La Couronne de Cuivre

Quête : Rendez-vous manqué

La chambre n'était pas très grande, et l'espace disponible pour combattre, entre le mur et le lit, était restreint. Les assaillants avaient l'avantage du nombre, mais Kasumi était protégé par l'allonge de son épée.

Le deuxième assaillant avait esquivé la chaise lancée par le rôdeur, mais l'attaque l'avait suffisamment retardé pour laisser à Kasumi le temps de se placer en position défensive. Il brandissait une épée courte, et c'est lui qui se montrait maintenant le plus actif. Face au rôdeur, légèrement sur sa gauche, il le se mit à lancer de petites attaques, jamais franches, simplement pour l'obliger à concentrer son attention sur lui, à ne pas baisser sa garde. Sur le qui-vive, il esquivait rapidement les contre-attaques de son adversaire.
L'autre se tenait un peu en retrait, sur la droite du rôdeur, guettant une occasion. Si jamais Kasumi avait le malheur de lui tourner le dos, il était fichu... Et son comparse semblait tout faire pour obliger le rôdeur à faire cette erreur.

Quête : Rendez-vous

Kasumi avisa rapidement la stratégie des deux bretteurs. Visiblement, il avait affaire à deux hommes ayant l’habitude de ce genre de besognes, sachant combattre ensemble. Le second attendait son tour, une ouverture pendant que le premier le pressait. Dommage, il avait espérait qu’ils se gêneraient mutuellement. Il ne perdit pas de son souffle pour les interroger, leurs intentions étaient des plus évidentes...

L’homme à l’épée courte aurait sans doute constitué un combattant largement à sa mesure seul, il parait et esquivait toutes les contre attaques que Kasumi pouvait placer sans trop se découvrir. La deuxième épée de celui gisait sur le sol, hors d’atteinte. S’il se baissait pour tenter de la ramasser, il en paierait le prix, en sang versé. Les autres étaient trop bien organisés et rapides pour le laisser agir de la sorte. Il lui fallait éliminer l’adversaire dans son dos mais il ne voyait pas encore comment. Et le temps jouait contre lui. Contraint à se défendre, il ne faisait que retarder l’inéluctable, le moment où il faiblirait, commettrait une erreur dont l’un ou l’autre profiterait. Alors, se sachant perdu s’il persistait ainsi, il se laissa lentement déporter vers la table, avisant au dernier moment qu’une chandelle y brûlait encore. Il faillit récolter un coup de chacun des hommes en se déplaçant ainsi mais sa seconde main se referma sur la bougie. Alors, sans hésiter, il s’empara de cette arme semblant bien dérisoire. Jusqu’à ce qu’il la jette en direction du visage de l’homme à la dague, esparant l'éclabousser de la cire en train de se consumer.

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi s'était légèrement détourné de son adversaire pour lancer la bougie de sa main gauche sur l'homme à la dague. Le projectile l'atteignit au visage et l'homme poussa un cri de douleur, portant sa main à sa joue droite enduite de cire brûlante et collante. L'oeil droit semblait atteint, l'aveuglant partiellement, mais c'était surtout la douleur qui le mettait provisoirement hors de combat. Hors de lui, il prit dans une de ses poches une petite dague qu'il lança en direction du rôdeur, sans l'atteindre.
Puis, sans se soucier du combat qui se poursuivait, il tenta de les contourner à distance, montant sur le lit, cherchant à atteindre à son tour la table où se trouvait un broc d'eau froide. Il tenait toujours sa dague à la main, et nul doute qu'il reprendrait le combat avec une rage décuplée... dès qu'il aurait réussi à calmer un peu sa brûlure.

L'homme à l'épée courte, lui, profita de l'instant où le rôdeur lançait sa bougie pour attaquer. La pointe de son épée frappa Kasumi à l'avant-bras gauche au moment où il se tournait à nouveau vers lui, se replaçant en position défensive. Kasumi sentit un élancement violent et vit le tissu de sa tunique rougir. mais la blessure ne semblait pas très grave.

Quête : Rendez-vous

Kasumi n’eut pas le loisir de profiter de sa réussite. Le second bretteur en avait profité pour l’atteindre douloureusement au bras déjà récemment blessé. Il vit des étoiles danser et rétrécir son champ de vision sous le choc. Le sang se mit à couler le long de son bras gauche et il dut le plaquer le long de son corps pour essayer d’en atténuer l’hémorragie. Cependant, guidé par son instinct, il prit conscience de la menace qui le guettait à revers dès que l’homme aurait repris ses esprits. Alors, sans trop y réfléchir, il ne chargea pas en direction de son adversaire comme il s’y était attendu. Il bondit en arrière, pour se laisser le temps de pousser violemment le lit du plat du pied, espérant ainsi faire perdre l’équilibre à l’homme à la dague. Le retarder, peut être provoquer une ouverture dont il saurait profiter.

Quête : Rendez-vous manqué

Le lit tangua violemment. L'homme qui se trouvait dessus perdit l'équilibre et tomba en arrière, du côté où se trouvait la porte, trop loin de Kasumi pour que celui-ci puisse l'attendre d'un simple coup d'épée.

Il paraissait un peu sonné, tant par le choc que par la brûlure, et avait lâché son arme qui avait roulé à quelques pas, en direction du rôdeur. Lentement, il se redressa, cherchant du regard sa lame. Kasumi eut la confirmation que son oeil avait été atteint : il lui fallut plusieurs instants avant d'apercevoir la dague.
Le demi-elfe avait le temps de s'en emparer avant lui, du moins si son autre adversaire lui en laissait le loisir. Car celui-ci s'était à nouveau rué vers lui, épée brandie, et semblait bien décidé à en découdre.

Quête : Rendez-vous

Dès qu’il aperçut la dague au sol, le rôdeur n’eut qu’une idée en tête, il lui fallait empêcher le second adversaire de la récupérer. Cela lui ferait peut être gagner suffisamment de temps pour en finir avec le bretteur qui le pressait déjà. Sous l’assaut de ce dernier, il se rendit compte qu’il n’arriverait jamais à s’en saisir à temps, alors, il poussa l’arme du bout du pied sous le lit qui avait finit sa course contre le mur.

Il fut alors envahi par une rage noire. Non pas parce qu’on attentait à sa vie, c’était loin d’être la première fois. Mais parce qu’il angoissait de ce que ces assassins avaient pu faire à Astrée. Guidé par le désespoir et la colère, il multiplia les attaques d’estocs et de taille, pressant son adversaire sans relâche, faisant pleuvoir les coups sur lui comme s’il pouvait constituer l’exutoire à toutes sa frustration… Leurs lames s’entrechoquèrent dans un tintamarre indescriptible. Mais Kasumi était trop emporté pour savoir s’il touchait ou non son adversaire. Seul importait de s’en débarrasser au plus vite, de courir au secours de sa bien aimée. Ces hommes étaient un obstacle sur sa route, rien de plus. Il ne se souciait nullement de les tuer ou non. Il fallait qu’ils disparaissent.

Quête : Rendez-vous manqué

L'adversaire de Kasumi reculait sous les attaques, et se trouva à son tour dos au mur. Le rôdeur enchaînait les passes à une telle vitesse et avec tant de force que l'homme récolta bientôt une blessure au bras, puis une autre au flanc, puis à la cuisse. Ses gestes devenaient moins précis sous l'effet de la douleur. Ses blessures le handicapaient. Il continuait à tenter d'esquiver, pour sauver sa vie, mais n'avait plus l'habileté ou la force de contre-attaquer.

Son comparse n'avait pas eu le temps de récupérer sa dague. Un peu hagard, il observait le combat, prenant conscience que son compagnon n'avait pas le dessus. Il recula vers la porte, hésitant à prendre la fuite. Au dernier moment, il se ravisa, sortit une autre petite dague de jet, et la lança en direction du rôdeur qui lui tournait le dos, l'atteignant à l'épaule gauche. La dague s'enfonça dans la chair sans rencontrer d'artère vitale, mais causant une douleur fulgurante qui paralysa quelques instants le bras de Kasumi.
Puis, voyant qu'il n'avait pas réussi à porter un coup mortel, il tourna les talons et s'enfuit dans l'escalier.

Quête : Rendez-vous

La dague s’enfonça douloureusement, lui paralysant un côté mais, envahi par la fureur, il l’écarta de ses pensée. La blessure n’était pas mortelle, l’eut-elle été que ça n’aurait eu guère d’importance. Il ne se souciait guère de sa sécurité, ni même d’achever ces hommes. Lorsque le lanceur s’enfuit dans les escaliers, il fut bien sûr tenté de le suivre mais se ravisa. Seul importait de savoir ce qu’il était advenu de la rôdeuse, si elle était en sécurité, si on lui faisait du mal, encore. Il se refusait à imaginer le pire. Il prit conscience que son adversaire n’était plus en position de se défendre, il pouvait l’achever sur place, lui enfoncer sa lame dans la gorge. Mais, au lieu de cela, il décocha un violent coup de taille qui fit s’échapper l’épée courte de ses mains et l’envoya valdinguer à l’autre bout de la pièce. La rage au ventre, il empoigna ensuite sa victime pour la propulser violemment contre la paroi.

- Qui vous envoit ! Que lui avez-vous fait ? Tu as une seconde pour parler !

Le regard du rôdeur ne laissait planer aucun doute sur sa capacité à mettre sa menace à exécution. Le demi-elfe n'avait pas l'intention de lui en accorder davantage alors que sa compagne était en danger.

Quête : Rendez-vous manqué

La tête de l'inconnu heurta violemment le mur, et il fixa le rôdeur d'un regard vague, vitreux. Il paraissait un peu sonné et guère en état de parler. Néanmoins, le ton de Kasumi, la détermination qui se lisait dans ses yeux sembla éveiller en lui un réflexe de survie. Il se mit à bredouiller, apparemment trop terrorrisé pour prononcer un mot de manière intelligible. Il était parcouru de tremblements et cherchait à éviter le regard meurtrier du rôdeur.

Puis il retrouva la maîtrise de sa voix et finit par lâcher, d'une voix rauque, tremblante :
- Je sais rien, je vous jure que je sais rien. On nous avait juste promis une belle récompense pour vous faire taire. C'est tout.

Quête : Rendez-vous

Le rôdeur sentit sa colère refluer, à peine. Une vague d’angoisse la remplaça immédiatement, menaçant de le mettre à genoux, de lui faire pousser un cri de désespoir. Les assassins avaient été envoyés pour les faire taire... Et Astrée était descendue sans aucune arme. La pensée qu’on ait pu la surprendre alors qu’elle était si vulnérable ranima sa colère. Plutôt que d’interroger leur prisonnier sur leur nombre, obtenir des réponses utiles, il se contenta de lui asséner un brusque coup du pommeau de son épée, l’envoyant mollement au sol, mort ou simplement assommé. Cela n’avait guère d’importance. Puis il récupéra sa deuxième lame qui avait glissé au sol et se précipita vers la salle d’eau, la peur au ventre de ce qu’il pourrait y découvrir, ou pas…

Quête : Rendez-vous manqué

Le rôdeur ne rencontra personne en descendant les deux étages. Il aperçut du coin de l'oeil, par la porte entrouverte, l'aubergiste en train de servir à boire à quelques clients, en pleine discussion animée.

Le petit couloir qui menait à la salle d'eau était désert. Mais la première chose qu'il aperçut, au sol, fut un petit tas de vêtements. Ceux que la rôdeuse avait emportés pour se changer. Et sa trousse de toilette. Apparemment, on n'avait pas pris le temps de les déposer soigneusement, bien pliés : tout indiquait qu'ils avaient été simplements lâchés précipitamment.
La salle de bain, comme il s'en rendit compte lorsqu'il s'en approcha par acquis de conscience, était complètement vide.

Quête : Rendez-vous

Kasumi sentait son estomac se nouer. Les paroles de l’assassin avaient enfin franchi la barrière d’émotions destructrices. Quelqu’un avait voulu les empêcher de parler ? Et si son identité était encore un peu floue, il savait exactement ce qu’on voulait l’empêcher d’ébruiter. Pourquoi avait-il fallu qu’il retourne dans ce village maudit ? Ce qu’il avait redouté de trouver en descendant l’escalier lui fut épargné, pour l’instant. En revanche, il reconnut immédiatement les affaires d’Astrée. Il ne restait plus aucun doute sur le fait qu’elle aussi avait fait une mauvaise rencontre. L’avait-on traînée dehors pour la réduire discrètement au silence ? Une pensée trop horrible et pourtant trop probable pour être écartée. Le rôdeur ne perdit plus un instant, il appela silencieusement Première Neige et la louve put percevoir immédiatement son angoisse et se mit en devoir de s’approcher le plus discrètement possible de l’auberge en la contournant par l’arrière. Alors, il fit la chose la plus courageuse dont il était capable : ne pas se précipiter aveuglément vers la porte de service. Au lieu de cela, il fit son apparition dans la salle commune. Il était conscient d’attirer toutes les attentions, débraillé et la tunique tâchée de sang, ses armes à portée de main. Il ne se soucia pas de provoquer l’émoi des quelques clients et interpella l’aubergiste. Il n'avait pas une minute à perdre :

- Avez-vous vu ma compagne ? Des assassins ont tenté de me tuer et je crains qu’il ne s’en soient pris à elle.

Quête : Rendez-vous manqué

L'aubergiste ne parut pas le moins du monde surpris. Pas plus, à bien regarder, que le petit groupe de clients qui l'entouraient. L'un d'eux, une femme, paraissait en état de choc. Les cheveux encore humide, âgée d'une cinquantaine d'années à peu près, elle semblait sortir du bain.

Tous se tournèrent vers le rôdeur, avec sur le visage des expressions allant de la sympathie à la colère.
- Alors c'est après vous qu'ils en avaient !, lança un homme de forte corpulence, le teint rougeaud. On nous avait pourtant dit que votre auberge était tranquille, ajouta-t-il en se tournant à nouveau vers l'aubergiste.
Lequel semblait au bord de la crise de nerfs.
- Ecoutez, je vous promets que mon établissement n'a pas pour habitude de tolérer de tels agissements. Mais pour compenser cet incident...
- J'espère bien que vous ne nous ferez pas payer un seul centime ! Ou sinon je vous garantis une telle publicité que vous perdrez la moitié de votre clientèle !
- Armand, ce n'est pas si grave, je n'ai rien...

La femme soupira, et daigna enfin se tourner vers Kasumi.
- Oui, ils s'en sont pris à votre compagne. Je suis désolée. Je sortais de la salle d'eau, elle approchait face à moi. Ils étaient deux, ils ont surgi derrière elle et l'ont embarquée. Elle s'est débattue mais ils l'ont emmenée quand même. Ca s'est passé tellement vite... J'ai à peine eu le temps de comprendre ce qui arrivait.
- Je pense qu'ils sont entrés et sortis par la porte de derrière, conclut l'aubergiste. Mais j'aimerais bien que vous m'expliquiez ce qu'ils vous veulent. Parce que les bagarres, dans mon établissement, je n'en veux pas !

Quête : Rendez-vous manqué

Le regard que Kasumi jeta alors à l’aubergiste aurait suffit à le dissuader d’ajouter d’autres questions. On avait encore une fois enlevé Astrée et cet homme ne se souciait visiblement que de la réputation de sa maudite auberge. Des nœuds se formèrent dans l’estomac du rôdeur lorsqu’il entendit la description de l’attaque, lorsque les paroles d’Astrée lui revinrent en tête, sinistrement prophétiques étant donné les circonstances :« Je sais juste qu’il faut saisir les moments de bonheur au moment où ils s’offrent à nous, avant qu’ils ne disparaissent. » Une bien dure leçon qu’il comprenait peut être trop tard… Aurait-il jamais l'occasion d'entendre à nouveau cette voix ? De lui prouver combien il avait eu tort ?

L’aubergiste ou les clients auraient peut être pu l’aider mais il en doutait, ils n’avaient rien tenté face aux assaillants, avaient laissé enlever sa compagne sans même songer à prévenir les gardes sans doute. Le dernier regard qu’il jeta à l’aubergiste avant de lui tourner le dos ne fut que mépris. Il se précipitait déjà vers la porte de service lorsque celui-ci fit mine de protester.

Quête : Rendez-vous manqué

La porte de service se trouvait juste derrière l'escalier menant aux étages, à côté de la porte de la cuisine. Elle donnait sur une petite ruelle, étroite, bordée de quelques maisons silencieuses et de jardins. Elle était déserte. Le sol était simplement en terre battue, avec quelques pierres pour éviter qu'il soit trop boueux durant les intempéries. Mais il faisait secs ces derniers temps, et les traces étaient peu nombreuses. On devinait des traces de pas, en tout sens, la plupart se dirigeant vers un petit jardinet, sur la gauche du bâtiment, où le cuisinier se fournissait sans doute en légumes.

Les autres traces étaient trop peu marquées pour pouvoir être exploitées, d'autant que la ruelle rejoignait, à droite, une rue plus importante, pavée. A gauche, elle se perdait dans la campagne, et le sol était de moins en moins empierré. Mais les empreintes étaient également moins nombreuses, et apparemment plus anciennes.
Kasumi ne trouva aucun signe du passage de la rôdeuse ou de ses ravisseurs, pas plus d'ailleurs que du passage de celui de ses assaillants qui avait pris la fuite. Ils étaient sans doute déjà loin...

Première Neige finit par arriver à son tour. Sans doute occupée à chasser quelque lièvre dans la campagne, elle avait dû galoper à toute vitesse et était tout haletante. Elle détecta immédiatement l'odeur d'Astrée, toute récente, mais la piste semblait difficile à suivre : la rôdeuse était sans doute portée. Elle avait été emmenée vers la droite, en direction de la rue pavée. mais la piste s'arrêtait là. On l'avait sans doute fait monter dans un chariot...

Quête : Rendez vous manqué

Kasumi ne s’était certes pas attendu à voir les agresseurs en sortant dans la rue. Il prenait conscience que le combat contre les deux bretteurs avait duré un bon moment. Et Astrée était déjà depuis longtemps entre leurs mains lorsque les intrus l’avaient attaqué. Il fut gagné par une brusque vague de désespoir, contrecoup de la fureur qui s’était emparée de lui. Astrée était déjà peut être morte, ou en tous cas hors d’atteinte. Il ne supportait tout simplement qu’elle endure encore des mauvais traitements. Tout ça parce qu’il avait cru bon de revenir, de l’exposer malgré les menaces. Il avait été aveugle, impuissant à la protéger, encore une fois… Il avait tant envie de hurler, de baisser les bras face au sort qui s’évertuait à les séparer. Non, il ne le pouvait pas, pas tant qu’il lui restait un souffle. Il suivit la louve, et fut une nouvelle fois déçu. Alors amer, il se tourna et se retourna dans toutes les directions, quêtant du regard quelqu’un qui aurait pu identifier le chariot, les agresseurs, l’informer sur la direction qu’ils avaient empruntée. Sinon, il n’aurait plus qu’à interroger l’assassin, s’il était toujours en état. Et pendant ce temps, ceux qui s’en étaient pris à sa bien aimée s’éloigneraient encore, accomplirait la sinistre besogne pour laquelle on les avait payés.

Quête : Rendez-vous manqué

Hélas pour Kasumi, l'heure ne se prêtait guère aux promenades. Les odeurs appétissantes qui s'échappaient des habitations indiquaient que leurs occupants étaient sans doute en train de dîner. Et il était guère probable qu'ils aient regardé par la fenètre au moment précis où on emmenait Astrée.

Il vit, non loin, une vieille femme sortir de chez elle pour aller puiser de l'eau. Des enfants rentraient précipitamment manger, à l'autre bout de la rue. Mais a priori, nul n'avait été témoin du kidnapping.

Il ne lui restait plus qu'à rentrer à l'auberge... et poursuivre son enquête.

Quête : Rendez-vous manqué

Affolé, Kasumi regagna l’auberge en empruntant cette fois-ci la porte principale. Il passa en coup de vent dans la salle commune, se dirigeant résolument vers les escaliers avant de se raviser, de forcer son cœur à cesser de battre aussi vite, sans succès. Il se sentait moite, le teint blême, presque défaillant. Les blessures commençaient à accomplir leur travail de sape, tout comme l’inquiétude paralysante qui ne lui permettait pas de réfléchir clairement. Il s’arrêta juste assez longtemps pour lancer une question et observer la réponse, s’attendant à moitié à ne rien obtenir de tangible à quoi se raccrocher.

- Un homme est descendu, peu de temps avant moi. Pouvez-vous me dire par où il s’est enfui ? A quoi ressemblaient ceux qui s’en sont pris à Astrée. Je vous en prie, le moindre détail pourrait m’aider.

N’était le sentiment d’urgence, il se serait probablement effondré sur place. Mais il ne pouvait pas se permettre ce luxe. Pas tant qu’Astrée serait en danger. Pas tant qu’il resterait un espoir, même infime, de la retrouver.

Quête : Rendez-vous manqué

La discussion houleuse entre l'aubergiste et le petit groupe semblait avoir pris fin. L'irascible client avait sans doute fini par être satisfait du compromis.
Le petit groupe s'était finalement attablé tout près de la porte menant aux escaliers. L'aubergiste, entendant la question de Kasumi, s'approcha à son tour. Mais la femme qui avait été témoin de l'enlèvement le devança.
- Je suis désolée de ce qui est arrivé à votre amie. Je ferai le maximum pour vous aider mais... , je n'ai pas eu le temps de les observer. Tout ce que je peux dire, c'est qu'ils étaient de taille moyenne, et portaient une espèce d'écharpe noire qui masquait leur visage. Je sais que ce ne vous sera guère utile. Tout s'est passé tellement vite... Et ensuite, je me suis précipitée ici, et j'ai raconté, on s'est mis à discuter... et je n'ai vu personne descendre les escaliers, peut-être que la porte était fermée, je n'ai pas fait attention en tout cas.

Les autres convives semblaient eux aussi n'avoir vu personne. L'aubergiste conclut la discussion.
- Moi non plus, je n'ai rien vu, je suis désolé...
Il semblait hésitant, et fit mine de raccompagner Kasumi en direction de l'escalier. Se rapprochant de lui, il poursuivit d'une voix plus basse pour ne pas être entendu.
- Ecoutez... Je ne devrais sans doute pas m'en mêler, je risque de m'attirer des ennuis... Mais on a une bande de voyous qui sévissent parfois dans le village, des petites frappes qui vendent leurs services. Ils portent souvent une écharpe noire, justement. Leur chef est un certain Pablo, je crois...

Il fut interrompu par un jeune garçon d'une huitaine d'années, qui fit irruption dans la grande salle et se précipita droit vers eux. Il s'adressa au rôdeur sans se soucier d'interrompre ainsi leur conversation.
- Excusez, moi, je cherche un demi-elfe répondant au nom de Kasumi. Est-ce vous ?
Le rôdeur était apparemment le seul demi-elfe de l'assemblée...

Quête : Rendez-vous manqué

La tête commençait à lui tourner, comme si les évènements s’évertuaient à se précipiter alors que son esprit s’engluait dans la panique. Une bande de voyous, un certain Pablo, un homme disparaissant en plein remue-ménage, tous ces faux semblants et il devait choisir, décider d’un chemin, au plus vite. Que faisait-on à Astrée ? Non, il ne devait pas y songer, cela le paralyserait. Tout irait bien si seulement le monde cessait un instant de tourner autour de lui. Alors, lorsque le jeune garçon parla, il ne comprit pas immédiatement qu’il s’adressait à lui. Mais le ton du garçon et les mots parvinrent finalement à son esprit avec retard. Il avait perdu beaucoup de sang. Il se tourna un peu brusquement dans sa direction, d’un geste saccadé qui eut pour résultat de lui donner la nausée :

- Oui, c’est bien moi. Pourquoi me cherches-tu ?

Le ton était un peu sec, un peu las et le demi-elfe dut cligner plusieurs fois des yeux pour réussir à croiser le regard de l’enfant.

Quête : Rendez-vous manqué

L'enfant était un tout jeune garçon, aux vêtement trois fois trop grands pour lui et passablement usagés. Il tenait une enveloppe à la main.
- On m'a demandé de vous remettre ceci.

L'enveloppe contenait deux choses : un médaillon qu'il reconnut aussitôt, celui qu'Astrée tenait de sa mère et qui l'aidait à communiquer avec les animaux ; et une missive de quelques mots seulement.

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L'enfant attendait, debout près de lui. Peut-être un pourboire ?

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi faillit déchirer le message en lambeau en sentant la rage monter en lui. Rentrer à Luménis ? Comment pourrait-il seulement y songer alors qu’Astrée était entre les mains de ces sales esclavagistes. Il promettait de la tuer s’il restait mais rien n’indiquait qu’il la libèrerait dans le cas contraire. Elle en savait autant que lui. Peut être même qu’elle était déjà morte. Ou alors, on lui réservait un sort bien pire encore, en l’emmenant là où ses paroles n’auraient aucun poids. On n’écoutait pas une esclave. Kasumi faillit vomir, à nouveau. Il ne pouvait pas partir ainsi, et s’il posait des questions, il mettrait Astrée en danger. Le commanditaire de cet enlèvement et de la tentative d’assassinat avait visiblement beaucoup de relations en ville, même parmi la garde, les seuls à qui il avait donné son nom et son origine. Le rendez-vous du lendemain… Il n’y avait rien à en attendre là non plus, et il serait déjà trop tard pour sa compagne. Il ne pouvait pas prendre ce risque.

L’esprit dans le vague, il s’avança vers le garçon mais suspendit son geste. Il ne fallait pas l’effrayer, il n’y était pour rien. Il se força à prendre une longue inspiration et le ton le plus calme dont il était capable :

- Qui t’a remis ce message et quand ? C’est très important.

Quête : Rendez-vous manqué

L'enfant avait reculé d'un pas, avisant la tunique ensanglantée du rôdeur et la colère qui brûlait dans son regard. Il sembla prendre son courage à deux mains pour répondre.
- Je ne sais pas qui c'était. Un type qui traîne souvent près des quais, il me semble que je l'ai déjà vu. Et il me l'a donné... il y a deux ou trois minutes, juste le temps de vous l'apporter. Pourquoi, j'ai mis trop de temps ?

L'aubergiste l'interrompit en attirant le rôdeur un peu à l'écart. Il parlait toujours à voix basse, inquiet.
- Si ce type est souvent sur le port, ça confirme ce que je vous disait. Ceux dont je vous ai parlé traînent souvent sur les quais, en train de faire de petits travaux plus ou moins honnêtes, ou à la taverne du Bateau Ivre, un minuscule établissement plutôt... mal famé. Mais cela dit... ça ne prouve rien. Et ne dites surtout à personne que je vous en ai parlé, hein !

Quête : Rendez-vous manqué

Le premier mouvement de Kasumi aurait été de courir dans la direction des quais pour retrouver l’homme qui lui avait remis ce message. Mais il se reprit avant de commettre cette idiotie fatale. La missive lui posait clairement un ultimatum et les assassins qui s’en étaient pris à lui ne laissaient aucun doute sur la détermination à mettre la menace à exécution. De plus, courir en tout sens ne pouvait le mener nulle part. S’il devait faire parler cet homme, ce devait être en choisissant son terrain, et discrètement. Il fallait leur faire croire qu’il se pliait à leurs volontés pour tenter de gagner du temps. Pour en apprendre davantage, ne pas foncer en aveugle, réfléchir. Les hommes qui s’en étaient pris à lui n’étaient visiblement que liés indirectement aux vrais commanditaires. Mais peut être pourrait-il remonter leur piste. Une détermination nouvelle prit la place de la panique alors que le rôdeur s’obligeait à penser. Astrée et lui devaient révéler ce qu’ils avaient appris sur le trafic d’esclave et on voulait éviter que ces informations soient diffusées. Il faudrait s’en servir. Même s’il n’avait aucune idée de comment pour l’instant. En tous cas, cela désignait deux coupables potentiels Sir Focinest, le négociant en chevaux et Jason, le transporteur, ce qui le ramenait encore aux docks. Le rôdeur mit ses conclusions de côté pour les analyser plus tard. Il jeta une pièce au garçon sans se soucier de son métal et fit signe à l’aubergiste de le suivre dans les escaliers menant aux étages.

- Je ne dirai rien sur vos renseignements mais vous pouvez encore m’aider. Pouvez-vous me dire où habite ce Pablo ainsi qu’un certain Jason. Un simple renseignement.

Il préférait ne pas évoquer un nom plus dangereux qui pourrait braquer le tenancier ? Du reste, trouver la demeure de l’influant Focinest n’aurait sans doute rien de très difficile. Il s’apprêtait déjà à monter les marches, pour interroger le prisonnier s’il vivait encore.

Quête : Rendez-vous manqué

L'aubergiste grimaça.
- Où habite Pablo ? Ma foi, je n'en sais rien, et si je le savais, je ne vous le dirais sans doute pas je ne veux pas me retrouver un beau matin avec une dague plantée dans le coeur ! Mais je pense qu'il vit caché, de toute façon, ou peut-être sous un autre nom, sinon il y a longtemps qu'il aurait été arrêté.

Il réfléchit un instant.
- Et vous cherchez un certain Jason ? J'en connais deux, je ne sais pas si celui que vous cherchez est l'un d'eux. Le premier est un berger qui vit à l'écart du village, en direction des montagnes. Le deuxième est un batelier, sa maison donne d'ailleurs sur le port. Une assez grande bâtisse sur deux niveaux, dans le pâté de maison à l'est de la taverne dont je vous ai parlé. C'est la plus grande maison du coin. Il a les moyens, vous pensez, il possède deux péniches.

Quête : Rendez-vous manqué

Le rôdeur se précipita vers les marches menant aux étages et les gravit quatre à quatre sans se soucier de la douleur dans son bras et à son épaule. Il savait que seul l’action et l’angoisse le maintenait encore debout. Alors il ne devait pas s’arrêter, sous aucun prétexte. S’il se laissait aller à se reposer, il tomberait probablement d’épuisement. Visiblement toutes les pistes semblaient mener en direction du port. Ce Jason recevrait probablement une visite sous peu. Mais il lui en restait encore une à ouvrir. Il se dirigea vers sa chambre, épée au clair au cas où son ennemi ait reprit ses esprits où que d’autres l’y attendent. Mais rien de tel ne l’attendait. L’homme gisait toujours à l’endroit où il l’avait laissé quelques minutes plus tôt. Le rôdeur pouvait croire qu’il était mort mais s’approcha afin de s’en assurer. Si le bretteur détenait d’autres informations, il pourrait s’avérer utile de le faire parler. Il s’approcha donc de lui, l’épée prête à frapper s’il faisait mine de se montrer hostile.

Quête : Rendez-vous manqué

L'homme ne broncha pas. Il était vivant, cependant, mais son pouls était faible et sa respiration laborieuse. Il avait perdu beaucoup de sang, et ne pourrait sans doute pas reprendre conscience sans l'aide d'un clerc.

Il ne réagit pas lorsque Kasumi s'approcha de lui. Le rôdeur ne trouva rien de bien utile dans ses poches. Tout juste quelques pièces de monnaie, un canif, et une pomme.... Rien ne permettant de l'identifier, rien ne permettant d'identifier ses commanditaires. Son bras gauche était tatoué : un serpent.
Son épée courte, qui avait valsé à l'autre bout de la pièce, n'était pas sa seule arme : comme son complice, il possédait quelques dagues de jet.
Rien d'autre n'attira l'attention du rôdeur. C'était un simple voyou anonyme, comme tant d'autres.

Quête : Rendez-vous manqué

Après avoir rapidement examiné le blessé, Kasumi se détourna de lui. Il ne connaissait qu’un clerc en qui il pouvait avoir confiance et mener discrètement son prisonnier jusqu’à lui serait prendre un trop grand risque d’être découvert, pour sans doute aucun bénéfice. Il n’avait plus qu’à se plier aux exigences des ravisseurs d’Astrée et quitter la ville. En apparence du moins. Il comptait bien rendre quelques visites ce soir là. Un certain Jason figurait en haut de sa liste. Mais s’il pouvait mettre la main sur un certain sergent en particulier, il ne se priverait pas de l’interroger sur certaines fuites qui avaient menées à la capture de sa compagne.

Le demi-elfe pansa donc au mieux la plaie à son bras et plus difficilement celle à son épaule avant de réunir rapidement les quelques affaires qu’ils n’avaient pas laissées sur Ombrage. Il ressortit de l’auberge et se dirigea vers l’écurie sans soucis d’être vu, au contraire. De là, il se dirigerait vers le temple. On ne s'étonnerait pas qu'il se fasse soigner. Il ferait mine ensuite de reprendre la route, la tête basse. Espérons que cela tromperait suffisamment ses ennemis. Personne qui le connaissait un tant soit peu y croirait une seconde.

Quête : Rendez-vous manqué

Le garçon d'écurie finissait de nourrir les chevaux, et parut passablement surpris de voir l'un des clients venir récupérer sa monture à une heure aussi tardive. Mais, habitué à obéir sans discuter, il ne rechigna pas et aida de son mieux le rôdeur à préparer la bête.
Ombrage était quelque peu frustré d'être aini dérangé au début de son repas, et continua à mastiquer avec un dédain manifeste pendant qu'on le sellait. Puis il fut bien obligé de suivre le mouvement.

Le soleil se couchait lorsqu'il quitta l'auberge, et les rues étaient désertes. Mais les habitations bruissaient de mille voix étouffées et l'air regorgeait d'odeurs appétissantes.
Le rôdeur laissa sa monture devant le temple. A l'entrée, il se heurta au vieil aubemestre qui s'apprêtait à fermer la porte. Celui-ci le reconnut aussitôt, et s'apprêtait à l'accueillir avec un grand sourire de bienvenue lorsqu'il avisa ses blessures. Les mots moururent sur ses lèvres.
Il fit signe au demi-elfe de le suivre, et referma la porte derrière eux.
- Que vous est-il arrivé ? Je ne pensais pas vous revoir si tôt, et encore moins dans un tel état. Laissez-moi examiner vos blessures...

Quête : Rendez-vous manqué

Se retrouver face à l’aubemestre qui les avait déjà tant aidés lui procura un étrange sentiment de soulagement. Comme s’il pouvait faire encore des miracles. Mais le rôdeur était trop bien trop paniqué pour se laisser aller à pareilles illusions. De plus, requérir son aide pouvait le mettre en danger lui aussi. C’était un homme bon et Kasumi ne souhaitait pas prendre ce risque. Il prenait douloureusement conscience de pourquoi les esclavagistes avaient choisi cette destination plutôt que de tenter d’embarquer depuis une crique isolée. Cette ville semblait pouvoir assurer la protection de criminels dans leur genre. La circonspection de l’aubergiste et la trahison de certains gardes abondaient dans ce sens.

Lorsque le clerc l’emmena dans le sanctuaire et posa sa question, le rôdeur aurait bien pu s’effondrer, de frustration, de colère impuissante, de lassitude envers cette suite d’épreuves. Au cœur même temple de Lathandre, il était bien près de perdre espoir et sa voix trahit son émotion lorsqu’il parla à voix basse, pour ne pas se faire entendre d’oreilles indiscrètes :

- Vous ne devez en parler à personne dont vous soyez absolument sûr qu’il se montrera loyal. Et pas avant qu’il ne m’arrive malheur. Le rôdeur quêta l’assentiment du clerc avant de poursuivre, un peu plus assuré :

- On a tenté de me tuer ce soir. Et on a enlevé ma compagne, Astrée. Le dire par des mots faillit lui arracher un sanglot.

- On voulait nous empêcher de rencontrer le capitaine des gardes demain. Nous avions des informations qui pouvaient accuser un marinier du nom de Jason ainsi que Sir Focinest d’être mêlés au trafic d’esclaves. Je dois tenter de la retrouver. Avant qu’il ne lui arrive malheur. Je crois que je ne le supporterait pas. Si vous pouviez juste me remettre en état...

La Couronne de Cuivre

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