La Couronne de Cuivre

Un exécutant un peu niais. Juste ce qu'il lui fallait en ce moment...

"Bien. Je pense que je peux vous faire confiance, dans ce cas. Une mission... disons, relativement simple, pas trop risquée, mais qui nous donnera beaucoup d'avantages par la suite."

Il se tourna à demi, paraissant plonger dans une sorte de réflexion. Il expliqua alors :

"Voyons... vous semblez apprécier les assassinats... quelqu'un, en ville, nous pose quelques soucis. Ses objectifs vont à l'encontre des nôtres, et cela me gêne beaucoup. Éliminez-le, et vous aurez ma gratitude."

Il refit face à Ben-j et plongea son regard pénétrant dans le sien.

"Acceptez-vous ?"

Ben-j devait veiller à ce que son enquête au temple de Cyric ne le fasse pas trop dévier de son objectif principal qui restait de découvrir la preuve de l'implication du temple dans l'attentat contre le monastère.

Eliminer un géneur était cependant une tâche habituelle pour le moine qui ne devrait pas lui poser trop de problèmes. Il s'agira ensuite d'influencer le grand prête afin qu'il lui confiât des tâches ayant plus à trait à "l'idéologie religieuse".

"J'accepte votre proposition mon seigneur ! Dites-moi son nom et j'frapperai."

Un sourire mauvais illumina le visage fermé du grand prêtre. Une vraie lame de rasoir, tout comme sa voix, qui laissa tomber :

"J'ignore son nom. Je connais uniquement sa fonction. Arrangez-vous pour arriver jusqu'à lui sans éveiller les soupçons. Il supervise les travaux de construction du nouveau monastère, à Melandis. Peut-être en avez-vous entendu parler ? Peu importe, vous êtes au courant, désormais. Ne tuez que lui. Je ne veux pas d'un carnage trop voyant."

Ca c'était un peu fort ! Ben-j était donc chargé de s'auto-éliminer. Il avait bien fait de prendre les devants concernant cette enquête plutôt qu'attendre qu'un assassin minable lui tranche la gorge pendant son sommeil...

Le temple de Cyric était donc à l'origine de l'attentat contre le monastère. Restait à savoir quelle preuve il allait bien pouvoir obtenir. Le mieux était encore d'aller demander conseil à son interlocuteur au gouvernement.

Ben-j prit la parole :
"Très bien mon seigneur, ça s'ra fait discrètement vous verrez. Je suis le spécialiste de l'assassinat discret."

D'une révérence grossière, Ben-j prit congé de son hôte et quitta le temple.

En provenance du monastère de Melandis.

Ben-j pénétra dans le temple. Il faisait nuit déjà. La plupart des clercs étaient partis et le calme qui régnait dans le lieu de culte constrastait avec l'animation qui commençait à gagner cette partie de la ville.

Ben-j demanda à parler au grand prêtre et attendit.

L'acolyte intercepté par Ben-j le pria sèchement d'attendre ; il ne serait pas long à venir. Le moine eut tout le loisir d'observer les derniers préparatifs en vue du dernier office de la journée. Les cyrinishades n'avaient, comme la plupart des prêtres, du reste, pas d'horaire vraiment fixes quant aux prières. Ils variaient d'une cité à l'autre, et, à Melandis, les cyrinishades semblaient apprécier de se coucher relativement tard. La cité du Chaos était nocturne. Cela s'expliquait notamment par sa taille, mais aussi sa composition démographique hétéroclite. N'importe qui pouvait trouver de n'importe quoi n'importe où... et à n'importe quel moment. Facile de s'imaginer, dès lors, que les gens assistaient de loin en loin aux offices, à moins d'être dévots.

Peu de personnes se trouvaient donc sur place pour l'heure. Quelques acolytes disposaient les quelques éléments sacrés nécessaires au rituel vespéral, tandis qu'un prêtre semblait examiner en profondeur les textes qu'il devait lire ; ne pouvait-il pas les apprendre par cœur ? N'était-ce point la foi qui guidait les religieux ?

Vaguement perdu dans ses pensées courantes, Ben-j ne vit pas arriver le grand prêtre, qui manqua de peu le faire sursauter en l'appelant :

"Déjà de retour ? J'espère que c'est pour m'annoncer une bonne nouvelle..."

Il entraîna le moine quelque peu à l'écart, afin de pouvoir discuter tranquillement de l'affaire en cours.

Ben-j suivit le grand prêtre à l'écart, dans une petite pièce discrète et vide, uniquement meublée d'une table rectangulaire.
Le moine se remit rapidement dans son rôle et apostropha le cyrinishade :
"Ca y est mon seigneur, j'l'ai fait. Ca a pas été trop difficile à vrai dire. Le monastère n'était pas surveillé et le maitre des lieux dormait dans ses quartiers."

Afin d'étayer ses propos, Ben-j sortit alors son propre katana de sa jambe de pantalon et le posa sur la table.

"Voyez seigneur, j'vous apporte comme preuve de mon acte, son armevqu'il garde toujours avec lui. Il y a son nom gravé dessus."

Le moine sortit légèrement l'épée de son fourreau. Sur la base de la lame, était effectivement calligraphié son nom dans le plus pur style artistique de Kara-Tur.

Le prêtre hocha lentement la tête puis examina succinctement la lame exhibée par Ben-j ; de bonne facture, elle semblait redoutable. Il l'aurait bien conservée pour lui-même, mais il estimait qu'une récompense devait être offerte à cet assassin visiblement talentueux.

"Bien. Bravo. J'enverrai quelqu'un m'assurer que vos dires sont exacts... d'ici là, je vous laisse le champ libre. J'ai cru comprendre que vous désiriez servir Cyric... c'est chose faite. Mais si vous souhaitez devenir prêtre... le chemin est long. Cela dit, vous pourriez être très utile en tant qu'assassin, disons... régulier."

Il toisa Ben-j, attendant une réaction de sa part.

Ben-j réfléchit rapidement aux options qu'il avait en main. Dans tous les cas, s'il devait trouver un élément compromettant, mettant en évidence la culpabilité de Cyric dans l'attentat contre le monastère, il valait mieux avoir ses entrées au temple !

Ben-j répondit au grand prêtre en ces termes :
"J'vous remercie maître, en fait j'attendais que vous m'proposiez ça... Pour être assassin bien sûr, pas prêtre, haha, j'y connais rien ! Je serais ravi d'être au service spécial de Cyric, spécialité couteau dans le dos, et me mettre à la disposition du temple, voir même... A l'intérieur du temple... Si vous voyez ce que je veux dire..."

Derrière ces propos pour le moins nébuleux, Ben-j espérait qu'il ne lui faille pas exterminer tout Melandis avant de trouver la preuve qu'il cherchait.

Le grand prêtre arborait un rictus pour le moins inquiétant, mais répondit d'un ton peu ou prou égal :

"Pour l'instant, je n'ai pas d'autre... associé à vous faire éliminer. Mais en dehors du temple, les, disons, contrats ne manqueront pas, soyez-en assuré. Pour l'heure, je peux vous allouer la cellule de notre défunt Freg, dans un premier temps. Ensuite, vous logerez par vos propres moyens. Allez, maintenant. J'ai du travail. Mêlez-vous aux acolytes, je suis certain qu'ils vous trouveront à leur goût."

Il congédia Ben-j d'un geste un peu théâtral, puis se replongea dans l'examen minutieux des innombrables paperasses encombrant son bureau en chêne, noirci par le patin des âges.

"Très bien mon seigneur, j'vous remercie mon seigneur..."

Ben-j prit congé de son hôte et, selon les indications qui venait de lui être données, alla s'installer dans la cellule de Freg. Celle-ci était petite et dénuée de tout confort.
L'ensemble était aménagé et décoré avec soin. Vraisemblablement, les Cyrinishades n'avaient pas eu le temps d'y débarrasser les affaires du défunt apprenti. Sur la petite table ronde qui trônait au milieu de la pièce, un certain nombre d'artefacts religieux étaient disposés. La fragile étagère acollée au mur était remplie de bibelots en tout genre. Le lit qui lui faisait face était méticuleusement fait, ce qui constrastait avec l'aspect désordonné qui caractérisait généralement les adeptes de Cyric. Cet ordre qui regnait expliquait fatalement pourquoi Freg n'était pas destiné à faire long feu au sein du temple.
Au fond de la salle se trouvait une grande malle remplie de vêtements. Vraisemblablement Freg n'était descendu du bateau que récemment. Ben-j y récupéra deux parchemins de soin de blessures graves et un parchemin de protection contre le poison.

Le moine s'assit sur le lit et réfléchit un instant. S'il devait trouver une preuve de la culpabilité du temple de Cyric dans l'attentat contre le monastère, il allait devoir s'immiscer dans l'office du grand prêtre à la faveur de la nuit.

Pour le moment, il décida d'aller faire un tour dans le temple. Au détour d'un couloir, il aperçut le clerc qui l'avait introduit auprès du grand prêtre. Il l'apostropha :
"Hé, bonsoir ici ! Comment allez-vous ? Comme vous voyez je suis des votres maintenant ! Le grand prêtre m'a donné la cellule de Freg. J'l'ai à la bonne je crois. C'est un homme dur mais qui sait reconnaître les gens à leur juste valeur. Un peu lunatique parfois. D'ailleurs je me demandais... C'est lui tout seul qui prend les décisions ou vous décidez de concert ? C'est pas pareil si c'est un homme qui est responsable de tout ou si c'est plusieurs. D'ailleurs, j'me posais aussi une questions à propos de l'activité du temple. Ca vous arrive parfois de recevoir des messages commandités de l'extérieur ?"

Le prêtre, d'humeur assez peu loquace, fit cependant un effort pour féliciter Ben-j de son entrée au sein du temple.

"Bien, bien. Bravo. J'espère que vous servirez Cyric comme il se doit. Mais, cela passe... disons, par un brin de discrétion. Les affaires de gestion du temple ne regardent que le grand prêtre ; je ne suis pas dans ses petits papiers. En général, les affaires extérieures le restent... le cas dont vous avez dû vous occuper était relatif à notre culte. Ailleurs... c'est l'apanage de Zaefal, j'imagine."

Il regardait le moine avec un air suspicieux.

"Peut-être souhaitez-vous vous charger du rangement de l'autel ? Je pense qu'un peu d'activité vous empêchera de réfléchir trop à cela."

Ben-j comprit qu'il fallait savoir rester discret dans son enquête. Le complot étant l'un des domaines de prédilection du dieu Cyric, il était évident que ses adeptes n'étaient pas du genre à se livrer à coeur ouvert !

"S'cusez-moi mon seigneur, effectivement j'cogite trop. C't'avec plaisir que je me chargerait du rangement de l'autel..."

Le prêtre l'emmena auprès de l'autel, lui donna quelques indications à suivre et le laissa. Ben-j se mit à la tâche non sans examiner consciencieusement tous les documents écrits qui lui passaient par les mains...

Rien de probant ne lui passa sous les doigts. Des écrits religieux, pour la plupart, et un genre de pense-bête pour les prêtres, comme notamment se rappeler de houspiller un acolyte pour se charger de la corvée plutôt que s'en acquitter eux-mêmes...

Le moine jugeait la valeur d'une statuette dorée et incrustée de quelques pierres précieuses d'un éclat particulièrement attirant, lorsqu'il se rappela qu'il était dans le temple d'une des divinités les plus cruelles des Royaumes ; peut-être devait-il rester méfiant vis-à-vis des prêtres. Après tout, les acolytes s'assassinaient facilement, d'après ce qu'il avait pu en voir.

Regardant autour de lui, il constata cependant que personne ne faisait attention à lui. Il avait terminé de ranger les accessoires destinés à l'office du soir, et il pouvait flâner dans les murs du temple à sa guise, ou presque.

Devant lui, le couloir principal menait droit vers la gigantesque porte d'entrée en bois massif. Un tapis rouge sombre était posé sur les carrelages froids et patinés par les innombrables passages des fidèles. De part et d'autres, des chaises en bois pouvaient accueillir environ deux cents cyrinishades et leur permettre de se recueillir dans le calme environnant. Ben-j constata qu'aucun bruit ne se faisait entendre, ce qui s'expliquait par l'heure avancée de la soirée.

Sur les côtés, donc, les portes des cellules des prêtres se succédaient. Et personne en vue...

Le temple était effectivement totalement silencieux. La plupart des membres du clergé avaient dû regagner leur cellule. Ben-j les passa rapidement toutes en revue en faisant le tour du temple. Impossible, derrière la porte, de faire la différence entre celles qui étaient vides et celles qui ne l'étaient pas.

Ben-j retourna dans la cellule de Freg afin de remettre ses idées au clair. Au bout d'une 1/2 heure, il sortit de nouveau et constata que rien n'avait changé. Il se rendit au centre du temple; celui-ci était toujours aussi désert et, à la faveur de la nuit, s'était assombri.

Le moine se faufila discrètement en direction de la pièce dans laquelle il avait rencontré le grand prêtre, supposant que celle-ci était son bureau.
Elle était fermée. Impossible de savoir si le Cyrinishade s'y trouvait encore. Il aposa son oreille contre la porte mais n'y décela aucun bruit suspect.

Ben-j toqua trois coups contre la porte puis alla rapidement se cacher derrière un pillier.

Ben-j --> furtif

La porte ne cilla pas d'un pouce. La cellule semblait vide. Au bout de 30 secondes, Ben-j retourna à ses côtés. Il agrippa la poignée et la tourna doucement. Etonnamment, la porte n'était pas fermée à clef; le moine pénétra dans la petit salle et ferma derrière lui.

La pièce était obscure mais une lumière sombre en provenance de la rue perçait par la fenêtre et éclairait le bureau qui trônait majestueusement au centre. Celui-ci appelait irrésistiblement le moine comme s'il venait enfin de trouver le butin caché au dernier niveau d'un dangereux donjon.

Ben-j s'approcha du bureau et se mit à feuilleter les documents qui jonchaient le plan de travail et emplissaient les tiroirs...

Fort heureusement, la pièce était inoccupée lorsque Ben-j y pénétra. Le grand prêtre devait officier quelque part, ou siéger à une quelconque réunion barbante que seuls les chefs pouvaient apprécier à leur juste valeur, soit à peu près proche de zéro. Le moine pouvait donc s'atteler à la tâche sans être gêné, pour l'instant du moins. Il tomba sur des piles de papiers sans trop d'importance, de prime abord. Évidemment, rien ne l'assurait, et il aurait pu passer des heures à tout lire... mais il ne risquait pas de trouver en gros caractères des notes bien claires concernant les intentions précises du grand prêtre cyrinishade... il doutait même de trouver quoi que ce soit de compromettant, même un tout petit peu... une facture de gaz impayée, un recueil de blagues de Fossy-le-Grand, un ouvrage sur les mystères du sexe à Kara-Tur (mystérieusement intitulé Karma Soutane, d'après la légende)... mais qui ne tentait rien navet rien, comme le disait encore Jan Jansen pas plus tard que la veille.

Quelques minutes après le début de ses investigations, le moine tomba cependant sur un livre vierge de tout titre. Il l'ouvrit sans tarder, et tomba sur une série de notes, datées avec précision, et expliquant les allées et venues du grand prêtre. Telle rumeur y était consignée, tel incident... chaque chose pouvant éventuellement être ressorti au moment opportun, supputa Ben-j. Les dates étaient rapprochées, et il y avait fréquemment plusieurs notes par jour. Jusqu'à la fin du mois précédent, où une coupure notable de neuf jours se faisait remarquer, pour reprendre ensuite de la même manière. C'était, pour l'heure, la seule chose que le moine trouva dans le bureau. Il pouvait tout aussi bien emporter le livre avec lui et l'éplucher plus en sécurité, ou le laisser là afin d'éviter d'éveiller les soupçons... le livre semblait être utilisé régulièrement.

Même si rien n'assurait l'intérêt de son contenu, le petit livre était une découverte inespérée pour le moine qui naviguait depuis quelques minutes déjà parmi les documents sans importance. Ben-j était tenté de l'emporter avec lui pour l'examiner plus en détail. Cependant, il était évident qu'il aurait du mal à le remettre à son endroit dans le cas où celui-ci ne contiendrait rien de compromettant.

Ben-j ne pouvait décemment pas l'étudier plus sur place plus longtemps. Il avait déjà bêtement perdu de précieuses minutes à feuilleter le recueil de blagues de Fossy-le-Grand qui lui rappelait les plaisanteries douteuses qui figuraient sur les emballages des bonbons au caramel qu'il suçait, enfant, à Eauprofonde.

Dans un élan d'audace, le moine décida d'emporter avec lui le livre pour l'étudier plus en profondeur dans la cellule de Freg. Il ouvrit doucement la porte du bureau et s'assura que personne n'errait dans les couloirs. Il se cacha de nouveau dans les ombres, referma la porte derrière lui et trottina tel un chat en direction de sa chambre. Lorsqu'il ferma la lourde de celle-ci, et qu'il fut enfin sain et sauf, il poussa un petit soupir de soulagement.

Benj alluma la lanterne qui pendait au dessus de son lit à l'aide d'une allumette, et se mit à lire le petit ouvrage...

Les notes étaient nombreuses, comme il l'avait remarqué lors de sa rapide lecture dans la chambre du grand prêtre. Les plus anciennes remontaient à quatre ans auparavant, lorsque le prêtre prit ses fonctions au plus haut rang du culte mélandien. Les indications étaient sans grand intérêt, hormis quelques réflexions personnelles quant au fonctionnement interne du temple. Il parlait notamment de "purger" quelque peu la hiérarchie. Ce devait être monnaie courante chez les cyrinishades, estima le moine.

Plus loin, il tomba sur des notes concernant la cité elle-même. Les rencontres qu'il avait effectuées, les ragots qu'il avait entendu de ci, de là... rien de bien compromettant, ni pour les cibles, ni pour le prêtre lui-même. Il mentionna bien une certaine satisfaction lorsqu'il apprit, comme le restant de la ville, que le chancelier nouvellement promu avait péri lors d'une tentative d'assassinat sur sa personne, mais, quelques jours plus tard, déversait sa déception et sa rage après qu'il eut vent de la survie du chancelier, et sa prise définitive de pouvoir... un élément peut-être crucial, jugea Ben-j.

Et enfin, il arriva sur le saut d'une semaine, dans le journal. Avant, le prêtre parlait du comportement étrange de l'un de ses subalternes, et estimait qu'il devrait sans doute s'en débarrasser au plus tôt... puis plus rien, pour reprendre sept jours plus tard en parlant de tout autre chose ; la liste des corvées à effectuer pour certains acolytes, la décoration de sa chambre à refaire - comme s'il en avait une, de décoration ! et une liste d'acolytes, toujours, à éliminer, sans raison invoquée. Étrange virement, également, dans le style grammatical du prêtre, qui avait une verve bien plus emphatique dans ses débuts, pour se muer en une syntaxe plus primaire ces derniers jours...

Ben-j ne savait trop comment expliquer ce changement soudain de prose dans la rédaction du carnet. C'était comme si les dernières notes avaient été prises en charge par un autre auteur.
Il n'y avait pas grand chose d'extrêmement compromettant dans ce petit bouquin, cependant Ben-j estima qu'il pouvait être judicieux de le conserver afin de s'en servir éventuellement comme monnaie de chantage. Pas question toutefois de le conserver dans sa cellule, il valait mieux le cacher dans un lieu sûr. Ben-j décida donc d'effectuer une sortie.

Il ouvrit la porte de sa cellule. Le temple était toujours aussi calme. Personne à gauche, personne à droite. Le moine sortit et eut recours une nouvelle fois à la technique d'invisibilité apprise dans le monastère de Menh Hill.

Ben-j --> Se cacher dans l'ombre

Il se dirigea habilement vers l'entrée du temple et sortit sans se faire remarquer des deux gardes de faction. La nuit était fraiche et l'air humide. Il n'allait vraisemblablement pas tarder à pleuvoir. Ben-j se hâta en direction du monastère, pénétra dans ses appartements, cacha le petit carnet sous sa paillasse et retourna aussitôt au temple de Cyric.

Il franchit le seuil du lieu de culte de nouveau au nez et à la barbe des deux sentinelles qui, avachies sur leurs hallebardes, ne semblaient pas faire preuve de beaucoup de zèle dans l'exercice de leur fonction. Ben-j retourna dans sa cellule et se coucha impatient de savoir ce que l'aube allait lui réserver comme surprise...

Il fut réveillé en sursaut par un fracas épouvantable. Le temps de se rendre compte qu'il ne rêvait pas d'une bataille monumentale, mais bien que sa porte venait d'être anéantie par quelque chose de puissant, et il se redressait sur sa paillasse en écarquillant des yeux. Un cri sifflant lui vrilla les tympans :

"Ssstupide primate ! Rends-moi cccce livre !"

La chose s'avança dans la cellule. Grise de peau, elle avait de longs membres difformes et terminées par des pieds et des mains griffues, et semblait vouloir s'en servir allègrement pour étriper le moine. Le doppleganger lança un sortilège :

Doppleganger ---> grande hâte ---> doppleganger

La créature, qui paraissait quelque peu lente malgré une force impressionnante, se mouvait désormais bien plus rapidement. Elle se jeta littéralement sur Ben-j et se mit à fendre l'air, cherchant à le blesser au visage.

Ben-j eu à peine le temps de comprendre ce qu'il se passait qu'il se prit une violente baffe dans la figure qui l'éjecta à l'autre bout de la chambre.

Le moine se releva péniblement et évita de justesse un nouveau coup du doppleganger qui avait fondu sur lui. En guise de réponse, il envoya un puissant chassé dans l'estomac du métamorphe qui alla percuter le coffre de Freg.

Le combat s'annonçait rude, pensa le moine, dont l'oeil tuméfié commençait à lui brouiller la vue...

La créature avait accueilli le coup avec un bruit mou, et ne semblait pas avoir souffert outre mesure. Elle se releva promptement et attaquait déjà le moine, fouettant l'air frénétiquement de ses mains et de ses pieds. Le doppleganger atteint le tibia droit de Ben-j, mais sans lui causer véritablement de dégâts. Il saisit en revanche les cheveux de son adeversaire et tira dessus avec une force surprenante. De l'autre main, il se mit à enserrer la gorge du moine...

Le doppleganger soulevait le moine sans que celui-ci ne puisse résister à la traction. Il lui serrait la gorge de plus en plus fort et Ben-j commençait à perdre de sa lucidité. Lorsqu'il le tint au même niveau que lui, les yeux en face des siens, le moine eu le réflexe de lui assener un uppercut précis dans la machoire. Son adversaire lâcha prise et trébucha un peu plus loin dans un grognement de frustration.

Ben-j retomba sur ses pieds un peu patraque. Il saisit la table de Freg qui trônait au centre de la pièce et l'envoya dans le couloir par la porte. Elle alla s'exploser contre une colonne dans un vacarme assourdissant qui résonna dans tout le temple. Il espérait que le bruit fut suffisemment puissant pour réveiller la maisonnée...

Pour l'instant, si cela avait réveillé quelqu'un, il ne s'était pas encore manifesté. Avec le tapage produit par le combat, nul doute cependant qu'un prêtre vinsse à la rescousse du malheureux moine. Mais il était cependant dans de beaux draps...

La créature ne paraissait pas vouloir lâcher le morceau, et siffla entre ses dents noires :

"Tu vas crever, ssssale vermine !" Elle jeta à nouveau ses bras vers Ben-j, mais cette fois, lui attrapa les mollets et tira en arrière, ce qui eut pour effet de le faire basculer sur le dos et s'assommer à moitié contre le coffre derrière lui.

Le doppleganger serra encore la gorge du moine...

Le doppleganger souleva Ben-j en le tenant toujours par la gorge, et le plaqua contre l'étagère de Freg qui menaça de s'éffondrer. Le métamorphe serrait de plus en plus fort la gorge du moine qui sentait ses forces s'amenuiser. Incapable de lui assener un autre coup puissant, il étendit son bras le long de l'étagère et tâtonna à la recherche d'une éventuelle arme. Il sentit sous ses doigts un petit objet froid et dense. Le relief en forme de tête de mort et les nombreuses branches pointues de l'étoile qui servait de socle, lui indiqua que l'objet était une statuette représentant le symbole de Cyric.

Ben-j saisit la statuette et planta l'une des plus longues branches dans l'oeil du doppleganger...

Aussitôt, le sang brunâtre se mit à gicler de la plaie, tandis que la créature cessa de serrer la gorge du moine, étourdi par la douleur et incapable d'y voir quoi que ce soit d'autre de son œil intact qu'un bout de la statuette.

Ben-j disposait maintenant d'un gros avantage... le temps de reprendre son souffle.

Le métamorphe, étourdi, tournait sur lui même de manière désordonnée, la statuette toujours plantée dans son oeil, comme s'il avait une soudaine montée d'éthylisme due à une trop grande consommation de bière de troll.

Ben-j, agenouillé qu'il était au fond de la pièce, soulageait sa gorge de ses mains. Il se ressaisit rapidement et attrapa son katana qui était tombé au sol dans la confusion de la bagarre. Il dégaina son arme et s'approcha du doppleganger qui lui tournait le dos. D'un coup net il lui trancha la tête au niveau du cou. Celle-ci sauta comme le bouchon d'un vin mousseux du Calimshan et alla rouler quelques mètres plus loin. Le reste du corps de la créature, d'abord immobile, tomba soudainement sur ses genoux puis s'étala de tout son long.

Le moine s'écroula sur sa paillasse et profita de ce bref instant de répit...

Le moine regarda vaguement autour de lui, éreinté par un combat contre une créature bien plus forte qu'il ne se le serait imaginé, et assommé par la strangulation qu'il avait subie quelques instants plus tôt. Les sons lui paraissaient feutrés, sa vision était troublée par quelques petites taches noires qui volaient devant les yeux, mais il n'était pas blessé et son adversaire achevait de se vider de son sang bourbeux sur le carrelage de la cellule. Il s'en sortait bien, finalement.

Ce ne fut qu'au bout d'une bonne minute, lorsqu'il retrouva une respiration plus calme, qu'il entendit des coups sourds, de provenance inconnue.

Ben-j avait reprit ses esprits et commençait doucement à prêter de nouveau attention à son environnement extérieur. Apparemment le vacarme n'avait pas inquiété plus que cela les Cyrinishades qui devaient être habitué à ce genre d'évènements. A moins que, tout simplement, ils n'en avaient franchement rien à faire...

Son oreille fut attirée par un "tac tac" étouffé et régulier. Comme si quelqu'un donnait des coups sur le mur ou tout autre partie du temple permettant de créer une résonance suffisante. Le moine se décida à éclaircir ce nouveau mystère. Il sortit de sa piaule et suivit à l'oreille cet étrange battement. A mesure qu'il avançait vers le fond du temple les coups se faisaient entrendre de manière nettement plus précise...

Le moine remontait le couloir des cellules et entendait maintenant nettement les coups, qui ressemblaient furieusement à quelqu'un qui frappait contre une paroi pour attirer l'attention. Il s'arrêta devant une porte, qui était en l'occurrence celle de la cellule du grand prêtre. Il entra et tendit l'oreille. Les coups recommencèrent, et c'était en provenance de l'armoire. Mais les bruits ne ressemblaient pas à des coups portés contre du bois...

Il ouvrit la garde-robes et découvrit rapidement un double-fond qui donnait sur une paroi en plâtre visiblement scellée de façon plus ou moins obscure. Trouver le mécanisme, ou forcer la mince paroi ?

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[Bâtiment] Temple de Cyric

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