La Couronne de Cuivre

Il n'y eut aucune réponse. Sa flamme vacilla une seconde mais ne s'éteignit pas. A nouveau, elle ne détecta pas de courant d'air perceptible. Il n'y avait pas un bruit sinon, ténu, celui d'une goutte d'eau claquant dans une flaque, se répercutant en dizaines de petits échos, devant et derrière, rendant la détection de sa source très incertaine. Et plus aucune trace ni de lumière, ni de présence. Juste les ténèbres qui s'enfonçaient, peu à peu, dans le ventre de la terre.

HRP : et... un autre d20

HRP : 1

Astrée frissonna, à nouveau. Elle avait la chair de poule. N'ayant aucune envie d'avoir affaire à ce qui ressemblait à un fantôme ou autre esprit malintentionné, elle fit demi-tour pour revenir sur ses pas, en s'efforçant de maitriser de son mieux la peur qui l'avait envahie. Même si elle avait déjà parcouru ce tunnel sans y distinguer de piège, le sol restait glissant et il n'était pas question de trop se précipiter.
Elle décida qu'elle tenterait un autre tunnel. Elle irait tout droit à la prochaine bifurcation au lieu de revenir sur ses pas sur la gauche. L'endroit serait peut-être moins... hanté ?

Il lui sembla entendre des pas derrière elle, pendant quelques secondes, mais quand elle se retourna pour apercevoir son poursuivant, il n'y avait rien, personne, plus un bruit et pas un souffle. Le plic-ploc de la goutte invisible lui parut soudain très proche, puis la seconde d'après très éloigné, jusqu'à ce qu'il soit difficile de déterminer s'il existait vraiment ou si c'était le battement de son coeur à son oreille. Il faisait froid, très froid, sous la terre, elle s'en rendait davantage compte à chaque minute.
Elle put sans mal retracer son parcours, atteindre le dernier embranchement, rectifier sa trajectoire. Le nouveau couloir se déroula sous ses pas, sombre et désert, décrivant petit à petit une courbe sur la gauche, de plus en plus marquée, comme s'il dessinait une spirale dans la roche. Il était possible qu'il descende, lui aussi, mais plus légèrement. Sans repères visuels clairs, c'était impossible d'en juger.

Ces couloirs vides étaient étranges, et Astrée ne parvenait pas à s'orienter correctement sous terre. Il lui était impossible de visualiser l'agencement global des lieux. Revenait-elle, à force de tourner, dans la même direction que précédemment ? Descendait-elle ? Elle n'était pas très à l'aise dans ce milieu confiné, et se sentait légèrement oppressée. Elle s'efforçait d'être prudente, de masquer un peu la lumière de sa flamme, d'observer le sol. Mais il n'y avait aucune trace intéressante. Au moins l'étrange fantôme avait-il disparu. C'était moins inquiétant ainsi...

Elle n'oubliait pas sa bonne résolution de ne pas trop s'attarder : elle avait besoin d'une bonne nuit de sommeil et elle pourrait toujours revenir le lendemain. Elle décida donc, au bout de quelques minutes à tourner ainsi, de revenir sur ses pas. Elle irait ensuite s'engager dans la troisième direction du dernier embranchement, sans s'obstiner outre mesure. L'objectif était de trouver des traces, pas d'explorer indéfiniment tous ces couloirs vides...

Le troisième embranchement, au contraire des deux autres, s'élevait. Le sol devint aussi plus sec au bout de quelques toises. Et il y eut bientôt une odeur inédite, presque curieuse dans cet environnement glacé, comme une odeur de fleurs fraîchement ouvertes après la pluie. Il faisait cependant toujours aussi noir, toujours aussi froid, et ce nouveau couloir connut un premier carrefour assez rapidement, deux branches partant l'une vers la gauche, l'autre vert la droite, rectilignes. L'odeur baignait toutes les directions mais seul le couloir principal continuait à s'élever insensiblement.

Elle essayait de s'orienter, et tentait d'estimer si elle était déjà sous les montagnes environnantes ou si ce tunnel avait des chances d'aboutir à une sortie. Cette odeur étrange était inquiétante... ou du moins, elle aurait dû l'inquiéter. Mais elle avait beau se répéter que ce n'était pas normal, elle éprouvait moins de craintes que dans le premier tunnel, où le phénomène ressemblait à un fantôme. Il y avait pourtant, là aussi, une forme de magie. Elle lui paraissait assez semblable à son sortilège de druidisme, donc relativement inoffensive, mais peut-être se trompait-elle.
Elle choisit, à l'embranchement, de rester sur la voie principale encore un moment. Puisqu'elle s'élevait, peut-être trouverait-elle une issue

Le couloir qu'elle suivait s'interrompit soudain, débouchant sur un escalier qui descendait beaucoup plus bas. Elle manqua d'ailleurs dégringoler mais un instinct salvateur lui fit baisser la tête au moment où le sol se dérobait. Sa flamme malingre ne lui permit pas de voir jusqu'où allait l'escalier : il formait rapidement un coude, c'est tout ce qu'elle parvenait à distinguer. Les marches, usées, paraissaient sèches, mais il n'y avait ni poussière ni traces. L'odeur fleurie était peut-être plus forte, mais c'était difficile à dire.

Astrée songea que la labyrinthe souterrain n'avait rien à envier au labyrinthe à la surface...
Elle regarda l'escalier, hésitante. Elle ne souhaitait pas particulièrement descendre, mais peut-être les disparus étaient-ils passés par un tout autre itinéraire, par exemple en empruntant un étage inférieur. Elle n'avait vu aucune trace jusque-là.
Elle décida donc d'aller voir jusqu'au coude. Peut-être un peu au-delà. Elle pouvait s'autoriser à descendre une bonne vingtaine de marches, l'équivalent de deux étages, pour voir si elle trouvait un pallier. Elle ne descendrait pas plus bas, pas dans l'immédiat.
Avant de s'engager dans l'escalier, elle prit quelques minutes pour sortir un crayon et un papier, et commencer à dessiner un plan sommaire des lieux.

Ce n'était pas chose aisée, dans le noir, à genoux sur la roche froide, une main faisant lumière et l'autre griffonnant sur un papier capricieux. Les aspérités de la roche transformaient son tracé et elle dut bien se rendre à l'évidence : elle ne pouvait inscrire que quelques directions générales. Les ténèbres ne permettaient pas d'appréhension globale de la disposition des lieux. Mais elle parvint, plus ou moins, à trouver une notation approximative pour mentionner les bifurcations. Elle n'avait pas compté ses pas, cependant, et les distances étaient plus qu'incertaines.
Ensuite, elle entreprit sa descente, avalée rapidement par le noir. L'escalier descendait en colimaçon jusqu'à un palier dans lequel s'ouvrait une arche. Puis il descendait plus bas encore. Sur le sol, devant l'arche, il lui sembla apercevoir quelque chose, peut-être un petit objet, peut-être un caillou... Peut-être juste une ombre. Les ténèbres et ses yeux d'humaine ne faisaient décidément pas bon ménage.

Elle décida qu'elle n'irait pas plus bas. Mais elle pouvait franchir l'arche pour aller voir ce qui se trouvait au-delà. Et commencer par ramasser ce petit caillou... ou quoi que ce soit.
Elle fit un pas dans cette direction, puis se demanda s'il pouvait y avoir des glyphes protégeant les lieux. Il lui restait relativement peu de sortilèges à utiliser, cinq au maximum. Devait-elle les gaspiller pour détecter la magie à chaque passage qui l'inquiétait, ou les économiser pour le cas où elle soit blessée ou doive se défendre ? Elle songea qu'elle aurait peut-être dû l'utiliser lorsqu'elle avait ces étranges sensations...
L'endroit ne paraissait pas particulièrement inquiétant. Elle observa attentivement ce qui l'entourait et avança lentement, prudemment, en direction de l'arche. Et de l'objet qu'elle croyait apercevoir.

L'arche n'avait rien de très différent du reste du couloir. C'était probablement une embrasure de porte, mais il n'y avait plus de porte pour la fermer. Juste à droite, on avait gravé quelques traits rectilignes, placés assez hauts, et un peu plus bas, on retrouvait une rune alambiquée, sans doute plus ancienne. Mais ce genre de marques se trouvait absolument partout dans les corridors obscurs. Astrée dut se pencher pour ramasser l'objet tombé sur le sol. C'était un morceau de fusain, d'environ un pouce de long, dont une des extrémités était brisée net, et l'autre usée d'avoir été utilisée. Vu la couleur des murs, il était peu probable qu'il ait pu servir à marquer la pierre...
De l'autre côté de l'arche, comme de coutume, on ne voyait rien. Il fallait la franchir et explorer pour en découvrir davantage.

Astrée ramassa l'objet, intriguée, en se demandant s'il avait pu appartenir à l'un des archéologues... Ou à Kalju, peut-être, qui l'aurait utilisé pour tracer un plan des lieux ? Quoiqu'il en soit, il venait probablement de la surface, et ne devait pas être là depuis très longtemps. Bien sûr, elle avait conscience que ce n'étaient que des suppositions et qu'elle pouvait se tromper. Le plus probable, lui semblait-il, était qu'un archéologue l'ait perdu plusieurs veilles plus tôt, en explorant les lieux. Elle aurait certainement vu des traces de sang si les disparus avaient été emmenés par là... Mais elle devait franchir l'arche et aller voir un peu plus loin, au cas où le morceau de fusain ait été perdu par Kalju.
Elle s'avança donc sous l'arche, prudemment, à l’affût de toute sensation inhabituelle.

Elle franchit donc l'arche et déboucha dans une pièce ronde. Il était difficile d'en déterminer la taille : les ténèbres paraissaient plus denses, comme si la flamme magique ne parvenait pas parfaitement à lutter contre la nuit souterraine. Astrée repéra aisément les inscriptions sur les murs, runes et traits, semblables à tout ce qu'elle avait vu jusque là. Le sol de la pièce s'incurvait légèrement vers le centre et la jeune femme devina une tache plus sombre, peut-être un trou. L'odeur de fleurs s'intensifia, comme portée par un petit vent venant des profondeurs.

HRP : et un D20 !

HRP : 12

Elle observa les murs près d'elle, puis s'approcha prudemment de la tâche centrale, surveillant le sol où elle posait les pieds. Elle se demandait si l'odeur venait de ce trou -ou de ce qui y ressemblait. Ou peut-être d'une autre issue à la pièce ?
Elle ne parvenait pas à imaginer une cause à cette odeur. Il n'y avait pas d'herbe, pas de verdure, dans les souterrains. Cela n'avait pas de sens... Il y avait fatalement une magie à l'oeuvre.

La tache était bel et bien un trou, d'un diamètre de plus d'une toise, parfaitement taillé dans la roche. Mais il était impossible de connaître sa profondeur sans se pencher au-dessus. Le sol avait l'air solide et sec, ne présentant aucun risque d'effondrement. Et Astrée avait envie de savoir ce qui se trouvait dans le fond. Férocement envie. D'autant que, lorsqu'elle détournait sa lumière pour regarder vers le mur, par exemple, il y avait comme un éclat diffus, le signe que, peut-être, il y avait une source de lumière dans le fond.

HRP : un autre d20

HRP : 13

Elle avait envie de avoir ce qui se trouvait au fond du puits, mais aucune envie d'y tomber. Et les phénomènes étaient suffisamment étranges en ces lieux pour qu'elle se méfie de ses perceptions. Le trou pouvait-il être dangereux ? L'attirer dans le vide ?
Mais elle voulait voir, pourtant.
Elle décida de s'asseoir sur les talons, juste au bord du vide, ayant davantage confiance en ses capacités à garder l'équilibre dans cette position. Ensuite, seulement, elle se pencha en avant, les mains posées sur le sol.

Elle s'approcha donc et se pencha. Oui, il y avait une lueur là en bas. Ténue. Vacillante comme la flamme d'une bougie. Mais une lueur tout de même, un peu orangée. Qui oscilla à nouveau. De l'eau. C'était le reflet d'une lumière sur l'eau. Difficile d'estimer la profondeur... moins d'une dizaine de toises. Si elle sautait, sa chute serait certainement amortie.

Astrée gardait son regard fixé sur le reflet, intriguée. Elle déplaça la flamme quelle tenait pour être sûre qu'il ne s'agissait pas de son reflet. Elle essaya d'estimer la profondeur. Sauter et se casser une jambe serait idiot. Et puis, pourquoi sauter ? Qu'est-ce qui lui indiquait que Kalju avait pu passer par là ? Ou tomber peut-être...
Elle hésitait. Même si Kalju était passé ici, ce qui restait purement hypothétique, il avait pu faire le tour du puits et repartir par une autre issue. Il faudrait, dans tous les cas, qu'elle vérifie avant de se décider.
Mais ce puis l'intriguait... de façon excessive, presque inquiétante. Elle commença par fouiller dans sa sacoche à la recherche d'un petit objet qu'elle pourrait lancer pour estimer la profondeur. Une pièce de cuivre, par exemple. Ensuite, elle soufflerait sa flamme pour être certaine que le reflet venait d'ailleurs.

La pièce de cuivre tomba. Peut-être quatre toises. Pas beaucoup plus. Elle disparut ensuite à la surface de l'eau et Astrée n'eut aucun moyen de savoir combien de temps il lui fallut pour toucher le fond. Ensuite elle souffla sa lumière. Il restait bien une lueur dans le fond, ténue, ondoyante. Il devait y avoir une source quelque part, hors de vue.
Elle était concentrée sur le trou mais il lui sembla percevoir quelque chose derrière elle. Un mouvement ou un souffle. Mais elle n'y voyait, bien sûr, plus rien du tout. C'était la nuit obscure, totale, dans la petite pièce ronde, et ce n'était pas une vague lueur, au fond d'un trou profond, qui allait tromper les ténèbres.

HRP : allez, un dernier d20

HRP : 4

Elle sentit ses poils se hérisser sur ses bras.
" Y'a quelqu'un ?" marmonna-t-elle à voix basse, anxieuse.
Elle écouta attentivement, sans guère espérer de réponse, avant de rallumer une nouvelle flamme d'une brève incantation.
Si elle n'obtenait pas de réponse d'aucune sorte -et elle n'en obtiendrait certainement pas-, elle était décidée à faire le tour de la pièce ronde, à la recherche de traces quelconques, avant de prendre la moindre décision.

HRP : Aaaaaaah !

Astrée n'eut pas le temps de rallumer sa flamme. Comme elle levait les mains pour incanter, elle perçut un nouveau mouvement derrière elle et un choc brutal, très sec, la heurta entre les épaules. Avant qu'elle ait pu esquisser le moindre geste — mais elle n'en eut même pas l'idée, comme si son esprit se bloquait — elle bascula vers l'avant, droit dans le trou. La surface de l'eau se rapprocha à une vitesse vertigineuse, sans qu'elle puisse imaginer faire quoi que ce soit, sinon plonger.

Mais il n'y eut pas de choc glacial, juste le néant.

Et puis l'éveil. Elle n'était ni mouillée, ni blessée, autant qu'elle puisse en juger. Elle était sur le dos. Elle n'avait plus de bottes mais toujours ses vêtements — une partie seulement, pas son manteau — mais il ne faisait pas particulièrement froid. Elle percevait son corps, entier, avec en cadeau, un bon mal de tête, comme une gueule de bois. Il faisait, pour le reste, incroyablement noir.

Quelque chose bougea sur la droite. Elle entendit une respiration laborieuse. Ce n'était pas la sienne.

Elle ne comprenait rien à ce qui s'était passé. Elle était tombée... elle ne savait où. Une seule chose était claire : elle n'aurait jamais dû aller explorer ces fichus tunnels.
Mais c'était un peu tard pour les remords.

Elle écouta attentivement ce qui se passait autour d'elle, se demandant pourquoi elle n'avait plus ni bottes ni manteau. C'était totalement absurde : qui donc avait pu les lui enlever ? Peut-être était-elle en train de rêver ? Ou cauchemarder, plutôt... Mais son mal de crâne semblait bien réel.

Elle ignorait où elle se trouvait et comment en repartir. La seule chose qu'elle savait, c'était qu'il faisait noir, et qu'elle n'était pas seule. Et le moyen le plus simple d'en savoir plus était de faire de la lumière. Elle se redressa sans un bruit. Elle comptait incanter pour former une flamme au creux de ses mains, se tenant prête à l'éteindre et à rouler sur le côté en cas de danger.

Sa flamme l'éblouit et pendant une seconde, elle ne vit plus rien sinon son éclat flamboyant dans les ténèbres. Il lui fallut la cacher derrière elle pour recommencer à voir, mais même comme ça, elle avait une tache sombre dans le regard. Cela ne l'empêcha pas de pouvoir détailler les lieux. Elle était dans une petite pièce taillée à même la roche, de forme vaguement ovoïde. Il n'y avait aucun signe d'ouverture dans les murs, aucune porte, mais il semblait y avoir une trappe — close évidemment — dans le plafond, hors d'atteinte. Contre la paroi la plus éloignée se trouvait une forme humanoïde, allongée, visage vers le mur. Elle ne bougeait pas mais sa respiration permettait de deviner qu'elle était endormie.

Cela ressemblait fortement à une cellule de prison... ou peut-être au cellier d'une créature avide de chair humaine ? Elle imaginait assez bien quelque chose de ce genre.

Elle leva la tête vers la trappe, seule issue apparente. Elle pourrait se transformer en rat pour l'atteindre, mais c'était inutile tant qu'elle était fermée. Et si quelque chose ou quelqu'un l'ouvrait, il ne lui laisserait pas le temps de se transformer et de fuir...

Elle soupira. Les choses étaient décidément très mal engagées.
Elle reporta son attention sur la créature -ou la personne- allongée contre le mur. Elle se leva, lentement et silencieusement, pour s'en approcher et tenter d'identifier à qui ou à quoi elle avait affaire. Peut-être quelqu'un qui se trouvait dans la même galère qu'elle ?

La créature en question était vêtue de guenilles. Comme Astrée, elle était pieds nus. Sa respiration était profonde mais un peu sifflante et, en s'approchant, la jeune femme réalisa qu'elle dégageait une erreur pestilentielle. Plus elle s'approchait, plus elle risquait de l'éveiller, car sa flamme dessinait désormais des ombres fantasmagoriques sur les murs de pierre inégale. A ses cheveux blancs, à sa peau sombre, Astrée devina qu'il s'agissait d'un elfe noir.

Astrée blêmit et recula aussitôt de quelques pas, les battements de son coeur tambourinant à son oreille. Un elfe noir. Il y avait donc bien des elfes noirs dans les parages.

Elle dissimula davantage sa flamme dans ses mains et s'efforça de retrouver son calme. L'inconnu ne portait que des guenilles et, vu son odeur, il ne devait pas s'être lavé depuis un long moment. Ou alors il était malade. Elle songea qu'il devait être, comme elle, prisonnier de cet endroit, mais depuis bien plus longtemps -ce qui n'augurait rien de bon pour son propre avenir. Ils étaient probablement dans la même galère et il n'allait pas nécessairement s'en prendre à elle... Mais dans le doute, elle préféra ne pas l'éveiller. Tôt ou tard, il ouvrirait les yeux, et elle aviserait.

En attendant, pour passer le temps, elle comptait observer de plus près sa cellule, les murs, le sol, sans trop savoir ce qu'elle y cherchait. Mais d'abord... où était Prince ?

Prince n'était pas là et sa présence était imperceptible, aussi loin qu'elle essaie de projeter son esprit. C'est à dire pas très loin : son mal de tête, lancinant, n'aidait pas à la concentration. Tout bien réfléchi, c'était déjà un miracle qu'elle parvienne à maintenir une flamme au creux de sa paume.
La pièce, pour le reste, était pratiquement nue. On y trouvait tout au plus... quelques déjections odorantes. Il n'y avait ni eau, ni nourriture, ni rien, en fait.

Elle songea qu'elle savait se nourrir magiquement, qu'elle ne mourrait donc pas de faim. Elle pouvait aussi, après une nuit de sommeil, acquérir le pouvoir de conjurer de l'eau. Elle se demandait si elle pouvait en faire autant après avoir été inconsciente, juste maintenant... Mais il n'y avait certainement pas d'urgence. L'inconnu de la cellule était en vie, il avait dû obtenir à boire et à manger par un moyen ou un autre.
Non, le réel problème était Prince. Elle se demandait s'il avait pu s'enfuir quand elle était tombée dans le trou, s'il avait été chercher de l'aide... mais quel aide ? Dimitri ne ferait rien, malgré le qualificatif de paladin avancé par Mathieu. Et puis, comment pourrait-il la retrouver ? Elle était si incapable de ressentir sa présence qu'elle se demandait si elle n'était pas dans un autre plan.
Découragée, elle alla s'assoir contre le mur, le plus loin possible de l'elfe noir. Il ne restait plus qu'à attendre qu'il se passe quelque chose...

Mais il ne se passa rien pendant de très longues minutes, qui se muèrent sans doute en heures, sans qu'Astrée puisse en être certaine car son seul repère, c'était la respiration de l'elfe. Elle pouvait compter ses mouvements, mais ils étaient irréguliers, parfois ses inspirations étaient rauques, parfois il ronflait, à d'autres moments c'était le silence pendant un long moment avant qu'il ne reprenne son souffle dans un râle. Mais il ne s'éveilla pas. Le mal de tête que ressentait Astrée ne s'estompait pas, de son côté, il devenait même plus violent par moments, en pulsations qui lui vrillaient le crâne.

Astrée était étonné que l'elfe ne se réveille pas. D'ailleurs, elle songeait qu'il n'aurait même pas dû dormir. Ne se reposait-il pas par des transes, comme les elfes de la surface ? D'un autre côté, s'il était enfermé ici depuis longtemps, quatre heures de repos par jour devaient paraître bien trop courtes. Le temps paraissait moins long en dormant.
Mais ses maux de tête mirent peu à peu un terme à ces interrogations stériles. Elle n'arrivait pas à penser efficacement. Elle avait même dû renoncer à tenter de contacter Prince pour ne pas les aggraver, et essayait de ne pas trop s'inquiéter pour lui. Sans succès.
Elle se massa les tempes sans parvenir à soulager ses douleurs. Peut-être étaient-elles liées à cette odeur qui l'avait guidée ici ? Ou peut-être au choc... ou à un début de déshydratation... Non. Décidément, réfléchir faisait trop mal.
A tout hasard, elle tenta de recourir à la magie.
Elle incanta à voix basse, pour ne pas réveiller brutalement l'inconnu.
Astrée --> soins légers --> crâne

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Les Rocheuses du Dragon