[Temple] Le Sanctuaire de Lathandre

[Galathée]

« J’ai le droit de savoir ce qui se passe ! » s’exclama l’adolescent d’une voix cassée. « C’était mon maître ! Je dois le chercher avec vous ! C’est mon devoir, c’est mon rôle ! »
« Tybert… » murmura Garance en s’approchant de lui, une main apaisante levée devant elle.
Mais il recula d’un pas pour se mettre hors de sa portée. Son visage était strié de larmes, de colère, certainement, de chagrin, peut-être.
« Ce n’est pas juste ! Ce sont des étrangers ! Celui-ci travaille pour le Fort ! Que savons-nous de leurs réels intérêts, de leurs réelles allégeances ? Moi je dois l’aider ! »
Par l'ouverture de la baie, Kasumi vit quelques clercs qui les dévisageaient avec surprise. Pour la discrétion, c'était raté.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur comprenait la rage impuissante de l’adolescent. Pour autant, il n’avait ni l’envie ni la liberté de l’impliquer dans l’enquête. Le jeune secrétaire était plein d’entrain et sa motivation à retrouver son maître ne faisait aucun doute. Pourtant il était beaucoup trop impliqué personnellement et émotionnellement pour être d’une réelle utilité. De fait, il constituerait un danger pour les autres et pour lui-même si le rôdeur cédait.

A l’inverse, Kasumi pensait savoir que s’il ne faisait rien, le jeune homme lui créerait des difficultés. Par son esclandre, c’était déjà le cas et le rôdeur maudissait le hasard qui l’avait conduit aux jardins. L’affaire devait être menée le plus discrètement possible et l’entrée en matière était pour le moins un échec. D’une voix sévère il rappela Tybert à l’ordre :

- Vous ne lui rendriez pas service en me suivant, Tybert. Mais cela pourrait changer. Je suis peut être un étranger et je connais peu votre maître pourtant il m’a déjà fait confiance par le passé. Aidez-nous dans la mesure de vos moyens, ne jouez pas un rôle qui ne lui servira de rien. Dîtes-moi ce que vous savez mais pas ici.

[Galathée]

L’adolescent lui décocha un regard noir, mais n’ajouta rien, et battit en retraite à l’intérieur du sanctuaire, conscient qu’il venait d’être réprimandé et éconduit. Kasumi devina cependant qu’il avait affaire là à un électron libre qui pourrait se montrer imprévisible. Garance se porta jusqu’à lui et posa la main sur son bras.
« Vous ne devez pas lui en vouloir. Il se sent responsable plus que tout autre, même si c’est évidemment ridicule. » murmura-t-elle.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur fut surpris par la réaction profondément puérile du jeune homme. Il n’avait pas cherché à le vexer et encore moins le faire rentrer dans sa coquille. Le demi-elfe se dit que si le jeune homme avait eu une information à sa disposition, il ne la lui révèlerait plus de bonne grâce. Il haussa les épaules et se tourna vers Garance :

- Pourquoi pensez-vous qu’il se sente coupable ? Je ne voudrais pas qu’il ait du ressentiment à mon égard. Nous faisons notre possible pour retrouver la trace du conseiller même si nos efforts ne sont pas encore couronnés de succès.

Le rôdeur était dépité et perdu par la situation qu’il ne contrôlait pas. Son entrevue avait tourné court et il se demandait si la fatigue n’y avait pas contribué. Les rapports humains n’étaient visiblement pas non plus sa spécialité…

[Galathée]

« Ne vous inquiétez pas. Vous n’avez rien fait de mal, mais Tybert est déstabilisé… et personne ne sait vraiment comment le soutenir, puisque nous ne savons rien et… »
Elle sourit doucement et posa un doigt sur ses lèvres.
« Je ne veux rien savoir, je ne dis pas ça pour cela. Simplement… Tybert était son secrétaire, c’est à dire pratiquement son apprenti. C’était un grand honneur pour lui, d’avoir été choisi. Et il avait beaucoup d’affection pour Albérich. Il se sent perdu, seul, et il a l’impression que personne ne se soucie de ce qu’il ressent. Et que personne ne se soucie vraiment d’Albérich. Et s’il se sent responsable, c’est sans doute qu’il a l’idée stupide qu’il aurait dû l’accompagner ou le mettre en garde, comme si cela avait pu changer quelque chose… Mais c’est encore un enfant, voilà tout. Avec des images erronées du réel. »

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Les paroles de Garance sonnaient vraies et pourtant le rôdeur n’en fut pas soulagé pour autant. D’une voix hésitante, il répondit les yeux dans le vague comme pour se défendre :

- Il m’a surpris mais j’aurais du me montrer plus patient. Pourrez-vous lui transmettre mes excuses ? Je ne voulais pas paraître dédaigneux à son égard. J’ai sous-estimé la loyauté qu’Albérich suscite chez certaines personnes. Comme l'a fait remarquer Tybert, je demeure un étranger. Et d’un point de vue purement pragmatique, ce n’est pas le moment de froisser les susceptibilités d’alliés potentiels. J’aimerais qu’il vienne me parler s’il pense avoir un indice à me révéler. Je l’écouterai car il est l’une des personnes les mieux placées pour comprendre le conseiller et par la même retrouver sa trace.

Le demi-elfe était contrit, conscient que c’est ainsi qu’il aurait du parler au jeune homme plutôt que de s’emporter après lui.

- Savez-vous où se trouve Marcus ? J’aimerais m’entretenir avec lui.

[Galathée]

Garance acquiesça.
« Je passerai votre message à Tybert. Je ne doute pas qu’il vienne vous parler lorsqu’il se sera calmé. Et vous avez agi comme il le fallait : c’est un enfant qui n’a pas sa place dans les recherches que vous menez, et qui ne doit pas être mis en danger parce qu’il a une vision idéalisée de lui-même. Albérich ne le voudrait pas. »
Elle soupira doucement.
« Marcus se trouve sûrement dans le bureau du conseiller. Il y était dès l’aube. Je pense que vous connaissez le chemin. Et courage à vous. »

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur répondit avec bienveillance et un sourire retrouvé :

- Au plaisir de vous revoir dans de meilleures circonstances. Que l’aube éclaire vos jardins en ces temps troubles. Vous m’êtes d’un grand soulagement.

Kasumi s’esquiva et pénétra dans le temple à la suite de Tybert. Il se rappelait la disposition des lieux pour y avoir entraîné les soldats. A l’époque, il ne pensait pas que cela lui serait utile en ces circonstances même s’il le prévoyait. Il ne fit donc aucun détour pour se rendre au bureau supposément occupé par l’Intendant. Arrivé devant la porte de bois, il toqua une fois au panneau et attendit à l’affût d’une réponse.

[Galathée]

Marcus répondit et l’invita à entrer. Le rôdeur le trouva derrière le bureau du conseiller, le nez plongé dans divers parchemins. Son regard s’éclaira en reconnaissant Kasumi, puis s’assombrit, une expression que le demi-elfe connaissait pour l’avoir déjà devinée sur plus d’un visage ces derniers jours. La quête de bonnes nouvelles échouait, mais il était promesse que quelque chose était tenté, au moins.
« Maître rôdeur, installez-vous. » fit l’intendant en lui désignant une chaise. « J’imagine que vous voulez avoir la suite des relevés du journal du conseiller… »
Le clerc avait l'air plus fatigué que jamais, ses yeux brillaient, cernés, et ses gestes étaient fébriles. Cependant, sa détermination rayonnait, sans failles.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur s’exécuta et prit place sur une chaise en face du bureau. L’intendant fouillait toujours dans ses notes, attendant manifestement une réponse de la part du demi-elfe. Celle-ci ne se fit pas attendre :

- Merci de me recevoir. C’est effectivement l’une des raisons qui m’amènent aujourd’hui. Et les autres sont plus ou moins liées au journal et à vos notes également.

Après une pause destinée à vérifier qu’il avait obtenu l’attention de son interlocuteur, Kasumi poursuivit :

- J’espère en effet que vous pourrez nous en apprendre davantage suite à vos lectures mais j’aimerais des précisions sur deux éléments que vous avez portés à notre connaissance. Tout d’abord il semblerait qu’une page du journal du conseiller soit manquante. Avez-vous la moindre idée de ce qu’elle aurait pu contenir ? Par ailleurs, le voyage du conseiller à Dargyll nous interpelle. A-t-il évoqué des indices, des détails sur ce qu’il aurait pu y faire ?

[Galathée]

Le clerc releva la tête.
« Oh, vous m’avez mal compris… » fit Marcus, embarrassé. « La raison pour laquelle ce jour est manquant est simplement que le conseiller n’a pas eu le temps d’écrire, car justement, il était à Dargyll. La page ne manque pas, elle, et maître Megrall s’en explique dès les premières lignes du jour suivant. Quant à son voyage à Dargyll, qui a donc lieu le 9ème jour de la dernière veille de Marpenoth… C’est à dire il y a exactement un mois, maintenant, il n’en trouve jamais l’explication mais s’en désintéresse petit à petit, car il ne se passe rien de particulier à Dargyll. C’est un village connu pour avoir un grand cimetière très ancien, où des morts-vivants se lèvent périodiquement, mais il y a deux clercs résidents qui en général gèrent cet aspect de Dargyll sans difficultés. Mais le conseiller était accompagné de quatre clercs et six gardes, dont j’ai les noms, si vous voulez creuser la journée… D’après ses dires, il a bavardé avec les gens sur place, les clercs ont assaini le cimetière et tué un blême… Rien de spectaculaire. »

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi adressa un sourire compréhensif à l’intendant. Malheureusement et comme il s’y attendait, il ne serait pas aisé de trouver la cause cachée de ce voyage si seulement il y en avait une. L’option d’interroger ceux sui l’avaient accompagné durant cette journée pouvait se révéler intéressante faute de nouvelles pistes à suivre. Cela pourrait être un préliminaire à l’éventuel voyage que prévoyait Arya. En effet, l’échéance macabre approchant, mieux valait ne pas se perdre dans de vaines enquêtes et donner la priorité aux hypothèses les plus accessibles.

- Je serais tout de même intéressé par la liste des personnes qui ont accompagné le conseiller durant son voyage. Il pourrait se révéler intéressant de savoir qui interroger si un indice venait à étayer cette piste. Par ailleurs, avez-vous avancé dans votre lecture, maître Marcus. Je garde toujours bon espoir de tirer parti des notes du conseiller.

[Galathée]

Marcus souleva quelques documents, et extirpa un parchemin de sous sa pile, qu’il tendit à Kasumi.
« Voici. Les clercs sont les quatre premiers, les six suivants sont les gardes. Vous trouverez les nôtres ici, j’imagine que les soldats sont au Fort, simplement. C’est Hector qui les avait recrutés, je ne sais pas comment il a procédé. Flèche-Sombre ou Felden doivent avoir des procédures toutes faites pour ce genre de situations. »
Il grimaça et porta une main à son front, puis réalisa une seconde fouille dans ses papiers.
« Quant au journal du conseiller… Je peux vous en faire un bref résumé. Il mentionne des tensions entre les cultes, notamment avec les Helmites, dans le domaine du recrutement en particulier, comme s’il y avait une sorte de course au novice. Il parle de citoyens mécontents, mais sans les identifier, sur des petites choses quotidiennes. Il souligne des difficultés de communication avec les gens du Fort, surtout le général Maelwedd, dans une moindre mesure Nora Felden et Darren Flèche-Sombre. Apparemment, les personnes qui lui sont le plus hostile demeurent ses frères et son père. Ces derniers jours, depuis l’arrivée à Luménis de Dame Euryale… Tout semblait aller pour le mieux. Ses seuls soucis réels étaient liés à des choses très personnelles, liées à… enfin, à leur relation naissante… et aussi à l’apparition de Taliesin en ville, et aux mystères qui l’entourent. »
Il releva les yeux.
« Je peux vous fournir un document, bien entendu. »

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi parcourut la liste des yeux. Les noms inscrits ne lui révélaient rien mais il n’était pas assez familier des gardes et encore moins des clercs de Lathandre pour connaître tout le monde de nom. Il reposa la liste le temps d’écouter le résumé de Marcus concernant le journal. Lorsqu’il fut convaincu de pouvoir retenir les faits mentionnés, il s’intéressa à nouveau à la liste de l’escorte d’Albérich avant de répondre :

- J’irai trouver Darren au sujet des gardes mais j’aimerais profiter de votre présence : pouvez-vous m’en dire davantage sur ces clercs ? Depuis combien de temps sont-ils au Temple de Luménis ? Que savent-ils au sujet de la disparition du conseiller ? Je ne voudrais risquer de leur mettre la puce à l’oreille au sujet d’une vieille affaire anecdotique. S’ils savent que le conseiller a réellement disparu, ma démarche paraîtra moins curieuse. Je ne les soupçonne aucunement mais peut être se souviendront-ils d’un détail insolite qu’ils n’auraient pas évoqué vu le peu de conséquence du voyage. Quant à la famille du conseiller, c’est une autre histoire. Même si j’ai peine à croire qu’elle aurait pu orchestrer sa disparition, peut être les ravisseurs sont-ils entré en contact avec elle. Avant ou après les évènements d’ailleurs.

[Galathée]

Marcus jeta un œil en direction du parchemin que tenait Kasumi, puis haussa les sourcils comme s’il devait rassembler ses idées.
« Therpsis et Rowena sont des clercs assez expérimentés, qui doivent avoir la trentaine et une dizaine d’années de prêtrise à leur actif. Ce sont des Luméniens d’origine. » commença-t-il. « Lissya est d’Eredhùn, elle est arrivée peu après la chute de Morféa. Ce n’est pas un cas isolé. Beaucoup de natifs de cette cité ont rallié Luménis après la fin des hostilités. Et Ferren était encore un Eveillé jusqu’il y a peu. Il vient juste de devenir prêtre, je veux dire, il y a deux mois. Il a été très actif dans la résistance, en dépit de son jeune âge. A mon sens, ce sont tous des individus droits et attachés au culte. Mais il est vrai qu’ils peuvent avoir vu quelque chose. Et tout le monde, au Temple, sait que Maître Megrall a disparu. Nous l’avons cherché toute une nuit. Les gens ont échangé des informations. Bien sûr, à présent, les conseillers ont une version officielle, mais j’ai bien peur qu’elle soit arrivée trop tard pour convaincre qui que ce soit. En même temps… Tout le monde sait aussi qu’il est important de ne pas révéler la nouvelle. Et ils ne savent rien des éventuelles informations que vous avez pu glaner… Chacun y va de sa théorie. Moi je ne confirme rien. »
Il eut un maigre sourire, mais le cœur n’y était pas.
« Quant aux Megrall, ce sont des gens malhonnêtes et sans scrupules, et les rapports que le conseiller avait avec eux étaient orageux pour ne pas dire plus. Mais je n’imagine pas qu’un ramassis de petites frappes dans leur genre aient pu nuire à un clerc de son envergure. Pas seuls en tout cas. Bien sûr, ils ont de l’argent, mais… je ne sais pas s’ils ont le courage. »

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur écouta avec attention la description des clercs ayant accompagné Albérich lors de son dernier voyage hors des murs de Luménis. De ce qu’en disait Marcus, aucun d’eux ne semblait le moins du monde suspect. Le demi-elfe s’en voulait de devoir s’interroger sur leur fiabilité mais l’urgence ne permettait pas ce genre d’états d’âmes. L’embuscade avait été trop bien tendue pour que les ravisseurs ne bénéficient pas d’informations précises sur ses déplacements. La complicité, consciente ou non, d’au moins un proche d’Albérich n’était pas à exclure trop vite.

Kasumi répartit avec toute la diplomatie dont il était capable en dépit de la fatigue :

- Me serait-il possible d’interroger ces clercs ou préférez-vous vous en charger ? Je n’ai pas vraiment d’idée précise en tête. Comme vous le suggériez, je cherche simplement à obtenir un détail auquel ils n’auraient pas pensé plus tôt.

Après une courte pause pour laisser Marcus réfléchir à sa proposition, il ajouta :

- Les lâches sont parfois les plus dangereux. Surtout lorsqu’on leur donne l’occasion d’agir sans risque. Savez-vous si on a déjà cherché à surveiller ou interroger la famille du conseiller ?

[Galathée]

Marcus sourit douloureusement.
« J’ai bien peur de n’avoir pas beaucoup de temps ces temps-ci. Je dois continuer à administrer le temple et pallier à l’absence du conseiller. Si vous êtes pressé, je vous suggérerais d’interroger les clercs vous-même. Sinon, je leur demanderai. Quant aux Megrall… Je dois dire qu’avant de lire ces notes, je n’avais pas idée que leurs dissensions étaient si vastes… En même temps, ils semblent désignés de manière si explicite… Leur rendre une petite visite pourrait, en effet, être indiqué. Mais le conseiller ne voulait rien avoir à faire avec eux. Il n’aurait jamais demandé qu’on les surveille ou qu’on leur nuise. Il voulait juste fermer les yeux et oublier qu’ils existent. »

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi était indécis sur la prochaine action à entreprendre. Interroger les clercs pourrait s’avérer long et inutile mais d’un autre côté, c’était une nouvelle piste à ne pas négliger. Aller trouver la famille du conseiller était plus risqué et le demi-elfe ne pensait pas pouvoir faire montre de suffisamment de ruse pour tirer des renseignements utiles d’une pareille entrevue. C’était bien davantage dans les cordes de ses coéquipiers. Mais peut être leurs recherches avaient été fructueuses et les auraient conduit vers d’autres tâches. Il n’en aurait le cœur net qu’une fois retourné au repère. Après un nouvel instant de réflexion, il se décida du parti à tenir :

- Pour le moment, j’aimerais m’entretenir avec les clercs si cela est possible. Inutile de les voir séparément, cela les inquiéterait alors que ce n’est pas mon intention et cela nous ferait perdre du temps. Pouvez-vous envoyer quelqu’un quérir ceux qui seraient disponibles pour s’entretenir avec moi ?

[Galathée]

Au moment où Marcus allait répondre, la porte s’ouvrit sur la prêtresse plus âgée que Kasumi avait rencontrée lors du conseil restreint, la veille.
« Marcus, excuse-moi de te déranger, mais Maelwedd et Flèche-Sombre sont descendus à l’assemblée. » fit-elle, avec une certaine urgence dans la voix, avant de saluer le rôdeur d’un signe de tête.
« J’en étais sûr. » grommela le clerc en se levant. « Pardonnez-moi, je dois vous abandonner. Céleste va vous mener à la salle de repos et vous trouvera les prêtres que vous désirez interroger. Pour ma part, je vous souhaite de réussir, et vite. Que Lathandre éclaire vos pas. »
Une seconde plus tard, il était sorti, et Céleste baissa les yeux sur la liste que lui avait donnée Marcus en partant.
« C’est la troisième porte sur votre droite. » fit-elle en désignant une direction dans le couloir. « Installez-vous, je vais vous les chercher. »

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur fut décontenancé par la brusque apparition de la prêtresse et le bref échange qui s’en suivit avec Marcus. Il n’en oublia pas pour autant de saluer l’intendant qui quittait précipitamment la pièce. Lorsqu’il eu disparu le laissant seul avec Céleste, Kasumi reprit pied pour répondre à la proposition de cette dernière avec affabilité :

- Je vous remercie. Je vais faire comme vous le suggérez. Si l’un d’eux ne peut se rendre disponible, je l’interrogerai plus tard. Ma visite n’est pas impérative.

Le demi-elfe quitta ensuite la pièce, et suivant les indications de l’humaine, se rendit dans la salle de repos où il prit place sur l’un des sièges libres. Plusieurs autres étaient regroupés autour d’une table basse, invitant leurs occupants à partager une partie de carte ou une rapide collation selon les envies.

[Galathée]

Quelques minutes plus tard, trois personnes firent leur entrée. Toutes portaient une aube rouge vif, reflets du soleil radieux, et arboraient des mines circonspectes. L’un d’entre eux était un jeune homme à peine adulte, qui s’assit le premier, bientôt suivis par ses aînés, une femme brune aux yeux sombres et un homme barbu à la mine pensive.
« Vous nous avez fait mander ? » demanda le plus jeune, curieux.
« C’est à propos du conseiller, n’est-ce pas ? » intervint l’autre homme.
La femme n’avait pas quitté Kasumi des yeux.
« Vous n’avez pas de nouvelles à nous donner. » fit-elle, résignée.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur laissa les clercs s’installer à leur aise. En dehors d’eux, personne n’occupait le salon pour l’heure ce dont se réjouit Kasumi. D’une voix affable, il répondit aux interrogations des clercs qu’il avait fait mander :

- Bonjour à vous. Laissez-moi vous remercier pour avoir répondu si vite à mon appel. Comme vous vous en doutez, je suis à la recherche du conseiller. Je n’ai malheureusement pas de nouvelles de lui.

Il chercha ses mots et la bonne façon d’amener le sujet de sa présence et décida de se montrer direct, une position dans laquelle il se sentait à son aise :

- On m’a signalé que le conseiller avait effectué récemment un voyage hors de la ville. Je me tourne aujourd’hui vers vous car vous l’avez accompagné alors. Peut être est-ce une fausse piste mais j’aimerais m’entretenir avec vous des circonstances de ce voyage. Pouvez-vous me dire si les raisons de ce voyage ont été abordées avec vous ?

Le demi-elfe espérait recueillir les impressions des clercs à défaut d’une raison officielle. Il les observa donc autant qu’il écouta leur réponses.

[Galathée]

« Et bien… On n'a pas vu le document… » commença l’homme. « Mais apparemment, ce n’était pas très clair. Une histoire de conflit à régler. Albérich… Je veux dire, maître Megrall, était de méchante humeur… »
« Il n’est jamais vraiment de méchante humeur… » intervint la femme, avec un sourire entendu.
« Enfin, ça bouleversait pas mal son emploi du temps, et Dargyll est quand même à trois bonnes heures de route. »
« C’est surtout qu’il déteste les chevaux. Moins il en monte, mieux il se porte. Il n’était pas très motivé de devoir se farcir une dizaine de lieues en selle. »
A leurs expressions, le ton de leur voix, la manière dont ils exprimaient les choses, Kasumi devina que les deux plus âgés connaissaient bien le conseiller, l’avaient probablement côtoyé pendant des années, dans cette promiscuité propre aux temples, bien avant qu’il ne soit nommé au poste qu’il occupait désormais, et qu’ils avaient eu avec lui des rapports d’égal à égal.
« Bref, Marcus a rapidement désigné quelques uns d’entre nous, on a rejoint les hommes du fort, et nous sommes partis. Une petite balade dans la plaine. Rien de spécial. Les choses se sont corsées à Dargyll, parce que les deux clercs ne nous attendaient pas du tout. Il n’y avait pas de conflit, rien, même pas un mort-vivant de taille à exorciser. »
« Je ne sais pas si vous connaissez Dargyll. » intervint la prêtresse. « C’est un village qui borde un très vieux cimetière, qui date d’avant la fondation de Luménis… De temps en temps, des revenants y apparaissent… C’est une sorte de cycle. Tout cela a toujours été parfaitement contrôlé par les clercs qui y résident, avec l’aide parfois d’un spécialiste plus expérimenté… »
« Mais même là, il n’y avait rien de spécial. »
« Je ne sais pas si depuis le conseiller a trouvé une explication à la promenade, mais à ce moment-là, il n’a pas vraiment goûté la plaisanterie. »
« La chevauchée, dirons-nous… »
« Il était nerveux, je pense, de ne pas comprendre pourquoi on l’avait fait venir jusque là. Ça se comprend. C’était un peu ridicule de faire se déplacer un clerc de son envergure pour pas grand chose. J’imagine que la personne qui l’avait appelé était trop gênée pour se dénoncer. »
« Pourtant, c’était pas mal. La journée était plutôt belle, puis c’était une sortie… Comme la route est assez longue, on a décidé d’y rester. Albérich a pris un peu de temps pour discuter avec Kerun et Uranie, nous on s’est promenés… On a fait le tour des maisons pour voir si les gens avaient besoin de quelque chose, de soins légers, en général... mais bon… c’est un village, et avec deux clercs, ils sont déjà bien servis. »
« Je me souviens que certaines personnes étaient impressionnées de voir un conseiller luménien en chair et en os… Ils avaient de ces questions… Comme si c’était un demi-dieu, ou quoi… » murmura le plus jeune.
« Bon, c’est vrai que Maître Megrall n’est pas complètement débutant… Mais il n’a jamais axé sa pratique des arts divins sur l’offensive… Vous savez, certains clercs peuvent être des machines de guerre… Maître Megrall, c’était un guérisseur avant tout. »
« Une source de lumière. »
« Alors il a fallu un peu rassurer les gens, qui pensaient que la moindre pensée grise allait déclencher un châtiment. »
« Rappeler que Lathandre n’est pas Helm, ce genre de choses. »
« L’après-midi, on est partis dans le cimetière, tous les clercs. Pour l’assainir un peu. Il n’y avait pas beaucoup de morts-vivants, mais certaines tombes dégageaient une énergie sombre, qui indique généralement que tôt ou tard, l’esprit va se lever. Donc nous les avons préventivement ramenées au repos. C’est un cimetière païen, ancien, on ne sait pas bien d’où viennent les corps, mais sans doute d’une ancienne bataille… Beaucoup d’ondes négatives. »
« Il y avait juste un blême, en fait, et Ferren l’a repoussé… »
Le plus jeune rougit.
« Mon premier renvoi. » fit-il avec modestie.
« Et un beau renvoi. »
« Ensuite nous sommes rentrés, simplement. Je pense que les fesses d’Alb… enfin, qu’il avait récupéré suffisamment… »
« Therpsis ! » s’insurgea sa collègue.
« Et voilà, fin de l’escapade. » termina le clerc en haussant les épaules.
Puis les trois paires d'yeux se posèrent sur Kasumi.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur resta stoïque durant tout l’échange entre les trois clercs. Il passa sur les indications laissant à penser qu’Albérich était tout sauf un cavalier aguerri. En revanche, il nota soigneusement les noms évoqués et l’emploi du temps des clercs aussi banal soit il.

Kasumi reprit alors la parole, revenant sur l’un des points qu’il jugeait utiles de préciser :

- Vous dîtes avoir rejoint les gardes. Où la jonction s’est-elle faite ? En ville ou au dehors ? Connaissiez-vous les soldats qui furent assignés à la mission ?

Puis il ajouta, l’air pensif :

- Cette escapade sans fondement aurait perturbé l’emploi du temps du conseiller. Avez-vous connaissance de rendez-vous qu’il aurait du annuler ou reporter du fait de cet imprévu ? Peut être s'en est-il ouvert à vous durant le long voyage ?

[Galathée]

« Les gardes sont venus jusqu’ici, si je me souviens bien… »
« Oui, ils avaient amené des chevaux. Hector nous avait fait promettre de ne pas quitter l’enceinte du temple avant son retour. »
« On ne les connaissait pas. C’étaient des gardes, je pense spécialisés dans les escortes. Ils connaissaient Hector en tout cas. »
« Des gars taciturnes, professionnels… Je ne me souviens pas qu’on ait beaucoup discuté… »
« Non. Ils étaient là pour scruter les alentours, et c’est ce qu’ils ont fait. »
Ils se consultèrent du regard et semblèrent d’accord sur ce point.
« Quant au programme du conseiller… C’est Tybert qui a tous les secrets. Mais disons qu’il est généralement très occupé… Donc tout imprévu bouleverse son emploi du temps. Je ne pense pas qu’il avait quelque chose de spécial à faire ce jour-là… »
« Non, c’était son jour d’intendance au Temple. Une fois par veille, il prend la journée avec Marcus pour la gestion du sanctuaire… »
« Oh, oui, je me souviens… Marcus était furieux. Il était persuadé qu’Albérich l’avait fait exprès pour ne pas lui donner de coup de main. Il ne lui a plus parlé pendant quoi… des jours ! »
Ils rirent, puis se turent.
« Qu’est-il arrivé au conseiller ? » demanda finalement la jeune femme.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Les précisions des clercs n’ouvraient malheureusement pas de nouvelles pistes. Même l’hypothèse d’un faux voyage destiné à détourner le conseiller d’une autre affaire semblait vaciller. Après tout, les éléments à la disposition du rôdeur semblaient s’emboîter pour classer l’affaire dans les anecdotes sans rapport avec la disparition.

Ce fut le moment que choisit la jeune femme pour évoquer l’enlèvement d’Albérich et, un bref instant, Kasumi se demanda si elle n’avait pas lu dans ses pensées. Il reprit difficilement constance :

- Nous ne le savons pas encore précisément. Et bien que cela vous semble injuste, je n’aurais pas le droit de vous le révéler. Pas moi, je n’en ai pas la qualité. Je suis désolé.

[Galathée]

Ils restèrent silencieux un instant, puis le sourire revint sur leurs visages, étrangement apaisés.
« Lathandre ne permettra pas qu’il lui arrive malheur. » dit la femme, d’une voix calme.
« Nous avons l’espoir, et confiance en vous. » ajouta le clerc barbu avec un hochement de tête, sincère.
« Vous nous le ramènerez vivants. La lumière est sur vous, les heures noires de Luménis appartiennent au passé. Le Seigneur du Matin veille sur nous. »
« Chaque matin, la nuit se déchire, immanquablement. »
Ils se levèrent, s’inclinèrent, et quittèrent la pièce, laissant Kasumi à ses interrogations.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi fut un peu surpris des bénédictions dont il fut l’objet en guise d’au revoir. Les prêtres de Lathandre étaient certes optimistes par nature mais leur dévotion apparente aux préceptes était digne d’admiration. Ce qui pourrait passer pour de la naïveté chez d’autres était un signe fort d’espoir de leur part. Le rôdeur les salua chaleureusement en guise de remerciement lorsqu’ils quittèrent la pièce.

Puis il en fit autant, n’en sachant guère davantage qu’à son arrivée mais soudain empressé de retrouver ses partenaires pour décider des prochaines actions à entreprendre pour sauver el conseiller.

Il quitta donc le sanctuaire sans plus s’attarder et se dirigea d’un bon pas vers la maison des enquêteurs.

[Kasumi]

Quête : un désir de crépuscule

De retour au sanctuaire moins d’une heure après l’avoir quitté, le rôdeur se dirigea cette fois-ci vers les étages où se situait le bureau de Marcus espérant que celui-ci soit rentré de l’affaire qui avait interrompu leur précédente entrevue. Kasumi réfléchissait déjà à la façon dont il présenterait les choses. Il ne fallait pas froisser les susceptibilités mais Arya avait eu l’air sûre d’elle.

[Galathée]

Mais le bureau de l’intendant était verrouillé et Kasumi redescendit vers le réfectoire où se trouvaient la plupart des clercs : il était déjà l’heure du déjeuner. Il tenta de repérer Marcus depuis la porte, sans succès, et un novice finit par venir à sa rencontre pour s’enquérir des raisons de sa visite. Il lui apprit que Marcus n’était pas rentré, qu’il était sans doute toujours à l’assemblée luménienne, où l’avaient accompagné deux autres prêtres confirmés. Cependant, s’il avait besoin de quelque chose, peut-être d’autres personnes pourraient-elles l’aider.