La Couronne de Cuivre

Quête: les chemins de Luménis

Le gardien de cimetière s'inclina.
- Je serais ravi de vous servir de guide dans cet humble cimetière. Suivez-moi, gentes dames !
Il les conduisit à travers un dédale d'allées, s'arrêtant parfois un instant pour redresser un vase ou ôter une mauvaise herbe. Il s'arrêta finalement devant une pierre tombale, l'une des plus petite, devant laquelle trônait un vieux vase ébréché contenant quelques fleurs fanées.
- C'est ici!
Il soupira en voyant le délabrement de la tombe.
- Son fils ne passe plus depuis quelques temps, et ses neveux ne s'en occupent guère. Pourtant c'est important de prendre soin des morts après leur trépas. Surtout ici ! Il ne se gênent pas pour revenir la nuit frotter les oreilles à leurs descendants irrévérencieux !

Quête : Les chemins de Luménis

Eldrina se baissa et s'accroupit face à la pierre tombale. Elle la tapota, embarrassée, puis se lança :
- Bonjour Madame... Madame Campana... Voilà, c'était juste pour vous dire que... Votre fils va bien, ne vous inquiétez pas. Voilà. Eh bien, bonne... Elle s'interrompit tout à coup.
Elle avait failli dire «Bonne journée», avant de réaliser qu'elle était en train de parler à une femme morte depuis plusieurs années, et à un bout de pierre. La notion de journée restait donc tout à fait obtuse...
Elle eut un petit rire, et répéta :
- Voilà.
Puis elle se releva et remercia leur guide. Il ne leur restait plus qu'à rejoindre le village.

Quête : Les chemins de Luménis

L'employé du cimetière avait observé la scène avec un petit sourire. Il ne se fit pas prier pour leur indiquer le plus court chemin pour sortir du cimetière et rejoindre le village. Tout en les raccompagnant, il leur vanta les mérites de l'auberge locale, dite "du doux repos", où, leur expliqua-t-il, se vendait la meilleure bière de la région, celle d'"outre-tombe". Il tint à préciser que l'on y dormait dans de vrais lit et pas dans des caveaux humides souterrains. Il les laissa à la dernière rangée de tombes. La route tournait à gauche, contournant une petite butte, et juste derrière s'étendait le village.
Celui-ci était bien plus petit que ne l'auraient pensé les deux voyageuses. Guère plus grand que Respelm en fait. A se demander comment un village aussi petit pouvait posséder un cimetière aussi gigantesque. Sans doute y avait-il une raison historique...

Le jour touchait à sa fin, et le soleil déclinant à l'horizon donnait aux pierres des maisons des reflets rougeoyants du plus bel effet. Les rues étaient quasiment désertes, à l'exception d'un ou deux fermiers se hâtant de rentrer chez eux, et d'une vieille femme tirant l'eau au puits sur la place du village. L'auberge était facile à trouver: c'était le seul bâtiment à posséder deux étages. Son entrée donnait sur la petite place herbeuse au centre du village. Au moment où elles approchaient, un petit groupe de jeunes gens en sortit, dont le plus âgé n'avait pas vingt ans. Quelques sifflements jaillirent alors qu'ils posaient les yeux sur Asna. Il faut bien avouer que la jeune fille, du haut de ses presque 14 ans, était plutôt mignonne. Mais guère habituée à ce genre de démonstration, elle rougit et tenta tant bien que mal de se dissimuler derrière Eldrina. réflexe qui provoqua l'hilarit du petit groupe, et ne les empêcha pas de la reluquer ouvertement. A voir leur démarche hésitante, il était clair qu'ils avaient un verre dans le nez. Et même plusieurs.

Quête : Les chemins de Luménis

La première réaction d'Eldrina avait été l'amusement. La quantité d'alcool qu'ils devaient avoir ingurgité les rendait assez inoffensifs, et légèrement ridicules. Mais la réaction réflexe d'Asna lui fit reconsidérer la situation. Il ne fallait pas que la situation devienne trop embarrassante pour la jeune fille. Peut-être pourrait-elle leur parler, histoire de les calmer un petit peu ?
Elle écarta cependant cette idée aussi vite qu'elle lui était venue. Ce n'était pas avec ses talents d'oratrice qu'elle les convaincrait de laisser la jeune fille tranquille...

Elle lui fit signe de la suivre, et s'avança à grands pas vers l'entrée de l'auberge. Ce faisant, elle lança au petit groupe un regard qui se voulait dissuasif, et d'un geste négligent de la main elle fit apparaître l'épée qui pendait à son côté. La rôdeuse n'envisageait certes pas de les attaquer, mais peut-être qu'elle les intimiderait suffisamment pour qu'ils n'aillent pas taquiner Asna outre mesure.

Son regard noir n'eut guère d'autres effets que d'accentuer les gloussements. Leur avancée les rapprochait du groupe, et elle put les entendre distinctement dialoguer. D'autant qu'ils ne cherchaient pas à baisser la voix, l'alcool aidant.
- Hey, regarde... l'autre est pas mal non plus! Plus pour toi, Joan.
- Attends, t'as vu, elle se prend pour un soldat ! Moi j'aime pas les femmes qui veulent jouer les durs !
- Ouais, t'as raison, une épée c'est pas pour les bonnes femmes... mais moi j'adore leur faire comprendre qui est le maître... si ça te tente, on peut te la dresser...
Des ricanements ponctuèrent cette dernière phrase. Le groupe s'était arrêté, le regard fixé sur les jeunes filles. Pour atteindre la porte d'entrée de l'auberge, elles étaient forcées de passer tout près d'eux....

L'un d'eux s'avança de quelques pas, leur barrant la route avec un salut ironique.
- Vous allez quelque part, mesdemoiselles ?
- Si c'est une chambre pour la nuit que vous cherchez, mon frère et moi on se fera un plaisir de vous héberger ! Et gratuitement, contrairement à ce vieux grippe-sous de Dulac...

Quête : Les chemins de Luménis

Eldrina soupira. Ils étaient de toute évidence encore plus ivres qu'elle ne l'avait imaginé. Mais peut-être pas aussi inoffensifs... Elle avait déjà eu affaire à ce genre de situation, cependant, et si elle avait été seule elle aurait simplement continué son chemin en silence et en donnant quelques coups d'épaule si besoin.
Mais elle devait veiller sur Asna qui était moins habituée qu'elle à ce genre de comportements.

Elle retourna leur salut ironique à ses deux interlocuteurs, et répliqua :
- C'est très gentil à vous, mais... Nous sommes pressées. Alors.. Elle termina d'un ton plus froid. Si vous voulez bien nous laisser passer.

Quête : les chemins de Luménis

- Oh, ces demoiselles sont pressées... minauda l'un d'eux.
- Un rendez-vous galant peut-être ? ajouta un autre avec un clin d'oeil moqueur.
- Bon, allez, on peut négocier le passage... Peut-être... avec un baiser ?
C'était l'aîné apparemment, et il s'adressait à Eldrina.
- Et un baiser pour moi aussi, ajouta immédiatement un autre, plus jeune, certainement son frère vu leur ressemblance. Allez, fais pas ta timide...
C'est Asna qu'il convoitait. L'adolescente se tenait aussi près que possible de la rôdeuse, un mélange d'angoisse et de colère noire dans le regard.
Elles n'avaient que quelques mètres à parcourir, mais les deux garçons se tenaient entre elles et la porte de l'auberge. Leurs trois comparses n'avancèrent pas davantage, se contentant d'observer la suite avec intérêt, un peu à l'écart. Leurs haleine empestaient l'alcool.

Quête : Les chemins de Luménis

La rôdeuse commençait à s'irriter. Les deux types devenaient lourds, et elle avait noté l'air inquiet d'Asna. Et puisque de toute évidence continuer de parler avec eux ne leur apporterait rien, autant agir avant qu'ils ne tentent des actions déplacées.

Elle se tourna vers l'un d'eux, celui qui semblait le plus âgé, et l'attrapa soudain par le col, le soulevant légèrement de terre. Elle plongea ses yeux dans les siens et dit d'un ton menaçant :
- J'ai dit : laissez-nous passer. C'est clair ?
Ce faisant, elle gardait un œil sur les autres, prête à intervenir s'ils tentaient de s'en prendre à Asna.

Quête: les chemins de Luménis.

Apparemment, ils ne s'attendaient pas à un tel éclat. Sans doute n'avaient-ils pas pris au sérieux la présence de son épée. Les trois "spectateurs" semblaient soudainement vouloir se trouver n'importe où loin d'ici. L'un d'eux recula même d'un pas, l'air vaguement inquiet. Quant au jeune homme brutalement soulevé de terre, il semblait avoir perdu sa langue et roulait ds yeux effarés, quêtant sans doute un appui.
C'est son petit frère qui retrouva le plus vite l'usage de la parole.
- Hey, lâche mon frère, sale pute !
- Ta gueule, j'sais me défendre tout seul, répliqua le plus âgé d'une voix rendue rauque par l'inconfort de sa situation. Il gigota un peu, cherchant à se libérer de la poigne de la rôdeuse, mais l'alcool rendait ses gestes maladroits et peu assurés et il commençait à avoir quelques difficultés à respirer.
- Bon, ça va, on peut discuter non ? finit-il par articuler. Difficile de savoir si c'était juste une feinte pour qu'Eldrina resserre sa prise ou s'il était réellement prêt à abandonner la lutte. Son petit frère, lui, semblait prêt à bondir. Et les trois autres plus inquiets que jamais, observant les alentours.
- Hey, y'a du monde qui s'ramène ! lança soudain l'un d'entre eux.
Et instantanément, tous s'égayèrent et disparurent dans les environs. Sauf bien sûr celui qu'Eldrina tenait toujours fermement, et qui n'en menait pas vraiment large... Aux alentours, il n'y avait toujours personne. Soit le jeune avait pris peur en croyant voir une ombre, soit il avait cherché une porte de sortie "honorable"

HRP: Je me rends compte que je fais durer un peu trop dans les campagnes... mais promis, tu seras à Luménis sous peu !
Quand au jeune mec qu'Eldrina tient, il filera dès qu'elle le lâchera : je te charge de l'écrire, histoire d'avancer... et je t'envoie à Luménis au prochain post

Quête : Les chemins de Luménis

Eldrina sourit légèrement. Elle n'avait de toute manière aucune envie de se battre, et elle avait espéré qu'après cela ils choisiraient de les laisser tranquilles. Elle reposa donc celui qu'elle avait empoigné.
- Allez, ouste!
Elle le regarda filer sans demander son reste, et fit signe à Asna de la suivre. Elles entrèrent dans l'auberge et la rôdeuse se chargea de louer une chambre.

Asna était visiblement épuisée, mais Eldrina s'aperçut qu'une bonne nuit de sommeil ne lui ferait pas de mal non plus.

Quête: les chemins de Luménis

L'auberge n'était guère animée, à part dans un angle un petit groupe jouant à un jeu de dés. L'aubergiste voulut leur faire croire que la seule chambre disponible était le caveau familial, mais il revint rapidement sur sa plaisanterie en voyant leur air épuisé, et leur promit la meilleure chambre -qui n'avait rien d'exceptionnel, mais était d'un confort honorable. Le repas était délicieux et Asna se jeta sur tous les plats avec un air affamé. Discrètement, elle demanda à l'aubergiste s'il avait vu quelqu'un correspondant à la description d'Enzo, mais il n'était apparemment pas passé par là. Après tout cela n'avait rien d'étonnant, vu sa propension à préférer vivre librement dehors.

La nuit fut parfaitement calme et elles purent bénéficier du sommeil profond et réparateur dont elles avaient tant besoin. Asna se réveilla pleine de courbature et l'humeur maussade, mais suivit sans broncher sa compagne, avalant machinalement un substantiel petit déjeuner avant de reprendre la route.

Celle-ci se révéla plus monotone que la veille. Elles avaient quitté le relief un brin vallonné des contreforts des montagnes de fer et se trouvaient sur une immense plaine, à marcher droit devant elles, profitant heureusement de l'ombre des nombreuses haies. La région était plus peuplée, elles traversaient des hameaux à intervalles réguliers.Plus elles avançaient, moins les fermes étaient isolées... et plus il y avait de circulation : elles croisèrent quantité de charrettes, caravanes, paysan traînant un âne ou un cheval, véritables convois de marchandise, et même un cirque ambulant revenant de Luménis, et il y en avait certainement autant qui y allaient.
Elles finirent par apercevoir les murailles entourant la ville... et la première chose qui leur sauta aux yeux fut l'importante file d'attente qui se pressait aux portes de la ville.

Je te laisse poster aux portes de la ville (au poste de garde), et je te répondrai...et on essaiera de résumer la fin en 3-4 posts. Gal a dit qu'elle se débrouillerai pour te rattraper dès que je lui ferai signe, mais avant la fin de semaine si possible !

Quête : chercheurs de sens

La pluie tombait toujours sans discontinuer, de plus en plus forte au fur et à mesure que la petite troupe s'éloignait de Luménis. Le temps morose avait dissuadé le paladin de fredonner ou siffloter quoi que ce soit, et même Marvin ne semblait pas d'humeur à bavarder.
- Nous devrions arriver à Dargyll dans moins d'une heure, finit par annoncer le paladin, avant d'ajouter à l'adresse des deux jeunes femmes : pour vous qui ne connaissez pas, attendez-vous à une atmosphère particulière. Le village est adossé à un cimetière gigantesque, dont les origines se perdent loin dans la mémoire collective...
- J'avais enquêté sur son histoire, intervint Marvin, mais il y a plusieurs légendes qui se contredisent...
- Bref... les habitants du village, dans cette atmosphère, ont développé un humour bien particulier. Un humour noir, avec des allusions à la mort et aux morts-vivants... Il faut dire qu'il y a fréquemment des soucis avec des goules ou autres zombies, dans les parages... pas trop en cette saison, heureusement. Leur auberge s'appelle l'auberge du doux repos, et ils y font parfois des concours d'histoires morbides.
- J'imagine que vous y avez passé la nuit, Eldrina, lorsque vous êtes venue de Respelm...

hrp : absente jusqu'à lundi... n'hésitez pas à poster, à bavarder même...

Elle sourit en se remémorant ce moment étrange qu'elle avait passé au cimetière avec Asna. Oui, "atmosphère particulière", c'était un doux euphémisme. Elle acquiesça à la remarque de Marvin, avant de répondre à Bran.

- Oui, c'est exactement ça. Je me souviens aussi de jeunes un peu... turbulents. Je ne suis pas restée longtemps, mais le peu que j'ai vu était assez.... enfin voilà.

Elle lança un sourire amusé à ses compagnons.

A l'abri de la bruine sous la large capuche de la cape dans laquelle elle aimait se draper, Soraes chevauchait sans un mot. Quand ils arrivèrent à proximité de Dargyll, le paladin les prévint de l'atmosphère particulière qui y régnait. La barde s'était attendue à tout sauf à l'atmosphère morbide teintée d'humour noire qu'il décrivait. Apprenant avec surprise qu'Eldrina connaissait déjà plus ou moins le village, elle demanda :
- Vraiment, l'ambiance y est telle que Bran le dit ?
Et sa curiosité soudainement piquée au vif, elle ajouta :
- Et qu'est-ce qui t'avait amenée à Dargyll ?
Puis, s'adressant aux autres :
- Si nous avons la chance de tomber sur un concours d'histoires morbides à l'auberge, je m'en chargerai avec un grand plaisir !
J'en connais quelques unes qui feraient frissonner un mort-vivant !

Eldrina sourit à l'enthousiasme de la barde. Avec un peu de chances, ils allaient bien s'amuser ce soir.

- Oh, c'était juste sur mon chemin pour aller à Luménis. Et oui, cette description n'est pas exagérée. A peine arrivées, nous sommes passées par le cimetière... Euh, nous, parce que j'étais avec Asna. La jeune fille. De l'auberge. Enfin, que vous avez rencontrée à l'auberge. Enfin, pas vous Bran. Elle rougit terriblement et bafouilla plusieurs secondes d'affilée avant de reprendre un peu contenance et de continuer d'un air gêné. Hum, peu importe ... Quoi qu'il en soit, nous avons été accueillies par le gardien qui a aussitôt fait des plaisanteries à base de revenants, de cercueils, tout ça. C'était exactement ce qu'on m'en avait dit...

Elle hésita un instant, se tut, ouvrit la bouche, eut un sourire un peu timide et ajouta pour Soraes:
- Je serais curieuse d'entendre ça ! Il va bien falloir nous occuper pendant le voyage.

La nuit tombait lorsqu'ils abordèrent le village. Et avec elle, une légère brume, qui rendait plus flous les contours des bâtiments, et surtout bien plus sinistre l'immense cimetière qui jouxtait le village. Ils le longeraient le lendemain, en s'enfonçant vers l'est et l'intérieur des terres. Pour l'heure, il n'apparaissait que comme une masse informe de pierres dressées en tout sens, sans même un semblant d'ordre. Une rafale de vent un peu plus forte que les autres siffla quelque part entre les pierres. Bran fronça les sourcils et garda les yeux fixés sur le cimetière, scrutateur, peut-être inquiet.

L'auberge du doux repos était le plus grand bâtiment du village, et des odeurs alléchantes s'en échappaient. Des rires et des bruits de voix également.
- Je vous laisse avec les montures, je m'occupe de nous trouver des chambres, annonça Marvin.
Il revint quelques instants plus tard, accompagné d'un jeune garçon d'une douzaine d'année.
- Il y a deux chambres doubles de libre, ça me semble convenir... Si vous acceptez de partager la mienne bien sûr, ajouta-t-il à l'adresse du paladin qui hocha la tête avec un sourire. Et ce jeune garçon se charge de nos montures...
Bran parut hésiter un instant.
- Je l'accompagne, et je monterai nos bagages...
Le jeune garçon parut sur le point de protester.
- Un paladin s'occupe toujours lui-même de sa monture, expliqua Bran avec diplomatie.
- Oh... vous êtes paladin ? C'est pour ça qu'ils sont en colère au cimetière. Vous avez entendu le vent juste à l'instant ?
- Qui ça, "ils" ?
- Ben... les morts pardi !
Bran secoua la tête, poussa un profond soupir, et préféra se taire, emboitant le pas au jeune garçon tandis que ses compagnons se dirigeaient vers la porte de l'auberge.
La salle principale était bien remplie, mais plusieurs tables restaient libres et Marvin les entraîna vers l'une des plus tranquilles. A l'autre bout de la pièce se trouvait une immense tablée particulièrement bruyante, d'où provenait les éclats de rires entendus depuis l'extérieur.

Eldrina n'avait pu retenir un frisson en voyant se profiler les contours flous du village. L'atmosphère n'était pas particulièrement chaleureuse, et elle avait noté le regard circonspect que Bran avait jeté au cimetière. Bien sûr, c'était un paladin, c'était son rôle de s'inquiéter de tout ce qui relevait de l'occulte et de surveiller le cimetière au cas où, et cela ne signifiait donc rien de particulier. Néanmoins, elle était bien contente de loger dans une auberge et même, se surprit-elle à penser, de ne pas être seule dans sa chambre. Le contraste avec l'atmosphère de Luménis lui apparut soudain nettement et elle s'aperçut qu'elle essayait instinctivement de comparer l'auberge de Dargyll avec l'Ombre de l'Arbre. Allons donc, voilà qu'elle réagissait comme une citadine maintenant.

Elle suivit Marvin dans la grande salle et sourit légèrement en notant qu'il avait fait le choix de s'éloigner de la tablée peuplée et bruyante qu'ils avaient aperçue en entrant.

Soraes avait conté l'une des histoires sordides qu'elle connaissait sur la fin de leur trajet à ses compagnons de voyage, à la demande d'Eldrina. Sortir sa mandoline lui démangeait, car l'histoire nécessitait quelques accents mélodieux pour le côté dramatique, mais elle parut néanmoins faire son petit effet. D'autant plus que le décor s'accordait peu à peu à l'atmosphère sombre de son récit.
En arrivant à Dargyll, la barde n'en menait pas large, mais elle tentait de dissimuler ses craintes sous une mine un peu renfrognée. Ce fut donc avec un immense soulagement qu'elle se laissa gagner par l'ambiance familière et chaleureuse de la taverne.
Elle suivit Marvin qui décida de se mettre à l'écart de la grande tablée animée. Partagée par l'envie de les rejoindre et le besoin de calme, Soraes s'abstint de tout commentaire et s'installa en soupirant.
- C'était une rude journée ! Je ne suis pas fâchée à l'idée de boire une petite bière, de prendre un repas chaud et de dormir dans un lit douillet.

Son vœu devait être rapidement exaucé.
- Bien le bonjour, voyageurs ! Puis-je vous proposer la spécialité de notre brasserie locale, l'Outre-tombe ?
- Avec plaisir... pour moi en tout cas, répondit Bran, qui revenait juste de l'écurie, avec un sourire. Vous devriez goûter, elle est excellente, ajouta-t-il à l'adresse de ses camarades de tablée.
- Blanche comme un revenant d'outre-tombe, avec une mousse aussi légère que le souffle d'un esprit frappeur...
- A en tomber raide, commenta le paladin, levant les yeux au ciel. Je sais...
- Ah, oui, je vous reconnais, vous êtes déjà venu... il y a trois ans je crois ? Quand on a eu cette invasion de zombies déchaînés...
L'aubergiste gloussa.
- Tout ça parce qu'on n'avait pas creusé la dernière tombe au bon endroit. Ah, j'vous jure... Les morts sont encore plus susceptibles que les vivants, par ici !
Marvin grimaça, mais s'abstint de tout commentaire.
- Et qu'est-ce que je vous sers avec ça ?
- Tu leur a mis un lit ou un cercueil ? intervint un client facétieux.
- Tais-toi donc...
- Oh, mais y'en a des rembourrés, parfaitement confortables...
- Je disais donc... au menu, il y a une fricassée de poulet...
- Sans os, bien sûr, les squelettes se sont fait la malle hier.
- Mais tais-toi ! Tu vas les faire fuir... Poulet, donc, avec les premiers légumes de la saison. Notre fromage local...
- Embaumé... euh, non, embaumant...
- Et une crème brûlée.
- Ça ira très bien, les coupa Marvin, un rien agacé.
Un grand éclat de rire parcourut la grande tablée, de l'autre côté de la salle. Apparemment, l'un des convives racontait des histoires particulièrement hilarantes.
- Je vous amène ça d'ici une vingtaine de minutes. Peut-être, avant, voulez-vous repérer vas chambres et y monter vos bagages ?

La rôdeuse n'avait pu s'empêcher de pouffer discrètement en assistant à cette conversation pour le moins délirante. Au quotidien, cela devait sans doute être insupportable, mais pour le moment, elle était bien contente de retrouver une ambiance détendue après l'atmosphère un peu sinistre du village. L'humour devait certainement les aider à dédramatiser la proximité de la mort et sa présence dans leur quotidien ...

Néanmoins, il y avait tout de même beaucoup de monde dans cette auberge, plus qu'elle ne l'aurait cru, et le contraste était encore plus saisissant après avoir passé plusieurs heures sur les routes. Être enfermés dans un lieu de taille modeste avec beaucoup de gens qui pouvaient potentiellement vous parler était assez différent de ce à quoi elle était accoutumée, même ces derniers jours à Luménis, et elle se sentait un peu mal à l'aise. Aussi acquiesça-t-elle à la proposition de monter voir les chambres. Même si elle se souvenait des lieux pour y être déjà venue, se retrouver un peu plus au calme lui ferait un peu de bien.

- Euh, moi oui.

La barde avait écouté la conversation avec un sourire un brin moqueur.
- Bien, voyons voir si cette blanche d'Outre-tombe tient ses promesses…
En fait d'humour morbide, Bran ne s'était pas trompé et elle était heureuse d'avoir été prévenue. Elle acquiesça au menu que l'aubergiste leur dressait, quand un éclat de rire parcourut la grande tablée. Soraes se démonta le cou pour tenter de voir qui était à l'origine de telles démonstrations d'humour. Au même moment, l'aubergiste leur proposa de monter repérer leurs chambres. Mais à vrai dire, l'idée ne la tentait guère pour le moment.
- Eldrina, tu veux bien monter mon paquetage ?
Elle se remit discrètement à l'affût de la grande tablée.

Quête : Chercheurs de sens

L'aubergiste conduisit Eldrina à l'étage, suivie de Bran qui se chargeait de monter les bagages des deux hommes. La première chambre à droite sur le pallier leur était attribuée, celle des deux filles étant la dernière du couloir. Elle était confortable, meublée avec goût - du moins pour qui aime les décorations toute en dégradé de gris. Bran la rejoignit au bout de quelques minutes.
- Et bien... vous avez la plus luxueuse des deux chambres! Nous, en tant que Lathandrites, on a hérité de la chambre blanche. Pas une once de couleur nulle part... Par contre ça doit être extrêmement lumineux dès le petit matin !
Il sourit.
- Mais pardonnez-moi, vous voulez peut-être un peu de tranquillité... Je vais rejoindre les autres en bas...

***

De son côté, Soraes, à force de tendre l'oreille, finit par comprendre que les personnes assises à la grande tablée racontaient à tour de rôle des histoires drôles. Ou plutôt des histoires morbides qui les faisaient pleurer de rire.
- Ce sont les Dargylleries, intervint le client de la petite table voisine qui avait déjà mis son grain de sel lors de leur commande. Un concours d'histoires à mourir de rire, ou parfois de terreur... ou à rire de la mort, qui a lieu tous les ans. Le vainqueur de l'an passé, c'est le grand gaillard rouquin que vous voyez à droite. Mais vous devriez aller voir quand vous aurez fini de manger, ça vaut le coup : ils n'en sont qu'au début de la soirée, mais vous verrez l'ambiance à la fin ! Vous pouvez même participer si ça vous dit. C'est ouvert aussi aux personnes extérieurs au village. Vous avez le droit de faire rire, ou de faire peur...
- Ca m'étonnerait qu'un étranger ait jamais battu un dargyllien à ce concours... intervint Marvin.

Eldrina s'était assise sur le lit en entrant et savourait le calme relatif, aussi sursauta-t-elle quand Bran surgit dans la pièce. Le paladin enchaîna ses phrases sans qu'elle ait le temps d'intervenir et il avait déjà décidé de redescendre avant qu'elle ait totalement retrouvé ses esprits.

- Euh je... D'accord.

Elle le regarda s'éloigner, un peu perplexe, puis s'avança vers la fenêtre pour jeter un coup d'oeil à la vue. A quel aspect de Dargyll auraient-elles droit cette nuit ? (hrp : en supposant que fenêtre il y ait :p )

hrp : en fait il redescendait pas forcément, elle pouvait le retenir, j'ai pas été claire, désolée...

Le paladin parut hésiter, comme s'il attendait de voir si elle ne changerait pas d'avis... Puis, comprenant qu'elle préférait réellement le calme et la solitude, il eût un petit sourire d'excuse et disparut dans le couloir.
La fenêtre donnait sur le cimetière, sombre et inquiétant, même en cette saison. Le crépuscule jetait des ombres mouvantes entre les tombes, et il n'était pas difficile de croire apercevoir fantômes ou zombies se glissant subrepticement dans les allées. D'autant qu’apparemment, il en apparaissait réellement, certains soirs, dans le cimetière. Il n'y avait donc pas besoin d'avoir une imagination débridée pour se sentir franchement oppressée en contemplant les rangées de tombes... Heureusement que l'aubergiste n'avait pas vanté la vue s'offrant à eux depuis leur chambre !
Au-dessous d'eux, elle devinait, aux vibrations du sol, des discussions animées, et une odeur alléchante commençait à se répandre jusque dans les étages.

hrp: Non non c'était très clair ne t'inquiète pas, je n'ai juste pas assez détaillé mais c'est uniquement mon perso qui n'a pas du tout compris les intentions de Bran ;)

Malgré l'ambiance quelque peu sinistre, la rôdeuse n'avait pu s'empêcher de rester un bon moment posée à la fenêtre, fascinée par ce qu'elle pouvait voir et surtout ce qu'elle ne pouvait pas voir. Pour un peu , elle se serait trouvée prête à croire n'importe quelle histoire racontée par les gens du coin. Hé mais ? Qu'est-ce que ... Ah non, c'était juste une feuille emportée par le vent. Et puis cette ombre là-bas avait une bien étrange forme... N'était-ce pas un corps humain ? Non, elle délirait, la tombe était simplement un peu plus grande que les autres. N'est-ce pas ?

Elle resta encore quelques minutes sans pouvoir détacher son regard de la fenêtre, observant, guettant, dans le silence et le froid du cimetière. Puis l'odeur de nourriture qui parvenait jusqu'à la chambre la fit revenir à la réalité. Hé bien, ce n'était pas plus mal qu'elle ne soit pas seule dans sa chambre ce soir, l'ambiance n'était décidément pas des plus enthousiastes !

Elle se décida enfin à redescendre. Elle avait eu sa dose de calme et de solitude, un peu plus qu'elle ne l'aurait pensé d'ailleurs. Il était temps de rejoindre ses compagnons.

- Les Dargylleries ? répéta Soraes songeuse.
Et avant même qu'elle manifesta l'envie d'y participer, qu'elle entendit Marvin douter qu'un étranger puisse gagner. Cette réflexion ne fit qu'accroître son désir.
- Vraiment ? dit-elle à Marvin sur un ton de défi, avec un sourire.
Puis elle se tourna vers l'aubergiste :
- Je serais curieuse de les écouter… et peut être de participer…
Elle se démonta le cou pour dévisager le rouquin et mieux l'entendre. Son rire se joignit à celui de la tablée après une remarque particulièrement acerbe et morbide.
Puis elle dit à Marvin :
- Quelle chance nous avons de pouvoir assister à ça ! J'ai hâte de voir comment la soirée va se dérouler.
Bran et Eldrina s'étaient décidés à redescendre. Il semblait à la barde qu'ils ne s'étaient absentés que quelques secondes.

Hrp : Désolée si je fais traîner le RP plus que d'habitude, j'ai pas beaucoup de dispos en de moment !

Quête : chercheurs de sens

- Ça devrait vous plaire je pense, acquiesça Marvin. Mais je sais que ce genre de festivité se prolonge fort tard dans la soirée... Donc je n'y assisterai probablement pas longtemps, pour ma part. Je n'ai plus l'âge où je pouvais raccourcir mes nuits sans conséquences...
- Moi j'ai l'âge, lança Bran, mais étant donné que je suis chargé de votre sécurité, il vaudrait mieux que je m'abstienne : mes supérieurs ne me pardonneraient pas s'il se produit un incident quelconque demain et que mon manque de vigilance vous met dans le pétrin.
- Je vous ai déjà dit que je n'avais pas demandé de garde du corps... et demain nous ne serons pas encore dans la forêt maudite, nous ne courrons aucun risque. Donc n'hésitez pas à vous détendre, vous avez ma permission si vous voulez passer la nuit entière à écouter des histoires morbides... ou en raconter. Promis, je ne dirai rien à la commanderie !

L'aubergiste leur apporta leur commande, tandis qu'un grand éclat de rire secouait à nouveau l'assemblée, près de la grande table. Mais ils se trouvaient à l'autre bout de la salle, un peu trop loin pour entendre autre chose que des éclats de voix dominant parfois le brouhaha, ou des répliques lancées un peu plus fort.
Puis finalement, on installa une estrade, un peu plus près d'eux, où le grand rouquin fut le premier à monter. En tant que vainqueur du tournoi de l'année précédente, il se devait d'inaugurer la soirée. Il y eût aussitôt des applaudissements à n'en plus finir, menés avec enthousiasme par une petite bande de jeunes supporters, au point qu'il eût bien du mal à raconter quoi que ce soit d'intelligible. Une histoire de squelettes, apparemment. Mais il leur faudrait décidément s'approcher davantage s'ils ne voulaient rien manquer du spectacle.
L'aubergiste prit la parole, demandant, dans l'attente du dessert, des volontaires pour participer au concours. Une poignée de mains se levèrent, une jeune fille monta à son tour sur scèhe. Le concours de dargylleries était lancé.

Eldrina avait souri en voyant l'enthousiasme de Soraes. La barde avait l'air aussi intriguée qu'elle par ce concours d'histoires, et elle était curieuse de voir ce que tout cela donnerait - surtout si Soraes choisissait de participer. Elle se pencha vers elle.

- Alors tu veux participer aux Dargylleries ? Je demande à voir!

Le repas était tout à fait correct, et l'avantage d'être installés au fond était qu'ils purent en profiter paisiblement; mais à mesure que le temps passait, la jeune femme réalisa que s'ils n'entendaient pas les conversations, ils n'entendraient pas davantage les participations au concours. Or elle avait plutôt envie d'y assister, d'abord pour la simple raison qu'il n'y avait guère d'autres animations, ensuite parce qu'elle était vraiment curieuse et que cela promettait d'être assez épique. A fortiori si Soraes pointait le bout de son nez.

Elle hésita un moment, regarda ses compagnons, hésita encore, puis se décida à toussoter lorsque la nouvelle participante monta à son tour sur l'estrade.
- Heu... On n'entend pas grand-chose, que diriez-vous de se rapprocher ?

Elle-même ne comptait certainement pas participer ni même se faire remarquer, et escomptait bien rester dans son coin à regarder le spectacle sans mot dire.

Quête : chercheurs de sens

Bran accueillit la proposition avec un sourire approbateur, et Marvin avec un haussement d'épaules un peu blasé. Mais il ne s'y opposa pas et suivit le mouvement.
Les tables les plus proches de l'estrade étaient bien sûr toutes déjà occupées, mais il restait de la place à la grande table commune. On les y accueillit de quelques regards curieux, voire inquisiteurs, mais aussi de quelques sourires de bienvenue. L'une des convives, une dame âgée, eût même l'obligeance de se déplacer pour leur faire place.
Entre-temps, la jeune fille avait fini de raconter son histoire, un sombre récit parlant d'esprits frappeurs revenant hanter les vivants, arrachant des chuchotement d'effroi au public. Le jeune homme qui lui succéda choisit plutôt une histoire drôle, où un jeune halfelin parvenait à terroriser et ridiculiser un guerrier squelettique, ou peut-être même une terreur guerrière, la description n'était pas très précise. Puis il y eut une histoire de squelette perdant ses osselets. Ensuite, une dame d'un certain âge lança un concours de jeux de mots à tendance morbides, où l'homme qui se trouvait tout à l'heure à la table voisine de la leur se montra particulièrement brillant.
- Alors... vous vous lancez ? questionna Bran, le regard brillant, en se tournant vers Soraes.

Ils se rapprochèrent de l'estrade pour le plus grand plaisir de Soraes. Quand Bran lui demanda si elle comptait se lancer, la barde lui lança un large sourire, et elle acquiesça avec enthousiasme. Elle vida sa chope d'un trait, empoigna sa mandoline de l'autre main, lança un clin d'œil complice à ses compagnons de voyage et profita que personne n'avait succédé à la dernière participante pour grimper prestement sur l'estrade.

Elle commença à raconter l'histoire d'un jeune barde, joyeux et naïf, qui décida de partir à l'aventure. Elle accompagnait son récit en gratouillant sa mandoline, soulignant un accent joyeux ici ou là, au gré de son périple à travers le pays. Mais très vite au fur et à mesure des rencontres crapuleuses que le jeune homme faisait sur son chemin, à force de placer naïvement et stupidement sa confiance en des êtres pourtant manifestement malveillants, il se faisait rouler et voler à chaque fois, et de plus en plus grossièrement. Soraes accentuait les moments comiques de stupidité du jeune barde par un jeu théâtral, toujours accompagnée de sa mandoline. Après s'être fait voler sa bourse, son paquetage, son poignard, et jusqu'à sa lyre - son instrument, sa vie ! - il se fit même voler ses vêtements tant ce pauvre barde était candide et simplet. C'est donc nu comme un ver qu'il atteignit une nouvelle ville, et c'était quand il concluait sur un "Bah… maintenant, il n'y a plus rien dont on pourrait me dépouiller…", qu'il se rendit compte qu'il se trouvait à Dargyll. Des morts vivants apparurent, se jetèrent sur lui et le dépouillèrent de sa chair, ne lui laissant rien sur les os. Ils firent un joyeux festin du candide tandis que l'un des morts-vivants trouva le son de la cage thoracique du barde aussi mélodieuse que celui d'une lyre. Jusqu'au petit matin, les morts vivants dansèrent au son de la cage thoracique du barde, d'une flûte taillée dans un fémur, et de percussions-tibias. Soraes jouait un son grinçant et endiablé pour accompagner la terrifiante gigue des squelettes.

Son récit achevé, Soraes salua bien bas la foule et décampa de l'estrade aussi vite qu'elle était montée. Essoufflée, les yeux brillants et les joues roses, elle reprit sa place auprès de ses compagnons.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Dargyll