que nous avons à lui offrir nous permettra peut-être de négocier efficacement."

[Voyageuse]

" Je sais bien qu'il a besoin de sa mémoire. Je sais qu'on doit lui faire retrouver les neuf années qu'il a perdues par notre faute, et que c'est très important. Je sais aussi que ce Conteur n'est pas quelqu'un de fiable... qu'il est sûrement encore meilleur embobineur que Mathieu, et qu'il peut nous amener à dire bien plus que ce qu'on voudrait, d'autant plus qu'on ne pourra pas lui mentir. Est-ce que vous pensez qu'on pourrait trouver une autre solution, dans notre monde, pour réparer les dégâts ? Ou c'est vraiment la seule solution possible ?"
Elle connaissait la réponse, mais elle avait besoin de se l'entendre dire. Même si ses compagnons n'en savaient peut-être pas plus qu'elle. Kerun, lui, aurait peut-être une idée plus précise de ce qui existait chez eux...

[Galathée]

" Il existe des sorts pour modifier ou effacer la mémoire, mais je n'en connais pas pour la récupérer... dit Kerun.
— Le soigner davantage n'aurait aucun sens, il est en meilleure santé qu'il l'a jamais été... Ce qu'il nous faut, c'est... une sorte d'accélération du temps... mais comme il ne pourrait pas vieillir de la même manière... Ça ne servirait probablement à rien.
— Excusez-moi, mais nous avons une solution simple et efficace à disposition, et nous sommes en train de discuter de possibilités dont nous ne savons rien. Je veux bien aller seul avec Kerun, si vous avez peur de révéler vos petits secrets. Franchement, en ce qui me concerne, rien de ce que j'aurais à cacher ne vaut le risque qu'il ne récupère pas la mémoire. Alors j'y vais."

[Voyageuse]

Elle savait qu'il allait réagir de cette façon, bien sûr. Et qu'elle n'avait aucune chance de le convaincre du contraire.
" Mathieu... On n'est pas à cinq minutes près. Il vaut mieux prendre le temps de peser le pour et le contre plutôt que de foncer sans réfléchir... Même si je sais que ce n'est pas dans ton tempérament."
Raisonner Mathieu était probablement aussi difficile que cacher quelque chose au Conteur.
" J'ai bien compris que de toute façon, tu veux y aller et que rien ne te fera changer d'avis. Il faut que tu gardes en tête que tu ne dois absolument jamais lui mentir sur rien... et qu'il ne faut pas qu'il ait la sensation que tu caches quelque chose... mais puisque de toute façon, tu ne veux rien cacher... ."
Elle secoua la tête.
" Il faut aussi qu'on décide si on y va tous, ou seulement Mathieu et Kerun. Ou même seulement Kerun. On peut aussi rester ensemble jusqu'à l'avoir trouvé, et ensuite attendre à l'écart. Enfin... Kalju et moi, sans doute. Une drow doit être une proie trop intéressante. Mais vous voulez peut-être le rencontrer et voir avec lui avant de décider?"

[Galathée]

" Je ne sais pas, est-ce que tu crois qu'il nous laissera filer si on refuse subitement de lui donner quoi que ce soit ? Mais j'ai peur, en même temps, que Mathieu ne suffise pas...
— Voilà qui est sympathique, dit le jeune homme, désormais debout.
— Je suis désolée, Mathieu, mais... tu es un être humain de quoi... vingt-cinq ans ?
— Presque trente.
— Ta vie... est fatalement... très... limitée...
— Qu'en sais-tu ? s'exclama-t-il.
— Je sais juste que la mienne..."
Mais piqué au vif, Mathieu avait franchi le dernier mètre qui le séparait du domaine du Félon.
" J'en ai ras le bol, de vos tergiversations ! s'écria-t-il une fois de l'autre côté. Passez donc la nuit à débattre si ça vous amuse ! J'ai autre chose à faire !"
Et sans les attendre, il se mit en marche.
" Je pense que je ferais mieux de l'accompagner..." proposa Kerun en se levant à son tour.

[Voyageuse]

La patience de ce jeune homme était plus que limitée... Mais sa susceptibilité-peut-être surjouée- avait quelque chose d'agaçant.
" Mathieu, tu serais bien ennuyé si on te laisse y aller seul, totalement seul, sans Kerun ! Tu feras quoi ?," lança Astrée avec un brin de colère.
Mais quelle tête de mule...
Elle se demandait si ces disputes étaient susceptibles d'attirer le Conteur autant que des messes basses. Mais il avait pu repérer déjà leur manège, après tout, même s'ils n'étaient que sur la frontière.
" Kerun... De toute façon, c'est vous qui devriez décider, c'est votre mémoire. C'est dans votre intérêt d'y aller, je pense, pour redevenir vous-même. Je je sais pas si cela présente un risque pour Lumenis... même si on peut effectivement espérer qu'ils s'en moquent royalement."
Au moins l'avait-elle averti loyalement.
" Par contre, ensuite, il faudra qu'on file aussi vite que possible rejoindre la guérisseuse. Cela deviendra urgent de rentrer..."
Ils devaient prévenir Dimitri. Car l'hypothèse la plus probable était qu'il ait des ennemis puissants à sa recherche.

[Galathée]

Mathieu avait poursuivi sa route, sans se soucier de qui le suivait. Kerun était hésitant et il finit par ne pas bouger. Lae était interdite.
" Quelle sale situation." souffla-t-elle.
L'elfe regarda en direction du jeune homme qui continuait à avancer.
" Si ce que je sais représente un danger potentiel pour Luménis, je ne peux pas y aller, dit finalement Kerun. Nous faisons mieux d'aller directement chez cette guérisseuse. Je réapprendrai ce que je dois réapprendre plus tard, autrement. Neuf ans, dans la vie d'un elfe, ce n'est pas grand chose."

[Voyageuse]

Elle ne s'attendait pas à ce revirement. Il y avait tout de même, bien ancré chez Kerun, la crainte de nuire à Lumenis. Cela au moins n'avait pas été perdu.
" On ne sait pas s'il y a un danger quelconque pour Lumenis. C'est bien le problème. Si on avait une certitude, on pourrait décider clairement... Mais là... Ça semble extrêmement peu probable, vraiment. Mais on n'est absolument sûrs de rien. C'est ça qui est compliqué. Par contre, ce qu'on sait, c'est que ces neuf années passées vous ont changé, et qu'il vous faut retrouver cette mémoire pour redevenir celui que vous étiez hier encore. Et voir ce Conteur est probablement la seule solution pour y parvenir vraiment. "
Là non plus, ils n'avaient aucune certitude, mais si Catus l'avait indiqué, c'était certainement pour une bonne raison.
"Bref... Si on y va, vous êtes presque sûr de redevenir vous même et presque sûr de ne pas nuire à Lumenis... Donc ce serait sûrement la solution idéale. A priori, en apparence. Et si on n'y va pas, vous êtes presque sûr de ne jamais redevenir vous-même, mais sûr de ne rien risquer pour Luménis. Enfin... sauf si Mathieu nous met dans le pétrin... On risque de ne pas trop avoir le choix... "
Le Conteur pouvait fort bien venir les chercher ici, après tout, si Mathieu l'en convainquait...
"On ferait peut-être mieux de ne pas le laisser faire n'importe quoi..."

[Galathée]

" Je ne veux pas prendre de risques, même infimes, dit Kerun. Le faire serait égoïste. Je ne suis qu'un rouage dans une mécanique bien plus vaste."
Mathieu marchait toujours, sa silhouette rétrécissant petit à petit.
" Je vais aller le chercher, proposa Lae.
— Je vais le faire moi, dit l'elfe. Je n'en ai pas pour très longtemps. S'il est sous mes ordres, il m'obéira."
Sans attendre, il franchit à son tour les limites de la ligne noire et courut derrière Mathieu. Il ne lui fallut que quelques secondes pour le rattraper et les deux hommes s'immobilisèrent, lancés dans une discussion que ni Astrée, ni Lae ne pouvaient entendre. Cette dernière ne dit rien, les observant en silence, manifestement accablée.

[Voyageuse]

Astrée les observait elle aussi. Elle songea que Mathieu allait défendre son point de vue, et certainement réussir à convaincre Kerun.
" Je ne sais même pas si je dois souhaiter qu'il réussisse à le convaincre ou pas, souffla-t-elle à Lae. Le risque pour Lumenis est infime, je pense... Et j'aimerais de tout mon coeur que Kerun retrouve la mémoire, pour réparer ce que nos sortilèges successifs ont causé. Mais si jamais, pour une raison ou une autre, ce que nous disons au Conteur a un effet néfaste, il le regrettera... C'est aussi pour ça que je préfèrais que la décision vienne de lui. Quoique... ça aurait peut-être été mieux qu'il nous en veuille à nous plutôt qu'à lui-même."
Elle soupira.
" Tu en penses quoi ? Tu crois que j'ai eu tort de les freiner ? Est-ce qu'on les rejoint ?"

[Galathée]

" Kerun ne changera pas d'avis, dit Lae d'une voix éteinte. Jusqu'ici, il était un peu hors du monde mais... il reprend pied. Et comme il reprend pied, il ne changera pas d'avis. Mathieu ne parviendra pas à le convaincre. L'affaire est entendue."
Elle se détourna et quitta la zone noire pour regagner l'endroit où les avaient déposés les chevaliers feys. Kerun, de son côté, revenait dans leur direction, Mathieu sur les talons, les épaules basses.
" Que devons-nous faire, maintenant ? Partir vers les cascades ou contourner cette zone pour atteindre le fameux verger ? Je ne sais pas si Lunn va réellement nous retrouver..."

[Voyageuse]

Astrée soupira, la mine sombre. Elle était aussi dépitée qu'eux tous. Elle avait juste voulu... obliger tout le monde à réfléchir calmement plutôt que foncer tête baissée. Parce qu'elle-même avait besoin de peser le pour et le contre, posément, avant de s'engager. Cela lui avait paru plus sage, et Dimitri lui avait bien dit de tempérer les ardeurs de Mathieu et d'être la voix de la sagesse.
Mais à cause de son hésitation, Kerun ne retrouverait pas la mémoire et ne redeviendrait pas lui-même... Et elle s'en voulait, finalement. Car au fond d'elle, elle avait déjà accepté le fait que cette décision était inéluctable. Elle n'avait pas réellement espéré les faire changer d'avis, juste les amener à plus de prudence.
Mais il n'y avait sans doute pas de bonne option, en l'occurrence. Et il fallait aller de l'avant...
" Il faut qu'on contourne pour rejoindre le verger, fit-elle, sobrement. C'est plus sûr pour retrouver Lunn, et on suivra le ruisseau..."

[Galathée]

Kerun franchit la limite noire, Mathieu le suivit. L'elfe revint vers les deux femmes, mais le jeune homme resta à l'écart, bras croisés.
" Allons-y. Je suppose qu'en suivant cette frontière, nous arriverons à l'endroit où ce brownie nous attend, dit-il.
— Je ne veux pas être mauvaise langue, intervint Lae, mais nous ne marcherons pas longtemps. Je crois que jusqu'ici, l'urgence vous a tous portés... mais Mathieu et Astrée sont humains, et ils n'ont pas dormi depuis des heures. Fonctionner avec cet élixir féérique n'est pas prudent.
— Je suppose que nous pouvons quand même avancer un moment. Ce n'est pas le moment de faire une pause."

[Voyageuse]

Astrée acquiesça.
" On peut avancer encore un moment. Je ne crois pas que nous arriverons à trouver le sommeil, ni lui ni moi. On s'arrêtera dans un petit moment. Il ne me semble pas qu'il y ait de moment et d'endroit idéal pour une pause, de toute façon..."
Marcher leur permettrait peut-être de faire retomber la tension, de digérer un peu cette mauvaise passe. Mathieu lui en voudrait certainement à mort pour longtemps, cependant. La mémoire de Kerun était extrêmement importante pour lui.
" Après... je ne sais pas du tout si c'était la bonne décision, avoua-t-elle plus bas à Kerun, le coeur lourd. J'ai juste voulu que vous ayez l'occasion d'y réfléchir... Mais je ne dispose pas des connaissances pour en juger à votre place. Je ne sais ni si vos souvenirs pouvaient représenter un éventuel risque, ni si votre absence de souvenir peut en représenter un autre. Il est probable que je me sois trompée, et vous finirez peut-être par me reprocher de vous avoir freiné... Et je le regrette déjà, pour tout vous dire. D'ailleurs, je sais que Mathieu ne me le pardonnera pas, conclut-elle avec tristesse.