La Couronne de Cuivre

Quête : rendez-vous manqué

La jeune demi-elfe enserrait la taille du rôdeur, se blotissant ingénument contre lui.
- Oh, non, je n'habite pas loin d'ici ! Il faut juste aller tout droit par là-bas, et une fois sortis de la forêt on verra la maison de mon père. Au fait, je m'appelle Lili. Enfin, c'est pas vraiment mon nom, ma mère m'a donné un nom elfique à rallonge. Mais tout le monde m'appelle Lili. Enfin, surtout mon père, depuis que ma mère n'est plus de ce monde.

Elle avait prononcé cette phrase sans réelle tristesse. Ombrage s'était mis en route, et la jeune fille, surprise par le brusque démarrage, se serra plus fort encore contre Kasumi. Il sentit son souffle sur sa nuque.
- Allez-y, c'est tout droit. La forêt est moins touffue par là-bas, moins dangereuse. Attention, y'a un écureuil qui traverse !
La jeune fille continua un moment à bavarder de tout et de rien, n'attendant pas vraiment de réponse de la part du rôdeur.

Quête : Rendez-vous manqué

Et le rôdeur ne faisait manifestement aucun effort pour entretenir la conversation ce qui ne semblait pas décourager Lili de parler pour eux deux. Le cavalier s’efforçait de ne pas prêter attention à la jeune femme qui se lovait indécemment contre lui, entourant fermement sa taille comme si elle voulait l’empêcher de fuir leur proximité. Le rôdeur talonna sa monture pour l’inciter à précipiter son allure mais la demi-elfe se serra encore davantage contre lui sous l’accélération. Malgré l’air frais, le rôdeur sentit la sueur couler dans son dos lorsque la jeune femme plaqua son corps mince et ferme contre son dos.

Comme si elle n’avait pas remarqué le trouble qui l’empêchait de prononcer le moindre mot, elle continuait sans discontinuer son discours décousu à propos de sa vie à la campagne. Kasumi en perdit rapidement le fil et ressentit un immense soulagement en voyant l’orée des bois se révéler à quelques dizaines de mètres.

Quête : Rendez-vous manqué

Ils avaient chevauché pendant une bonne vingtaine de minutes avant d'atteindre l'orée des bois. La maison de Lili était toute proche de la forêt, en effet, mais ils avaient débouché des bois beaucoup trop à l'ouest, et il leur fallut presque dix minutes de plus pour l'atteindre.

Un homme, aux cheveux blonds comme ceux de sa fille, sortit sur le seuil de la porte à leur arrivée. En le voyant, la jeune demi-elfe sauta lestement à terre, sans même attendre que Kasumi ait arrêté sa monture, et se précipita vers lui.
- Papa ! J'ai été attaquée, dans la forêt, par un vampire, et ce jeune homme m'a sauvé la vie ! Mais il est blessé... Tu vas le soigner, dis ?
- Un vampire ? Par Mielliki ! Ne me dis pas que tu es encore allée dans leur secteur ? Mais quand donc comprendras-tu que c'est dangereux ?
- Mais je l'ai pas fait exprès.... Je me suis perdue, j'ai voulu rentrer puis je suis tombée sur ce monstre... Et sans ce rôdeur il m'aurait eue...

Le père eut un soupir exaspéré, puis sourit tendrement à sa fille.
- Et tu n'as rien alors ? Tu n'es pas blessée ?
Puis, semblant se rappeler la présence du rôdeur, il se tourna vers Kasumi :
- Excusez-moi, je ne me suis pas présenté. Je me nomme Yanis, je suis le père de Lili. Je crois qu'elle vous doit une fière chandelle... Mais entrez-donc, que je voie ce que je peux faire pour vous.
- Il m'a sauvé la vie... le coupa Lili. Alors il a le droit de m'épouser, maintenant ? Dis ?
L'homme se figea, sourcils froncés, et darda sur Kasumi un regard interrogateur.

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi fut désarçonné par la réplique de la belle jeune femme. Il tourna son regard vers son père et le plaint mentalement d’avoir à veiller sur une fille n’hésitant pas à se promener seule dans un bois hanté et prête à épouser le premier inconnu croisant son chemin. Visiblement son action d’éclat avait complètement aveuglé Lily qui le considérait comme un parti tout à fait convenable alors qu’il devait avoir près d’une quinzaine d’années de plus qu’elle.

Il s’empressa de répondre au regard interrogateur de son père :

- Bonjour, enchanté de faire la connaissance d’un fidèle de la Dame des bois. Je me nomme Kasumi et suis apparemment tombé à point nommé pour renvoyer un de ces sinistres vampires au néant.

Puis après une brève hésitation lui permettant de trouver les mots qui dissiperaient tout malentendu, il reprit la parole en n’hésitant pas à enjoliver un peu sa relation avec Astrée. Un petit mensonge qui ne pouvait porter à conséquence :

- Je dois vous laisser maintenant que votre fille est à nouveau en sécurité. Je poursuivais les esclavagistes qui se sont emparés de ma fiancée lorsque j’ai perdu leur trace au carrefour au nord ouest d’ici. Si je parvenais à retrouver leurs traces, je pourrais peut être encore les retrouver avant la nuit. Si vous pouviez m’aider pour ma blessure, je vous en serais reconnaissant…

Quête : Rendez-vous manqué

- Votre fiancée ?
Le désespoir perçait dans le ton de Lili. Un sentiment de trahison et d'incompréhension se peignit sur ses traits.
- Mais je croyais... Vous étiez tout seul, je croyais que vous n'aviez personne... Et vous m'avez sauvé la vie, alors je me suis dit... Dans les histoires, quand les preux chevaliers sauvent les demoiselles en détresse, après ils se marient, ont des enfants... Je croyais... Je croyais que je vous plaisais.
Ses yeux s'emplirent de larmes, et elle s'enfuit brusquement vers la maison en courant.

Son père la regarda partir, puis tourna vers Kasumi un regard embarrassé.
- Je suis désolé... Elle est parfois si... naïve. Sa mère aurait sans doute su quoi faire, mais depuis qu'elle n'est plus là... c'est un peu comme si elle refusait de grandir.
Il soupira, puis sembla se rappeler un détail.
- Vous dites que vous poursuivez des esclavagistes ? En ce cas, je vais sans doute pouvoir vous renseigner. Je pense les avoir aperçus, sur la route qui part au sud du carrefour. Un groupe de jeunes femmes à pied, toutes vêtues à l'identique de tuniques rouges. Elles étaient accompagnées de deux chariots et de quelques hommes à cheval. Ca pourrait être ceux que vous cherchez ?

Quête : Rendez-vous manqué

Le rôdeur fut sensible à la peine qu’il avait provoquée chez la jeune femme mais il savait qu’elle s’en remettrait et l’aurait probablement oublié d’ici ce soir. Il valait mieux lui enlever toute illusion, toute autre attitude aurait été des plus malhonnêtes vis-à-vis d’elle. La révélation de Yanis lui donna un peu de baume au cœur. La description semblait correspondre en tous points au groupe qu’il poursuivait, jusqu’à la couleur des tuniques que les esclavagistes faisaient porter à leur victimes. Afin de s’en assurer, il pressa son consœur d’en dire davantage :

- Ils seraient passé au carrefour il y a environ une heure et demi d’après mes observations. Cela correspond-il à ceux que vous avez aperçus ? A quelle allure se déplaçaient-ils ? Avez-vous vu une humaine brune d’à peu près mon âge et d’une trentaine d’années parmi les prisonnières ?

Quête : Rendez-vous manqué

L'homme parut embarrassé.
- Je ne saurais vous répondre. Je ne les ai pas vraiment vus de mes propres yeux. En fait....
Il s'interrompit alors qu'un faucun fondait vers eux et venait se poser sur son épaule, fixant le rôdeur d'un oeil méfiant.
- Voici mon ami, Flamme. C'est lui qui les a aperçus. C'était il y a presque deux heures, donc ça pourrait correspondre. Mais je n'ai guère de détails à vous donner, ils étaient trop loin de nous. Flamme était trop haut, précisa-t-il.

Il se tut un instant, et le rôdeur devina qu'il communiquait avec le faucon.
- Voici ce que je vous propose... Nous allons tous les deux rentrer à l'intérieur, prendre un thé bien chaud, et je vais soigner votre jambe pendant que Flamme partira à leur recherche. Il va tenter de les localiser et de les observer de plus près. Comme ça, je pourrai répondre un peu plus précisément à vos questions, et surtout vous indiquer comment les rejoindre en coupant à travers champs. C'est bien le moins que je puisse faire pour l'homme qui a sauvé la vie de ma fille !
Tout en parlant, il faisait signe à Kasumi de le suivre à l'intérieur de la maison. Le faucon, lui, s'envola en direction du sud.

Quête : Rendez-vous manqué

Le rôdeur suivit le demi-elfe de bonne grâce à l’intérieur de sa chaumine après que son faucon se fut envolé apparemment sans effort en profitant des courants ascendants. Sans être richement meublée, la pièce principale avait un aspect chaleureux et confortable invitant à la détente. Un petit feu crépitait dans l’âtre sous une théière déjà prête à être servie. L’endroit était ordonné et plutôt propret et Yanis invita son visiteur à s’asseoir tandis qu’il déposait deux tasses sur la table. Le demi-elfe faillit refuser mais d’un geste le demi-elfe l’interrompit :

- Vous avez perdu beaucoup de sang, rester frigorifié ne vous ramènera pas votre amie plus vite. Mon faucon mettra quelques minutes à retrouver la trace de ceux que vous poursuivez et il devra s’approcher plus près encore si vous voulez des renseignements sur vos ennemis et leurs captives.

Le rôdeur se tut, s’inclinant devant la sagesse des paroles prononcées par son hôte. Avec son aide, il rattraperait probablement le temps perdu, il se pouvait même qu’il gagne plus que cela. Avoir un aperçu, même bref, de ses futurs adversaires lui permettrait de mieux anticiper la façon dont il les combattrait.

- Êtes-vous aussi rôdeur ?

Kasumi avait posé la question avec un réel intérêt malgré l'urgence de la situation qui ne lui laissait pas le loisir de nouer connaissance.

Quête : Rendez-vous manqué.

L'homme secoua négativement la tête tout en versant le thé bouillant dans les tasses.
- Je suis druide, humble serviteur de la nature. Montrez-moi donc votre blessure.
Le rôdeur s'exécuta, et son hôte fronça les sourcils en examinant la plaie ouverte, profonde, que le rôdeur avait à la cuisse. La chair était noircie,comme si elle avait été en contact d'un froid intense qui l'aurait brûlée.

Lentement, il passa l'une de ses mains au-dessus, fermant les yeux et marmonnant quelques mots incompréhensibles. Le rôdeur sentit une douce chaleur l'envahir, et devina que la blessure se refermait petit à petit. Puis, le druide remonta ses mains, l'une au-dessus de l'autre, le long du dos de Kasumi, jusqu'à se trouver en face de se blessure à l'épaule. A nouveau, il psalmodia quelques mots et le rôdeur ne sentit plus la douleur qui le tiraillait. Le guérisseur passa une dernière fois ses mains le long du torse du rôdeur, cherchant sans doute une autre blessure éventuelle. Puis il sourit et s'assit en face de Kasumi.

- Voilà qui devrait vous soulager. Je pense qu'une nuit de repos achèvera de vous rétablir. Mais dites-moi, comment avez-vous donc fait pour ne pas être plus gravement atteint ? Habituellement, les vampires absorbent une part de l'âme de leur victime. Or, je n'ai rien senti de tel chez vous.
Tout en parlant, il avait saisi sa tasse de thé qu'il porta à ses lèvres.

Quête : Rendez-vous manqué

Un druide… Kasumi n’en avait plus rencontré depuis des années. Ils s’aventuraient du reste rarement en dehors de leurs bois. Le rôdeur connaissait leur aversion pour les non-morts que n’égalait que celle des prêtres. Cela expliquait peut être que celui-ci en sache visiblement beaucoup sur les vampires et la façon de les combattre et qu’il ait choisi de s’installer si près de l’un de leurs repères. Le rôdeur avait de nombreuses questions à poser mais il n’en aurait pas le temps d’autant plus qu’il se devait de répondre à son hôte. Il le fit avec modestie :

- Merci pour vos soins. Je me sens déjà beacoup mieux. En fait, l’intervention de votre fille m’a permis de ne pas être trop durement touché. Il est heureux qu’elle ait possédé de l’eau bénite. Cela a grandement affaibli le monstre, inexpérimenté d’après ce que j’ai pu voir. Il m’a touché deux fois mais je bénéficie d’une protection contre certains des pouvoirs de ces créatures. Un ami m’en a fait le don. Un prêtre de Lathandre. Pensez-vous qu'il faudra longtemps à Flamme pour retrouver la trace de ceux qui sont pris à mon amie ?

Le rôdeur but une gorgée du breuvage qui le revigora. Il ne s'était pas rendu compte à quel point il avait eu froid.

Quête : Rendez-vous manqué

A nouveau, l'homme hocha négativement la tête.
- Ce ne sera pas long. Il est rapide...
Il se concentra, perdant apparemment tout contact avec ce qui l'entourait pour partager l'esprit de son compagnon faucon. Puis son regard perdit de sa fixité.
- Il les a trouvés, ça y est. Ils ont suivi la route du sud un moment, puis ont bifurqué vers l'est. Vous devriez pouvoir couper un peu à travers champ pour rejoindre la route où ils sont actuellement. Je vous montrerai...

Il s'interrompit à nouveau, le regard flou, pendant un temps qui parut infini à Kasumi. Puis résuma ce qu'il avait vu.
- Flamme s'est approché. J'ai parfois du mal à stabiliser les images qu'il perçoit, tout bouge si vite... Mais si j'ai bien compté, il y a 8 filles. Elles ont l'air épuisées, d'après leur démarche. Mais aucune ne semble blessée, en tout cas rien de flagrant. Elles avancent la tête baissée. La plupart sont toutes jeunes, ce sont des adolescentes, mais il m'a semblé que l'une d'elle était une adulte, plus âgée, sans doute votre amie. En tout cas, elle est brune. Avec elles, il y a 5 hommes à cheval, armés. Ils n'ont pas d'armure lourde, seulement des gilets de cuir ou de cuir clouté, apparemment. Et il y a deux chariots, avec peut-être d'autres hommes à l'intérieur, en plus des conducteurs. J'en ai aperçu au moins un, je pense que c'est un mage vu sa tenue...
Il grimaça en prononçant cette dernière phrase.

Quête : Rendez-vous manqué

Le rôdeur lui aussi grimaça, les gardes à eux seuls constituaient un défi pour un combattant isolé. Il n’était pas nécessaire d’y ajouter en plus un mage. Le rôdeur n’aurait aucune chance d’atteindre un lanceur de sort entraîné et protégé par des spadassins. Il devrait donc l’éliminer en premier en le prenant au dépourvu ou au moins l’isoler pour le combattre sur son terrain. Jusqu’ici, le combat n’était qu’une perspective lointaine effacé par la nécessité de remonter au plus vite la piste des esclavagistes. A présent, ils formaient une menace bien plus tangible se dressant entre lui et sa compagne. S’il devait y laisser la vie, il devrait au moins faire en sorte de laisser une opportunité à Astrée de s’échapper. C’était le seul objectif qui lui importait vraiment, la sauver. Il s’en rendait compte à présent. La rôdeuse souriante et éprise de liberté qu’il connaissait n’était pas faite pur demeurer en cage sous le joug de maîtres n’hésitant pas à acheter des êtres vivants.

Il finit sa tasse de thé et se redressa, constatant que sa blessure à la jambe était réellement guérie.

- Pouvez-vous me dire à quelle distance ils se trouvent d’ici et la meilleure route pour les intercepter. Je ne vous en demanderai pas plus, vous m’avez été d’une aide très précieuse. Si vous pouviez aussi avertir les autorités sur ce qui se trame… Si je devais échouer, peut être les captives auraient-elles encore une chance, si mince soit elle.

Quête : Rendez-vous manqué

Le druide se le va à son tour et acquiesça d’un signe de tête.
- Je ne manquerai pas d’avertir les autorités… Mais il me faudra attendre demain, le village le plus proche est à quelques heures de cheval.

Alors qu’il venait de raccompagner Kasumi devant la porte, il hésita, semblant réfléchir un instant.
- Attendez-moi une minute.
Il passa dans la pièce à côté et revint rapidement, tenant à la main un bijou à l’aspect étrange qu'il tendit au rôdeur.
- Prenez cette amulette. Si vous la portez au cou, elle pourra vous protéger contre une attaque magique, et absorber les dégâts à votre place. Mais méfiez-vous, ce type d'amulette ne peut en général servir qu'une fois. Dès qu'elle a absorbé l'énergie magique, elle prend une couleur grisâtre et est réduite en cendres. J’en ai deux ou trois d’avance, ma femme était mage…

Puis il sortit sur le seuil de la maison, invitant le rôdeur à le suivre.
- Vous voyez ce bosquet ? demanda-t-il en désignant un bois dans le lointain, au sud. La route qu’ils ont suivi le longe à droite, puis ils ont bifurqué sur un chemin qui le contourne par le sud, de l’autre côté. Vous pouvez gagner du temps en coupant à travers champ tout droit par là, vous longerez le bois par la gauche et vous rejoindrez la route. Mais même comme ça, je pense qu'il vous faudra une bonne heure pour les rejoindre. Enfin, vous avez encore largement le temps avant le coucher du soleil. Et Flamme restera dans les parages, s'ils bifurquent encore il s'arrangera pour vous le faire savoir.

Quête : Rendez-vous manqué

Le rôdeur s’empara avec déférence de l’amulette et la mit à son coup sous le médaillon de Lathandre. Il serra la main tendu par le druide et lui adressa un sourire sincère avant de remonter en selle.

- Vous êtes un homme de bien. Grâce à vous Astrée et moi avons une chance de nous retrouver. Je n’oublierai pas votre geste, Yanis. Je vous souhaite tout le bonheur à vous et votre fille, puisse Mielikki veiller sur vous. Votre fille finira par écouter vos conseils, n’ayez crainte !

Kasumi fit avancer Ombrage dans la direction indiquée et chercha à contacter sa louve pour lui indiquer le changement de programme et l’urgence de la situation. Il ne chercherait pas à l’exposer au combat mais la prédatrice pouvait aisément faire paniquer les chevaux des gardes et à se rapprocher discrètement de leur position. Le demi-elfe tournait et retournait des plans de bataille dans sa tête mais savait, qu’en définitive, il improviserait au vu des évènements et des opportunités. il fallait commencer par rattraper ses proies et si possible avant que la nuit ne s'installe.

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi n'avait pas fait cinquante mètres qu'il entendit un bruit de sabots au galop derrière lui. Se retournant, il aperçut Lili, échevelée, montée sur un petit hongre trapu, chevauchant à bride abattue dans sa direction.
- Attendez !
Elle arrêta son cheval juste devant Ombrage, lui coupant la route.
- Emmenez-moi avec vous... Vous m'avez sauvé la vie, j'ai une dette envers vous. Je sais me défendre, et je veux vous aider. S'il vous plait...

Elle planta son regard droit dans le sien. Ses yeux verts brillaient d'une lueur déterrminée.
- Mon père ne me fait jamais confiance, il ne sait pas ce dont je suis capable. Mais moi, je sais que ma place est auprès de vous, je sais que c'est le destin qui vous a envoyé jusqu'à moi, pour m'arracher à cette vie misérable où je m'ennuie. Je veux vous aider à combattre ces esclavagistes ! Vous m'avez sauvé et je ne vous quitterai plus jusqu'à ce que j'ai payé ma dette... d'une manière ou d'une autre !
Le regard langoureux qui accompagnait ces derniers mots était sans équivoque.

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi n’en crut pas ses oreilles. Il se rendit compte qu’il avait largement sous-estimé le danger potentiel que représentait la jeune femme pour elle-même. Non seulement l’épisode avec le vampire ne l’avait pas ému et incité à plus de prudence mais elle parlait maintenant de se ruer à l’assaut d’une bande d’esclavagiste. Elle n’avait certainement pas la plus petite idée des horreurs qui l’attendaient si jamais elle se faisait capturer par une telle engeance. La jeune fille devait certainement avoir la tête farcie par de belles histoires de bardes où le héros triomphait toujours de l’adversité en restant immaculé. La vie était toute autre, Kasumi avait pu l’expérimenter bien des fois. Il devait maintenant se débarrasser de la jeune écervelée au plus vite. S’il ne le faisait pas, elle trouverait probablement un moyen pour le suivre malgré son refus et se mettre, selon toute vraisemblance, dans une nouvelle situation impossible. Il ne voulait pas non plus se montrer trop brutal avec la jeune fille dont le seul tort était une naïveté à faire frémir.

- Tu n’as aucune dette envers moi. Si je ne t’avais pas rencontré, j’aurais certainement continué sur la mauvaise piste et aurait perdu la trace que je suivais. Et même si c’était le cas, je te demanderais la faveur de pouvoir décider de la façon dont tu l’acquitteras. Une façon qui ne risquera pas de te porter préjudice et sera pour le mieux. Tu pourrais rendre service à tout le monde en restant en vie et en défendant les tiens. Un jour, tu rendras un homme heureux, je n’en doute pas.

Kasumi se garda bien d’ajouter qu’un tel homme, pour prix d’avoir une aussi jolie compagne devrait sans doute avoir le cœur bien accroché et une patience angélique vu sa propension à s’attirer les ennuis. Le rôdeur sentit bien que son discours n’avait pas du tout convaincu Lili de renoncer à son plan. Il devait lui proposer mieux :

- Si ton père est d’accord pour cela, il se pourrait que les villages des environs recherchent de nouveaux talents, des femmes belles et courageuses n’hésitant pas à braver le danger pour protéger les plus faibles. Tu dois apprendre ce que ton père a à t’enseigner pour y parvenir. C’est ce que j’ai moi-même fait. Tu ne dois pas gâcher ton grand potentiel.

Quête : Rendez-vous manqué

Lili parut touchée par les arguments - et surtout par les compliments - du rôdeur.
Elle rougit, baissa les yeux. Puis d'une voix toute timide, murmura :
- Je me doutais que vous refuseriez mon aide... Mais j'ai quand même voulu essayer... Je suis désolée pour votre amie, vraiment.
A nouveau, elle leva les yeux et croisa son regard.
- Et si un jour vous passez par là... n'hésitez pas à revenir me voir. Enfin, je veux dire... Si votre quête se termine mal, si vous arrivez trop tard, vous aurez besoin d'une amie à qui parler... Je serai là pour vous s'il le faut. je vous doit bien ça...
Elle fit volte-face.
- Adieu, beau héros croisé au coin des bois...
Puis elle repartit en direction de sa maison, après un dernier regard en arrière.

Quête : Rendez-vous manqué

Si la situation n’avait pas été si grave et pressante et la jeune femme si manifestement sincère, Kasumi se serait laissé aller à en sourire. Le rôdeur attendit tout de mêmes quelques secondes pour s’assurer que Lili retournait vers on père avant de talonner sa monture et de reprendre sa poursuite. S’il arrivait trop tard, il n’aurait plus envie d’aller nulle part lui laisserait-on le choix. Il coupa à travers champ en prenant garde à ne pas entraîner sa monture dans les zones les plus traitresses. Ce n’était certainement pas le moment qu’Ombrage se froisse un membre. Heureusement, il n’en fut rien et suivant les instructions du druide, il laissa le bosquet sur sa gauche et rejoignit ainsi la route sans encombre. La pluie avait effacé toute trace si tant est que le convoi en ait laissé sur le pavage bien entretenu. Le rôdeur avait pourtant confiance en sa destination, s’en remettant au faucon du fidèle de Mielikki. Malgré tout, il aurait souhaité que Première Neige soit là, bientôt il faudrait passer à l’action et il se sentirait bien mieux s’il pouvait compter sur un allié fidèle. Il ne pouvait pas non plus s'approcher trop près avant la nuit au risque d'être repérer et de compromettre ses chances de surprendre ses adversaires.

Quête : Rendez-vous manqué

La pluie avait cessé. La route que le rôdeur venait de rejoindre était bien entretenue, et sans doute assez fréquentée. Les abords étaient déserts. Tout juste aperçut-il un troupeau de chevaux et leur gardien, à une centaine de mètres de l'endroit où il avait rejoint la route.
Il se trouvait dans un paysage de bocages et de petits bois, légèrement vallonné, qui offrait l'avantage pour ceux qu'il poursuivait de ne pas être visibles de loin et de pouvoir facilement se cacher pour bivouaquer. Mais c'était également un avantage pour lui : il pourrait sans doute se rapprocher un peu sans être vu.
Il traversa un hameau, mais, en l'absence de traces visibles, ne put vérifier si les captives avaient encore une fois été cachées dans les chariots.

Il marchait depuis presque une heure lorsqu'il les vit. Il venait de longer un bosquet au sommet d'un coteau, et la route tournait sur la droite, contournant les bois. A la sortie de virage, il vit, au bas de la colline, à deux ou trois virages de lui, un convoi de deux chariots et quelques chevaux, et des silhouettes à pieds, vêtues d'une couleur rouge qui les rendait aisément repérables. Un faucon piqua vers lui, le survola en rase-motte, puis repris son vol, en diraction de l'ouest et de son maître. Flamme avait accompli sa mission.

Quête : Rendez-vous manqué

Il les avait enfin retrouvés. Le groupe qui cheminait plus bas était trop éloigné pour qu’il puisse identifier Astrée parmi les esclaves qui marchaient, tête courbée derrière les chariots. Il était pourtant certain qu’elle faisait partie du groupe, il le fallait. Kasumi nota rapidement la nature du terrain qui l’attendait plus bas avant de se remettre en route. Il serait trop risqué d’agir au grand jour et il lui faudrait prendre son mal en patience et attendre que le groupe monte un bivouac pour s’en approcher. Il ne pourrait agir qu’à la faveur de la nuit s’il voulait avoir une chance de les surprendre voire d’atteindre les captives avant que l’alerte ne soit donnée.

Son cœur lui ordonnait de ne pas laisser son Astrée entre les mains de ces caricatures d’hommes mais sa raison lui intimer de ne rien tenter avant d’avoir une chance de réussite. Il devrait probablement attendre le retour de Première Neige pour agir, un temps où n’importe quoi pourrait arriver. La patience n’était pas une force du demi-elfe et il savait qu’il ne pourrai regarder sans rien faire si on s’en prenait à la rôdeuse.

Les heures qui allaient venir mettraient ses nerfs à rude épreuves. Il s’efforça pourtant de suivre une trajectoire parallèle à celle du convoi, le devançant parfois pour s’approcher à pied quand la configuration du terrain le lui permettait. Au bout d’environ une demi-heure, il observa ainsi que le convoi empruntait un nouveau chemin de traverse pour s’enfoncer dans un bocage, loin des yeux et des oreilles d’éventuels voyageurs mais pas de ceux du rôdeur…

Quête : rendez-vous manqué

Le convoi avança pendant une dizaine de minutes sur le chemin de traverse. Ils traversèrent un petit bosquet, bordé à son extrémité par une petite rivière qu'ils franchirent sur une passerelle branlante. Ils bifurquèrent juste après, à droite, sur un petit chemin de terre qui longeait le cours d'eau et devait servir uniquement pour le passage de quelques troupeaux.

La rivière contournait le bosquet, et le chemin caillouteux, au bout de quelques dizaines de mètres, tourna donc lui aussi sur la droite, disparaissant derrière les arbres. Le convoi était parfaitement invisible de la route, caché par les bois, et l'emplacement, en bordure de rivière, était idéal pour un bivouac. Tout autour s'étendait un paysage de bocages, des champs bordés de haies. On n'y voyait personne, à part un petit troupeau de vaches apparemment en complète autonomie.

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi ne prit pas le risque d’approcher par le même chemin que celui qu’avaient emprunté les esclavagistes. Au lieu de cela, il mena Ombrage par la bride vers le petit bosquet en lui intimant l’ordre de ne pas faire de bruit. Il le camoufla du mieux qu’il put entre les pins de façon à ce qu’il soit invisible du campement et de la route. S’il devait rebrousser rapidement chemin, il pourrait facilement le retrouver. Mais avant de penser à ses possibilités d’évasion, il lui fallait en savoir plus sur la disposition des lieux. Il s’approcha donc le plus discrètement possible sous le couvert des arbres pour notre que la rivière peu profonde et limoneuse le coupait du campement. Il traversa un peu plus loin en aval pour faire un rapide tour des environs immédiats du camp avant de regagner sa position dans le bosquet, d’où il pouvait observer sans être repéré.

Quête : rendez-vous manqué

La pluie avait cessé, mais le ciel restait couvert, menaçant. Il restait presque une heure avant le coucher du soleil. Cependant l'épaisseur nuageuse avait fait décliner la luminosité bien plus tôt que d'habitude.

Le campement des esclavagistes bruissait d'une activité fébrile. Cinq ou six hommes s'affairaient à monter les tentes sous la conduite de l'un d'entre eux. Trois grandes tentes, et deux un peu plus petites. D'autres semblaient être déjà dans les tentes, et Kasumi n'aperçut nulle part le mage dont avait parlé le druide. Il ne pouvait déterminer pour l'instant le nombre total de ses ennemis.

Huit jeunes filles, vêtues d'une tunique rouge semblable à celle qu'il avait aperçue sur la dépouille de l'une d'elle, aidaient également à monter l'une des tentes. L'homme qui les dirigeait ne se privait pas de les harceler de la voix et de quelques gestes que toute autre personne que lui aurait jugé déplacés. Dès qu'elles eurent fini, elle disparurent sous la tente. Toute, sauf une qu'il reconnut aussitôt : Astrée. Elle avait maigri et ses cheveux étaient rassemblés en chignon, mais c'était bien sa démarche, sa silhouette.

Celui qui paraissait être le responsable du montage des tentes sembla lui donner un ordre d'un ton sec, désignant la rivière. Le rôdeur vit son amie se diriger vers l'un des chariots, y prendre deux seaux métalliques qu'elle attacha aux deux extrémités d'un bâton. Portant celui-ci en équilibre en travers de ses épaules, elle se dirigea d'un pas lent, tête baissée, en direction de la rivière.

Quête : Rendez-vous manqué

Malgré toutes ses résolutions de prudence, le cœur du rôdeur s’emballa en voyant celle qu’il cherchait depuis des jours. Elle était vivante et à seulement quelques pas. Pourtant, il savait que les esclavagistes ne devaient pas être loin et pouvaient l’observer. La libérer était tentant, en archer embusqué, il pourrait aisément abattre un ou deux soldats et lui permettre de traverser pour le rejoindre. Mais le plan était bien trop risqué, dépendant d’impondérables trop nombreux. Si le mage était parmi les observateurs, il parviendrait certainement à briser leur fuite malgré Ombrage tout proche. Le cheval pouvait les porter tous les deux mais en serait considérablement ralenti et ne tiendrait pas la course face à des montures fraîches.

Kasumi devait s’assurer que les esclavagistes ne pourraient pas les suivre avant de libérer sa compagne. Pourtant, c’était une occasion rêvée pour lui faire discrètement part de sa présence et lui redonner espoir. Sa cape lui permettait de se fondre dans les arbres surtout par cette luminosité déclinante aussi risqua-t-il de s’approcher encore. Il sortit de ses affaires un objet que la rôdeuse reconnaitrait certainement dès qu’elle le verrait et qui pourrait lui être utile si elle parvenait à le dissimuler sur elle. Il attendit qu’elle plonge ses seaux dans le courant pour le lancer à deux mètres sur sa droite. Comme il l’avait espéré, la lame du couteau s’enfonça dans la terre meuble du bord du ruisseau. Il espérait simplement que le son n’avait été entendu que par son aimée et qu’elle ne trahirait pas une réaction trop vive. Il s’avança à la limite des ombres pour se révéler si Astrée regardait dans sa direction.

Quête : Rendez-vous manqué

Astrée entendit vaguement le bruit d'un objet qui tombait à terre. Elle n'eut aucune réaction immédiate, continuant à remplir son premier seau. Il lui fallut quelques minutes pour réaliser que le bruit n'était pas naturel, qu'il n'y avait aucune raison qu'un objet tombe de ce côté-ci de la rivière, dépourvu d'arbres.

Elle finit par se décider à s'approcher, obéissant sans doute à une pulsion inconsciente, à une vague curiosité. Elle était tellement fatiguée qu'elle ne sentait plus ses jambes, tellement découragée par ces longues journées de marches sans espoir qu'elle ne se sentait plus la force de penser, de réfléchir, et encore moins d'espérer un quelconque miracle.
Au début, elle avait espéré, envers et contre tout, que les Voyageurs, inquiets de son absence, partiraient à sa recherche. Mais elle connaissait leur profond respect de la liberté de chacun : ils avaient sans doute pensé qu'elle avait préféré partir loin d'eux, et, par respect pour son choix, n'avaient pas cherché à la suivre. Ils ne pouvaient certainement pas imaginer ce qui lui était arrivé.
Bien sûr, dans ses rêves les plus fous, elle avait aussi imaginé que Kasumi, ne la trouvant pas chez elle, ait pu partir à sa recherche, remonter la piste... Mais c'était tellement improbable. Même s'il était venu chez elle, même s'il s'était inquiété de sons absence, il avait sans doute conclu qu'elle l'avait délibérément évité. Et même s'il avait tenté de suivre sa trace, il n'y avait aucune chance qu'il puisse parvenir jusqu'à elle.
Non, elle se savait seule, irrémédiablement seule.

C'est donc sans la moindre once d'espoir qu'elle posa son seau plein, prit le deuxième et se décala d'un mètre ou deux vers la droite pour le remplir. Simple curiosité qui subsistait malgré le désespoir. Ses yeux tombèrent alors sur le couteau... Celui qu'elle avait laissé au campement des voyageurs... Son coeur manqua un battement, puis le sang monta brutalement à ses tempes et elle crut défaillir. Fébrilement, elle redressa la tête, fouillant du regard les buissons en face d'elle à la recherche de la silhouette imposante de Barrack... Et ses yeux s'agrandirent de surprise en reconnaissant Kasumi. Un instant son regard se brouilla, tout se mit à tourner. Ce n'était pas possible, c'était une hallucination, un rêve, il ne pouvait pas être là, si près...
Une impulsion subite la poussait à traverser la rivière, à s'enfuir, tout était possible puisqu'il était là.... Mais non, ce n'était pas possible. Elle se savait condamnée si elle cédait à cet instinct.

Elle s'obligea à retrouver son calme, s'efforçant de calmer les battements désordonnés de son coeur, de retrouver un rythme de respiration normal. Sa vue redevient nette. Il était bien là...
Lentement, elle termina de remplir son seau. Le posa auprès de l'autre. Les accrocha au bâton. Hésita. Elle ne pouvait pas rentrer au camp comme ça, pas sans s'être blottie dans ses bras, pas sans lui avoir parlé...
Tu ne peux pas lui parler. Surtout pas.
Elle hésita encore, le coeur tiraillé entre sa raison et l'espoir fou qui venait de naître en elle. Puis, l'air dégagé, elle ôta ses chaussures, les posa près des seaux, et traversa la rivière. Comme si, tout simplement, elle était saisie d'un besoin naturel pressant. Son coeur battait à tout rompre. Dès qu'elle fut hors de vue du campement, cachée par la haie touffue qui bordait le bois, elle se tourna vers le rôdeur tout proche et mis un doigt sur ses lèvres pour lui intimer le silence.
Pourvu qu'il ne parle pas.
Alors elle fondit en larmes silencieuses.

Quête : Rendez-vous manqué

Astrée l’avait vu ! Lorsque leurs regards se croisèrent par delà la rivière, son cœur battit à tout rompre et il en oublia toute la fatigue accumulée depuis qu’il avait quitté l’abri déserté de la rôdeuse. Celle-ci était amaigrie et manifestement épuisée mais elle était belle, si belle. Il dut faire appel à toute la force de sa volonté pour rester dissimulé et ne pas la rejoindre. Lorsqu’elle traversa le courant, il se prit à rêver d’un fol espoir. Se pouvait-il que ce soit si simple ? Qu’elle disparaisse à la vue de ses tourmenteurs et s’enfuit simplement avec lui ? Ils pourraient peut être gagner quelques minutes avant que les esclavagistes ne s’inquiètent de son retour. Ce serait peut être suffisant pour leur échapper avec la nuit toute proche, mettre Astrée à l’abri et revenir avec la milice sauver les jeunes filles restantes…

Mais ses pensées se brouillèrent et plus rien n’importa lorsqu’il se mit à la serrer dans ses bras, doucement, en silence, respirant le parfum de ses cheveux, son odeur tout contre sa poitrine. Plus rien n’importait que cet instant qui aurait du durer éternellement. Pourtant agir était une nécessité pressante. Ils n’avaient que quelques secondes à eux avant que l’alerte ne soit donnée. Kasumi s’en moquait. Il préférait perdre un bras que de lâcher Astrée qui pleurait et pleurait encore…

Quête : Rendez-vous manqué

Astrée avait l'impression de ne plus pouvoir s'arrêter de pleurer. Tout le désespoir, toute l'angoisse et la résignation qui la minaient depuis quatre longues journées s'évacuaient en un flot continu de larmes silencieuses. Quand les bras de Kasumi se refermèrent sur elle, elle s'y blottit de toute ses forces, s'accrochant à lui comme à une bouée de secours, comme s'il pouvait l'enlever et l'emmener loin d'ici, loin de cette souffrance, de cette captivité inhumaine, de toutes ces horreurs.... Les bras de Kasumi étaient comme un rempart contre tout ça, elle avait oublié à quel point ils étaient doux et forts...
Mais il fallait qu'elle se ressaisisse, de toute urgence, avant qu'ils s'inquiètent de sa trop longue absence et se lancent à sa poursuite... Elle ne pouvait pas courir le risque qu'ils aperçoivent Kasumi, que lui aussi soit capturé. Si elle rentrait au camp sans qu'ils ne s'aperçoivent de rien... alors ils auraient une chance. Mais aurait-elle la force d'y retourner maintenant ?
Elle leva la tête, croisa le regard du rôdeur. Elle avait oublié le vert si profond de ses yeux, son expression si tendre. Et il était si proche... Le temps semblait s'être arrêté. Elle lui suffirait de se mettre sur la pointe des pieds, de tendre les lèvres...

Non, si elle faisait cela, si elle cédait à cette impulsion, elle ne trouverait plus la force de repartir. Il fallait qu'elle résiste, qu'elle n'oublie pas où elle était ni ce qu'elle était devenue... Une esclave.
Elle s'arracha à l'étreinte du rôdeur avec l'impression de perdre une partie d'elle-même, serra les dents. Il fallait faire vite.

A nouveau, elle mit un doigt sur ses lèvres, et, saisissant un morceau de bois, inscrivit quelques mots dans la poussière du sol :

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Elle désigna un anneau argenté qu'elle portait à l'oreille, et que Kasumi n'avait jamais vu auparavant.

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Les pièces du puzzle s’emboîtèrent dans un moment de lucidité. Lorsqu’Astrée montra sa boucle d’oreille, l’image de la jeune fille morte dans d’atroces souffrances lui revinrent à l’esprit. Ainsi, c’était de cette façon que les esclavagistes tenaient leurs prisonnières. Tant qu’elles possédaient ce sinistre bijou, ils avaient les moyens de retrouver les fuyardes. Et si elles tentaient de le retirer… L’effroi se peignit un instant sur ses traits avant de se reprendre : il na fallait pas flancher, ne pas commettre le moindre faux pas. Beaucoup trop était en jeu. Il prit à son tour un morceau de bois et traça des signes dans la poussière. Il avait tant de choses à lui dire mais ils n’avaient que quelques instants, il ne pouvait pas laisser libre court à ses émotion, à la vague qui menaçait de le déborder chaque fois qu’il regardait Astrée.

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Ce faisant, il lui signifiait qu'il avait compris qu'elle devait retourner parmi les esclavagistes même si cette idée lui répugnait visiblement.

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Astrée hésita, acquiesça d'un signe de tête, et prit le couteau qu'elle glissa dans une de ses poches. Pourvu qu'ils ne la fouillent pas en retournant au campement. Non, ils ne pensaient sans doute pas qu'elle puisse ramener quoi que ce soit de dangereux d'un bois. Après tout, elle avait déjà cueilli des herbes médicinales sans qu'ils s'aperçoivent de rien.

Elle traça rapidement sur le sol un plan sommaire du campement, qu'elle légenda le mieux possible : la plus grande tente, à droite, servait pour les repas des hommes de main, dans celle du milieu dormaient les 8 esclaves, enchaînées, et un gardien, celle de gauche était le dortoir des hommes. Elle précisa qu'il y dormait en général 6 hommes, dont l'un faisait des rondes dehors. Elle dessina, devant les autres, deux tentes plus petites : l'une était celle du chef des esclavagistes, le mage, l'autre celle de ses adjoints, un combattant aguerri et un prêtre.

Le temps passait à une vitesse folle, elle devait se dépêcher.
Elle griffonna encore un message :

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Elle écrivait à toute vitesse, sans laisser le temps à Kasumi de l'interrompre, craignant de n'avoir pas le temps de lui donner toutes les indications utiles.
Elle ajouta une dernière information :

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Rien d'autre ne lui venait à l'esprit. Elle se demanda soudain comment il allait pouvoir la sortir de là, seul contre dix hommes. Non, mieux valait ne pas y penser... Il était là, c'était impossible qu'il ne réussisse pas ! Elle leva la tête, croisa son regard... et se sentit à nouveau incapable de repartir vers le campement. C'était trop cruel...

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Le rôdeur avait envie de la retenir mais il savait maintenant que cela signifierait son arrêt de mort. Astrée ne serait pas libre tant qu’il n’aurait pas récupéré l’amulette et trouvé un moyen de la détruire sans risque pour les captives. La situation était encore plus cruelle qu’il ne l’avait imaginée. Il devait se résoudre à laisser son aimée jouer le rôle d’esclave pendant qu’il guettait la meilleure situation pour agir. Attaquer maintenant n’était même pas envisageable. Il ne parviendrait pas à repousser dix hommes même s’il parvenait à laisser sa compagne en sûreté. Astrée parvint encore à lui fournir un précieux renseignement avant de trouver la force de s’arracher à son attraction. Il apprit ainsi que les clefs des fers étaient gardées par le guerrier, bras droit du mage.

Alors qu’Astrée détournait la tête, il approcha délicatement une main de son menton pour voir une dernière fois son visage. Il lui adressa un sourire empli d’une confiance qu’il était loin de ressentir vraiment, histoire de lui donner du baume au cœur. Il ne pouvait même pas lui offrir le réconfort de savoir quand il agirait. Il n’en savait lui-même rien encore. Si une occasion se présentait cette nuit, il la saisirait bénéficiant du couvert de la nuit et de l’avantage de voir dans le noir au contraire de la plupart de ses adversaires. Mais la sagesse voulait qu’il attende le matin lorsque le mage et deux de ses hommes se seraient éloignés. Il était trop déchiré de voir Astrée retourner vers son sinistre sort pour réfléchir posément. Pourvu que Première Neige arrive bientôt…

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Au cÂœur des montagnes

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