La Couronne de Cuivre

Il n'était pas facile de retrouver la sérénité qu'il avait éprouvée tout au long de la journée. Pourtant, l'atmosphère de la clairière, peu à peu, parvint à réguler ses émotions, à apaiser ses craintes. Peut-être les tâches répétitives qu'il accomplissait y contribuaient-elles. Tout ici était si magique, si merveilleux, si paisible, qu'il semblait que l'angoisse n'ait pas droit de cité en ce lieu. Tout irait bien. Sylvia allait bien, c'était écrit. Il n'y avait pas d'urgence. Et Mielikki veillait. Il suffisait d'avoir foi.
Insidieusement, ces pensées positives, optimistes, envahissaient son esprit, calmant son anxiété. Tout irait bien. Il devait achever le rituel ce soir. Ensuite, demain matin, la dryade renaîtrait.
Le faucon, quant à lui, était encore dans les environs. Sans doute rentrerait-il avant la nuit.

Apaisé par la foi qui grandissait en lui, Kasumi parvint à recouvrer sa concentration et rédigea même un petit mot annonçant qu'il rentrerait au plus tard le lendemain matin. Confiant et apaisé, il reprit sa tâche de plus belle pour combler le retard qu'il avait pris. Chaque plante dont il s'occupait semblait un peu plus reléguer ses incertitudes et il se sentait maintenant en osmose avec le bosquet et tous ses occupants, animaux comme plantes.

Vif-Argent disparut dans les airs, et ne réapparut pas. Kasumi, concentré sur sa tache, ne l'aurait peut-être même pas aperçu.
Lorsque le ciel se mit à rougeoyer, il en avait quasiment fini avec sa longue tâche. Le bosquet était en pleine santé, et tout lui semblait parfait. Le chêne avait grandi et grossi, de façon nettement visible, au cours de la journée. Un petit groupe de chevreuils s'était glissé par le rideau de buis pour venir boire à la source, tandis que des canards, nageant le long du ruisseau, cancanaient à qui mieux mieux. Les oiseaux rivalisaient pour une dernière ode au soleil couchant. L'instant était magique, et magnifique.

Ayant accompli sa tâche, Kasumi s'était abandonné à une bien méritée contemplation des lieux qu'il venait de contribuer à rendre meilleurs. Il eut bien du mal à s'en détacher et à se souvenir qu'il avait encore deux actions à accomplir pour mener à bien le rituel. Il s'empressa d'y remédier sans hésitation, buvant le reste de la tisane puis se défaisant de tous ses vêtements pour se diriger vers la source et s'y immerger tout entier. C'était un nouvel acte de foi et il l'accomplit sans aucune appréhension : sa déesse veillerait à ce que tout se déroule bien. Pour son bien comme pour celui du bosquet.

L'absorption de la dernière portion du breuvage le plongea dans un état étrange. Un peu euphorique, et pourtant parfaitement lucide. Il ressentait tout ce qui l'entourait de façon plus aiguë qu'à l'ordinaire. Mais les bruits n'étaient pas les mêmes, la lumière était plus vive. Et ce que ses yeux percevaient semblait différent.
Il se déshabilla et se plongea dans l'eau claire avec la sensation que tout son être en était lavé, jusqu'au plus profond de son âme. Des yeux l'observaient, il le sentait, il était mis à nu devant ce regard et cela lui semblait normal. Il avait confiance.
Puis il y eut une lumière, intense, qui le poussa à se redresser, dégoulinant de cette eau qui luisait à présent de reflets d'argent. Tout était lumière autour de lui, il ne voyait plus rien.
Mais il entendait. Une voix ferme et pourtant bienveillante, aux accents féminins, résonnant à l'intérieur de son crâne. Une injonction à laquelle il aspirait à répondre.
" Es-tu prêt à vouer ta vie à la défense de l'harmonie entre les êtres vivants, à la recherche de l'équilibre ? Désires-tu, du fond de ton âme, appartenir au Bras Armé de la forêt, devenir Cerf de Printemps et servir mon église ?"

Kasumi se sentait à la fois écrasé et complètement galvanisé face à l'incommensurable puissance de l'entité qui le gratifiait de sa présence. Son corps imparfait ne pouvait interpréter tous les signaux auxquels il était livré. Son esprit limité ne pouvait appréhender toutes les émotions qui s'y bousculaient. Il avait envie de se montrer humble face à sa déesse mais aussi fier de ce qu'il avait accompli et de ce qu'il s'apprêtait à rejoindre. Même sa voix ne semblait plus lui appartenir quand il répondit sans fard, en se livrant sans réserve aucune :

- Oui je le veux ! Je souhaite te servir ainsi que l'harmonie et l'équilibre.

" Qu'il en soit ainsi. Te voici à présent Cerf de Printemps", répondit simplement la voix.
Il eut la sensation d'être submergé par une vague d'énergie pure, puis il y eut un éclair aveuglant qui l'obligea à fermer un instant les yeux, ébloui.

Lorsqu'il les rouvrit, il était à genoux au milieu de la source, face au chêne dont la circonférence avait subitement augmenté : même s'il n'avait pas encore l'aspect d'un arbre d'âge vénérable, il était désormais en pleine maturité.
Le soleil, à l'ouest, disparaissait à l'horizon, illuminant le ciel de lueurs orangées.

Tout était normal, mais tout était différent. C'est lui qui avait changé. Il le sentait dans son âme.

HRP : le voici clerc ! Et avec 16 en sagesse (je ne sais plus si j'avais déjà fait apparaitre le +1 point ou pas)

Kasumi était changé à tout jamais et il resta un long moment accroupi dans la source comme si rester immobile l'aidait à appréhender à quel point. Comme si cela l'aidait à prendre conscience de ses nouvelles capacités, à les intégrer et les faire siennes. Comme si cela l'aidait à mieux se comprendre. Il lui faudrait des jours, peut-être même des mois ou des années mais il sentait qu'il s'était engagé sur une voie nouvelle. Une voie qui prolongeait et magnifiait le chemin qu'il avait déjà parcouru depuis son enfance. Il avait reçu un don mais un don qui avait ouvert l'accès à une partie de lui-même qui avait peut-être toujours été présente, en attente.

Il n'eut aucun besoin d'instruction pour savoir quoi faire une fois sorti du ruisseau et dûment séché : il alla prier sous le chêne pour établir, dans le monde réel, cette connexion qui s'était faite jour. Puis seulement il songerait à se restaurer et à la suite : rentrer à Peyregorde pour revenir le lendemain et accueillir la dryade à son second éveil probablement. A moins que sa déesse désire qu'il reste à veiller cette nuit encore au bosquet.

Il plongea dans une transe plus profonde, plus intense. C'était comme s'il avait découvert un nouveau langage, un autre mode de communication. Il parlait à sa déesse, et non seulement elle l'entendait, non seulement elle l'écoutait, mais il lui semblait pressentir ses réponses. Bienveillante, accueillante, elle le soutenait dans ses choix, le rassurait, lui faisait confiance. Oui, il pouvait repartir pour revenir à l'aube, mais la route était longue et son corps fatigué, même s'il n'en avait pas conscience, trop euphorique. Ce choix signifiait se priver de sommeil une nuit encore. La nuit était courte en cette période estivale. Mais le choix lui appartenait.
Et puis il y avait toute cette puissance, à portée de sens. Il ressentait le pouvoir de la nature, offert à sa compréhension par l'entremise de sa déesse. Le pouvoir de détruire ou de réparer, celui de soigner ou de tuer, celui de nourrir ou d'empoisonner... Tant de pouvoirs qui lui seraient offerts, au fur et à mesure qu'il progresserait, et dont il n'avait encore accès qu'à une infime partie. C'était grisant. Et par-dessus tout, ce bien-être, cette confiance. Comme s'il avait enfin trouvé sa place.

Avec ce pouvoir venait de grandes responsabilités dont il espérait de tout cœur se montrer digne. Mais à chaque jour suffisait sa peine et il sentait qu'il avait accompli tout ce qu'on attendait de lui pour cette journée. C'était un sentiment apaisant et grisant à la fois et c'est sans aucune mauvaise conscience qu'il se mit en route, désireux de prendre des nouvelles de Sylvia, de la rassurer et aussi de partager avec elle cette expérience incroyable qu'il venait de faire : elle était certainement le seul être vivant apte à le comprendre et avec qui il voulait partager ce moment et cette complicité. Il tenait simplement à l'associer à ce chamboulement dont il prenait à peine conscience dans sa vie.

Il se mit donc en route dans l'obscurité naissante, sans en être gêné outre mesure. Les alentours de la clairière étaient paisibles, accueillants. Mais comme toujours, au fur et à mesure qu'il s'éloignait, il ressentait la souillure de la forêt grandir en intensité. C'était davantage sensible à la nuit tombée, même si, heureusement, il était loin du coeur de la forêt bien plus malfaisant.
La nuit était propice aux mauvaises rencontres, et, quelque part à mi-chemin entre la clairière et le village, il tomba sur trois goules en maraude. La nuit était maintenant totalement tombée, et il les entendit avant de les voir. Elles, bien sûr, n'avaient pas encore détecté sa présence.

Si une chose était certaine et n'avait pas changé - et même bien au contraire - c'était que Kasumi détestait toujours autant les mort-vivants. Alors, même s'il aurait aisément pu contourner les goules pour ne pas perdre de temps, il fit un crochet et consacra quelques instants pour les approcher contre le sens du vent et ainsi se donner toutes les chances de les surprendre et de prendre immédiatement l'avantage dans leur élimination.

Ce fut une affaire rondement menée. Il avait l'avantage de la surprise, davantage de rapidité et de souplesse, de bonnes armes : ses adversaires ne firent pas le poids.
Et la forêt comptait trois morts-vivants de moins lorsqu'il en sortit. Il faisait nuit noire depuis un moment, même si la lune à son premier quartier illuminait l'atmosphère d'une lueur bleuté. La plupart des villageois devaient être couchés : il n'apercevait aucune lumière lorsqu'il s'approcha de Peyregorde.

HRP : tu postes là-bas ?

Traversant la zone d'arbres ancienset majestueux qui entourait la clairière, il nota l'absence de brume, et la vigueur de la végétation. Ici, l'influence néfaste de la forêt n'était plus perceptible.
Il trouva la clairière dans l'état exact dans lequel il l'avait laissé. Même la luminosité était sensiblement la même, comme s'il ne s'était écoulée que quelques instants entre le crépuscule et l'aube.
Nulle dryade n'était visible, mais l'aube ne tarderait guère.

Maintenant qu'il était parvenu à destination sans retard, Kasumi prit un instant pour reprendre son souffle tout en admirant la majesté naturelle de la clairière. Il se dirigea ensuite vers la source pour y puiser de l'eau fraîche et enfin au pied du chêne pour prier longuement sa déesse. Son corps était peut-être épuisé mais son esprit était maintenant parfaitement lucide et ouvert.

L'état de transe fut immédiat, le contact facile. Comme si sa déesse attendait sa présence, comme si elle était toute proche et l'écoutait. Il savait puiser dans les dons qu'elle lui offrait ceux qui lui étaient accessibles, et savait que les autres, qu'il ne faisait que pressentir, seraient à leur tour disponibles quand il serait plus expérimenté.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, la dryade était là, l'observant avec un sourire rêveur. Identique à son souvenir et pourtant autre. Un peu moins jeune peut-être, un peu plus grande.
" Tu es revenu...", fit-elle remarquer.

Kasumi se sentait régénéré - mentalement en tous cas - et c'est un regard neuf qu'il porta sur la clairière. Depuis qu'il avait accepté le don, c'est comme s'il parvenait à percevoir au-delà de son apparence, comme s'il avait accès à un autre niveau de conscience lui permettant de voir avec plus d'acuité chaque parcelle de vie, de sentir la nature en pleine croissance. Et la dryade était comme un phare parmi le reste. Tout comme le chêne auquel elle s'était lié, elle faisait partie intégrante du bosquet et symbolisait sa toute nouvelle force. Il lui répondit dans un sourire tout en détaillant les changements qui s'étaient opérés chez elle depuis leur première rencontre :

- Oui, j'ai accepté le don de notre déesse. J'ai accepté de te protéger, toi, le chêne, la source et le reste.

" C'est une bonne chose, et je t'en remercie, fit-elle d'un ton paisible. Ce lieu en a besoin. Et la voie que tu suis est juste et bonne. "
Elle s'avança d'un pas lent en direction de la source, sans que le mouvement dérange le moins du monde les oiseaux nichés dans ses cheveux, qui à leurs yeux faisaient partie intégrante des feuillages de la clairière. Comme Kasumi avant elle, elle puisa un peu d'eau à boire, avant de se retourner vers lui.
" Mais... Il y aura d'autres rituels à suivre, d'autres passages obligés. Idéalement, je pense qu'il faudrait que tu sois formé par un autre clerc. Je ne suis pas sûre, de par ma nature, d'être à même de savoir ce dont tu auras besoin pour avancer dans cette voie. Nous sommes tellement différents. Connais-tu un clerc qui pourrait te guider ?"

Il était difficile de détacher le regard de la magnifique créature pleine de grâce et le manque de sommeil n'aidait pas non plus sa réflexion mais Kasumi ne voyait qu'une possibilité de réponse à la question très juste de la dryade :

- Je connais une prêtresse mais qui a renoncé depuis longtemps à sa foi. Je crois qu'elle s'occupait de ce sanctuaire avant qu'il ne soit perverti par une sombre secte. Peut-être que sa renaissance pourrait la regagner à notre cause. Je voulais de toute façon la revoir pour lui faire part des progrès que j'ai pu accomplir ici.

La dryade eût une petite moue dubitative.
" Si elle a quitté Mielikki, sans doute est-il trop tard pour elle. Le chêne une fois coupé ne peut renaître. Mais après tout, je ne suis pas dans les secrets des dieux !"
Elle observa attentivement Kasumi.
" Il te faudra une aube, également. Aux couleurs de l'été, jaune bordée de rouge. Vêtu de cette aube, tu devras chaque mois, dans cette clairière, organiser la cérémonie du Chant des Arbres. Elle est indispensable, pour le bosquet comme pour toi et ton lien avec la Dame. Et c'est lors de la première de ces cérémonies que je naîtrai pour la troisième et dernière fois."

Kasumi espérait que la dryade se trompait au sujet d'Hortense : la pauvre avait subi des pertes qu'il n'osait même pas appréhender et les premiers responsables de sa déchéance étaient les Malarites. Il espérait en tous cas qu'elle retrouverait la paix et le soutien de Mielikki à défaut de redevenir prêtresse. De toute façon, elle était la seule à pouvoir lui donner des conseils et le guider sur la voie. A moins que le sylvanien n'ait d'autres pistes à lui suggérer...

Quant à cette histoire d'aube, elle lui fit esquisser une grimace : c'était un concept si étrange qu'il avait peur de paraître ridicule ou terriblement présomptueux. Mais il ne se déroberait certainement pas à ses obligations et mènerait ces cérémonies dès qu'il aurait pu se renseigner sur leur contenu. Peut-être que la dryade pouvait lui donner de premiers éléments :

- Pardonne mon ignorance mais en quoi consiste cette cérémonie du Chant des Arbres ?

" C'est pour ces sortes d'interrogations-là que tu aurais besoin de l'instruction d'un clerc. Je ne suis pas à même de répondre à toutes... Mais je puis répondre en partie à celle-ci. Le Chant des Arbres dure une journée et une nuit, et consiste à appeler une dryade, ou parfois un sylvanien, mais il faut, la première fois, que ce soit une dryade. Car il faut que je naisse. Cet appel vivifie le bosquet, sa végétation comme son âme, il se crée une sorte de synergie que je ne saurais décrire. Et durant toute la durée du rituel, tu dois te mettre au service de celui que tu auras appelé. Cela, une fois par mois, à la pleine lune."

Kasumi songea qu'il aurait peu de temps pour tenter de rattraper tout son retard concernant les rites et cérémonies de son culte : en un mois, il devait trouver un clerc et apprendre tout ce qu'il pouvait sur son nouveau rôle. Jusqu'ici, il s'était senti guidé mais il se lançait à nouveau dans l'inconnu. Il faisait confiance à sa déesse pour lui donner des consignes mais il avait néanmoins envie de lui rendre honneur de son mieux, de prendre soin de ce magnifique bosquet qu'il avait contribué à faire renaître.

- J'irai trouver Hortense demain je pense : elle habite à une journée de voyage d'ici. Mais j'imagine que tu as besoin de moi aujourd'hui : des tâches à me confier peut-être ? Ou alors je peux simplement te faire découvrir les alentours de ton nouveau domaine ?

La dryade secoua la tête, d'un geste infiniment gracieux.
" Je n'ai pas besoin de toi pour découvrir les environs. Je connais chacun des végétaux qui y pousse, chaque être vivant qui s'y trouve en ce moment et dont je ressens la présence. Mais je souhaiterais que tu rendes quelques menus services au bosquet, c'est vrai."
Elle se pencha vers le buisson d'aubépine dont elle caressa délicatement une fleur.
" Il faut que tu arroses une nouvelle fois tous les végétaux de cette clairière avec l'eau de la source, pour leur donner encore plus de vigueur. En commençant par le chêne. Et il faudrait que tu étendes cette action protectrice à chacun des grands arbres qui se trouvent à proximité, de l'autre côté du rideau de buis qui nous entoure. Tu ne vas pas pouvoir nourrir tous les arbres vénérables de la forêt bien sûr, mais petit à petit, en t'éloignant au fur et à mesure de cette clairière pour nourrir les arbres de cette eau bénie, tu étendras l'action protectrice de ce bosquet. Il y a en particulier un vieux chêne, dans cette direction -elle montra le nord-ouest- qui a été très fragilisé par l'incendie. Vois si tu peux ôter les branches les plus abîmées pour sauver le reste..."

Le demi-elfe écouta les instructions avec attention et enthousiasme : les tâches que lui confiait la dryade lui semblait censées et changeraient en effet certainement les choses. En étendant l'influence de la source, le bosquet gagnerait en force et en protection et les bois environnants pourraient grandement en bénéficier. Il s'inclina lui aussi avec une certaine grâce même si elle était incomparable à celle de l'être des bois et répondit d'un ton léger :

- Ce sera un honneur de te servir, jeune dryade !

Et pour montrer sa bonne volonté, il se mit aussitôt au travail, arrosant avec plaisir le chêne puis toutes les plantes de la clairière qui en avaient besoin. Il lui faudrait certainement une heure ou deux pour accomplir sa tâche dans la clairière avant de se mettre à la recherche du chêne en difficulté.

La clairière était un havre de paix, où il éprouvait une sensation de plénitude incomparable. Franchir le rideau de buis pour arroser d'autres arbres lui sembla presque comme couper un cordon ombilical, bien qu'il apporte avec lui une outre d'eau de la source. La forêt au-delà du buis avait quelque chose de moins, c'était indéniable, même s'il ne ressentait pas, si près de la source, la souillure du coeur de la forêt.
Il trouva sans peine le chêne en question : un arbre âgé à la circonférence impressionnante, creux à sa base, servant d'abri à une colonie de loirs qui disparut à la vue du demi-elfe. Complètement calciné d'apparence, il avait pourtant encore de la vie en lui, à en juger par une jeune branche qui s'élançait, frêle, depuis l'une des branches maîtresses noircies. Elle portait quelques feuilles d'un vert pâle, miracle au sein de l'arbre mort. Les autres branches étaient noires et sentaient la cendre, même si quelques-unes portaient quelques feuilles marbrées de brun, trop malades pour croitre.

Kasumi n'avait pas tous les outils les plus pratiques pour couper des branches mais le bois calciné était friable et les branches les plus atteintes - qui ne pourraient jamais bourgeonner mais alourdissaient tout de même le chêne - ne présentèrent pas de résistance lorsqu'il les arracha le plus délicatement possible. Quand il dut procéder de même avec certaines excroissances moins atteintes mais tout de même trop dégradées pour reprendre, il décida de canaliser une parcelle de l'énergie divine dont l'avait gratifié sa déesse ainsi qu'un peu d'eau pour faciliter la cicatrisation.

Lorsqu'il en eût terminé, il ne restait plus qu'une branche, frêle, et deux jeunes excroissances toutes proches qui donneraient naissances à deux autres branches. L'arbre était fragile mais vivant.
L'utilisation de l'eau de la source eût cependant un effet inattendu : une petite nuée d'insectes volants jaillit subitement de l'écorce de l'arbre à demi-mort pour se précipiter vers Kasumi, comme rendus furieux par cette eau. Des moustiques, peut-être... mais il comprit rapidement qu'il ne s'agissait pas d'insectes ordinaires : ceux-ci étaient morts-vivants.

C'est la première fois qu'il avait affaire à ce genre d'aberrations malgré sa longue expérience des créatures mort-vivantes. Les créatures étaient bien trop petite pour qu'il parvienne à les frapper de manière conventionnelles mais il fallait tout de même les détruire pour éviter qu'elles ne se répandent et contaminent l'écosystème. C'est pourquoi il opta pour une approche qui lui était inédite :

Kasumi -> Repousser les mort-vivants -> Nuée de moustiques

Il savait, instinctivement, les gestes à faire. Il lui manquait quelque chose, cependant. Il sentait qu'il lui fallait un objet à travers lequel il devait canaliser l'énergie de sa déesse. Le sort fonctionna pourtant : l'énergie fut canalisée par son propre corps, ce qui lui causa un léger vertige et le rendit peut-être moins efficient, même s'il n'avait pas assez d'expérience pour en être certain. La petite vingtaine d'insectes fut soufflée par le sort, peut-être détruite : il n'en restait plus trace lorsqu'il reprit la pleine possession de son esprit.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Aubépine