[Bâtiment] Domaine des DouceChute

[Taliesin]

-Bien sûr, dit-il avant de se pencher pour l'embrasser.
Puis il tourna les talons et entreprit de regagner leur chambre, allant aussi vite qu'il l'osa : non seulement il ne voulait rien bousculer mais, de surcroît, ce n'était sûrement pas le moment de s'égarer. Il avait hâte d'en terminer avec cette histoire, de dissiper ses craintes sans doute erronées, de revenir en ce havre merveilleux, auprès de son aimée...
Ce serait l'affaire de quelques heures seulement.
Normalement, il serait de retour avant que midi n'ait sonné.

[Galathée]

Galathée l'attendait au pied de la statue au dragon et elle l'accompagna jusqu'aux grandes portes. Un jeune homme lisait, assis dans une petite pièce à côté de l'entrée, et leva les yeux lorsqu'ils passèrent devant lui. La rôdeuse lui sourit, puis ouvrit elle-même la porte mais laissa Taliesin la pousser à sa place. Ils débouchèrent sur le perron de la grande maison, abrité, et Taliesin vit le grand parc devant lui. Il était parsemé des buissons et de massifs de fleurs, mais aussi d'un nombre important de... statues, bien évidemment. Situé sur une butte, le manoir surplombait quelque peu les environs, et l'elfe put suivre l'allée de cailloux blancs et gris jusqu'à un bosquet de grands arbres appuyés contre le mur d'enceinte.
" Alphonse te laissera sortir. Sois prudent." murmura-t-elle.
Le gratifiant d'un ultime baiser, elle le laissa partir sur le chemin. La pluie l'entoura immédiatement, résonnant sur son capuchon, faisant rutiler les pierres et les sculptures autour de lui, frémissant sur l'herbe verte. Il atteignit rapidement les grilles menant vers l'extérieur et réalisa que le domaine voisin était celui, abandonné, des Lentemort. Alphonse, un humain à la mine sévère en livrée, lui aussi, lui déverrouilla les grilles sans lui poser de questions et il put regagner la ville et ses dangers.

[Taliesin]

Après avoir salué le portier, il s'engagea dans la rue sans perdre un instant. La position du domaine était un avantage non négligeable puisque, pour rallier sa destination, il lui suffirait de suivre en sens inverse l'itinéraire parcouru l'avant-veille. Aucun risque de se perdre, donc...
Les traits dissimulé sous son capuchon, emmitouflé dans son manteau, il avança d'un bon pas, réfléchissant déjà à la manière dont il procéderait une fois sur les lieux. Il vérifierait d'abord si la boutique était ouverte, ce qui serait un signe encourageant. Puis il essaierait de pénétrer dans le bâtiment par l'entrée latérale qui, d'ordinaire, n'était pas verrouillée.
Mais d'abord, rester prudent, afin d'éviter tout incident en cours de route. Et veiller, aussi, à ne pas être suivi : même s'il débordait de gratitude envers les DouceChute, il ne souhaitait pas leur révéler l'emplacement du Comptoir...

[Taliesin]

Le trajet depuis le Temple de Moandre avait été long. Long et éprouvant.
La pluie qui tombait toujours drue n'était pas vraiment en cause : certes, il était trempé, certes, il avait froid, mais ce qui le faisait frissonner, c'était les pensées qui tourbillonnaient dans son esprit et que la promesse d'un prochain réconfort ne suffisait pas à chasser.
Il songeait à Abel, massacré dans la boutique, à Guéric, assassiné dans son lit.
Il songeait à Lena et Sedanius, peut-être tués par Arion, peut-être cachés quelque part en ville.
Il songeait à Perceval et Hippolyte, aux mains des traîtres, à Baptiste, livré à lui-même dans les rues... ou gisant, noyé, sur les berges de la Houleuse.
Ses amis, ses compagnons terrassés ou dispersés à cause de deux des leurs, de deux êtres à l'âme noire...
Comment n'avaient-ils pas vu venir le coup ? Ils se méfiaient d'eux, pourtant...
Mais ressasser le passé ne servait à rien. Il fallait se tourner vers l'avenir, vers les possibles.
L'horrible forfait lui avait permis de retrouver Galathée : un miracle.
Et peut-être y en aurait-il d'autres. Peut-être le drame n'aurait-il fait, au final, que deux victimes...
Deux de trop, évidemment.
Malgré tous ses efforts, c'est passablement abattu qu'il atteignit les grilles du domaine des DouceChute. Toutefois, le redécouvrir, réaliser à nouveau ce qu'il recelait lui rendit un peu d'allant.
Comparé à ses retrouvailles avec la rôdeuse, comment penser qu'il y ait des choses impossibles ?

[Galathée]

Une fois devant la grille, Taliesin n'eut qu'à soulever son capuchon pour qu'Alphonse le laisse entrer. Le portier referma sur ses pas, sans un mot. Le gravier scintillait sous l'averse, et depuis le niveau de la rue, la perspective sur le manoir DouceChute, perdu entre ses arbres et ses mille statues, était encore plus étrange. Il n'était pas surprenant que le maître des lieux soit taxé d'excentrique. Le barde put gagner la porte principale, qui s'ouvrit sur un jeune homme en livrée, souriant.
" Maître Glorfindel, vous êtes attendu." annonça-t-il avant de l'aider à se dépouiller de son manteau.
Il lui indiqua qu'il avait aussi à ôter ses bottes, mais on avait préparé trois paires de rechange pour lui, de tailles et de modèles un peu différents, pour qu'il puisse choisir à son goût. Sans doute chaque paire appartenait-elle à l'un des fils Doucechute.
" Dame Galathée vous attend dans le petit salon. Maître Morvan et ses fils sont sortis."
Il l'entraîna le long du couloir puis poussa une porte entre une dryade sculptée à même un tronc dont on avait conservé une partie des branches et de l'écorce, et un druide de marbre, échevelé et fanatique. Le petit salon abritait son lot de statues mais c'était une pièce chaleureuse, qu'une belle flambée animait de reflets rougeoyants. Elle s'ouvrait, comme la salle à manger, sur le parc noyé de grisaille, et contenait, outre plusieurs grandes bibliothèques, un divan d'apparence confortable, une table basse et deux fauteuils. Galathée y était installée, à moitié allongée sur le sofa. L'elfe nota tout de suite qu'elle dormait.

[Taliesin]

Et il se dit tout de suite qu'il ne la réveillerait pas.
Pas immédiatement, du moins.
Il se positionna dos à la cheminée, face au divan, et resta simplement à la contempler.
Il avait besoin de s'apaiser. Il lui parlerait de ce qui se passait, bien sûr. Mais il voulait le faire calmement, posément, pour ne pas qu'elle s'inquiète...
Or, quoi de plus réconfortant que ce tableau qui l'émouvait au point presque de lui mener les larmes aux yeux ?
Avait-il jamais réellement cru qu'il aurait la chance de l'admirer ? Il l'avait espéré, oui. A toute force. Mais y croire...
C'était là le propre des miracle : l'incroyable, l'impossible se produisait...

[Galathée]

Elle s'éveilla au bout d'un moment, à la faveur du craquement d'une bûche dans l'âtre. Ouvrant un oeil clair sur la pièce, elle découvrit le barde et lui sourit. Puis se redressa vivement, ce qui le fit grimacer.
" Taliesin..."
Elle tendit une main dans sa direction, l'attrapa, l'attira jusqu'au divan où elle le fit asseoir, l'embrassa doucement.
" Tu es là depuis longtemps ? Tu dois être mort de faim ! Je vais nous faire porter quelque chose."
Avec un sourire, la jeune femme dessina l'arc de ses sourcils.
" Tu as mauvaise mine. Tu rapportes des nouvelles sombres, je le lis dans ton regard."

[Taliesin]

Il grimaça.
-Je ne suis pas aussi bon comédien que je me plais à le croire, dirait-on... Et pourtant, je me sens bien mieux que lors de mon arrivée. T'observer, endormie, paisible... Ça m'a fait un bien fou.
Il se pencha pour l'embrasser.
-Je t'en parlerai tout à l'heure. Mais auparavant... C'est vrai que je ne serais pas contre manger un petit quelque chose. En revanche, il ne serait pas très galant que je te laisse te charger de tout... Alors si tu m'expliques où aller, qui trouver, je m'en occuperai. Et te ramènerai de quoi te sustenter également, si le cœur t'en dit.

[Galathée]

Elle sourit.
" Tu dois penser à cet endroit comme une sorte d'auberge, mon amour. On ne peut pas se substituer au personnel comme on le voudrait. La cuisinière et ses deux marmitons ne te laisseront jamais franchir la porte de la cuisine sans que tu aies une offre de taille à leur faire."
Elle s'appuya sur le dossier, coinçant son ventre d'une main ferme.
" Par contre, si tu te lèves et que tu vas près de la porte... Il y a trois cordons. Le bleu appellera la cuisine et quelqu'un viendra s'enquérir de nos besoins."
Elle attendit qu'il se soit exécuté pour reprendre la parole.
" Tu n'as pas retrouvé tes amis, n'est-ce pas ?"

[Taliesin]

-Si, j'en ai retrouvé deux.
Il revint s'assoir près de Galathée, lui prit la main, la serra.
-Ce que je craignais s'est produit : ceux qui m'ont tendu un piège ont trahi tous les autres. Mais il y a de bonnes nouvelles au milieu des mauvaises...
Il parlait à voix basse, pour que le serviteur qui viendrait ne puisse surprendre ses mots.
-D'abord, j'ai trouvé des alliés, dont je n'ai malheureusement pas le droit de te parler. C'est assez... inespéré. Ensuite, la personne qui m'a poignardé ne l'a pas fait de son plein gré : elle a été soumise à un sortilège de domination. L'apprendre m'a fait beaucoup de bien, car il s'agit d'un agent secret luménien en qui j'avais toute confiance, que je considérais comme un ami... Bref, il n'est nullement en cause, et dès que nous l'aurons libéré de l'emprise ennemie, il pourra beaucoup nous aider. Enfin... Nous avons sauvé l'un des enfants, qui avait été livré à un marchand d'esclaves : nous avons eu de la chance, nous sommes tombés sur lui tout de suite, nous avons pu le racheter sans mal...
Il sourit... Puis soupira.
-Quant à mes autres compagnons... Deux morts, don mon ami Guéric. Deux disparus, peut-être tués, eux aussi. Deux retenus prisonniers par les traîtres, dont un gosse. Et le troisième gamin... S'il ne s'est pas noyé dans la Houleuse, il est livré à lui-même dans cette satanée ville...

[Galathée]

" Je suis désolée." murmura Galathée en l'étreignant maladroitement, encombrée par son ventre.
La porte s'ouvrit sur un serviteur qui entra leur déposer un plateau sur lequel se trouvait une petite collation, légumes crus, pain tranché, un peu de fromage, un peu de saucisson.
" Esmé semblait penser que vous auriez au moins besoin de ça, dit-il avec un sourire. Qu'est-ce que j'amène de plus ?
— Un pichet de vin, du poulet froid si Anselme n'a pas tout mangé, et un peu de salade ?
— Ça marche !"
Galathée revint à Taliesin.
" Tu trouves immanquablement des alliés dans les lieux les plus improbables, murmura-t-elle. Et je suis persuadée que tu retrouveras les autres... Mais je suis désolée pour ton ami. Je voudrais pouvoir t'aider davantage mais je suis coincée ici... et dans mon état..."
Elle soupira de frustration.
" Je t'aiderai autrement."

[Taliesin]

-Tu m'aides déjà énormément, murmura-t-il. Depuis que je t'ai retrouvée, je crois aux miracles. Et c'est en pensant à toi, à nos retrouvailles que j'ai trouvé la force d'affronter le marché aux esclaves... Te savoir vivante, en sécurité, être certain que je pourrai te revoir avant longtemps...
Il la serra doucement contre lui.
-Mes alliés doivent déjà être en train de rechercher le petit garçon. J'espère qu'ils le sauveront vite : c'est un chouette gosse qui en a vu de très dures, et qu'on est allé tirer... de l'enfer, je crois qu'on peut le dire. D'autre part... L'une des personnes qui nous a trahis est une bardesse elfe du nom de Meloenn, qui aime pavoiser dans les soirées de la bonne société. Si nous arrivons à la localiser, à la suivre lorsqu'elle quittera quelque manoir... Elle nous conduira là où se trouvent les otages. Là où se trouve, aussi, le moyen de libérer l'agent secret de la domination...
Il soupira à nouveau.
-Je suis désolé... Cela veut dire qu'il faudra que je reparte parfois en expédition... Je n'ai aucune envie de m'éloigner de toi, les dieux m'en soient témoins. Mais je ne peux les abandonner...

[Galathée]

" Ce nom me dit quelque chose... Meloenn, dit Galathée. Une barde elfe de toute beauté. Oui... Nous avons une statue d'elle quelque part. La plupart des jeunes nobles du quartier sont plus ou moins fascinés. Je pense qu'elle a dépucelé un nombre non négligeable d'entre eux... en échange de sommes plantureuses."
Elle sourit.
" Je peux me renseigner. Les DouceChute sont très bien introduits dans les meilleurs cercles. Meloenn est un peu vulgaire pour être invitée aux réceptions officielles, mais les jeunes organisent souvent des soirées un peu moins guindées... Anselme est trop jeune, mais Gregor se rend généralement à tout ce à quoi il est invité. Il est très doué pour masquer son mépris."

[Taliesin]

Il n'eut pas à se forcer pour se fendre d'un sourire lumineux.
-Il est très doué pour la comédie, je peux en témoigner... Peut-être s'est-il trompé de voie ? Quoi qu'il en soit, si nous pouvions connaître à l'avance une soirée où Meloenne sera présente... Ce serait formidable ! Cependant... Je ne veux pas que tu prennes de risque, Galathée. Que tu sois contrainte de poser des questions qui pourraient amener les DouceChute à se méfier...
Il grimaça.
-Enfin, excuse-moi. Je me doute que si tu me proposes cela, c'est que tu sais pouvoir l'interroger sans qu'il trouve cela étrange...

[Galathée]

" Tu ne dois pas considérer les DouceChute comme des ennemis, tu sais, dit la jeune femme. Il est certain qu'ils ne seraient probablement pas ravis d'apprendre que mille Luméniens errent dans les rues mélandiennes, mais en même temps... Tant que cela ne les affecte pas directement, ils hausseront les épaules. Et ils ont été très bons avec moi."
La porte se rouvrit à nouveau sur le serviteur, qui leur déposa ce que Galathée avait demandé en plus. Elle poussa la nourriture vers le barde.
" Mais je me renseignerai. Gregor a l'habitude de prévenir les gens de ses allées et venues. Même sans mentionner Meloenn, nous saurons aisément si une petite soirée décadente s'organise. Dans ce genre d'endroits et en cette saison, quand le soleil commence à être plus souvent de la partie... Sauf ces jours-ci... les fêtes reprennent."

[Taliesin]

-Les traîtres me croient mort, savent l'agent secret sous leur emprise... Bref : ils pensent probablement ne rien avoir à craindre. Par conséquent, je suis sûr que Meloenn aura hâte de fêter sa victoire au plus vite... et de belle manière. Il se peut donc, effectivement, que nous la coincions rapidement...
C'était fou comme la seule présence de la rôdeuse lui donnait de l'allant.
-Je ne considère pas du tout les DouceChute comme des ennemis, reprit-il après avoir avalé quelques bouchées. C'est même tout le contraire. Je sais ce que je leur dois, et je compte bien leur témoigner ma gratitude... Cependant, je dois quand même les ménager, ne pas trop me montrer insistant... Par exemple, j'aurais besoin d'argent, d'une arme, voire même, dans l'absolu, d'un endroit où mettre à l'abri certains de mes compagnons, si pour une raison ou pour une autre, l'autre lieu était inaccessible... Mais je me vois mal leur demander tout cela.
Il sourit.
-Quoi qu'il en soit, ils t'ont protégée, te protégeront encore ; ils m'ont sauvé la vie, m'hébergent et me laissent aller et venir à ma guise. C'est déjà tellement que, comme je le disais, ils n'auront pas affaire à un ingrat.

[Galathée]

" C'est vrai que nous ne pouvons pas les mettre en difficulté... murmura la jeune femme. Et je ne pense pas que tu puisses vraiment te servir de cet endroit comme d'un refuge à Luméniens en fuite, non... Même si Morvan les mettrait probablement simplement devant un bloc de pierre. D'ailleurs, en parlant de ça, un superbe morceau de bois est arrivé en fin de matinée. Dans l'atelier. Je crois que si tu prends le temps d'y donner au moins un coup de ciseau à bois, il appréciera..."
Elle lui caressa doucement la joue.
" Par contre, je pense que je pourrais facilement lui soutirer une arme. Après tout, se balader dans Mélandis est probablement une des activités les plus dangereuses du continent."

[Taliesin]

-Cela me rassurerait. Je peux me défendre avec la magie mais c'est tout de même moins discret... Tandis qu'une arme ne révèle rien de ce que je suis, sans compter que la brandir suffit souvent à écarter les malandrins. Pour le reste, sois rassurée, je n'ai aucune intention de chercher la bagarre.
Il leur servit du vin.
-Et j'irai à l'atelier aujourd'hui même. Je n'ai pas vraiment la tête à sculpter, je l'avoue, mais... Je ne souhaite pas décevoir Morvan. J'ai même envie de lui faire plaisir.
Se livrer à une activité artistique tandis que les "Moandrins" étaient à pied d’œuvre, tandis que certains de ses compagnons étaient dans des situations terribles, cela ne serait pas évident, à coup sûr. Cependant, il avait une dette énorme envers les DouceChute et il comptait bien s'en acquitter.

[Galathée]

" Dis-toi qu'une fois que tu t'en seras acquitté, Morvan te considérera comme parfaitement intégré à la maisonnée... Ce n'est pas rien !"
Elle sourit, ennuyée.
" Je me rends compte que tu ne pourras pas vraiment y rester, en réalité... Il faudrait qu'Edouard progresse sur ce marquage de l'Ecole, mais c'est une technique qui a été mise au point par des mages puissants... et ils se fichent de la manière de l'ôter."
Son regard se fit distant.
" Au pire, tu partiras avec les enfants. Je ne veux pas qu'ils grandissent à Melandis."

[Taliesin]

-Nous partirons tous ensemble, répondit-il, tranquille.
Laisser Galathée en arrière était tout bonnement inenvisageable.
-Mes alliés ont sans doute les moyens de rendre le marquage non repérable un certain temps. Je sais même que l'un d'entre eux pourrait te téléporter assez loin de la ville... Par ailleurs, mon ami agent secret s'est déjà infiltré dans l’École : c'est là qu'il a trouvé les informations te concernant. Il pourrait y retourner... Et évidemment, je ne resterai pas les bras croisés.
Il lui prit la main.
-Et si rien ne fonctionne, il restera le pipeau. Il nous procurera le nécessaire... Ou les moyens de l'obtenir.
Il lui adressa un sourire confiant.
-Nous rentrerons tous les quatre sur Hélonna, Gal. Je n'ai pas le moindre doute à ce sujet.

[Galathée]

Elle lui serra la main, un peu plus fort, puis lui rendit son sourire.
" Bien sûr. Je dois juste... encore assimiler, je pense... réaliser... que tout est redevenu possible."
Elle attrapa un morceau de pain sur le plateau, se réinstalla dans les coussins du divan, tant bien que mal.
" Dès que tu auras mangé, je t'emmènerai à l'atelier. Il faudra attendre que Morvan rentre pour lui demander une arme, mais il ne revient jamais très tard... Nous mangeons tôt car c'est un vieil homme et il est souvent dans son lit avant le coucher du soleil."

[Taliesin]

-Très bien. Mais pour l'arme, ça peut sans doute attendre demain : tu m'as dit qu'il est souvent de mauvaise humeur lorsqu'il rentre de ses rencontres avec ses pairs, je ne voudrais donc pas l'ennuyer avec ça... Bon, d'un autre côté, c'est vrai aussi que mes alliés peuvent me contacter à tout instant, par télépathie, s'ils ont découvert quelque chose. Alors si me voir à l’œuvre lui fait suffisamment plaisir...
Taliesin secoua la tête.
-Je suis vraiment désolé pour cette situation... Nous nous sommes à peine retrouvés et au lieu de ne plus te quitter, comme je le souhaiterais, voilà qu'il me faut cavaler de par la ville. Mais abandonner mes compagnons à leur triste sort... ce serait un crime. C'est grâce aux membres de l'organisation que j'ai pu revenir à Melandis, que j'ai pu m'y cacher ; ils étaient prêts à tout pour m'aider à te retrouver, et certains m'ont clairement dit que si je ne voulais pas me livrer aux autorités luméniennes, il y aurait des solutions... Quant à l'agent secret, c'est lui qui est allé à l’École, sans compter qu'il m'a auparavant sauvé la vie... et sauvé celle de Victor. Enfin, Baptiste, le gamin qui doit errer dans les rues... Nous sommes allés l'arracher aux Bénites, en plein cœur de leur temple, alors qu'ils s'apprêtaient à le torturer et à le sacrifier... L'opération à mal tourné, l'une des nôtres est morte, j'ai passé deux jours seul avec lui, dans les niveaux inférieurs, en ne cessant de lui faire miroiter son prochain retour à Lumenis... Quand je pense à l'état d'abattement dans lequel nous avons trouvé l'autre môme, je n'ose penser au sien...
Il grimaça.
-Et un autre bateau de l'organisation va arriver d'ici peu, sans savoir que notre base n'existe plus... Si nous ne parvenons pas à l'en prévenir, son équipage, les gens venus chercher leurs proches... Ils risquent d'être capturés, asservis...
L'elfe se tourna vers la rôdeuse.
-Je n'ai donc pas le choix : il faut que je fasse mon possible pour empêcher que cela n'arrive, pour aider ceux de mes compagnons qui peuvent encore l'être. Cependant, si les dieux sont bons, cela sera vite réglé. Ensuite... Je pourrai entièrement me consacrer à notre retour sur Helonna.
Il sourit, prit sa coupe.
-Quoi qu'il en soit, je pense que je n'aurai pas à sortir ce soir. Alors je vais essayer de me mettre dans un état d'esprit créatif, pour offrir à Morvan ce qu'il a plus que largement mérité. Et ensuite, nous profiterons d'une soirée aussi paisible qu'agréable.

[Galathée]

" Oui, murmura-t-elle. Si tu savais combien j'ai envie d'autre chose que des soirées tranquilles... Ça fait des mois que je suis cloîtrée ici... Heureusement, il y a un parc et Morvan aime laisser les arbres et la petite faune citadine vivre à leur rythme... mais pour moi qui ai toujours arpenté la broussaille, c'est terrible. Tu me diras que vu mon état, je ne pourrais pas aller bien loin, et j'ai l'impression que même si j'étais libre d'aller et venir, tu essaierais sûrement de me convaincre de rester à l'abri, bien au chaud, tandis que tu vas risquer ta vie..."
Elle lui jeta un regard malicieux.
" Je te prie de croire que ça ne durera pas, mon ami. Ça ne durera pas longtemps !"

[Taliesin]

Le regard qu'il lui retourna était franchement espiègle.
-Au contraire, ça va durer longtemps, très longtemps. Te souviens-tu que j'aime les familles nombreuses ? Et bien, j'entends que nous ayons au bas mot une douzaine d'enfants. Dont tu devras t'occuper seule, évidemment... Et lorsque le dernier sera autonome, il y a des chances que, grâce à Victor, tu sois devenue grand-mère...
Il lui dédia un sourire radieux puis, content de lui, il vida sa coupe.

[Galathée]

" C'est cela, oui. J'ai comme l'impression que tu as un peu oublié qui j'étais... Sans doute m'as-tu idéalisée, pendant tout ce temps... Tu as imaginé une jolie demoiselle douce, aimante, reprisant des chaussettes au coin du feu... Taliesin ! Le coin du feu, c'est pour les bardes ! Moi j'allais chasser le chevreuil avec Matthieu !"
Elle s'interrompit et secoua la tête.
" Ah, je ferais mieux de ne pas y songer, cela me rend nostalgique, et triste, et ce n'est sûrement pas bon pour les bébés. Ils ont une mère qui a déjà assez pleuré pour toute une vie."

[Taliesin]

Et un père promis à la prison... souffla une petite voix qu'il réduisit presque aussitôt - et sans mal - au silence.
-Tout cela sera bientôt derrière nous... murmura-t-il en entremêlant ses doigts aux siens. D'ici quelques veilles, quelques mois au pire, nous serons rentrés sur Helonna. Tu pourras à nouveau battre la campagne, chasser le chevreuil en compagnie de Mathieu, gourmander Victor pour les bêtises qu'il aura commises... Et les jumeaux grandiront paisiblement, sans rien avoir à craindre.
Ce n'était pas seulement des veux pieux : il croyait à ce qu'il disait.

[Galathée]

" Je sais, répondit la jeune femme. Je sais."
Elle l'embrassa sur les lèvres.
" Mais je ne retournerai pas à la ferme sans toi. Mets-toi ça dans la tête, Taliesin. Et n'essaie même pas de songer à me faire changer d'avis. Tu es venu me chercher au bout du monde. J'irai aussi, je n'ai pas peur."

[Taliesin]

Il l'étreignit.
-Nous verrons comment les choses se passent une fois rentrés sur Helonna. Mon ami l'agent luménien a laissé entendre que si j'acceptais de rejoindre les services secrets, afin d'user de mon charme ravageur pour faire parler les suspects, je pourrais éviter une peine sévère... Bien sûr, il n'a pas le pouvoir de décider, mais... C'est encourageant. Sans compter que, comme je te le disais, j'ai accompli une ou deux bricoles qui pourraient jouer en ma faveur, j'ai des amis qui pourront témoigner que je n'ai plus rien du Monstre, que celui-ci était la conséquence d'une folie passagère...
Il la relâcha, gardant cependant sa main dans la sienne.
-Bref, nous verrons. Je suis optimiste mais... Chaque chose en son temps.

[Galathée]

" Oui. Et je peux te dire que j'irai leur dire que je veux que tu sois là pour élever nos enfants." murmura-t-elle.
Elle le dévisagea.
" Ils vont comprendre que je savais, tu sais. Et que je n'ai rien dit."
Elle soupira, pinça les lèvres.
" Les Luméniens savent-ils que je suis enceinte ?"

[Taliesin]

Il réfléchit un instant.
-L'agent secret, oui. Mais les autorités, là-bas... Je ne crois pas. Ma mémoire me joue peut-être des tours, mais il ne me semble pas l'avoir mentionné dans la lettre que j'ai envoyée au conseiller Longuehune, ni en avoir parler à son fils, sur Mersant... Je ne voulais pas leur donner l'impression que j'essayais de les apitoyer...
Il lui sourit, réconfortant.
-Mais ils ne te reprocheront rien, Gal. Les Luméniens ne pratiqueront pas le simulacre de justice imaginé par les Kanters. Et puis, tu t'es illustrée dans la Résistance...