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L'histoire, malgré quelques accents "hollywoodiens" est très bien écrite, et admirablement portée par la réalisation et la mise en scène - car le jeu, par ses nombreuses scènes animées, emprunte souvent à la narration cinématographique. C'était déjà le point fort de la série des Sybéria, mais ça l'est plus encore dans cet opus, où l'on sent que les auteurs ont cherché avant tout à raconter une histoire riche en évènements et en rebondissements, quitte à faire passer au second plan l'aspect ludique, quand trop de créateurs de jeux vidéo font surtout l'inverse, c'est-à-dire investissent d'abord dans l'aspect ludique et essayent plus ou moins de bricoler une histoire pour le justifier.
L'histoire se développe sur deux époques différentes, qui se croisent et se relient par l'intermédiaire de deux héroïnes, Kate Walker, l'héroïne des précédents Syberia et Dana Roze, une jeune pianiste prise dans la tourmente de la seconde guerre mondiale.
La référence au nazisme est bien entendu évidente, mais j'ai apprécié ce choix de le faire de manière distanciée en évoquant l'Ombre Brune, afin de ne pas s'enfermer dans un cours d'histoire toujours exposé aux inévitables levées de boucliers, pour ne garder que l'évocation du drame humain qu'elle a engendré. J'imagine que cela permettait aussi de tracer librement son histoire sans devoir se justifier de chacun de ses choix. Chose rare pour être signalée dans un jeu vidéo, l'histoire prend le temps de se raconter, les auteurs n'ayant pas hésité à la ponctuer d'intermèdes musicaux - comme la touchante interprétation d'un nocturne de Chopin - ou de scènes animées avec par exemple les fameux automates Voralberg.
La présence de l'automate d'Oscar permet d'ailleurs d'apporter des notes d'humour dans un univers fortement empreint de mélancolie.
Je trouve qu'il y a un très bon dosage entre la partie scénarisée qui nous raconte une histoire et la partie interactive faite de déplacements, de dialogues et de résolution d'énigmes où on la fait avancer. Certes, il ne s'agit pas d'influer sur l'histoire et son déroulement, car ce n'est pas du tout là le propos du jeu, mais seulement de participer à son développement afin de la rendre plus vivante.
Techniquement, je trouve qu'on a affaire à une superbe réalisation qui s'épanouit aussi bien dans les différents quartiers de la ville de Vaghen que dans les paysages de montagne de ses environs. Les lumières très travaillées, la richesse des décors et, pour la partie sonore, les très bons doublages des voix des dialogues ou de la narration créent des atmosphères très immersives dans lesquelles on prend vraiment plaisir à évoluer. Un gros travail de documentation a dû être fait et se retrouve dans la richesse des décors d'époque et des objets que l'on doit manipuler, comme par exemple cette radio qui reçoit des messages en morse ! De même on retrouve avec plaisir l'inventivité et l'onirisme qui caractérise le fonctionnement des automates de la série - et que l'on avait un peu perdu dans le 3ème volet.
Les personnages sont un peu rigides dans leur gestuelle, les rendus de certaines textures parfois un peu "datés", comme celui des chevelures, mais le studio ne dispose sûrement pas des moyens d'un studio d'animation... Les déplacements ne sont pas toujours bien précis et il faut parfois s'y prendre à plusieurs reprises pour diriger correctement nos personnages, mais rien de bien grave.
Les énigmes sont bien dosées - leur résolution ne pose en général pas de problème car elles sont très intuitives et se résolvent généralement avec ce qui se trouve à proximité. La difficulté n'est pourtant pas absente, même si elle n'a pas été recherchée pour donner du "piment" aux solutions, et c'est une bonne chose à mon avis, qui évite de bloquer des plombes sur des problèmes tordus ou de voyager aux quatre coins de la carte pour aller cherche x ustensile, quand on n'a pas le même câblage logique que celui des concepteurs...
Bref, un très bon jeu, qui fait passer un excellent moment (une petite quinzaine d'heures à vue de nez) et que je vous conseille vivement.
