La Couronne de Cuivre

Le mage haussa les épaules.
" Pas de chance... c'est justement par là-bas que nos pas risquent de nous porter."
Son ton était un rien méprisant. Ses gardes acquiescèrent.
" Mais merci de nous avoir mis en garde. Nous nous défierons de la faune locale... Et c'était aimable à vous de nous informer que les elfes surveillent eux aussi cette zone. Mais nous allons vous laisser vous installer pour la nuit, il se fait tard... bonne soirée à vous !"

Kasumi était tout sauf certain que les caravaniers étaient dupes et il s'inquiétait un peu des relations qu'ils pouvaient peut-être entretenir avec ses ennemis. Toutefois, il n'y avait plus rien d'autre à faire qu'à se montrer vigilant : cela ne changeait pas vraiment ses plans puisqu'il avait pensé à proposer les même tours de garde que la veille à Eärundra. Avant de s'en retourner vers cette dernière, il interpela tout de même le mage qui s'était fait porte-parole :

- Etes-vous bien une caravane marchande ? Si oui, nous aimerions commercer un peu si vous l'autorisez. En apprendre un peu plus sur ce qu'ils vendaient et peut-être obtenir de quoi améliorer un peu leur ordinaire ne pouvait pas faire de mal et peut-être apaiser quelque peu les tensions et la suspicion bien naturelles.

Le mage hocha la tête.
" Nous vendons effectivement diverses marchandises, mais là nous sommes sur le retour. Nous avions quelques minerais rarissimes qui ont trouvé preneurs... Et nous ramenons, en échange, des soieries qu'on ne trouve pas au nord de la mer de Lune. Je doute que ce soit le genre de marchandises qui vous intéresse : vous trouverez un bien meilleur choix à Everaska et ne voulez sans doute pas vous encombrer davantage pour votre voyage ?"

Ce n'était effectivement pas le genre de choses qu'il pouvait ou même désirait s'offrir mais le rôdeur répondit sans se départir de son sourire :

- Ce n'est effectivement pas vraiment ce que je recherche mais - même si ce n'est pas ce que vous vendez habituellement - peut-être pourrions-nous nous mettre d'accord sur la vente d'un peu de nourriture ? Je gage que vous avez fait des réserves pour le voyage qui vous attend mais peut-être pouvez-vous nous céder quelques produits frais contre de l'or. Cela améliorerait agréablement notre ordinaire et nous éviterait de perdre du temps à en chercher.

Le mage acquiesça.
" Oh, nous pouvons effectivement nous défaire d'un peu de nourriture. Dites-nous simplement ce dont vous avez besoin. Nous avons à peu près tout ce qu'il est possible d'avoir pour un long voyage, et nous achetons régulièrement le reste aux bédouins... ou à quiconque nous croisons dans le désert. D'ailleurs, à ce sujet... avez-vous eu affaire à des asabis dans la région des monts Cimeterre, ou même à proximité de la mer de la Soif, ou bien sont-ils beaucoup plus au nord ?"

Kasumi était soulagé de cette réponse et même un peu joyeux de pouvoir également faire plaisir à Eärundra en variant un peu leurs prochains menus.

- L'idéal serait un peu de lait. Des légumes aussi. Voire des fruits si vous en avez en quantité. Il ne nous reste pas forcément de quoi vous en acheter beaucoup et nous ne voudrions pas non plus mettre à mal vos réserves.

Il marqua une pause pour aller prendre le sac dans lequel il gardait ses dernières réserves d'or avant de répondre à la question du mage :

- Nous n'en avons pas rencontré dans les montagnes ou sur les rivages de la mer. Mais ils sont présents dès les premières oasis que vous ne pourrez sans doute pas éviter.

" ils sont donc descendus plus au sud que d'habitude. Du moins ceux que vous avez vus... Il est rare qu'on les voie en-dehors de leur plaine des Pierres Levées. J'espère que ça n'augure pas des ambitions territoriales..."
Le mage semblait réfléchir à voix haute, et parut sursauter en réalisant qu'il avait verbalisé ses pensées.
" Merci pour les informations, en tout cas. Axel, je te charge de leur apporter un peu de lait et des haricots ? On doit avoir quelques fruits aussi. Peut-être voulez-vous aussi de la farine et de l'huile pour faire des galettes ? Ou bien vous en reste-t-il ?"

Kasumi hocha tranquillement la tête pour accueillir le remerciement avant de répondre avec diplomatie :

- Cela dépendra de votre prix : le lait et les haricots sont ma priorité. Mais la farine et l'huile ne seraient pas de refus si le prix est raisonnable.

Le rôdeur n'avait pas l'âme d'un marchand mais le mage semblait néanmoins dans de bonnes dispositions. Il devait bien lui rester quelques pièces d'or mais il ne serait pas vraiment raisonnable d'en consacrer plus de quatre ou cinq aux vivres nécessaires pour les deux jours de voyage restants.

" Le prix dépendra des quantités. S'il vous faut simplement de quoi préparer trois ou quatre repas, ce sera quatre pièces d'or. S'il vous en faut le double, vous paierez le double bien sûr."
Le mage eut un sourire vaguement carnassier.
" Ce sont des prix que vous devez trouver élevés... Mais dans le désert, les denrées sont rares, et le prix augmente en conséquence... Axel ?
- J'y vais de ce pas...
- Et bien dans ce cas... Vous me voyez sincèrement enchanté d'avoir croisé votre chemin... messire... ?"
Il y avait une touche de curiosité dans son ton.

Les prix étaient passablement déraisonnables mais peut-être pas aussi exorbitants qu'il s'y était attendu. Avec le reste de leurs réserves, des ingrédients pour trois ou quatre repas - même s'il fallait partager avec Eärundra - lui semblaient suffisants. Il trouverait sans doute en chemin de quoi compléter leurs réserves s'ils avaient subitement un petit creux ou ne voulaient pas trop se rationner.

- Meredith et j'en prendrai pour 4 pièces d'or, répondit-il en serrant la main du marchand pour conclure l'accord. Il espérait au moins que les denrées seraient de bonne qualité pour ce prix. Même si après les repas monotones de la dernière veille, il se délecterait sans doute du moindre changement.

Le mage inclina la tête en guise de salut et s'éloigna, regagnant son campement. Il avait beau sembler trop poli pour être réellement honnête, il ne montrait pas la moindre hostilité à leur égard.
Eärundra, de son côté, s'était dirigé vers l'est, longeant le point d'eau, jusqu'à se trouver exactement entre le campement bédouin et la caravane. Lorsqu'il la rejoignit, elle était en train de nourrir les aigles.
Le dénommé Axel arriva juste derrière lui avec de l'huile d'olive, de la farine, des haricots secs, quelques fruits semblables à ceux qu'ils avaient cueilli dans l'oasis, mais également quelques poignées de raisins secs. Et même une outre en peau contenant du lait.
" Je vois que les transactions ont été fructueuses", commenta la druidesse lorsqu'il repartit.

Kasumi constatait que la druidesse avait pris ses dispositions pour commencer à installer leur campement et il ne put masquer un sourire ravi en entendant son approbation concernant le ravitaillement. Il déchargea de ses sacs le dénommé Axel avant de le saluer puis il répondit sans grand sérieux :

- J'avais peur que tu ne commences à m'accuser d'exagérer mes talents culinaires étant donné que je te sers la même chose à chaque repas ou presque depuis une veille. Il me fallait d'autres ingrédients pour éviter de te décevoir ! Et puis il fallait bien fêter notre sortie du territoire asabi et notre prochain retour au pays des elfes !

Tout en devisant, il avait commencé à fouiller dans leurs nouvelles provisions pour commencer à choisir ce qu'ils mangeraient le soir même : sans doute les tous derniers restes de viande avec les haricots rouges pour former un plat roboratif.

- Je te propose de nous laver à tour de rôle au point d'eau à moins que préfères t'en abstenir ? Je te laisse même commencer la première pendant que je mets les haricots à chauffer.

Eärundra le laissa fouiller dans leurs provisions sans faire mine de vouloir lui venir en aide.
" Je te laissa sans hésiter faire la cuisine. Mais pourquoi est-ce que je m'abstiendrais d'un bain ? Tu t'imagines peut-être que les femmes bédouines se baignent toute habillées ? J'aurais davantage tendance à me méfier des hommes de la caravane marchande. Ils viennent de zones plus... civilisées, diraient certains. Donc ils n'ont pas l'habitude. Peut-être que je pourrais attendre la nuit pour être tranquille, mais brrrr... Tiens, d'ailleurs, d'où viennent-ils, ces mages, ils te l'ont dit ? J'imagine que tu as dû les interroger un peu..."

Kasumi ne se laissa pas décontenancer par la réponse de la druidesse et lui opposa avec le plus grand naturel :

- Allons, même les nomades ne sauraient résister à un tel spectacle : je doute fort qu'il y ait une seule bédouine à moitié aussi charmante que toi mais je surveillerai de loin, ne t'en fais pas ! Quant à ces caravaniers, je n'ai pas voulu les presser de questions directement mais je pense qu'ils connaissent bien Everaska et ils s'en retournent vers le nord de la Mer de Lune.

" Le nord de la mer de Lune..."
La druidesse grimaça.
" Des zhent, peut-être... voire des membres du Zhentarim. Ou peut-être pas. Tu les as trouvés bizarre ? Ou trop curieux ? Cela dit, ils savent très bien se conduire de façon à éviter tout soupçons..."

Le rôdeur blêmit visiblement. Avec toutes les péripéties qui s'étaient produites au cours de la dernière veille et la perspective de rentrer, sa vigilance était peut-être endormie. Il ne s'était rendu compte de rien mais l'hypothèse de la druidesse était crédible maintenant qu'il y songeait. Il fit un effort pour ne pas céder à son réflexe de se retourner pour observer les caravaniers et - au lieu de cela - il répondit avec calme :

- Oui, ils étaient curieux. Ils voulaient savoir pourquoi nous avions des aigles d'Everaska et pourquoi la cité s'intéressait à ces terres. Ils m'ont paru aussi bien informés. Mais rien qui m'ait vraiment fait tiquer, qui puisse faire penser qu'ils sont plus que des marchands. Evidemment, il y a un peu trop de mages dans leurs rangs... Non, tu as probablement raison. Espérons que nous n'ayons pas d'ennuis avec eux : nous n'avons pas les moyens d'affronter un groupe aussi important. Et... tu devrais peut-être vérifier la nourriture qu'ils nous ont vendu si tu peux. Juste par prudence.

" Tu as raison... C'est par méfiance que j'ai préféré m'éloigner un peu d'eux. On devrait peut-être sympathiser un peu avec les bédouins, pour qu'ils nous aident en cas de grabuge cette nuit... mais cela dit, eux aussi sont susceptibles de nous vouloir des ennuis. Enfin, en général ils s'en prennent plutôt aux riches caravanes, on est pas leur genre de cible habituelle..."
Fronçant les sourcils, elle incanta, cherchant à détecter un poison éventuel dans leur nourriture.
" Je ne trouve rien d'anormal. Mais ils sont mages, ils peuvent très bien user d'autres moyens pendant notre sommeil..."

Voilà qui était inquiétant et n'incitait pas à relâcher sa vigilance... Le rôdeur avait escompté profiter d'un petit moment de détente en faisant un brin de toilette mais c'était sans doute une mauvaise idée, tout compte fait. Au moins était-il rassuré sur leur nourriture et pouvait-il continuer sa préparation sans arrière-pensée :

- Nous appliquerons notre système de tour de garde cette nuit encore déjà. Cela devrait nous éviter d'être surpris sans pouvoir réagir. Cependant, tu as peut-être raison pour ce qui est de l'utilité de nous attirer la sympathie des bédouins. Que proposes-tu ? Que tu te présentes comme druide et propose de soigner gratuitement leurs animaux s'ils en ont besoin ?

" Oui, je pense que ce pourrait être une bonne stratégie. Mais je vais d'abord me rafraîchir en piquant une tête dans cette eau merveilleuse... bien que saumâtre. Je te laisser veiller sur notre campement. Une fois lavée, j'irai me présenter à eux. Donc ne m'attends pas avant un bon moment... J'essaierai tout de même d'être de retour avant la nuit noire !"
Le soleil, sur le point de se coucher, jetait ses dernières lueurs rouge orangées. Il leur restait une bonne heure avant la nuit.

Le rôdeur fut rassuré que la druidesse se propose de mener ces négociations : elle avait certainement une connaissance plus poussée des peuplades du désert et de la façon de les aborder que lui-même et il ne se sentait pas de s'y risquer de peur de commettre un impair. Au lieu de cela, il s'arrangea pour que sa préparation dure une heure environ et qu'elle n'accapare pas trop son attention. Il pouvait ainsi surveiller discrètement le campement des caravaniers et jeter aussi - de temps à autre - un œil du côté de la mare, cherchant d'y détecter des signes de grabuge. Mais il adressa une prière silencieuse à Mielikki pour que cela ne soit pas le cas.

Les hommes de la caravane marchande s'étaient installé en un campement parfaitement ordonné, presque un carré militaire. Ils vaquaient à leurs occupations, avec des regards curieux et parfois insistants en direction des aigles, mais ne semblaient pas se préoccuper outre mesure de leurs voisins.
Le campement bédouin était plus bruyant, plus vivant, avec des familles entières, femmes et enfants, des chèvres, des zébus, des sortes de poules également qui picoraient de-ci de-là. Quelques hommes, passant non loin, lui jetèrent un regard peu amène, peut-être à cause de ses traits elfiques, peut-être simplement parce qu'il était étranger à la région. mais nul ne l'importuna, et quand Eärundra revint, une petite heure plus tard, elle lui confirma qu'on ne lui avait pas cherché de noises. Les mères avaient éloigné d'elle leurs enfants et les hommes semblaient l'éviter comme la peste, mais une fois qu'elle se fut présentée à l'un des plus âgé de la tribu, elle se retrouva avec une foule de petits bobos à soigner, d'abord chez le bétail, ensuite chez les humains. Elle rapportait même des galettes épaisses qu'ils lui avaient offertes en remerciement, et un petit flacon d'une boisson alcoolisée à bases de plantes.

De son côté, Kasumi avait mis une touche finale à sa préparation à base de haricots bouillis et de viande : sans doute de quoi les requinquer un peu. Il dégagea une petite place près de son feu pour Eärundra et la félicita pour sa "mission diplomatique", arguant que son charme ravageur avait une nouvelle fois fait merveille. Il annonça ensuite qu'il n'était pas contre gouter à ce fameux alcool à condition de se montrer raisonnables : il fallait garder les moyens d'agir si les Zhents supposés venaient leur chercher des noises. Quant aux galettes, elles seraient plus que bienvenues pour leur petit-déjeuner.

- J'ai bien peur que mon bain doive attendre demain matin. Enfin, si tu n'as pas peur de passer la nuit à côté de mon petit fumet : parce qu'à cette heure, l'eau risque d'être glacée ! Mais j'irai tout de même faire tremper quelques affaires de rechange. Mais viens plutôt manger !

" Au contraire, l'eau est plus chaude que l'air autour, on doit y être parfaitement bien... Il suffit de prévoir de quoi te sécher très vite en sortant ou te dépêcher de revenir près du feu !"
Le repas préparé était consistant et goûteux -peut-être parce qu'il changeait enfin de l'ordinaire-, et ils n'en laissèrent pas une miette. L'alcool fourni par les bédouins était, quant à lui, si fort, qu'ils n'en burent qu'une gorgée chacun, préférant attendre d'être dans des lieux plus sûrs pour le déguster à leur aise.
" Ta décision de veiller tient toujours ? Ou tu fais confiance à la proximité des bédouins pour nous protéger ? De ce que j'en ai vu, ils n'ont pas l'air hostiles, et peut-être interviendront-ils en cas de grabuge, mais je ne peux pas en être certaine... Mais comme je n'ai besoin de dormir que quatre heures, si je me met au lit tout de suite pendant que tu fais la vaisselle, ça te fait une veille assez courte..."

Le rôdeur, parfaitement détendu et repu, hésita un instant avant de répondre : il aurait été tentant de se coucher dès à présent mais ce n'était guère prudent et ils ne disposaient plus que d'un seul couchage à se partager de toute manière.

- Je ne crois pas que nous soyons véritablement en danger mais mieux vaut prévenir que guérir. Je te laisse la place et je m'occupe de la vaisselle même si j'ai l'impression que tu cherches à en profiter pour me laisser toutes les corvées ! Et n'hésites pas à me réveiller tôt demain matin : j'aimerais prendre mon bain quand tu seras réveillée et avant l'aube pour nous mettre rapidement en route. Avec de la chance, nous pourrons camper en zone sûre demain soir.

La druidesse secoua la tête.
" L'étape de demain sera moins longue, la prochaine oasis se trouve moins loin. Il est tout à fait possible de te laisser dormir un peu plus longtemps que ce matin, je te le conseille même... Et je te déconseille le bain à l'aube, il fera encore plus froid que ce soir et l'eau sera glacée ! Mais bon, c'est toi qui vois ! Qui sait, peut-être ressens-tu l'appel d'Eldath en toi, qui expliquerait ton goût pour l'onde glacée et les bains à l'aube..."
Elle lui décocha un clin d'oeil désarmant avant de se diriger vers les deux palmiers entre lesquels elle avait étendu son hamac. Elle s'y hissa souplement.
" Bonne soirée ! Ne t'en fais pas pour moi, tu peux me laisser seule le temps de laver la vaisselle et de faire ta lessive, ou plus. J'ai le sommeil léger et personne ne nous attaquera aussi tôt."

Kasumi décida de profiter des conseils de la druidesse mais pas avant d'avoir nettoyé la vaisselle et de l'avoir rapportée à leur campement. Cela lui permit de vérifier que rien d'inquiétant ne se tramait avant qu'il ne retourne une seconde fois près du point d'eau.

Alors, il se dévêtit en grelottant et entreprit de se laver à l'eau froide en claquant des dents mais consciencieusement puis à shampouiner ses vêtements qui en avaient bien besoin. Durant toute la manœuvre, il avait pris soin de conserver ses épées à proximité pour ne pas être vulnérable en cas d'attaque surprise. Une fois lavé, il avait prévu de revenir se réchauffer et se sécher et aussi d'étendre ses vêtements auprès de leur feu. C'est donc uniquement avec sa couverture sur le dos qu'il ferait le court trajet du bassin au hamac d'Eärundra.

Il n'était pas le seul à profiter du crépuscule pour faire ses ablutions. Espérant peut-être être moins visibles à cette heure tarduve, plusieurs jeunes femmes du clan bédouin étaient là, entièrement dévêtues. Ne disposant pas d'une aussi bonne vision nocturne que lui, elles écarquillèrent des yeux pour identifier l'intrus, et il les entendit chuchoter à voix basse. Mais elles ne sortirent pas de l'eau, se contentant de s'éloigner de quelque mètres, estimant sans doute la distance suffisante pour qu'il ne les voie pas. Ce en quoi elles sous-estimaient sa vision elfique : il avait en réalité une vue parfaite de leurs corps nu et bronzé.
Des jeunes gens les rejoignirent, il les entendit rire et s'éclabousser dans l'eau. Elle était encore presque tiède, chauffée par le soleil de la journée, et on y était plutôt bien. Le contraste avec l'air froid n'en était que plus saisissant lorsqu'on ne s'y plongeait pas tout entier, d'autant qu'une petite brise fraîche se levait.
Kasumi grelottait donc en s'en revenant au campement. Le feu, mourant, ne le chauffait plus guère, et par économie, la druidesse n'avait pas fait provision de bois. Heureusement que sa couverture était chaude...
Il finit par suspendre ses vêtements aux palmiers pour qu'ils sèchent mieux. Vu la sécheresse de l'air et la chaleur des premiers rayons, il pourrait les utiliser dès demain matin. Puis il s'installa pour veiller, un peu réchauffé. Tout semblait tranquille du côté de leurs voisins, tant bédouins que marchands. Il devinait les mouvements des guetteurs, mais nul ne semblait se préoccuper d'eux.

La druidesse finit par le relayer, l'envoyant jouir à son tour d'un repos bien mérité. Elle le laissa dormir, au matin, plus tard qu'il ne l'aurait voulu. L'ombre des arbustes le protégeait des ardeurs du soleil et il s'éveilla une bonne heure après l'astre du jour, pour constater que les caravaniers étaient sur le point de lever le camp, alors que les bédouins, eux, ne faisaient pas mine de vouloir partir. La druidesse, comme à son habitude, avait préparé le petit déjeuner, et déjà englouti sa portion.

Kasumi ne lui en voulut pas de l'avoir laissé dormir un peu plus longtemps qu'il ne l'avait demandé : sans doute la druidesse avait déduit à ses vêtements accrochés aux palmiers - et peut-être aussi à l'odeur désagréable qu'il ne dégageait plus - qu'il avait décidé de se laver la veille plutôt qu'au matin. Il ouvrit les yeux en étant soulagé que rien d'anormal ne semblait s'être produit. Il jeta tout de même un œil dans la direction où les aigles devaient avoir passé la nuit puis demanda confirmation à la druidesse tout en s'installant près de son petit déjeuner apparemment composé de galettes et de lait :

- Bonjour Eärundra ! Tout va bien ? Tu n'as rien noté d'anormal ou d'inquiétant ? En dehors du fait que je me sois fait beau, cela va de soi !

" Tu sens bien meilleur, c'est un fait ! Tu as peut-être une chance que Sylvia ne fuie pas en courant lorsqu'elle te reverra. Mais installe-toi, prend une galette et apprécie ce bon lait, après en avoir été privé pendant plus d'une veille ! "
Le petit déjeuner, à défaut d'être exceptionnel, avait l'avantage de varier l'ordinaire.
Les vêtements de Kasumi étaient propres et secs, et les enfiler lui fit prendre conscience de la saleté dans laquelle il avait baigné récemment. Il éprouva un bien-être immédiat. Puis vint l'heure de regrouper leurs maigres bagages et de les accrocher aux harnais. La druidesse y ajouta une petite quantité de bois, juste au cas où un imprévu les empêche d'arriver jusqu'à l'oasis. Elle lui confirma que la prochaine oasis était leur dernière étape et qu'ils arriveraient le lendemain soir dans les montagnes, probablement fort tardivement.
Juste au moment où ils s'apprêtaient à partir, Kasumi sentit le picotement déjà ressenti quelques jours plus tôt, à la base de la nuque, annonçant une communication avec Galawen.
" Kasumi ? Où en êtes-vous ? Pensez-vous être là ce soir, faut-il que nous nous mettions en route ?"

Ah oui... Ils avaient un jour de retard sur le rendez-vous annoncé à cause du détour pour prévenir Ta'sslan. Sylvia allait sans doute être déçue... Le rôdeur fit signe à Eärundra de retarder le moment du départ et s'approcher avant de prononcer les mots qu'il avait soigneusement préparés en tête :

- Hélas non : nous arriverons demain soir.

Il préféra ne pas s'étendre davantage de sorte à laisser à Galawen l'opportunité de lui poser d'autres questions.

La Couronne de Cuivre

[Désert d'Anauroch] Quête : Racines