[Lieu] Les Hauts Plateaux du Sud

[Galathée]

" Vu la hauteur du toit, je doute qu'il y ait quoi que ce soit de très utile dans ce grenier... mais si tu as des envies d'exercice, ma foi, je veux bien te faire la courte-échelle."
Il haussa les épaules.
" Quant à mon aura, je te conseille d'éviter de te raconter trop d'histoires à son propos. Elle n'existe plus en ce monde. Dans le mien... Elle avait son efficacité, oui."
Il eut un petit sourire.
" Mais c'est sans doute mieux pour toi que tu n'en fasses jamais l'expérience. Tu n'aimerais pas."

[Voyageuse]

Astrée grimaça.
" Je ne savais pas que ça pouvait être dangereux pour les humains. J'imaginais... je ne sais pas... qu'il y avait une sorte de répulsion des morts-vivants... Mais je n'y connais strictement rien en aura. Faudra que tu m'expliques comment les elfes arrivent à te reconnaître, alors si tu n'as plus d'aura particulière."
Elle haussa les épaules.
" A moins que ce ne soit juste incompréhensible pour un humain."
Elle jeta un dernier coup d'oeil à la trappe, se demandant si cela valait réellement la peine d'aller voir là-haut. Elle-même se passerait sans souci d'une chaise.

[Galathée]

" Les elfes ont une meilleure perception que les humains, dit Dimitri. Ils savent que je ne suis pas humain, et que je ne suis pas elfe... A l'attitude, je dirais. Ce n'est pas une question d'aura au sens de l'aura d'un paladin... Mais c'est visible, oui, je suppose."
Il haussa les épaules.
" Je ne saurais pas l'expliquer, tu as raison."
La porte s'ouvrit sur leurs hôtes. Le premier transportait une imposante brassée de bois, le second un ballot de paille.
" Voilà, avec ça, vous devriez vous en sortir, dit Kherar.
— Je vous amène chez le guérisseur quand vous êtes prête. Peut-être si vous retournez à l'étable, on peut se retrouver là ? Je dois m'occuper des bêtes, de toute façon."

[Voyageuse]

Astrée se saisit d'une partie du bois - elle n'avait pas la carrure pour tout transporter.
" D'accord. Je vous retrouverai à l'étable... juste le temps de préparer un couchage et de faire une flambée. Posez tout ça ici, on va se débrouiller..."
Elle se demandait si Dimitri pouvait leur être utile à quoi que ce soit, mais le village ne manquait pas d'hommes forts, et puis il était assez grand pour proposer ses services s'il le souhaitait, ne serait-ce que pour s'occuper.
Elle déposa un peu de bois dans l'âtre, l'arrangeant en une pyramide équilibrée, et l'alluma d'un sortilège de druidisme. La pièce retrouverait rapidement une température agréable. Le couchage serait à peine plus long à préparer : un peu de paille et une couverture par-dessus -un seul couchage pour gagner en confort, décida-t-elle, si toutefois elle parvenait à en convaincre son compagnon.

[Galathée]

Dimitri n'était pas convaincu mais il se garda bien de faire un scandale. Sans doute comptait-il rectifier les choses à la nuit.
Ensuite, Astrée rejoignit le point de rendez-vous et Besheim la mena auprès du rebouteux, Grallen. Ce dernier, un homme mince et sec d'environ quarante ans, parut surpris de se voir attribuer une assistante, mais il ne se montra pas pour autant hostile. Il n'était pas certain de voir en quoi Astrée allait pouvoir l'aider, mais il lui fit faire le tour des étables et des bergeries, qu'elle puisse constater par elle-même que les animaux étaient en bonne santé. C'était le cas. Elle fit ainsi la connaissance avec le fameux Biquet, un superbe bouc doré aux impressionnantes cornes en lyre et à l'odeur formidable. Il n'était heureusement pas très grand, et il ne paraissait pas particulièrement belliqueux. Il faudrait de toute façon s'en accommoder.
Au fil de sa promenade glaciale sur les pas du soigneur local, Astrée apprit que le village où ils se trouvaient n'était sur aucune voie de transport majeure. La rivière était dangereuse, les marchands ne s'en approchaient plus guère, et toutes les routes principales descendaient des collines à bonne distance. L'une d'entre elles, secondaire, traversait les lieux mais on ne s'y arrêtait pas : on ne circulait qu'à la bonne saison, en caravane, et celles-ci campaient généralement directement en plaine. Le commerce avec les voyageurs était minime, et dès le printemps, le hameau se vidait d'une bonne moitié de ses habitants, qui partaient avec les troupeaux sur les hauts plateaux, pour ne revenir qu'aux frimas. Grallen lui-même se promenait sur son âne dès que c'était possible, sans désir particulier de se poser. Et quand on hivernait, on hivernait.
Cependant, Astrée et Dimitri avaient mal évalué leurs hôtes : ils n'avaient nullement l'intention de les abandonner dans leur masure à la nuit. En effet, les habitants du hameau se retrouvaient dans la salle commune, à côté du moulin, et passaient la soirée ensemble, à deviser, autour d'un bon repas. Les deux voyageurs étaient bien sûr invités à se joindre à eux, s'ils n'étaient pas trop fatigués.
Grallen raccompagna ensuite Astrée jusqu'à sa chaumière. Elle y trouva Dimitri en pleins travaux de réfection. Il semblait avoir décidé de chasser les fantômes des lieux à grands coups de balai.

[Voyageuse]

Elle sourit en l'apercevant en pleine action, et s'approcha pour déposer avec tendresse un léger baiser sur sa tempe en guise d'encouragement.
" Bravo pour le nettoyage ! C'est déjà plus accueillant", assura-t-elle.
Elle s'assit avec précautions sur la petite table et lui résuma les nouvelles.
" On peut dîner avec eux dans la salle commune ! J'espère que tu as révisé ton répertoire de contes féériques,, le taquina-t-elle. Mais avant, est-ce que tu as jeté un coup d'oeil à ta carte ? Est-ce qu'il y a les noms qu'ils ont mentionnés ?"

[Galathée]

" Non, je n'y ai rien vu. La carte, à mon avis, date d'avant l'installation des humains sur les Plateaux. Ou alors les elfes se fichent pas mal des rassemblements humains. L'un est aussi crédible que l'autre."
Il eut un haussement d'épaules.
" Mais il y a mention de la rivière et de l'un ou l'autre site sur son parcours. Je suppose que nous pourrions toujours interroger nos hôtes à ce sujet."

[Voyageuse]

" Oui, il faudra faire ça..."
Elle sourit plus largement.
" Et sinon, j'ai fait la connaissance de Biquet, qui va partager ta selle. Un vrai bouc de compétition ! Et particulièrement odorant... Hum... Je crois que je vais devoir exiger que tu prennes un bain après cette expédition...", conclut-elle avec un sourire parfaitement innocent.
Le peu qu'elle avait vu de Dimitri lui faisait soupçonner que ce combat-là n'était pas gagné.

[Galathée]

Dimitri rit.
" Oui, madame."
Il haussa ensuite les épaules.
" A force de fréquenter des satyres, on s'y fait, à l'odeur de bouc. Elle m'est presque aussi familière que l'odeur de l'écurie, du sang ou de la sueur. Tout est question d'habitude."

[Voyageuse]

" C'est vrai qu'il y a des satyres, en Féérie. J'en ai rencontré un là-bas. Maître Catus. Un très bon soigneur, d'une grande gentillesse. Je ne me représentais pas vraiment les satyres ainsi, pour tout dire. Je pensais... -elle haussa les épaules sans finir sa phrase, et secoua la tête. C'est lui qui m'a donné cette sacoche de soins, d'ailleurs..."
Elle garda un instant les yeux dans le vague, nostalgique de cette extraordinaire expédition... qui n'avait pas très bien tourné, il fallait bien l'avouer. Mais le temps qu'elle avait passé au service des blessés était plutôt un bon souvenir.
" Mais il puait moins que Biquet ! conclut-elle en souriant, avant de se laisser glisser de la petite table. Bref... Il faut vraiment que je savoure les dernières heures où je pourrai t'approcher sans devoir me boucher le nez".
Elle joignit le geste à la parole en glissant son bras autour de sa taille, juste pour le plaisir de se blottir contre lui un bref instant -le genre de geste que lui ne faisait jamais, bien sûr, mais elle ne désespérait pas de réussir à lui apprendre la tendresse, un tout petit peu.

[Galathée]

Il se laissa faire, mit même un bras autour d'elle, mais elle sentait qu'il était complètement hors de sa zone de confort. Il finit d'ailleurs par s'éclaircir la gorge.
" Bon. Je suppose qu'on ne doit pas faire attendre nos hôtes, si ? Ça pourrait être perçu comme malpoli, je suppose..."
Il faisait déjà noir au dehors, saison oblige.
" Je n'ai pas l'impression qu'ils soient très portés sur les ablutions hivernales, on ne devrait pas détonner."

[Voyageuse]

" Oh, effectivement je pense que tu serais parfaitement dans ton élément par ici !", opina Astrée en souriant, se détachant doucement de lui.
Ils étaient costauds, taiseux, efficaces et pas particulièrement portés sur l'hygiène. Cela faisait un certain nombre de points communs. Et elle-même se sentait plus à l'aise dans ce genre de communauté qu'elle ne l'aurait jamais été à Lumenis.
" Ça va faire du bien d'avoir un vrai repas. Allons-y."
Elle remit deux bûches dans l'âtre et l'entraîna au-dehors, lui prenant juste un instant la main avant de le lâcher sitôt franchi le seuil de la porte : il faisait de toute façon bien trop froid pour faire autre chose de leurs bras que s’emmitoufler dans les manteaux.

[Galathée]

La salle commune était aussi rustique que les autres habitations, mais c'était un bâtiment rond et relativement vaste, organisé autour d'un feu central. Un mouton entier y rôtissait, dans une odeur délicieuse. La population du hameau tournait autour d'une trentaine de personnes, hommes et femmes, quelques enfants, et lorsque Dimitri et Astrée entrèrent, les conversations se turent et tout le monde les observa avec une curiosité mâtinée d'inquiétude. Astrée sentit tout de suite que Dimitri était mal à l'aise, mais le mercenaire ne broncha pas. Les jeunes hommes qui les avaient accueillis plus tôt reparurent et les dirigèrent vers des places libres : on mangeait debout ou assis, mais sans table. Le mouton n'était pas encore prêt mais on distribuait déjà de la soupe, et ils en reçurent tous deux un bol copieux. Sans être particulièrement bon, c'était riche, un plat nécessaire par ces temps hostiles.

[Voyageuse]

Astrée n'aimait pas être au centre de l'attention, mais elle s'appliqua à afficher un sourire calme et poli. Sa timidité naturelle la poussait à chercher la place la moins en vue possible, tout en étant consciente qu'ils seraient de toute façon au centre de l'attention pour toute la soirée, quoi qu'ils disent ou qu'ils fassent. Il n'était pas vraiment possible de s'isoler. Elle aurait presque préféré dîner tranquillement avec Dimitri à l'abri des regards... Mais l'odeur du mouton lui mettait l'eau à la bouche, et la soupe semblait délicieuse. Un vrai repas, pour une fois, était appréciable, et tant pis si cela signifiait être la cible des regards curieux ou méfiants de tout le hameau. Elle comprenait leur curiosité, un peu moins leur méfiance -que craignaient-ils donc ?-, puis se souvint qu'il y avait des brigands dans les collines et que cela pouvait être une explication.

Elle sourit timidement à ceux qu'elle croisait, remercia la personne qui leur servit de la soupe, et chercha du regard les rares têtes connues -le guérisseur, notamment, avec qui elle avait passé un bon moment. S'installer à proximité permettrait d'oser plus facilement converser, et quelques menus bavardages épiés par les voisins immédiats rassureraient l'assemblée.

[Galathée]

On n'osa pas tellement les questionner, mais les gens se montrèrent polis et serviables, veillant à ce qu'ils ne manquent de rien. Il était manifeste que leurs hôtes essayaient de faire en sorte qu'ils n'aient rien à leur reprocher. Dimitri finit par se lever, posa la main sur l'épaule d'Astrée et lui souffla à l'oreille qu'il reviendrait dans un instant. Dès qu'il fut parti, l'atmosphère s'allégea sensiblement. Le guérisseur, Grallen, décocha un sourire apaisant à la druidesse.
Elle n'eut pas le temps de s'inquiéter longtemps du départ de Dimitri : il revint peu après, pareil à lui-même, à une exception près : il s'était défait de son épée. Ce simple geste sembla plaire à l'assemblée.
" Ces gens ont peur de nous, souffla le mercenaire. Je ne l'avais pas parfaitement mesuré."

[Voyageuse]

" Oui, j'ai vu, répondit-elle sur le même ton. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Bon, évidemment, ils ne nous connaissent pas et c'est logique qu'ils se méfient des armes. Je suppose que c'est lié à ces bandits dans les collines..."
Elle se tourna vers Grallen pour poser franchement la question.
" Est-ce que vous avez eu des ennuis avec des visiteurs par le passé ?

[Galathée]

" Nous n'avons presque jamais de visiteurs, dit le guérisseur avec un léger haussement d'épaules. Mais si vous voulez savoir si certains ont eu de mauvaises expériences avec des voyageurs, ici ou sur les plateaux... Bien sûr ! Ainsi est faite la nature humaine."
Il jeta un oeil autour d'eux.
" Vous êtes par essence des intrus... armés... potentiellement dangereux... et nous sommes loin de toute forme d'autorité. Donc, oui, par essence, vous inquiétez les gens."

[Voyageuse]

" Oh... Oui, c'est compréhensible que votre isolement vous rende un peu méfiant. Même si je ne vois pas pourquoi des personnes malintentionnées viendraient se perdre par ici, alors qu'il n'y a pas de richesse à convoiter... mais j'imagine bien que ce genre d'individu n'a pas besoin de raison pour venir s'en prendre à des personnes isolées. Mais... croyez-moi, nous ne sommes pas ainsi, nous n'avons aucune intention mauvaise. Enfin, je devine bien qu'il ne suffit pas de vous l'affirmer...."
Astrée haussa les épaules.
" Nous avons quelques pièces pour dédommager le village, pour le repas et pour Biquet, si vous voulez. J'aurais préféré pouvoir rendre service en vous aidant à soigner les bêtes, mais vous n'en avez pas besoin."

[Galathée]

Grallen haussa les épaules.
" Des colporteurs passent de temps en temps, nous aurons l'usage de quelques pièces, je suppose." dit-il.
Il les dévisagea.
" C'est étrange, cela dit, de voyager sans argent. Vous imaginiez chasser en cette saison et vous nourrir... de racines ?"

[Voyageuse]

" Oh, la nourriture n'est jamais un problème : je peux toujours nous nourrir de baies magiques. Mais c'est monotone, et puis, pour passer la nuit, en cette saison, il vaut tout de même mieux trouver des auberges... "
Elle haussa les épaules en souriant.
" Mais il est vrai que nous n'avons pas énormément d'argent. Quelques mésaventures nous en ont fait perdre toutes nos affaires, malheureusement, et nous avons donc dû renouveler tout notre matériel à Nauru... et ce n'était pas prévu... ce qui explique qu'on cherche à économiser le peu qu'il reste."
Après sa capture par les illithids, elle devait le peu d'argent qu'elle avait à la générosité de la guilde. Puis il y avait eu leurs mésaventures en Lorien... Cela faisait tout de même beaucoup.
" Mais n'ayez crainte, nous avons tout de même de quoi vous dédommager."

[Galathée]

Grallen n'était pas inquiet. Il y avait de la bière, la viande grillée était délicieuse, et petit à petit, les villageois se détendirent. Comme dans toute bonne veillée, le moment vint pour chanter et raconter des histoires. Astrée et Dimitri eurent droit à la légende locale sur la source des intempéries qui les avaient secoués sur la route : le souffle d'un dragon blanc, mort de longue date, mais dont l'esprit s'éveillait à l'hiver pour venir pétrifier les misérables humains qui l'avaient vaincu. Dimitri, intéressé, les interrogea ensuite sur cette prouesse, mais les villageois durent convenir qu'ils n'avaient aucune idée quant à la véracité de cette histoire, et les plus âgés s'accordèrent pour penser qu'il n'y avait pas encore d'humains sur Hélonna lorsque le dragon avait disparu, si seulement il y avait jamais eu un dragon.
L'attention se tourna vers eux et, comme convenus auparavant, Dimitri se proposa de leur raconter une histoire à sa sauce. Il n'avait pas menti, il était plutôt doué. Les enfants en particulier apprécièrent beaucoup son récit féérique, qui mettait en scène une créature intangible appelé Le Rouge, et son combat contre le Prince du Crépuscule, pour la domination d'un château hanté. Les péripéties étaient tortueuses et les rebondissements improbables, mais Astrée avait la conviction que rien n'était inventé dans ce que Dimitri relatait, et son public était enchanté.
Au terme de son récit, il proposa cependant à Astrée de retourner dans leur cahute : s'ils voulaient progresser le lendemain, ils ne pouvaient pas se permettre d'aller se coucher trop tard.

[Voyageuse]

Astrée acquiesça aussitôt à la proposition : même s'ils avaient reçu bon accueil, l'hospitalité de leurs hôtes avaient ses limites et ils ne pouvaient pas faire durer la soirée au-delà du raisonnable, pour leurs hôtes comme pour eux.
Elle remercia donc chaleureusement les villageois, en particulier ceux qui les avaient accueillis plus tôt, ainsi que Grallen, et suivit Dimitri au-dehors.
" Ton histoire était chouette... et je ne te connaissais pas un tel talent de conteur ! Toi qui parle si peu... Tu es plein de surprise, finalement ! "
Elle lui sourit, puis se mit aussitôt en marche en direction de la cabane qu'on leur avait prêtée, en frissonnant : le froid du dehors était saisissant après la chaleur de la salle commune.

[Galathée]

Ils atteignirent rapidement leur chaumière où, heureusement, les braises de leur feu étaient encore rougeoyantes et l'atmosphère agréable. Ils avaient installé leur couche dans la salle principale, histoire de ne pas risquer un petit matin glacial.
" C'est la tradition, les histoires au coin du feu, quand nous sommes en campagne. Les récits épiques galvanisent les coeurs... C'est indispensable."
Il ne tarda pas à se glisser sous les couvertures.
" Après, il me reste un certain pouvoir d'attraction. Tu en es la preuve."

[Voyageuse]

Elle lui sourit avec chaleur et rajouta un peu de bois sur le feu pour le ranimer et le faire durer davantage. Puis elle se glissa à son tour sous les couvertures, réprima un élan de tendresse qui l'incitait à se blottir contre lui, renonça à un baiser léger sur ses lèvres, et s'obligea à rester à distance de lui. Il ne souhaitait pas d'étreinte ce soir, il ne pourrait pas la prendre sur sa selle le lendemain si elle était épuisée... et il ne savait rien faire à moitié, il semblait incapable de se limiter à un petit câlin de rien du tout sans conséquence. C'était assez frustrant...
Elle s'autorisa simplement à tendre la main dans sa direction pour serrer brièvement la sienne.
" Bonne nuit, le Preux..."
Elle aurait volontiers testé ses capacités à résister à sa présence si elle s'approchait trop -après tout, en bivouac, sa proximité n'avait pas tant d'effet-, mais il allait le lui reprocher si ça tournait à l'étreinte. Et pourtant, cela ne lui aurait pas déplu....
Elle lâcha sagement sa main et ferma les yeux, laissant son esprit vagabonder entre des envies réprimées et l'acceptation paisible de ce qu'il était.

[Galathée]

Au petit matin, ils s'équipèrent, Dimitri alla négocier un peu de nourriture, Kherar leur amena Biquet et Besheim leur indiqua la direction approximative à emprunter. Il faisait glacial et couvert, le vent soufflait dru, mais il ne pleuvait pas. S'ils cheminaient sans tarder, ils pourraient sans doute atteindre un premier abri à la mi-journée, en espérant que le temps ne se gâte pas d'emblée. Les pouvoirs d'Astrée lui permirent de s'en assurer.
Ils échangèrent des salutations et se mirent en route, Dimitri devant, Astrée dans son sillage. Biquet, en travers de la selle du mercenaire, ne semblait pas s'offusquer outre mesure de sa situation, bien qu'il fut ficelé comme une proie promise au sacrifice.
Après une première heure plus ou moins acceptable, le vent décida de les charger de face et ils ralentirent. La température était inhumaine et la force des bourrasques rendait la légende du dragon blanc soudain beaucoup moins farfelue. Mais ils persévérèrent tant bien que mal, profitant d'une vue dégagée qui leur permit d'atteindre la bergerie. Les chevaux étaient couverts de givre, leurs cavaliers étaient gelés, et il semblait indispensable de profiter du couvert pour allumer un feu. Biquet puait comme prévu.

[Voyageuse]

Astrée trouvait que le bouc était sacrément coopératif malgré l'inconfort de la situation : il s'était laissé transporter sans rechigner, malgré les liens et le froid. Elle le prit en pitié et lui donna quelques poignées d'herbe sèche en guise de récompense, sitôt qu'ils eurent atteint la bergerie et mis pied à terre.
" Faut qu'on fasse une vraie pause, avec un vrai feu... et qu'on boive quelque chose de chaud. Tu crois qu'ils ont la bonne idée de laisser une provision de bois quelque part ? Il n'y a pas tant d'arbres sur cette terre inhospitalière..."
Elle poussa la porte de la cabane, à peu près certaine de ne rien y trouver de tel. Elle se félicitait d'avoir emmené une bonne réserve d'eau : les rivières non plus ne semblaient pas très fréquentes sur cette plaine.

[Galathée]

Dimitri ne contesta pas. L'intérieur de la bergerie était relativement sec mais glacial, et il y avait de la crotte de mouton à disposition, un excellent combustible qui, de surcroît, ne dégageait pas d'odeur trop forte. Ce fut Biquet qui parfuma d'emblée la petite pièce. Ils se réchauffèrent et mangèrent dans une atmosphère réconfortante bien qu'un peu enfumée. Le mercenaire estimait qu'il leur fallait repartir au plus vite, cependant : s'ils étaient surpris par la nuit dans la plaine, avec les températures plongeantes, ils n'y survivraient pas.
Ils repartirent donc à l'allure la plus rapide possible, toujours à contrevent. Biquet se mit à bêler par moments, comme pour rythmer leur chevauchée. Recha semblait peu s'en soucier. Prince en avait ras le bol, mais il était conscient qu'il n'avait pas le choix. Astrée perçut, par moments, sa très profonde envie de se faire écureuil et de la laisser marcher. Elle perçut aussi son envie de changer de propriétaire à la première occasion. Parmi toutes les personnes récentes qu'elle avait fréquentées, Mathieu avait sa préférence. Reynald portait la poisse, donc, non. Un elfe, n'en parlons même pas. Et Dimitri... Dimitri était aussi fou qu'elle.

[Voyageuse]

Dimitri n'aurait sans doute pas apprécié qu'on le qualifie de fou -il prétendrait l'être moins qu'elle, mais elle l'avait vu à l'oeuvre avec les elfes, et elle partageait l'avis de Prince : en réalité, il était pire qu'elle. Quant à Mathieu, il avait un don pour se mettre dans ses situations impossibles qui rendait sa fréquentation tout aussi dangereuse. Reynald était certainement le meilleur choix. Mais il était bien trop loin, à des jours et des jours de voyage d'ici. Elle rappela à Prince qu'il n'avait aucune chance de le retrouver. Il n'avait donc le choix qu'entre elle et Dimitri. Et Dimitri... non, ça ne collerait pas.

Le froid et le vent rendaient toute discussion impossible, et "converser" ainsi avec Prince lui occupait l'esprit, et l'aidait à ne pas trop penser aux températures glaciales. Mais elle surveillait du coin de l'oeil l'avancée du jour : il faudrait mettre Biquet à terre une ou deux heures avant la nuit, pour être sûrs de trouver un abri à temps. Il fallait également trouver de l'eau, ou, sinon, méditer le lendemain pour avoir un sortilège permettant d'en produire. Le seul avantage des lieux était qu'ils ne risquaient certainement pas de rencontrer le moindre prédateur par un temps pareil. Elle pouvait donc relâcher sa vigilance et se concentrer exclusivement sur la seule chose à faire : avancer, tenir le coup... et encourager Prince par tous les moyens. Elle s'était enroulée dans une couverture en plus de son manteau, profitant du fait que le temps était sec et qu'elle n'avait pas besoin de la garder à l'abri, et elle la laissait pendre sur ses flancs du petit cheval. Et elle le soutenait moralement du mieux possible, lui promettant chaleur et nourriture... bientôt !

[Galathée]

La bise se chargeait de glace bien qu'il ne neige toujours pas et, comme le ciel fonçait, Dimitri relâcha Biquet. Pendant un moment, il sembla que le bouc allait rester en place, à renifler les touffes d'herbe gelées et les cailloux gris, comme insensible à l'hiver autour d'eux. Puis il agita les oreilles, lâcha un bêlement outré, et se mit à trottiner dans la steppe. Dimitri jeta un regard vers Astrée, haussa les épaules, puis lança Recha à sa poursuite.
Biquet progressait sans mal, sans se soucier du terrain ou de la température, en bon natif des lieux. Son sabot sûr négociait les crevasses et les rocailles et les chevaux, malgré leur taille bien supérieure, peinaient à suivre son train. Mais Astrée put sans mal suggérer à la bestiole de les attendre et celui-ci accepta de surveiller qu'il ne les semait pas, en échange de la promesse de quelque chose de bon à manger une fois arrivés à bon port. Ils cheminèrent ainsi dans la steppe, alors que la grisaille envahissait tout, bouchant l'horizon. Les nuages noircirent, le soleil déclinait quelque part dans leur dos, invisible. Mais Biquet trottait toujours, sans ralentir, les chevaux dans son sillage.
Il faisait nuit et polaire quand ils atteignirent enfin le refuge. Le bouc ne les avait pas perdus, et il poussa lui-même, du front, la porte pour entrer. Son parfum prit possession des lieux avant même qu'ils ne mettent pied à terre. Heureusement, il y avait à nouveau des monceaux de crottes de mouton.

[Voyageuse]

Astrée suivit le bélier à l'intérieur de la cabane avec soulagement, malgré l'odeur, et alluma aussitôt une petite flamme pour y voir clair. La première chose à faire était un bon feu, même si la chaleur qui se dégageait des corps des hommes et des bêtes contribuait déjà à réchauffer la pièce.
" On va arriver à Slush en dégageant une odeur épouvantable, fit-elle remarquer sur le ton de la plaisanterie, en entassant le crottin et y boutant le feu d'un sortilège. On va faire fuir tout le monde..."