La Couronne de Cuivre

Ailyn résista contre le chat, comme si il s'agissait d'une Wyverne enragée. Elle n'aimait pas les chats, elle ne les avait jamais aimé, et ce n'était pas aujourd'hui que son amour pour eux allait se développer subitement, loin s'en faut !

Ce que ce maudit matou n'avait pas prévu, c'est qu'Ailyn avait une longue robe de sorcière. Orange, certes, mais une robe, pleine de pans de tissus, prêts à contenir n'importe quoi, y compris un chat mécontent griffant tout ce qui bougeait et même ce qui ne bougeait pas. La jeune femme coinça le félin contre l'une de ses jambes avec l'une de ses mains, rabattit la robe par dessus de l'autre et referma le tout soigneusement, enfermant le chat dans une prison de tissus.
Cela étant, il valait mieux faire vite : elle n'aurait pas aimé être surprise les jambes à l'air par l'un des magiciens de la tour, et aurait aimé (enfin !) finir de préparer ses fioles.

Se décidant finalement pour un sort de sommeil, elle incanta en tenant fermement d'une main la partie de sa robe refermée sur le chat.



HRP : Pas grave hein, c'était quand même les vacances !

Le gros chat reçut le sort de sommeil avec un couinement de protestation, avant de peser très lourdement dans la robe d'Ailyn qui n'eut plus qu'à le déposer à terre. Ouf. Enfin tranquille. Forte de ce répit, elle put terminer tranquillement sa préparation de potions. Heureusement, il ne lui restait plus grand chose à faire. Elle versa la mixture dans les fioles, boucha, étiquetta... Et s'apprêtait à repartir quand la porte s'ouvrit sur un vieux mage à barbe grise dont le premier regard fut pour la boule de poils recroquevillée sur le sol.

"Pistache, mais enfin... Qu'avez-vous fait à mon familier ?"

Il reporta alors son attention sur la sorcière, et son regard devint très suspicieux. Ailyn ne connaissait pas tous les mages de la guilde, il s'en fallait de beaucoup, mais elle soupçonna qu'elle venait de contrarier un des professeurs émérites. "Contrarier" n'est pas le mot juste. Oubliant déjà le destin de son chat, il observait la pièce, les ustensiles usagés, l'odeur de potion fraîchement concoctée... Et semblait voir en elle un ennemi mélandien ou un voleur usant clandestinement des installations de la guilde.

"Que faites-vous ici, jeune fille."

Question posée sur le ton dont il aurait pu dire "vous allez passer un très mauvais quart d'heure." D'autant qu'il lui barrait le passage.

Ailyn aurait bien poussé un juron des plus gratinés. Au lieu de quoi, une voix le hurla dans sa tête si fort que pendant quelques instants, elle eut un vertige. Elle en profita alors pour maudire le chat, encore et encore, mais là encore, dans les limbes de son esprit, et non pas à haute voix. La jeune femme tâcha de prendre un air détaché, et s'approcha, doucement, de la porte, et donc du mage.

"Votre chat s'est simplement endormi, il n'y a pas de souci à vous faire... C'est ce que font les chats la majorité de la journée, non ?"

Feignant encore et toujours le détachement le plus total, elle ajouta :

"Je dois vous laisser à présent, j'ai quelque chose à demander à Maître Zebbigus."

«*Maître Zebiggus*? Oh je vois. Vous devez être son élève. La sorcière. Attendez un instant. »

Le mage fit deux pas pour aller récupérer son précieux sac à puces, qu'il prit dans ses bras et grattouilla derrière les oreilles jusqu'à ce que ce dernier émerge de son sommeil plus-si-magique en un long bâillement interminable. Pistache, les yeux mi-clos, mit en route la boîte à ronron.

«*Je ne vous en tiendrai pas rigueur parce que vous êtes nouvelle, mais les étudiants ne sont pas autorisés à choisir n'importe quel laboratoire à leur gré, même s'ils ne sont pas fermés à clef. Celui-ci est le mien, et vous le laissez dans un désordre inadmissible. La vaisselle, s'il vous plaît.*»

Ailyn savait qu'il lui restait un peu de temps avant de rejoindre les deux paladins. Par ailleurs, au service du Vieux, elle avait passé un temps considérable à faire la vaisselle, et avait appris à la faire à la vitesse de l'éclair... Enfin lorsqu'elle ne ronchonnait pas pour la faire...

"Mais bien sûr, je m'en occupe immédiatement !" s'exclama-t-elle avec un enthousiasme à moitié feint. Oui, car si s'atteler à la vaisselle pouvait le faire partir, elle serait ravie de s'y mettre immédiatement.

La jeune femme retroussa ses manches et s'avança d'un pas décidé vers le plan de travail.

Leurs pas résonnaient dans le hall d'accueil pour le moment désert en ce début d'après-midi par temps de guerre. Si Amélie regardait de tous ses yeux autour d'elle, les deux autres étaient plus circonspectes voir vaguement inquiètes.

"Haut les cœurs, chuchota Meridith, au pire, ils nous disent non. Je ne pense pas qu'ils tirent des boules de feu à vue."

Le lieu n'était pas sujet à l'austérité manostienne mais semblait avoir son apparence à part, bien à lui. On sentait indéniablement des courants d'énergies magique traverser ça et là, qu'on soit ou non profane. Ce qui était assez déstabilisant, cela allait de soi.

Un comptoir de pierre s'étendait devant elle. C'était le lieu où les visiteurs pouvaient poser leurs questions ou exposer leurs desiderata à leur guise mais surtout la limite tacite et infranchissable pour les non initiés. Il n'y avait à première vue personne.

"Pas de chance ...", murmura Angèle.

Elle fut interrompue par une sorte de monstre tombant du plafond ou peut-être de la tapisserie murale adjacente directement sur le comptoir. Roux, très poilu. De grands bras et de grandes jambes. Un visage simiesque. Oui, c'était bien un singe. Un orang-outan pour plus de précision. Et qui portait une robe de mage. Quelques secondes plus tard, l'anthropoïde éternua et reprit sa forme initiale. Un jeune rouquin d'une trentaine d'années et aux grandes oreilles décollées.

"Dames, que puis-je pour vous ?", demanda-t-il sur un ton aimable.

La surprise passée, c'est Amélie qui s'était repris le plus vite -peut-être était-elle habituée aux mêmes facéties de par son amoureux- et qui prit le temps d'expliquer.

"Nous venons suite à l'incendie de la commanderie tyrite. Le bâtiment a été partiellement détruit.
- Un sacré brasier, répondit le jeune mage, et une vraie tragédie ...
- Nous ... Pensons que l'on s'est servi d'un ingrédient alchimique pour que la combustion soit plus rapide., compléta Angèle.
- Intéressant ..., souffla le jeune mage en fronçant les sourcils, un ingrédient alchimique ? Mais qui vous fait croire cela ?
- Il reste des résidus.", répondit Meridith.

Lorsque les trois clercs arrivèrent, le hall de laguilde était en effervescence. Des hommes en robe - des mages à n'en pas douter - faisaient cercle autour d'un jeune homme entouré de gardes. Ils parlaient avec animation. Des bribes de conversations parvinrent aux oreilles de Gaspard. La personne impliquée était un mage du cercle et avait été enlevée pour mettre au point un poison ainsi qu'un antidote. Les gardes voulaient l'emmener pour l'interroger. Et les mages ne semblaient pas de cet avis.

Il en aurait saisi plus si un rouquin ne s'était avancé vers eux et leur avait demandé d'un ton cordial.

"Que puis-je pour vous, messieurs ?"

HRP : vraiment navré pour ce retard. N’hésite pas à me relancer par MP. J’ai tendance à un peu négliger ce compte, ce qui n’est pas très convenable.

Gaspard, chemin faisant, n’avait pas manqué de regarder les lieux traversés, lieux qu’il découvrait pour la plupart. Une fois à la guilde, quand il vit cet attroupement et perçut quelques bribes de la conversation, il fit le rapprochement avec l’affaire du poison. Il fut tenté d’intervenir, le rouquin arriva avant qu’il ne se décide. Il fit les présentations, oubliant volontairement de mentionner le tyrite. Un type en vêtement civil à côté de deux hommes en armures, deux membre de la Cavalière Rouge, devenait comme insignifiant, et c’était très bien ainsi.
« Nous venons parler à un dénommé Kieran. L’affaire est d’importance », ajouta ensuite le colosse, avec son ton militaire coutumier.
Il n’avait personnellement pas d’apriori négatif sur les mages. A vrai dire, il préférait les mages à certains paladins. Et la magie profane était une arme à l’indiscutable efficacité. La négliger serait une erreur.

Hrp : pas grave. En général, je réponds à peu près dans les deux jours qui suivent. Mais je te relancerai, si tu veux.

Il y eut quelques instants de flou durant lesquels on eut l'air de se demander ce que pouvait venir faire le colosse dont le gabarit n'avait rien à voir avec celui d'un mage traditionnel. On échangea quelques airs méfiants, quelques mots furent échangés à voix basse. Finalement, le rouquin se redressa sur son siège avant de se décider de se lever pour être à la hauteur de Gaspard avant de répondre.

"Je suis Kieran. Que puis-je pour vous ? Cela a-t-il un rapport avec cette affaire d'empoisonnements ? Parce que vous arrivez un peu tard ..."

Le ton de Gaspard eut l'air de porter car le jeune homme se détendit quelque peu.

"Alors nous serons plus à l'aise pour parler dans mon laboratoire. Personne ne vient jamais ici. Si vous voulez bien me suivre."

Il les conduisit à travers un vaste hall et leur fit grimper plusieurs escaliers en colimaçon. Ils surplombèrent alors plusieurs salles dans lesquelles ils purent voir de jeunes gens s'envoyer et se renvoyer des sorts sous l'oeil vigilant de leurs professeurs. Ils aperçurent également de nombreuses bibliothèques croulant sous d'épais volumes. Kieran monta encore et ils se retrouvèrent au sommet de la tour. Là, il sortit une clé dissimulée dans la doublure de ses vêtements. De tours de serrure plus tard, il s'effaça pour les laisser entrer.

La pièce, ronde comme la tour était couverte d'alambics de toutes sortes ainsi que des grimoires posés à même le sol. Il leur fit signe de s'asseoir sur deux fauteuils quelques peu encombrés avant de leur demander.

"Que puis-je donc pour vous ?"

Le mage ne remarqua en rien sa nervosité bien cachée derrière le professionnalisme de Gaspard et sa prestance martiale.

"Effectivement. J'ai relevé plusieurs composants dont l'un d'eux est extrêmement troublant ... Mais pouvez-vous me rappeler qui vous envoie ?"

Il se tourna vers Dimitri.

"Je vous connais il me semble.
- Je suis envoyé par Sambre D'Estaing et ces hommes ...
- Sont de la Cavalière Rouge."

Kieran s'interrompit le temps de leur montrer un alambic dans lequel un liquide verdâtre était en train de décanter.

"Au début, je ne l'ai pas repéré tout de suite. Il y a bien sûr le produit inflammable apparenté au feu grégeois et un amplificateur. Le reste m'a posé problème pour la bonne et simple raison que l'on n'en trouve pas ici. J'ai cherché longtemps avant de m'apercevoir que c'est du sable pour stabiliser le mélange pour qu'il n'explose pas à tout va. Mais ce n'est pas n'importe quel sable : c'est celui que l'on trouve dans le désert autour de Mélandis."

Le mage secoua la tête.

"Du sable, vous en trouvez n'importe où. Mais en général, on utilise le composé alchimique qu'on a sous la main. Il y a énormément de sable à Mélandis. S'ils avaient été à Manost quand ils ont mis au point cette matière inflammable, ils auraient employé du sable manostien ... Ce qui me fait dire qu'ils viennent de là-bas. Pour nous, ce n'est pas bon du tout. D'autant que je pense que celui qui a fait ça est un mage féru d'alchimie. Et ils ne courent pas vraiment les rues à Manost."

« Vraiment ? Ils ne courent pas les rues ? Serait-il possible que vous me fournissiez leurs noms ? »
Si la liste n’était effectivement pas trop longue, il était possible de mener une petite enquête sur chacun de ces suspects potentiels. Avec un peu de chance, ils trouveraient ainsi le coupable. La Cavalière Rouge, avec toutes les relations qu’elle s’était déjà tissée, devait avoir les moyens de mener ces enquêtes. Pour autant, le prêtre savait que cette méthode pouvait ne rien donner. La ville était troublée, dissimuler des activités dans un tel contexte n’était pas impossible.

Kieran répondit presque aussitôt.

"Ils sont quatre : Marcus Severus qui est mage et vient souvent ici, Mattheo Granseigne qui tient une boutique dans la rue des chapeliers, Lucas Aristotelis le beau frère de ce dernier qui travaille avec lui et Janus D'orval qui est prêtre d'Oghma. Si vous voulez, je peux vous indiquer où ils habitent."

« Je veux bien. »
Ils n’étaient que quatre ? Si les informations de ce mage était fiable, il allait être possible d’enquêter. Bien sûr, Gaspard et Lothar allaient déléguer cette tâche à des gens plus compétant qu’eux en la matière. Il fallait juste espérer que le contexte actuel ne compliquerait pas la chose.
« Serait-il également possible que vous nous fassiez savoir si quelqu’un d’autre venait à vous demander les mêmes informations ? »

Kieran hocha pensivement la tête.

"Je le ferai, soyez en certain. Marcus Severus partage sa vie entre la tour et une habitation à quelques heures de Manost. Les deux suivants habitent au dessus de leur boutique dans la rue des chapeliers. Quant au troisième, il réside dans le quartier à proximité des temples. Faites attention à lui, il a un caractère ombrageux surtout quand on le dérange dans ses recherches."

« Voilà qui devrait nous suffire. »
Gaspard se tourna vers Lothar. Il interrogea aussi le Tyrithe du regard :
« Vous n’avez rien à demander ? »
Si c’était le cas, ils alleint se retirer. Le prêtre estimait la visite fructueuse puisque la piste se poursuivait. La prochaine étape, c’était l’enquête. Il ignorait combien de temps elle allait prendre. Ce qui était certain, c’était que lui, allait sous peu devoir assister aux cérémonies.

Dimitri secoua la tête.

"Non, plus rien. Je connais la boutique des deux alchimistes si cela vous intéresse. Du moins, je passe devant tous les jours. Si vous le voulez, je peux vous conduire là-bas."

Kieran, voyant qu'ils étaient sur le départ se leva avant de les saluer d'un signe de tête.

"N'hésitez pas à revenir si vous avez des questions à me poser."

Lothar qui n'avait rien dit jusque là pinça les lèvres.

"Le problème est que je n'ai pas vraiment d'autres personnes à mettre sur le coup. Quelques contacts peut-être à qui il faudra graisser la patte et faire comprendre qu'ils ont tout intérêt à travailler pour nous plutôt que pour le Haut Prélat ... Mais tu dis vrai. Pour le moment, nous avons la cérémonie du souvenir à préparer."

Il se tourna vers Dimitri.

"Nous n'avons plus besoin de votre aide pour l'instant. Mais nous savons où vous trouver."

Le jeune homme s'inclina légèrement avant de s'en aller, laissant les deux prêtres seuls et libres de discuter comme ils l'entendaient."

« Pas vraiment d’autres personnes ? reprit Gaspard, une fois Dimitri parti. Mettons à contribution certains des espions militaires. Il serait dommage que nous n’utilisions pas le contrôle acquis sur une bonne partie de l’armée Manostienne. Une fois que ceux-ci nous aurons livrés un rapport sur chacun de nos suspect, je veux bien m’en charger. »
Le prêtre tenait à avoir toutes les informations en main avant de se déplacer. Cela l’aiderait. De plus, si les espions pouvaient se charger de se travail de renseignement alors que lui s’occupait des cérémonies, il y aurait gain de temps, gain d’efficacité.

Lothar hocha la tête.

"Alors, je pense avoir les personnes qu'il nous faut. Ce sont deux frères, des jumeaux ... Ils font un peu tout : diplomates, messagers, espions. Ils ne sont pas de la Cavalière Rouge mais je les ai toujours bien rémunérés donc ... Nous avons l'habitude de travailler ensembles. La preuve, nous les trouverons sûrement à notre campement."

Personne susceptible de les avoir écouté, personne non plus susceptible de les attaquer. Les préparatifs pour la cérémonie du souvenir allaient bon train et chacun vaquait à ses occupations. Gaspard put remarquer la présence de nombreux prêtes et paladins en armure dans la rue ainsi que des troupes du guet. La menace des incendiaires planait sur la ville. Quelques personnes se retournèrent sur son passage. Il faut dire qu'il ne passait pas inaperçu de par sa stature et surtout sa présence.

Accompagné de Lothar, il repassère la porte de la ville en direction de leur camp.

hrp: je mets le lien sur le post