[SCSA] Sans Chaleur, Sans Avenir

[Taliesin]

Lorsque les chiens étaient apparus, Pierre avait cru défaillir. Pour de bon, cette fois. Heureusement, il avait repris assez de contrôle sur lui-même pour demeurer rationnel : le portail était fermé, ils ne risquaient donc rien. Ensuite était venu l'homme qui avait calmé les molosses, s'était adressé à eux gentiment (même s'il avait été maladroit envers Benny) puis leur avait ouvert la grille. Évidemment, il n'allait pas les laisser dehors. Évidemment, il avait l'air sympathique. C'était le propre d'un piège : paraître engageant pour qu'on s'y précipite tête baissée. Mais ils savaient tous les quatre de quoi ils retournait et demeureraient donc vigilants.
-Comme c'est un cauchemar, il fera semblant de pas la croire, souffla-t-il à l'oreille de Christophe. Alors faut en dire le moins possible.
Puis, à voix haute cette fois, et à destination de l'aristocrate dont le costume lui plaisait indéniablement :
-Pardon de vous avoir dérangé, monsieur, mais à part chez vous, on savait pas où aller. Il y avait pas d'autre panneau, pas d'autre maison...
Il accompagna sa tirade d'un sourire gêné. Jouer ceux qui ignoraient qu'ils fonçaient dans un traquenard était à son avis la meilleure solution. L'homme pensant qu'ils lui faisaient confiance, qu'ils lui seraient redevables de son hospitalité, il les surveillerait moins. Enfin, le gamin l'espérait sans trop y croire : dans les mauvais rêves, les méchants avaient l'horrible habitude de savoir tout ce que vous pensiez, tout ce que vous faisiez...

[Manfred]

« Ho, mille pardons pour cette méprise », fit tout d’abord l’aristocrate à l’intention de Benny.
Il était sincère, tout du moins le semblait-il. Il eut ensuite quelques secondes de silence tout en regardant de nouveau la petite troupe assemblée devant lui. La présence des sacs de voyage ne lui avait pas échappé, forcément. Les quelques informations qu’on lui avait donné le laissait un peu perplexe mais il décida de s’en contenter, pour l’instant.
« Bon, vous n’allez pas rester dehors par ce temps maussade. Suivez-moi. Nous discuterons à l’intérieur. »
Il disait cela à tous mais ses yeux s’étaient arrêtés sur Piotr, de loin le plus aimable des quatre.

Il s’écarta pour laisser passer les enfants et referma le portail. Celui-ci, bien huilé, pivota sur ses gonds sans presque un bruit. Puis, l’homme au grand manteau proposa son aide pour porter les sacs de Bellatrix et de Benoit. Il n’allait pas insister toutefois si les concernés se montraient réticents. Quoi qu’il en soit, il ouvrit la marche sur l’allée, les chiens sur ses talons. Le parc était bien entretenu mais l’hiver lui donnait un visage mélancolique. De plus petites allées s’écartaient de la principale et allaient se perdre entre les arbres et buissons taillés. Le château, quand à lui, était majestueux, un édifice de pierre grandiose. Ses façades s’ornaient de sculptures, à l’instar du portail de fer. Au moins trois rangées de fenêtres, puis le toit crénelé, les tours rondes, ici et là, des balcons...

Pour Christophe :

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Christophe, dont la curiosité avait amplement matière à être stimulées, remarqua derrière l’une des fenêtres du deuxième étage une silhouette. Peut-être s’agissait-il de la femme représentée en statue à l’entrée. Peut-être pas...

« C’est un peu grand, mais ne soyez pas intimidés, on ne se perd pas si facilement », commenta l’aristocrate.
Il arriva à une courte volée de marches conduisant à la porte à double battants du château. Derrière, un vaste hall attendait les invités. La pièce, avec ses colonnes, son tapis, ses luminaires ouvragés, donnait le ton. Quand on marchait, il y avait de l’écho, c’était amusant, ou inquiétant selon les avis. En tout cas, le château possédait au moins l’électricité, les grosses ampoules en témoignaient.
« Bienvenue dans mon humble demeure ! »
L’homme fit face aux élèves.
« Alors, dites-moi en plus. J’aimerais comprendre cette histoire. Etes-vous seuls ? N’y a-t-il pas d’adulte avec vous ? »

[Kasumi]

La demeure majestueuse avait de quoi impressionner. Et puis, malgré ses dehors anciens, elle était très bien entretenue et moderne à l'intérieur. Ces éléments rassurèrent Benoît qui entendait se raccrocher à chaque bribe de normalité qu'il pourrait trouver. Ses parents n'étaient pas dans le besoin, loin de là, mais ce manoir signalait sans doute possible que l'aristocrate avait bien plus de moyens. Le petit se sentit donc un peu déplacé d'arpenter ce lieu avec ses bottines un peu boueuses d'avoir crapahuté dans la forêt. Il aurait pris grand soin de les essuyer s'il avait pu trouver un tapis destiné à cet effet à l'entrée mais ici, tout paraissait trop luxueux pour un usage si terre à terre (si on pouvait dire).
Tous avaient conscience qu'il s'agissait d'un piège mais la présence d'électricité signifiait peut être qu'il était possible de téléphoner. Mais avant de demander, il fallait d'abord aux questions de l'adulte, c'était bien plus poli ! Le petit se creusa donc la tête sur ce qui pouvait être dit ou non :

- Non, bien sûr que non ! Il y a plusieurs adultes avec nous mais on a été séparés. On peut les attendre ici ? Ou prévenir nos parents ? C'est déjà très gentil de nous accueillir, monsieur alors on voudrait pas abuser de votre hospitalité...

[Althéa]

Bellatrix avait regardé autour d'elle. Elle s'était imaginé ainsi la maison de ses "véritables parents". Un certain luxe mais qui n'était pas tape à l'oeil. Ancien sans être vétuste. Et dans le même temps qui aurait très bien pu être le décor d'un film d'épouvante. Tout en regardant partout, elle s'était appliquée à se faire discrète et à ne rien faire qui attirât l'attention sur elle. Pour le moment, le monsieur cherchait à comprendre ce qui s'était passé, ce qui était parfaitement légitime. Avec un peu de chance, comme le suggérait Benny, il les laisserait téléphoner à leurs parents. La voiture de ses parents était une nouvelle fois en panne. Qu'importe, quelqu'un la ramènerait bien avec lui, non ?

Elle sourit au monsieur qui lui semblait bien agréable.

[Taliesin]

La majesté des lieux rappela quelque chose à Pierre, même s'il fut incapable de déterminer quoi : il avait l'esprit trop préoccupé pour cela. L'impression persista, cependant, et le confirma dans son idée que tout, de la demeure jusqu'à son propriétaire, ne constituait qu'un vaste piège paré de beaux atours pour mieux endormir leur méfiance. Bref, plus que jamais, il était décidé à demeurer vigilant. Il trouva d'ailleurs très judicieuse la réponse de Benny, qui en disait juste assez... En revanche, le petit garçon doutait que téléphoner serve à quoi que ce soit car, à sa connaissance, il n'existait aucun moyen de communication entre les cauchemars et la réalité. Mais il n'en dit rien, bien sûr.

Il espérait cependant que l'homme leur laisserait une certaine marge de manœuvre. Assez, en tout cas, pour qu'il puisse aller discrètement se changer. Pour l'heure, personne n'avait remarqué l'accident dont il avait été victime. Néanmoins, à présent qu'ils étaient à l'intérieur, quelqu'un allait finir par noter qu''émanait de lui une odeur suspecte. S'il pouvait agir avant ce moment fatidique, il ne s'en priverait pas.

[Mornagest]

Tout occupé qu'il était à regarder de partout, Christophe laissa avec plaisir Benny répondre à la question, d'autant qu'il n'aurait pas trouvé mieux à dire sans éveiller des soupçons certes légitimes mais embarrassants pour eux.

Le petit garçon réfléchissait maintenant sans vraiment savoir à quoi. Qui avait-il vu ? Il n'était pas certain de vouloir connaître la réponse, à vrai dire, mais il ne pouvait s'empêcher de faire des suppositions. Cette dame blanche dont avait parlé Benny tout à l'heure hantait encore son esprit, et ce n'étaient pas ces maudits corbeaux qui l'avaient aidé à retrouver la sérénité qui lui était coutumière...

Ne sachant trop que penser, il préféra finalement se concentrer sur ce que le monsieur allait leur dire. Par exemple, la façon dont il allait les cuisiner avant de les manger ?

[Manfred]

« Et bien, oui, vous pouvez les attendre ici. Si vous voulez téléphoner, c’est par-là. Venez. »
Au fond du hall, il y avait une double porte, puis un couloir. Les chiens suivaient toujours. L’aristocrate, un temps concentré sur les enfants, s’en rendit enfin compte. Il les chassa d’un geste impérieux.
« Hé ! Vous trois ! Dehors ! »
Il avait de l’énergie dans la voix et dans sa gestuelle. Nul doute que s’il se mettait en colère, il devait être très impressionnant. D’un pas rapide, il alla fermer la porte d’entrée. Puis, il revint vers ses hôtes, de nouveau accueillant.
« Où en étais-je déjà ? Ha, oui, le téléphone. Laissez donc vos sacs ici. Inutile de vous encombrer. »

L’homme mena le groupe dans un petit salon très confortable. Des fauteuils entouraient une table basse. Une cheminé de marbre, pour l’heure éteinte, trônait, bien en vu, et un tapis pourpre recouvrait le sol. Dans un coin, sur un meuble en bois massif, il y avait le téléphone, un vieux modèle qui se fondait à merveille dans le décor. Par les fenêtres, on apercevait le parc.
« Le voilà. »
L’aristocrate invita l’un des élèves à s’en servir.

[Kasumi]

Benny était partagé entre plusieurs idées. C'est lui qui avait demandé à téléphoner alors c'était à lui de prendre l'initiative. Cependant, il ne savait pas trop quoi dire ni à qui. Surtout si leur hôte restait à portée de voix pour écouter. Que dire ? Il était bien forcé de parler de l'accident pour justifier qu'il avait quitté le bus, lui et ses amis. Il faudrait aussi donner un nom et une adresse, si ses parents le prenaient au sérieux. Il aurait bien appelé son oncle qui était bien plus apte à le croire sur parole, à comprendre les non dits, à savoir quoi faire sans poser trop de questions embarrassantes. Mais il ne connaissait pas son numéro de téléphone aussi commença-t-il à composer le numéro de ses parents sur le vieux cadrant à roue.

- Je peux donner votre nom à mes parents, monsieur ? Pour qu'ils sachent qui nous abrite ?

C'était une façon subtile d'obtenir cette information que l'homme ne leur avait pas révélé d'après Benoît.

[Manfred]

« Bien sûr. D’ailleurs, la surprise de votre venue m’en a fait oublier la politesse. Il ne faut pas m’en vouloir, je suis un peu tête en l’air. Je m’appelle Vincent Larouge. »
Benny composa le numéro puis attendit, le combiné sur l’oreille...

Pour Benoit :

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Ça sonnait... ça sonnait... Puis, enfin, ça décrochait.
« Allo ? »
C’était bien la voix de sa mère. Le garçon fut frappé par le timbre triste, accablé. Jamais il ne l’avait entendu ainsi. Hélas, quoi qu’il dise, elle n’allait pas l’entendre. Alors, elle allait croire à une mauvaise farce et très vite raccrocher. Il y avait presque des sanglots dans sa voix. Le petit n’allait pas l’oublier de si tôt...

[Kasumi]

Benny sanglota, ses lèvres tremblèrent d'entendre ce qu'il entendait. Cela lui faisait un choc tant c'était inhabituel. La voix du petit se fit implorante :

- Maman ! Maman, c'est moi. Je suis chez monsieur Larouge, au domaine des Divorcés. Bellatrix, Christophe et Pierre sont avec moi. Maman, tu m'entends ? Maman, pourquoi tu dis rien ?

Le gamin espérait entendre une réponse et rassurer sa maman. Il ne savait pas ce qui l'a mettait dans cet état et ça le chagrinait. Elle ne pouvait pas être déjà au courant de l'accident puisque les adultes avaient tous disparu.

[Manfred]

Vincent, après un moment d’hésitation, s’approcha.
« Un problème ? » fit-il, inquiet.
La communication venait de s’achever. Il prit le combiné de la main tremblante de Benoit et le porta à son oreille. Puis, il testa la tonalité.
« Ha, la ligne est capricieuse... une fois de plus... »
Il remit en place le combiné et se tourna vers les enfants, redevenant vite maître de la situation.
« Bon, on dirait que vous allez rester ici au moins pour la nuit. Vous avez l’air... éprouvé par ce que je devine être une sacré mésaventure. Il y a des chambres à l’étage. Je peux les mettre à votre disposition. Et puis, après une bonne douche et un bon repas, je suis sûr que vous vous sentirez déjà mieux. Qu’en dites-vous ? »

[Taliesin]

Toujours persuadé qu'il était en plein cauchemar, le petit garçon avait fait deux hypothèses concernant le téléphone : soit il ne marcherait pas, soit, pire encore, Benny entendrait quelque chose d'horrible. A en juger par la réaction de celui-ci, c'est la seconde option qui s'était vérifiée. Pierre eut de la peine pour son copain et regretta de ne pas avoir pu le prévenir avant qu'il ne compose le numéro : la présence de leur hôte l'en avait empêché.

L'homme ne tarda pas à intervenir, trouva une explication rationnelle à la coupure de la communication puis leur fit une proposition des plus tentantes. Une douche, un repas, un lit : quoi de plus réconfortant, dans leur situation ? Dans sa situation, en particulier ? Il y avait cependant un problème : monsieur Larouge agissait comme si c'était le soir et non le matin. Mais qu'y avait-il d'étonnant à cela, au fond ? Avant que l'accident ne se produise, il faisait beau et doux. Après, il faisait froid et pluvieux. Alors, pourquoi le temps se serait-il comporté de manière logique, alors que le climat ne l'avait pas fait ? Les bizarreries, c'était le propre des rêves, après tout...

Quoi qu'il en soit, et même si Pierre sentait le piège à plein nez, il n'envisagea pas de refuser l'offre qui leur était faite : cela aurait mis l'individu sur ses gardes. Et puis, à franchement parler, il avait hâte de se changer et, ainsi, d'échapper à une situation fort gênante. D'ailleurs, l'homme l'avait peut-être remarquée, ce qui expliquerait la mention d'une douche... Si c'était le cas, il avait veillé à ne pas être explicite, et le gamin ne pouvait s'empêcher de se sentir, pour cela, redevable envers lui.

Il s'abstint toutefois d'accepter avec un enthousiasme trop visible, préférant attendre que les trois autres le fassent pour se joindre à eux. Mieux valait ne pas trop attirer l'attention, si d'aventure son malheur était demeuré insoupçonné...

[Althéa]

Bellatrix était partagée entre deux attitudes : la jubilation totale et l'angoisse incontrôlée. D'un coté, passer la nuit dans un château qui aurait pu être un décor de film lui plaisait énormément. D'un autre coté, c'était aussi le fait que le château aurait pu être le théâtre de scènes épouvantables la laissait mal à l'aise. Il y avait aussi le fait que Benoît n'arrivait pas à joindre ses parents. Le téléphone était un ingrédient majeur dans toute bonne pellicule qui se respecte. Parfois, c'était le meurtrier qui l'utilisait pour se moquer de ses victimes, d'autre fois, les victimes tentaient d'appeler à l'aide pour s'enfuir. Aide qu'elles ne joignaient jamais ... Mais ils n'étaient pas victimes, non ?

C'est cet aspect là qui lui souffla de rester sur ses gardes. Au mieux, s'il ne se passait rien, elle pourrait se venter d'avoir dormi dans un manoir.

[Mornagest]

Le téléphone ne marchait pas, ou pas bien. Apparemment, Benny n'avait pas pu se faire entendre de sa maman, et il était affolé. Christophe fut bouleversé par l'état de son ami, qui paraissait au bord de la crise de larmes ; lui-même avait du mal à garder une contenance, car les pleurs étaient communicatifs.

L'idée de passer la nuit ici le mit instantanément mal à l'aise. Il avait beau ne rien trouver d'anormal dans la maison elle-même, il ne faisait pas confiance à ce monsieur, tout gentil qu'il était - en apparence du moins. En tous les cas, il aurait bien voulu mettre les autres en garde : surtout ne pas se séparer ! Et ne pas quitter sa boîte à outils. Argh... c'était déjà fait, il avait laissé son sac dans le hall... il ne se sentait vraiment pas bien, comme s'il avait mangé trop de chocolat - même si cela était impossible pour lui.

[Kasumi]

Benoît avait le plus grand mal à se remettre de ce non échange frustrant avec sa maman. Même l'explication de Vincent qui aurait du le rassurer sur le fait que sa maman ne l'avait pas entendu ne l'avait pas requinqué. Il ne pensait qu'à rentrer au plus vite chez lui, rassurer sa maman qui était triste. Il s'inquiétait aussi de ce qui avait pu la mettre dans cet état. Alors, la perspective de passer toute une journée ici puis la nuit n'était pas du tout pour lui plaire. Craignant d'être impoli avec monsieur Larouge qui était si gentil, il remua plusieurs fois ses mots avant d'intervenir à nouveau :

- Vous êtes sûr qu'on peut pas téléphoner d'ailleurs. Depuis chez un voisin peut être ? Je veux dire, c'est gentil de nous héberger mais il est encore tôt, non ? Il ne doit pas être midi, en tous cas.

[Manfred]

Vincent eut l’air navré.
« Le château est isolé, vous l’avez peut-être vous-même constaté. Et puis, - l’homme consulta sa montre à gousset, un très bel objet en or – il est presque vingt heures. Puisque le téléphone ne marche pas, demain je vous conduirai à Pont l’Espoir. C’est la ville la plus proche. »
Sur ce, il se dirigea vers la sortie du petit salon. Il reprit la parole, dynamique, pour motiver les enfants qui en avaient bien besoin d’après ce qu’il pouvait constater.
« Allez, on récupère vos affaires et je vous montre les chambres. Suivez le guide ! Ce soir, vous êtes mes invités ! »

Les dites chambres étaient au premier étage. Elles se répartissaient de part et d’autre d’un long, très long couloir. Cela faisait donc beaucoup de chambres, facilement une vingtaine. Ce qui sautait aux yeux, c’était que le couloir était une sorte de galerie d’exposition. A côté de chaque porte se trouvait une statue de marbre blanc sur son socle. Et chaque statue était différente, permettant ainsi d’identifier les chambres comme l’auraient fait, par exemple, des numéros. Il y avait un chevalier, une sorcière, une fée, un lutin, un chat, un corbeau, un angelot, un diablotin, un dragon, une licorne, un squelette, un fantôme, un magicien, un vagabond, la mort, un ogre, un cerbère, une gargouille, un génie, un roi, une reine et un bouffon. Certaines étaient très belles, d’autres inquiétantes, mais toutes étaient de grande qualité. Sous la lumière des ampoules, c’était un spectacle d’autant plus saisissant qu’il était inattendu.
« Voilà ! Vous n’avez que l’embarra du choix. Il y a deux lits par chambre mais si vous voulez être seul, c’est tout à fait possible. Elles sont toutes libres. »
Aux invités de se répartir comme bon leur s’amble. S’ils jetaient un coup d’œil dans les pièces, elles étaient toutes identiques : deux lits, deux tables de chevet, deux armoires.

[Kasumi]

Les statues inquiétaient Benoît, surtout certaines d'entre elles à commencer par le corbeau. La perspective de rentrer à Pont L'espoir était une aubaine presque trop belle pour être vraie mais qui l'avait rassuré quant au fait de passer la nuit ici. Mais l'heure tardive l'avait étonné au plus haut point. Il n'aurait jamais pensé qu'il ait pu s'écouler tout ce temps depuis l'accident. Et cela signifiait aussi qu'ils avaient loupé le repas du midi.

- Je ne prend pas celle avec le corbeau en tous cas, ça non. Et je préfère ne pas dormir seul non plus. Enfin si ça te gêne pas de partager ta chambre, Bellatrix...

[Althéa]

Bellatrix hocha la tête, les joues soudain rouges briques. Benny allait dormir dans sa chambre ! Elle se souvint avec effroi qu'elle avait emporté son pyjama avec des lunes et des moutons très laid mais très chaud et douillet, et que ses pantoufles étaient d'immondes imitation de pattes de tigre. Sur le coup, elle les avait jugés bien pratiques et adéquats à un séjour en montagne. Benny allait peut-être se moquer. Mais dormir tout seul, c'était risquer de gros ennuis. Elle hocha donc la tête.

Elle espérait que les deux autres allaient choisir une chambre tout près, voire même qui communiquerait avec la leur. Car, à la perspective de dormir dans le manoir, elle n'était plus du tout rassurée.

[Manfred]

Monsieur Larouge, tout en s’avançant lentement dans le couloir, fit quelques propositions :
« Pourquoi pas la chambre du chevalier et celle de la fée ? Ce sont de bienveillants personnages, vous serez en sureté avec eux. »
Le chevalier brandissait son épée, fier sur son cheval. Cape au vent, armure élégante, bouclier orné d’un soleil, il inspirait la noblesse d’âme, la bravoure. La fée, toute en grâce et délicatesse, était perchée sur une rose. Elle avait des ailes de libellule et une jupe légère. Ses longs cheveux, comme un voile, ondulait autour d’elle. On la sentait malicieuse mais gentille et joyeuse.
« L’angelot serait aussi heureux de veiller sur votre sommeil. »
C’était un bambin charment, aux traits ronds et attendrissant. Une auréole flottait au dessus de ses cheveux bouclés. En fait, elle était fixée à l’une des deux ailes d’ange. Le personnage était nu, il inspirait la pureté. Il semblait aussi soutenir le regard du diablotin, juste en face, son contraire. Ailes de chauve-souris, queue fourchue, petites cornes... la nudité de cette statue était plus dérangeante. Le diablotin semblait sur le point de faire un mauvais coup.

Outre les quelques propositions de Vincent, Piotr fut naturellement intéressé par la statue du magicien. Grand chapeau pointu, longue barbe, bâton en main, ample robe, il était comme dans les histoires, mystérieux, énigmatique. Benny, lui, ce fut le corbeau qu’il regarda le plus, bien malgré lui. Perché sur une branche, naissant du socle, l’oiseau toisait le couloir, sinistre. Animal mystique, son côté quasi surnaturel était rendu par le marbre.

« ...et au fond, vous trouverez les toilettes et la salle de bain. S’il vous manque quoi que ce soit, demandez-moi, j’ai ce qu’il faut. Bon, je vais peut-être vous laisser vous débrouiller seuls. Je vous attends dans la salle à manger. Vous n’avez qu’à descendre les escaliers, puis, c’est au fond du couloir. »
Si personne ne retenait Monsieur Larouge, il allait donc partir.

Pour tous :

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Remarque : la disposition des chambres est la suivante :

1 chevalier
2 sorcière
3 fée
4 lutin
5 chat
6 corbeau
7 angelot
8 diablotin
9 dragon
10 licorne
11 squelette
12 fantôme
13 magicien
14 vagabond
15 mort
16 ogre
17 cerbère
18 gargouille
19 génie
20 roi
21 reine
22 bouffon

- Les numéros impaires sont à gauche du couloir, les paires à droite.
- 1 est en face de 2, 3 est en face de 4 et ainsi de suite.
- 1 et 2 sont au début du couloir, 21 et 22 sont au fond, à côté de la salle de bain.

Vous pouvez vous répartir comme vous voulez. Un dans chaque chambre, c’est possible.

[Mornagest]

Christophe aurait bien aimé choisir la chambre avec le génie, mais il n'était pas certain de vouloir dormir seul non loin de celle avec la gargouille... ni même dormir seul, en fait. Voire même dormir. Peut-être que le gentil monsieur viendrait les manger pendant leur sommeil, après tout ! Il n'était pas aussi habitué aux histoires qui faisaient peur comme Pierre et surtout Bellatrix, mais il savait que ça arrivait dans certains récits qu'il n'aimait pas beaucoup.

"On va dormir ensemble ?" demanda-t-il à Pierre. La perspective de dormir avec un autre garçon l'effrayait beaucoup moins que d'être avec Bellatrix. Bon, ça aurait pu être Julie, mais n'empêche, c'était une fille, après tout.

[Taliesin]

Pressé de pouvoir discuter en privé avec ses amis, Pierre n'avait pas essayé de retenir leur hôte. En revanche, avant que celui-ci ne s'éloigne, il l'avait gratifié d'un sourire et d'un chaleureux "Merci beaucoup, monsieur !" : même si l'homme n'était si gentil que pour mieux les piéger, ne lui témoigner aucune reconnaissance n'arrangerait pas leurs affaires, loin s'en fallait.

Il s'absorba ensuite dans la contemplation des statues, jusqu'à ce que la question de Christophe l'en arrache.

-D'accord, on dort ensemble ! répondit-il aussitôt, sans chercher à cacher son soulagement : il aurait détesté devoir passer la nuit tout seul. J'adore le magicien, et le chevalier est sympa. L'ange est marrant, aussi. Mais bon, je crois que le plus important, c'est qu'on prenne des chambres qui sont à côté. D'ailleurs, c'est bête qu'il y en ait pas une avec quatre lits.

Il le regrettait beaucoup : rester ensemble aurait été à coup sûr le plus prudent. Malheureusement, en cela comme pour tant d'autres choses, on ne leur laissait guère le choix. Heureusement que cette règle ne s'appliquait pas pour les chambres : s'installer dans celles de la mort, du diablotin ou encore de la sorcière l'aurait horrifié. A l'inverse, les pièces aux figures d'allure bénéfique, à commencer par celle de l'angelot, lui paraissaient engageantes. Naturellement, là aussi, il pouvait s'agir d'un traquenard, d'une mise en scène visant à les tromper. Il le savait et, pourtant, n'imaginait pas aller ailleurs que vers elles.

[Kasumi]

Benoît estimait lui aussi que le plus important étaient qu'ils se choisissent deux chambres côte à côte pour pouvoir communiquer au travers de la paroi sans avoir à sortir dans le couloir en pleine nuit. Au-delà de cette précaution qu'il jugeait élémentaire, il entendait bien éviter les figurines qui lui faisaient peur à commencer par le corbeau, la mort, le squelette, le fantôme et le diablotin. D'autres comme le cerbère lui rappelaient aussi trop les molosses et d'étranges histoires guère rassurantes et il les ajouta à sa liste mentale de chambres à éviter. Au final, il ne restait que deux possibilités qui le tentaient : la fée et le chevalier mais c'est celui que Vincent avait suggéré. S'il y avait un piège derrière toutes ces chambres vides, c'était donc le choix le plus risqué. l'autre choix qui le tentait était l'angelot et le dragon. Il éprouvait une certaine fascination pour ce dernier. Une chose le tracassait cependant quand il prit la parole :

- On devrait peut être vérifier si certaines des chambres communiquent entre elles. Monsieur Larouge ne l'a pas précisé mais on ne sait jamais.

Il mit enfin le doigt sur ce qui le tracassait :

- On devrait aussi voir si les chambres sont toutes prêtes. Ce serait super étrange que toutes ces chambres le soient alors que personne n'aurait du y dormir, non ?

Enfin, alors que les idées se bousculaient en lui, il ajouta :

- On devrait peut être aussi examiner cette salle de bain. Et puis, il faut qu'on se change vu qu'il fait plus chaud dedans que tout à l'heure. il vaut mieux préserver nos tenues chaudes ! Alors, on commence par quoi ?

[Taliesin]

HRP : je poste à nouveau à la demande de Manfred, car ça lui permettra de répondre aux questions que se pose Benny puis de filer une partie de la soirée.

-On a qu'à commencer par regarder les chambres et la salle de bain, proposa Pierre. Et après, on pourra choisir où on veut se mettre, s'installer puis se laver.
Il avait hâte d'en être à cette dernière étape : une fois douché, il pourrait enfiler des vêtements propres. Nul doute qu'il se sentirait alors beaucoup mieux ! Et puis, à ce moment-là, l'épineux choix concernant leurs chambres serait déjà derrière eux.

[Althéa]

Ils avaient raison de vouloir regarder le chambres. Parce qu'elles étaient souvent des endroits dangereux. Dans certains films, il y avait des monstres sous le lit, des croque mitaines dans les placards, des aliens au plafond et de drôles d'individus dans les miroirs. Sans parler des quelques fantômes qui apparaissaient parfois. Bien sûr, ils ne le verraient peut-être pas à la lumière. Mais dès qu'ils seraient dans le noir ... Elle préféra ne pas y penser.

"Je crois qu'il faut bien les regarder, les chambres.", admit-elle.

Elle se mit à regarder les statues. Allaient-elles bouger si elle les regardait assez longtemps ?

[Manfred]

Toutes les chambres étaient prêtes, sans exception. Mais aucune ne communiquait entre elles. Elles n’avaient qu’une seule porte, celle du couloir. L’exploration des lieux révéla aussi une différence entre les chambres du côté gauche et celles du droit. Les premières avaient des fenêtres donnant sur le parc, alors que les secondes n’avaient aucune fenêtre. Le chevalier, la fée, l’angelot et le dragon étaient à gauche.

La statue du dragon montrait cet animal de légende juché sur un amas de pièces d’or et autres trésors. Ailes déployées, gueule ouverte, il émanait du reptile une impression de puissance. Si on le considérait comme un gardien de chambre, il n’y avait sans doute pas mieux que lui dans la galerie.

Passé la porte de la salle de bain, les enfants en découvrirent six. Un nouveau couloir, bien plus court, reliait six petites pièces que des rideaux fermaient. A l’intérieur de chaque pièce, il y avait une baignoire, un meuble avec un nécessaire de toilette et ce qu’il fallait pour accrocher serviette et vêtements. Au bout du couloir trônait une autre statue de marbre. Elle illustrait une ravissante sirène sur son rocher. Tout était impeccablement propre.

[Mornagest]

Il n'avait rien contre l'idée de se laver ; la peur l'avait fait transpirer, l'urine dont il s'était copieusement inondé lui donnaient une odeur plutôt désagréable, et être propre dans des vêtements dans le même état, c'était quand même sympa.

Les salles de bain paraissaient bien agréables. Il ne savait pas trop s'il fallait qu'ils se séparent aussi pour se laver, mais il imaginait mal rester avec Bellatrix pendant qu'elle se nettoyait... l'idée lui parut vraiment incongrue, mais il souleva tout de même l'hypothèse.

"On se sépare pour se laver ?"

Il n'était pas du genre paranoïaque, mais la situation était tellement bizarre qu'il commençait à se méfier de tout. Qu'est-ce qu'il verrait à la fenêtre de sa chambre pendant la nuit, s'il dormait dans une chambre avec fenêtre ?

Il frissonna, malgré la température très agréable dans la maison.

[Kasumi]

La salle de bain permettait de se débarbouiller à plusieurs plutôt qu'à tour de rôle bien que Benoît douta sérieusement que Belaltrix et même les autres préfèrent cette solution plutôt que de disposer d'un minimum d'intimité. En tous cas, le petit trouvait l'endroit parfaitement à son goût et s'en trouvait quelque peu rasséréné. Maintenant que cette inspection/découverte était réglée, il convenait de ne plus repousser les graves décisions qui devaient être prises avant de se détendre avec un bon bain :

- Alors, on fait quoi pour les chambres ? J'aime bien le dragon moi et il y a l'angelot à côté. C'est peut être mieux que faire ce que monsieur Larouge nous a suggéré, non ? C'est comme vous voulez en tous cas. Il vaut mieux poser nos sac où on veut avant de filer au bain à mon avis. On pourra y aller à tour de rôle pendant que les autres veillent sur nos affaires. Mais ça risque rien en plein jour ! Enfin, je crois bien.

[Taliesin]

-On peut faire comme ça pour le bain, si tout le monde est d'accord... répondit-il d'un ton un peu hésitant.
Après toutes les choses étranges qui s'étaient produites, il n'aimait pas l'idée de se retrouver seul dans cette pièce. Enfin, seul avec la statue... De surcroît, vu la configuration des lieux, ils auraient pu tous se laver en même temps sans risque que Bellatrix les voie - ou qu'ils la voient, ce qui l'aurait probablement autant embarrassé qu'eux l'inverse. Cependant, il n'avait pas osé contredire Benny, sans doute par peur de passer pour le trouillard du groupe. Et puis, s'ils s'étaient tous rués vers la salle de bain, qui aurait surveillé les sacs ? Qui aurait pu se rendre compte du retour inopiné de monsieur Larouge ?
-Et pour les chambres, l'ange me va très bien ! reprit-il. En plus, je préfère avoir une fenêtre : je me sentirai trop enfermé, sinon...
Le chevalier inspirait davantage l'aventure que l'angelot. Toutefois, celui-ci était de loin la figure la plus rassurante. Restait à espérer que ce n'était pas un faux semblant...

[Althéa]

Un dragon et un angelot, oui, c'était assez sympathique. Beaucoup plus que le diablotin, le lutin, l'ogre ou la sorcière. Bien sûr, elle n'aurait pas qualifié le dragon de gentil. Mais elle n'en avait jamais vu dans les films d'horreur. C'était peut-être qu'ils se tenaient à carreau, après tout. Elle était donc d'accord sur le choix des chambres. Par contre, les petites baignoires l'inquiétaient un peu. Pourquoi y en avaient-il tant ? Elle n'avait pas vraiment envie de se baigner sans les autres à proximité.

"D'accord pour les chambres. D'accord pour se laver un par un. Par contre, ça serait mieux que les autres ne restent pas trop loin. On sait jamais si y a un monstre qui entre dans la baignoire. "

Elle pensa au clown "ça" qui affectionnait tout particulièrement l'eau et les égouts. En fait, elle n'avait pas vraiment envie de se baigner.

[Mornagest]

Personne n'avait émis l'hypothèse de se laver tous ensemble. Christophe commençait déjà à avoir peur de se retrouver seul dans cette grande salle à l'aspect pourtant si accueillant... mais les événements jouaient en défaveur des lieux, et il angoissait à l'idée de se faire manger par un quelconque monstre inconnu alors qu'il se lavait à grandes eaux...

"Euh..." il devint cramoisi en l'espace de trois secondes. "Et euh..." il bégaya, ne sachant comment tourner sa phrase. "Enfin... j'ai... j'ai peur d'être seul. J'aime pas cette maison. Mais euh... enfin, voilà, vaudrait mieux qu'on se lave ensemble. Ou pas se laver du tout, mais bon, j'me suis fait pipi dessus tout à l'heure, et puis arrêtez de me regarder comme ça, Pierre aussi il l'a fait et personne lui a rien dit !". Sa voix devint flûtée par la honte et la peur, et il manqua fondre en larmes.