La Couronne de Cuivre

Le voleur devait bien avouer qu'il était content d'avoir les trois autres à ses côtés, enfin devant lui était plus juste, d'abord parce que la wyverne était vraiment costaude et même avec l'aide du sorceleur ils n'étaient pas sûrs de la battre, ensuite il avait épuisé toutes ses munitions et l'arbalète était devenue inutile bien que son utilité ait été toute relative au vu de ses piètres résultats.

Sa dague en main il cherchait une occasion de s'en servir, en ce sens l'intervention du sorceleur allait lui aciliter la tâche. A ses côtés la magicienne incantait un nouveau sort, Sarakh remarqua ses traits tirés, la bête devait être abbatue maintenant ou cela allait s'avérer plus compliqué.

Le sorceleur était là. Il combattait avec lui. Cela redoubla la vaillance de Will qui se mit à crier.

"Sus au monstre. En avant, valeureux frères d'armes."

En hurlant toujours, il abattit son épée sur la tête du monstre en espérant que son coup fasse mouche. Pour une fois dans sa vie, il se sentait ... heureux. Aussi heureux que le jour où il avait reçu son armure et l'insigne de la Rose. Mais n'était-ce pas aussi parce que ce jour là, l'entraînement sans pitié qu'il subissait prenait fin ?

Le premier coup qu'il porta à la Wyverne n'avait pas eu l'effet escompté. Il avait failli être mis hors combat par la charge du monstre, seul son bouclier magique lui avait permis de rester en lisse. De leur côté, leur compagnons ne restaient pas inactif, Will les avait enfin rejoint et avait chargé à son tour, la magicienne lui envoya un nouveau sort qui semblait plus l'affecté que le premier. Puis d'un coup le combat s’accéléra. Le sorcelleur se joignit à eux, enserrant le monstre d'une chaine aux pouvoirs magiques, mettant ainsi la bête en position de faiblesse. Il en profita essayer de lui porter un autre coup au flan. Pendant ce temps, Will s'attaqua à la tête et Sarakh s'en prenait à sa queue. L’issue du combat tourna en leur faveur, ils vinrent à bout de leur assaillant. Bombur était essoufflé, le bras qui tenait son bouclier l'élancé mais sa première pensée fut pour l'enfant, où était-il? Il se tourna vers Will.

"Où est le bébé? Il a fuit au début du combat et vous lui avez couru après.Avez-vous réussi à le mettre en sureté?"

Alors que les grognements et borborygmes de la Bête s'éteignaient enfin, les pleurs de l'enfant se firent entendre, tous proches. Il n'avait pas bougé de là où Will l'avait laissé, visiblement obéissant ou trop terrifié pour s'enfuir. Le sorceleur, quant à lui, entreprit de découper la Wyverne pour y récupérer certaines parties : écailles plumeuses des ailes, yeux et langue. Un bruit écœurant se fit entendre lorsqu'il enfonça son épée dans la poitrine monstrueuse et fit levier pour atteindre le cœur.

- Il est à vous, vous avez vaillamment combattu pour des humains. Et des nains, ajouta-t-il en incluant Bombur.

Le besoin de contrôle et la suspicion légendaire de Maelwenn refirent surface immédiatement après la mort du monstre. Eprouvée par le combat et impressionnée par ses compagnons, elle devait leur reconnaître d'avoir bien sur gérer la situation. Impressionnant pour des hommes, impressionnant pour des personnes sans aucun contact avec la magie...

Elle regarda le sorceleur avec attention, mais ne reçut pas ses éloges comme auraient pu le faire ses compagnons. Elle le dévisagea avant de répondre :

"Oui, en même temps, nous étions là... dans ce but en quelque sorte."
La jeune magicienne s'approcha de Bombur et posa une main sur son épaule, pleine de reconnaissance pour toutes ces nouvelles connaissances qui venaient de lui sauver la vie.
Elle jeta un coup d'oeil derrière elle et demanda :

"Quelqu'un peut-il aller chercher l'enfant ? Will, il a l'air de t'apprécier... Profites-en."

Maelwenn se tourna alors vers le sorceleur et poursuivit son "interrogatoire" :

"Que faites vous ici ? Il n'y a par ces marais que des gens pitoyables et sans défense... il n'y a donc pas d'argent. Ce n'est donc pas ce que vous recherchez ?"

Le sorceleur adressa un sourire de connivence à la magicienne et, avant de répondre, trancha d'un coup net la tâte du monstre.

- Voyez-vous, il y a un bon prix sur la tête de cette wyverne. Elle terrorise depuis des semaines les gens du coin. Ils l'accusent de la disparition de ses enfants. Mais la réalité est bien plus sombre : c'est l'homme que vous avez retrouvé qui les amenait ici. Apparemment, il pensait que ça le protégerait des monstres ou alors il avait d'autres motivations. Ce n'est pas vraiment mon problème : il l'a payé de sa vie.

Sarakh se se remémora les blessures que portait le corps du malheureux, il interpella alors le sorceleur:

"Est ce vous qui avez tué cet homme? Ses plaies étaient bien trop nettes pour avoir été causées par des dents ou des griffes de wyverne"

Will lui lança un regard courroucé, manifestement il tenait le sorceleur en haute estime et ne souffrait point que des critiques soient émises à son sujet.

Will se sentait de nouveau mal à l'aise. S'il n'avait pas eu peur de retourner combattre la wyverne, il était effrayé à l'idée de retrouver l'enfant. Arriverait-il à le convaincre de retourner avec lui ? Comment pourrait-il le convaincre ? C'était un homme d'action, que diable, pas une nounou !

Mais curieusement, il ne répondit pas non à Maelwenn et alla trouver l'enfant sans rechigner. Il se sentait vraiment maladroit.

Arrivé vers le gamin, il se força à sourire, et s'accroupit vers lui pour ne pas avoir l'air trop impressionnant.

"Petit garçon, la wyverne est morte. Veux-tu que nous te ramenons chez tes parents ?"

La magicienne lui posa une main sur son épaule, il se sentit rougir à ce geste d'amitié. Il ne lui parla pas mais dans son regard, elle lui exprimait toute sa reconnaissance pour avoir mis sa vie en péril afin d'empêcher la Wyverne de l'attaquer. Les propos du sorcelleur ne le surprirent pas: trop souvent certains humains cupides n'hésitaient pas à sacrifier leur semblables pour survivre. Les Wyvernes étant exterminées, ils ne leur restaient plus qu'à retourner au village pour ramener le petit à sa mère ainsi que le corps du traitre afin qu'ils sachent tous la vérité.

L'enfant releva la tête à l'approche de Will. Ses larmes avaient ménagés de longs sillons sur la peau sale de ses joues mais il tournait des yeux reconnaissant vers le grand chevalier. Il se leva en titubant avant d'enrouler ses bras autour d'une des jambes de ce dernier.

De son côté, le sorceleur ne sembla ni offusqué ni surpris de la question de Sarakh et répondit tout naturellement :

- Cet homme a tenté de fuir en emmenant l'enfant quand je suis arrivé. Je ne pouvais pas m'occuper des wyvernes sans le laisser fuir, j'ai du faire un choix et ce n'est pas le plus difficile que j'ai eu à faire dans ma carrière.

Maelwenn jeta un regard du côté du cadavre et fit quelques pas pour l'apercevoir.

"Je suppose que vous ne savez pas qui est cet homme ?"

La jeune femme réalisa soudain qu'ils étaient toujours bloqués dans ce marais puant, et qu'elle ne voulait plus rester ici. Elle ne savait pas non plus ce qu'ils fichaient ici, mais n'osait pas poser la question au sorceleur de peur de passer pour une idiote incapable de détecter une manipulation magique...

"Bon, je crois qu'il est grand temps de retourner au village. Qui se charge de l'enfant et du cadavre... à moins qu'on n'emmène que la tête."

Les habitants du village avaient le droit de savoir. Savoir que c'était l'un des leurs qui était à l'origine des disparitions, que l'un des leurs les avaient trahis.

Retraverser les marais avec un cadavre à porter et un enfant à surveiller ne serait pas si simple. Porter de lourdes charges ne le dérangeait nullement sur un terrain plus stable, les nains étant une race endurante.

"Nous avons peiné à avancer dans le marrais puant et gluant à l'aller sans charge, le cadavre sera un fardeau en cas de combat contre les créatures humanoïdes qui le peuple. "

Sans en dire plus, il s'avança vers le mort dont il trancha la tête à l'aide de sa hache. Il la souleva en l'attrapant par les cheveux et l'empaqueta dans sa besace.

"Cette tête suffira amplement aux villageois pour identifier le traitre."

Quand à l'enfant, il espérait que Will s'en chargerait. Contre toute attente, ce dernier semblait avoir gagner sa confiance.

Sarakh était fatigué, les différents combats de la journée avait été rudes et l'air moite et humide des marécages n'arrangeait pas les choses. Profitant du fait que Will était éloigné de quelques pas le voleur glissa aux oreilles de Bombur et Maewen une petite pique à l'encontre de leur compagnon:

"Je n'aurai jamais cru que notre lourdaud sans cervelle se découvre soudain une âme de nounou, je ne sais qu'en penser finalement" émit-il pensivement.

Le sorceleur leur avait grandement facilité la tâche et revenir au village avec une magicienne à bout de force et un de leur deux poids lourd avec un morpion sur les bras aurait été plus dangereux que l'aller. Il était content que le sorceleur les ait accompagné

Will était resté ainsi, gêné d'avoir le moutard pendu à sa jambe. Puis il s'était souvenu de son père. De ce qu'il faisait lorsqu'il pleurait. Il le frappait sans retenue, pour le punir de se laisser aller, et ce jusqu'à ce qu'il se calme. Il s'était rapidement endurci. Mais il aurait aimé, rien qu'une fois que son père le prenne dans ses bras rien qu'une fois, pour sécher ses larmes, ses peurs et ses chagrins. C'est ce qu'il fit pour l'enfant. Il se souvint alors de la présence de ses compagnons. Il se tourna vers eux et leur chuchota.

"Le premier qui rit tâtera de mon épée."

Maelwenn fut ravie de cette rapide traversée du marais qu'elle ne pouvait plus voir en peinture. Vivement la route, la ville, la verdure, la mer... N'importe quoi, mais pas ce maudis marais puant !

L'enfant resta accroché à Will, ce qui étonna passablement la jeune femme. Elle n'aurait jamais pensé, à leur première rencontre, que le paladin puisse éprouver des sentiments et les montrer à un jeune enfant. Il paraissait autoritaire et tête brûlée... Cette ardoise s'effaçait lentement en présence de l'enfant... Quelle curiosité !

L'entrée dans le village fut sobre. Personne ne les attendait, à part la mère du petit garçon qui n'avait manifestement pas bougé. Elle paraissait avoir vieillie de 10 années supplémentaires en leur absence, ce que Maelwenn n'aurait pas cru possible. Et pourtant...

"Nous avons rapporté votre enfant", lui lança la jeune femme en s'approchant avec ses compagnons.

La femme n'en crut pas ses yeux, elle se frotta plusieurs fois les yeux pour s'assurer ne pas être victime d'une hallucination puis la compréhension se fit brutalement jour sur son visage et elle courut vers son Will qui tenait toujours son enfant.

- Oh merci mes seigneurs ! Comment pourrais-je vous remercier ? Je ne suis pas très riche...

Manifestement, la gratitude de la mère n'avait pas de limite et elle était prête à écouter toutes les demandes, même les plus farfelues. Sa façon de regarder Will mettait en outre mal à l'aise ce dernier.

Il n'aimait pas du tout la façon dont la pauvresse le regardait. Voulait-elle le payer en nature pour ce qu'ils avaient accompli ? Ce n'était pas la politique de la maison. Il préférait se livrer aux mains douces des expertes. Il ne voulait pas de cette femme. Pas après tout ce qu'ils avaient enduré. C'était tout gâcher.

Il fouilla dans sa bourse. Il lui resta quelques orins qu'il tendit à la femme.

"Et comment s'appelle ce courageux garçon ?"

Bombur était heureux que l'enfant ait été ramené sain et sauf à sa mère. C'était le point positif de cette aventure. Maintenant, ils allaient devoir s'entretenir avec les chasseurs du village afin de leur exposé la traitrise d'un des leurs.

"Madame vous nous devez rien. Nous vous avons définitivement débarrasser de ces Wyvernes. Nous souhaiterions nous entretenir avec vos chasseurs. Savez vous où nous pouvons les trouver?"

Ils n'allaient décemment pas demander à cette pauvre femme d'identifier le traitre, seul des hommes aguerris pouvaient supporter de contempler une tête en putréfaction.

Le garçonnet était encore trop intimidé pour répondre lui-même à la question de Will ou alors il ne savait pas encore. Ce fut donc sa mère qui répondit, visiblement aussi soulagée qu'étonnée par la bonté et la générosité des aventuriers :

- Il s'appelle Mirko et il saura à qui il doit d'être encore en vie je vous le promets. Et aussi, je ne voudrais pas que vous partiez les mains vides. Je connais la recette d'un baume particulièrement efficace contre les brûlures acides si vous avez l'intention de revenir dans les marais. Curieusement, l'ingrédient de base est le sang de bloedzuiger, vous avez du en rencontrer en chemin.

La femme sortit une fiole qu'elle tendit, la main un peu tremblante à Will avant d'ajouter :

- Vous semblez en avoir besoin et je pourrai facilement m'en procurer d'autres. Quant aux chasseurs, ils sont sans doute repartis dans les marais à cette heure-ci. Vous vouliez leur montrer quelque-chose, la tête du monstre peut être ?

Will se sentait reconnaissant. Presque heureux. Pour lui, les remerciements étaient les plus importants qu'il venait de recevoir. Parce que cette fois, il ne s'était pas contenté de tuer, mais il avait sauvé. Il retint un sourire.

"Je vous suis reconnaissant pour ce beaume, ma dame. Et si vous voulez me donner cette formule, cela sera avec joie que je vous laisserai me l'enseigner. Quant à la tête, oui, c'est ... une sorte de monstre."

Sarakh eut presque envie de parier avec Bombur et Maelwenn qu'avant la fin de la journée Will serait marié avec la femme et beau-père du gamin mais il se retint, ces deux là étaient peu réceptifs à son humour acerbe et puis lui-même n'avait pas envie de plaisanter pour le moment. Il attendrait d'être dans un troquet devant un bon verre avant de se lacher.
Maintenant que les choses s'étaient calmées pour l'instant, il pouvait réfléchir à tête plus reposée sur les derniers événements. Ceux-ci s'étaient enchainés sans relâche les empêchant de se concentrer sur le pourquoi de leur présence ici. A vrai dire plus Sarakh tentait de se souvenir de ses dernières activités et plus il se trouvait confronté à un vide, il ne se souvenait pas de sa dernière journée. Il s'adressa à Bombur qui était le plus proche de lui:

"Bombur, quels sont tes derniers souvenirs avant notre rencontre dans cette pièce?"

HRP : le RP continue !

La question de Sarakh décontenança tous ceux qui furent à portée. A dire vrai, aucun ne se rappelait clairement comment ils étaient arrivés ici. Et leurs souvenirs récents étaient du reste plus ou moins flous. La situation était assez étrange pour que chacun se demande si leur amnésie touchait aussi les autres.

Mais la mère du petit Mirko les empêcha de trop s'appesantir sur la question en demandant avec plus d'insistance à voir la tête du monstre :

- Vous avez retrouvé mon petit et c'est tout ce qui compte pour moi. Mais les autres voudront une preuve de la mort du monstre qui nous a si cruellement frappé. Il y a une récompense en jeu.

Maelwenn appréciait ce petit instant de répit. Voilà ce dont elle avait bien besoin ! Elle regarda ses compagnons avant de s'adresser à nouveau à la villageoise :

"C'est bien aux chasseurs qu'il faut nous adresser ? Ou bien à une autre personne ?"

La femme serrait son petit dans ses bras mais tourna la tête vers Maelwenn sans pour autant lever les yeux. Visiblement, la magicienne l'intimidait.

- Je vais vous emmener voir le marchand Tse' Ganrom. C'est lui qui négocie le bois et il tient aussi lieu de burgrave ici. Il pourra réunir une récompense pour vos actions, contrairement aux chasseurs.

Elle mena ensuite le groupe vers une cahute qui ne se distinguait des autres bâtiments branlants que par un écriteau faisant apparaître une bourse remplie d'orins, signe distinctif des marchands. Sans cérémonie, la villageoise entra après avoir frappé pour introduire les aventuriers auprès d'une homme relativement bien vêtu avec un léger embonpoint et une barbe presque digne de celle d'un nain.

L'intérieur de la cahute dénotait largement avec le reste du village, ainsi que le bonhomme qu'ils étaient venus y rencontrer. Maelwenn n'en fut cependant pas surprise : la plupart des marchands avec quelques orins s'en sortaient bien mieux que la plupart des paysans...
Voyant que Will ne savait que dire et que les autres ne paraissaient pas vouloir débuter la conversation, elle se lança :

"Bonjour, nous sommes venus vous révéler le fond de l'affaire concernant les Wyvernes."