La Couronne de Cuivre

Le prisonnier secoua la tête, comme pour s'arracher à un mauvais rêve.
" Mais vous savez... On le prépare et on le... enfin... on le sacrifie... puis on le mange.
— Comment est-ce que vous le préparez ?
— Il faut qu'il mange des herbes spéciales, mais ça je sais pas lesquelles.
— Et vous le mangez quand ?
— C'est une cérémonie, la nuit. Il y a des chants, des choses comme ça...
— Est-ce qu'il faut une nuit particulière ? La pleine lune ou quelque chose chose ? L'Equinoxe vermal ?
— Non. N'importe quelle nuit fait l'affaire."

Cette nuit. Elle le savait depuis le début, elle le pressentait. Ce pouvait être cette nuit.
Astrée avait légèrement pâli, mais serra les dents, s'obligeant à se concentrer sur l'action présente et non sur les hypothèses angoissantes.
- Il y a un moment précis de la nuit ? Au milieu ? A la fin ?
Question passablement stupide, qui ne pouvait qu'ajouter à son angoisse. Elle aurait mieux fait de s'abstenir.
- Et vous êtes nombreux à être conviés à la cérémonie ?

Cette fois, le prisonnier prit une mine butée.
" Pourquoi je vous dirais ça ? Vous avez trouvé une planque ?"
Maedron pinça les lèvres et s'éclaircit la gorge.
" Est-ce que tu es familier avec le jiv'elgg ?
— Le quoi ?
— Le jiv'elgg. La torture drow ?
— Heu...
— Tu veux que je t'explique ?
— Pas vraiment...
— Alors réponds à la question de la dame."
Le dénommé Lucas regarda Astrée, cherchant une once de pitié dans le regard de la rôdeuse, mais renonça.
" Il faut au moins un officiant de grade supérieure... Cette année...
— Cette année ?
— Cette année, comme le cheval est rare, il faudra que tous les dignitaires soient présents... Ils voudront tous leur morceau."
Maedron acquiesça et posa une main noire sur l'avant-bras du jeune homme qui sursauta comme s'il avait été touché par de l'acide et se mit à gémir.
" Je suis contagieux." dit le drow à l'intention d'Astrée, avec un sourire désolé.
Puis il revint à l'adepte.
" D'où viennent-ils ?
— D'un peu partout dans la Trouée. Je ne sais pas." balbutia-t-il.

Astrée n'avait pas sourcillé lorsque le prisonnier avait quémandé son aide, ni lorsqu'il avait paru avoir mal. L'affaire était grave, il y avait urgence. Elle essayait en vain de se répéter que s'ils venaient de loin, ça prendrait du temps, fatalement. Enfin... sauf s'ils pouvaient se téléporter. Non, la rôdeuse avait beau faire, elle ne parvenait pas à se rassurer.
- Ils seront sans doute très pressés d'arriver, ils mettront les moyens qu'il faut... Ils vont sans doute vouloir organiser tout ça très vite, non ? En une journée ou deux, j'imagine ?
Elle espérait de tout coeur que le prisonnier la contredirait. De façon vraiment convaincante. Sinon... elle foncerait tout de suite.

Le prisonnier hésita, jeta un oeil vers Maedron, revint à Astrée.
" Ils ont attrapé le cheval, alors, hein ? Et vous avez peur que le grand prêtre devienne trop puissant, ensuite, pour l'arrêter ?"
L'elfe noir leva les yeux au ciel.
" Ecoute, Lucas. C'est pas toi qui poses les questions. Tu ne comprends pas ?"
Puis, d'un geste vif, il attrapa l'homme par le col et le frappa d'un coup sec contre le mur. L'adepte poussa un cri de douleur.
" S'ils bouffent le cheval, tu ne seras pas là pour en profiter, c'est une certitude. Alors accouche.
— Je sais pas... Vraiment... Ils voudront sûrement être certains de pouvoir tous en profiter... Parce qu'ils n'en retrouveront pas d'autre cette année... Donc ils attendront que tout le monde soit là... Sauf s'ils se sentent acculés, je suppose."

Astrée avait trop peur, trop besoin de savoir, pour prêter vraiment attention à la souffrance de l'homme. Et puis, elle savait très bien à quoi s'attendre en entrant ici.
Elle guetta avec anxiété la réponse, qui hélas maintenait le doute. Il ne savait pas... Ils attendraient d'être tous là. Sauf s'ils se sentent acculés...
Ils savaient peut-être que la garde avait été prévenue. Est-ce que cela suffisait pour qu'ils se sentent acculés ? Ou s'ils savaient qu'ils avaient demandé l'aide de Goran ? Avaient-ils des espions partout, pouvaient-ils savoir tout cela ? Elle ne parvenait pas à réfléchir sereinement, il lui manquait des données. Et elle était épuisée.
- Écoute-moi bien... Il y a deux êtres qui me sont chers, dont la vie dépend de tes réponses. Si à cause d'une mauvaise réponse, l'un d'eux venait à... décéder, alors je te jure que tu vas le payer. Très cher. Alors dis-moi... S'ils savent que la garde est sur les dents et recherche activement le cheval, est-ce que ça pourrait les encourager à accélérer les choses ? Et y a-t-il au moins un... "officiant de grade supérieur" comme tu dis, présent dans les environs ?
Quelque part elle se disait que ces questions étaient inutile, que l'homme n'en savait pas assez. Elle aurait mieux fait de laisser parler le drow, lui savait certainement mieux qu'elle quoi demander, quoi dire, quoi faire. Et puis... Ne devait-elle pas, dans le doute, foncer immédiatement à la grotte pour voir par elle-même ?

" Je n'en sais rien ! s'exclama-t-il. Ce n'est pas le genre de choses qui est divulguée... Vous imaginez... avec toutes vos questions !"
Il les regarda l'un et l'autre.
" Je ne dirai plus rien ! L'Hippogriffe vaincra ! Gloire à la Bête-Cheval !"
Le mépris se dessina clairement sur les traits de l'elfe noir.
" Bon sang, on dirait une mauvaise pièce de théâtre."
Sa main noire enserra la gorge du prisonnier qui se figea, blême.
" Je vais te poser une dernière question et tu vas éviter de fanfaronner. Mon assistante n'a jamais assisté à l'extraction d'un oeil façon drow, mais je lui ai promis d'y procéder avant la fin de la veille, et tu m'as l'air d'un candidat idéal. Alors fais attention."
Le prisonnier acquiesça vivement.
" Que fait l'Hippogriffe quand elle attrape un clerc lié au panthéon féérunien ?"
Un sourire mauvais gagna les lèvres de l'adepte, puis s'effaça aussitôt, comme il replongeait dans le regard rouge de Maedron.
" Ça... ça dépend de son allégeance... Les Lathandrites... Les Lathandrites sont les plus honnis.
— Et les autres ? Sont-ils torturés, tués ?
— Ils finissent toujours pas être sacrifiés à la Bête Cheval... La méthode... est variable...
— Et tu as déjà assisté à l'un de ces meurtres ?
— Non ! Non, bien sûr ! Jamais je ne soutiendrais de telles pratiques !
— Bien sûr."
Maedron leva les yeux sur Astrée, interrogatif.

Astrée haussa les épaules en réponse à l'interrogation muette du drow. Elle avait le coeur au bord des lèvres. Sacrifié à la Bête Cheval... Oh non... Et quand ? ils pouvaient très bien faire cela avant d'avoir sacrifié Prince, ou plus probablement en même temps... Le clerc avait fait allusion au programme peu réjouissant des prochains jours... mais si c'était des prochaines heures ?
- On n'en apprendra pas plus. Il n'en sait pas assez...
Elle soupira, et tourna les talons. Si le drow avait une idée de question supplémentaire, qu'il la pose, elle attendrait dans le couloir. Elle-même n'espérait plus rien de l'interrogatoire. Il fallait... quelle fonce là-bas. Non, d'abord qu'elle réfléchisse, qu'elle en discute avec Maedron.

Le drow relâcha le prisonnier et suivit Astrée dans le couloir veillant, cette fois, à bien refermer la porte derrière eux. Il la regarda, songeur, pendant quelques minutes.
" Nous pouvons y aller ce soir, mais ce sera très risqué, vous devez le comprendre. Reynald et votre cheval sont des otages, nous ne pouvons pas débarquer en force, les encercler et exiger qu'ils nous les rendent. Il y a de fortes chances que leurs dignitaires disposent d'accès à la Toile ou à une ancienne magie divine, peut-être de type druidique. En même temps... S'ils tuent le cheval ou Reynald, les corps seront probablement trop abîmés pour que Tybert puisse les ramener. Nous devrons alors nous rendre à Eredhun et espérer que quelqu'un relève Reynald en souvenir d'une ancienne amitié. Je sais qu'il était proche de l'ancien aubemestre de Luménis, mais si j'ai bien compris, il a disparu du circuit, et il y avait aussi un Sunite haut placé, a minima. Par contre, je doute que nous parvenions à convaincre un clerc d'aller dépenser son énergie pour un étalon, même formidable. Eredhun n'est pas dans la Trouée."

Astrée avait bien du mal à réfléchir. Sa raison lui soufflait qu'elle était bien trop épuisée pour une telle mission. Mais elle savait parfaitement qu'elle était incapable de prendre le risque, si minime fut-il, d'attendre plus longtemps.
Elle écouta à peine les explications du drow concernant les sorts de résurrection. S'ils étaient morts, c'était trop tard. Point.
- Il faut que j'aille là-bas. Je ne peux pas courir ce risque. Il faut au moins que j'essaie d'entrer dans la grotte, ou peut-être que je peux y contacter un animal, pour savoir ce qu'ils font. Et qu'on tente de s'infiltrer, de les libérer, si l'occasion se présente.
Elle soupira.
- Moi non plus je ne crois pas à une intervention en force. S'ils se sentent acculés, ils tueront Reynald. Peut-être pas Prince s'ils espèrent avoir une autre occasion de le reprendre, et encore c'est pas sûr... Mais Reynald, sûrement. Donc je vais là-bas en éclaireur. Vous me rejoignez avec Tybert ?
La raison lui dictait qu'elle devait manger quelque chose d'abord, et pour cela retourner à l'auberge. Mais chaque minute qui s'écoulait pouvait être de trop...
- Et amenez aussi un casse-croûte, si vous pouvez...

HRP : j'imagine qu'elle a pris ses armes avec elle, ça me semble plausible, peut-être sa petite trousse d'urgence... mais peu probable qu'elle ait pris quoi que ce soit à manger..; et je savais pas que Reynald était un ami d'Alby tiens !

Quête : Equité

HRP / Elle peut être équipée si tu veux (mais pense qu'elle est à cru sur son cheval...). Et tu ne savais pas ? Oh ? Vraiment ?

Maedron parut sceptique.
" Si vous allez seule jusque là-bas... Vous n'y verrez pas grand chose. C'est moi qui devrais y aller et vous qui devriez retourner chercher Tybert. En même temps... Je ne trouverai pas la piste sans vous... Retournons à l'auberge, j'enverrai quelqu'un prévenir Goran, et nous irons tous les trois. Je comprends votre angoisse, mais seule... J'aimerais autant n'avoir qu'une seule personne, et un cheval, à secourir."

C'était la voix de la raison. Astrée le savait parfaitement. Mais elle avait la sensation d'avoir perdu tant de temps, déjà... retourner à l'auberge, prévenir Tybert, repartir... Et les minutes filaient. Elle secoua la tête, lentement.
- Je ne prendrai pas de risque. Je veux juste gagner de précieuses minutes, si possible avant qu'il ne fasse nuit noire. Juste trouver, si possible, la grotte dans laquelle ils sont. S'ils sont bien dans la barrière rocheuse qu'a indiquée Tybert, ils ont sans doute posté des sentinelles...
Elle soupira.
- En même temps, le temps que je revienne à votre rencontre pour vous dire où ils sont, je vais les perdre aussi, ces minutes... Je... Je ne sais pas ce qui est le plus sage. je n'ai pas l'habitude de ce genre de situation. Je sais juste qu'il ne faut pas qu'on perde un seul instant de plus...
Elle regarda le drow.
- J'imagine, aussi, qu'on serait mieux sur des selles... bon, c'est d'accord, je me range à votre avis. Je vous suis à l'auberge, je m'occupe d'équiper les montures pendant que vous allez chercher Tybert, et on ne perd pas une minute de plus.

Quête : Equité

Maedron sourit, soulagé.
" Gardez la tête froide, Astrée. Nous ne pouvons pas nous laisser aller."
Puis, sans attendre, il reprit le couloir dans l'autre sens, d'un pas rapide, et ils regagnèrent la cour de la caserne. Il faisait nuit, désormais, et le ciel était couvert. Les lieux étaient heureusement brillamment éclairés par de nombreuses torches, au grand dam de Maedron, mais la campagne serait plongée dans les ténèbres. Ils récupérèrent leurs chevaux et prirent le petit galop dans des rues que l'obscurité et le vent frais avaient vidées. Le drow abandonna Astrée sur le pas de la porte, lui conseillant de seller le moins fatigué des deux gris pour Tybert, puis s'éclipsa vers les étages. Il ne leur restait plus beaucoup de temps avant le grand départ.

Quête : Equité

Astrée laissa sa propre monture et celle du drow s'abreuver et leur donna un peu de grain, puis s'approcha des deux chevaux qu'ils avaient tant sollicités plus tôt dans la journée. Les bêtes avaient eu un peu de temps pour se remettre, certes, mais trop peu. Elle choisit celle qui lui parut la moins fatiguée et lui parla doucement, lui expliquant qu'on attendait d'elle encore un grand effort. Puis elle sella les trois montures, succession de gestes depuis longtemps automatisés qui lui permit de se vider l'esprit un moment, de se reprendre, de s'apaiser presque. Elle savait qu'elle vivait dangereusement sur ses ressources. Mais il y avait urgence, et elle tiendrait le coup. Elle n'avait pas le choix.
Elle guida les chevaux jusqu'au seuil de l'écurie, guettant Tybert et Maedron. Elle sentait en elle une détermination sans faille, et un calme presque surprenant compte tenu de ce sentiment d'urgence qu'elle éprouvait encore. Maedron avait raison, ils devaient garder la tête froide pour ne pas risquer de tout perdre.

Quête : Equité

Au moment où elle franchissait le seuil pour conduire les chevaux dans la rue, sous le porche de l'auberge, elle eut le regard attiré par quelque chose de blanc qui s'était coincé sous la porte de l'écurie. C'était un morceau de parchemin froissé, un peu déchiré, qui avait probablement souffert chaque fois que le palefrenier avait ouvert et fermé les battants de bois durant la journée.
Quelques mots y étaient inscrits, dans un graphisme léché. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre que c'étaient les bribes inachevées d'une chanson, encore maladroites, parfois raturées.

La nuit toujours s’étend
Et Même si mon corps se languit
Quand je dors loin de toi, j'entends j’attends
Tourne, tourne, encore mon esprit,

Ô nuit, nuit, courte et noire,
J’ai tant besoin de répit,
Je voudrais écrire l’histoire,
Où nous serons réunis,

Et je passe toutes ces heures,
A contempler le silence,
Jusqu’aux premières lueurs,
Quand viendra la délivrance,

Nous sommes deux étoiles filantes sauvages,
La vie trop souvent nous surprend,
Et nous aimerions davantage,
Pouvoir…

Qui l'avait écrit, mystère. Ou peut-être pas tout à fait.
" Vous êtes parée ?"

Quête : Equité

Astrée lut et relut les paroles, sans pouvoir détacher les yeux du petit morceau de parchemin. Reynald était venu chercher l'inspiration par ici, en pleine nuit. Il avait été interrompu par quelque chose... Cela ne leur apprenait rien qu'ils ne sachent déjà. Mais cela lui serrait le coeur de lire ces quelques mots, au risque de faire voler en éclat le calme tout relatif qu'elle avait réussi à retrouver. Reynald...
Elle venait de glisser le parchemin dans sa poche lorsque Maedron surgit.
- Oui, je suis prête...
Puis, après une brève hésitation, réalisant que peut-être sa découverte pouvait avoir une importance même minime, elle ajouta.
- J'ai trouvé quelque chose juste sous la porte, un morceau d'un parchemin écrit par Reynald, sans doute ce qu'il composait la nuit passée. Mais cela ne nous apporte pas grand-chose, à part la certitude qu'ils sont sortis par là...

Quête : Equité

Maedron le parcourut du regard puis sourit.
" Gardez-le. Vous le lui rendrez en mains propres, cela lui fera plaisir."
Derrière lui, Tybert était sorti à son tour, drapé dans son manteau de voyage. Il avait l'air complètement perdu. Le drow attrapa Astrée par l'épaule et l'attira un instant à l'écart.
" Tybert a recontacté Reynald il y a peu. Il est toujours vivant mais il a passé un sale quart d'heure aux mains de ses ravisseurs et je pense qu'il commençait à avoir franchement peur. Il faudra un peu de temps à notre ami pour reprendre la maîtrise de lui-même. Vous avez eu raison de nous pousser à agir aujourd'hui."
L'Eldathien avait enfourché un des chevaux rouans et Maedron prit le gris qu'il avait chevauché le matin même. Dès qu'ils furent tous en selle, le drow donna le signal du départ et ils prirent le galop dans les ténèbres parsemées de lumière de la cité. Ils gagnèrent les portes et l'elfe noir mit pied à terre pour parlementer avec les gardes en faction. Il ne lui fallut que quelques minutes pour obtenir qu'on les leur ouvre. Encore une faveur, probablement. Devant eux s'ouvrit alors la nuit. Le ciel était noir, la lune voilée ne leur offrait qu'une vague lueur... Il leur faudrait un certain temps pour que leurs yeux s'adaptent à tant d'obscurité.

Quête : Equité

Astrée sentit son coeur se serrer. Reynald... Il fallait faire vite, le sortir de là avant qu'il ne soit trop tard. Elle comprenait trop bien l'état dans lequel se trouvait Tybert. Elle s'en voulait presque d'avoir pris le temps d'interroger l'adepte de la secte. Initialement, cet interrogatoire était sensé les rassurer sur la possibilité d'attendre le lendemain. Mais elle savait, elle, depuis le début, qu'il ne fallait pas perdre de temps. Elle aurait dû foncer tant qu'il faisait jour, comme son intuition le lui soufflait. Cesser de perdre du temps à écouter toujours la voix de la raison et de la prudence.
Ils laissèrent le drow prendre la tête, ses yeux perçant facilement l'obscurité. D'autant qu'il montait le cheval le plus fatigué de l'équipée : il était plus prudent qu'il leur impose son propre rythme. Astrée enjoignit mentalement à sa monture, puis à celle de Tybert, de garder leur calme dans l'obscurité, et de simplement suivre leur camarade gris. Peu à peu, ses yeux comme les leurs s'adapteraient à l'obscurité. Et si la chance était avec eux, la lune éclairerait suffisamment pour qu'ils puissent avancer relativement vite.

Quête : Equité

Maedron les menait à un bon train mais il finit par ralentir au bout d'une grosse demi-heure de cavalcade et laissa Astrée et Tybert le rattraper.
" Je pense qu'on y est. Dans le noir, vous ne pourrez pas suivre les traces de ce matin, mais la carte est assez précise, et nous devrions pouvoir approcher du repli rocheux... Je serais néanmoins pour ne pas aller jusqu'au bout avec les chevaux : ils risqueraient de nous faire repérer. Nous pouvons encore avancer d'une demi-lieue, je dirais, puis il faudra trouver un bosquet ou un buisson... voire les laisser errer en espérant les récupérer à la sortie."
La lune sortit un instant des nuages, les nimbant de sa lumière généreuse et l'elfe noir leva les yeux avec un sourire.
" Avant d'aller plus loin..." murmura alors Tybert.
Il se mit à incanter, suite de syllabes chantantes, mots épars, sources et ruisseaux vagabonds, pureté de l'eau, Astrée eut l'impression un instant de sentir les gouttes délicates d'une cascade l'éclabousser, puis un flux la toucha à la poitrine et elle frissonna malgré elle.
" Je vous ai transféré quelques uns de mes pouvoirs. Au cas où nous serions séparés, murmura-t-il. Vous devriez l'un et l'autre pouvoir soigner une blessure grave. Une seule. Vous pouvez également créer un sanctuaire de protection autour de vous... ou d'une personne... une créature... que vous voudriez protéger d'attaques. Pendant un temps.
— Je n'ai jamais lancé de sorts de toute ma vie, Tybert...
— Souhaite-le et ça te viendra spontanément. Fais-moi confiance."

Quête : Equité

- Merci, fit simplement Astrée avec un sourire reconnaissant.
Ces pouvoirs pouvaient faire toute la différence. Ils pouvaient sauver Prince et Reynald. Et surtout, ils lui permettaient de reprendre confiance, de se sentir moins démunie face à la tâche qui les attendait. Ils réussiraient, il le fallait. Elle ne se posa pas une seule seconde la question de savoir si elle saurait faire appel à ces pouvoirs : la nécessité la guiderait. Comme pour les rares sorts qu'elle maîtrisait.
Puis elle se tourna vers Maedron.
- Vous avez raison, concernant les cheveux, on va devoir mettre pied à terre d'ici peu et les laisser à quelque distance. Pour ma part, je penche pour les laisser libres, mais je leur ferai savoir qu'ils ne doivent pas bouger et nous attendre, cachés près d'un buisson. Je me dis qu'on pourrait avoir besoin de les appeler à distance, je pense que je saurai le faire, si nous avons besoin de fuir plus rapidement...
Elle observa les alentours, repérant au loin la zone rocheuse qui les intéressait.
- Si la lune veut bien nous éclairer encore un peu, on devrait pourvoir repérer assez facilement leur repaire. Ils auront sûrement posté des sentinelles. J'irai en éclaireur...

Quête : Equité

Maedron sembla hésiter à lui en laisser l'initiative, mais il finit par opiner du chef. Ils s'engagèrent donc dans la campagne, encore à cheval, pendant un certain temps. Malgré l'obscurité et grâce à la lune, Astrée reconnut rapidement les environs et ils avancèrent un moment en silence, les hautes herbes arrivant au poitrail de leurs montures. Puis la jeune femme repéra l'ombre des rochers devant elle, une brisure dans le paysage, petite falaise blanche ouverte dans la steppe. Ils mirent donc pied à terre. L'elfe noir vint près de la jeune femme.
" Ne faites rien d'inconsidéré, Astrée. Vous n'êtes pas une combattante et comme je vous l'ai dit, nous avons déjà bien assez de deux otages entre leurs mains. Sachez aussi que nous devrions avoir du renfort assez vite, mais connaissant la délicatesse des cavaliers du Fier Coursier, nous avons intérêt à pouvoir protéger ceux qui doivent l'être avant leur débarquement."

Quête : Equité

Astrée soupira.
- Un débarquement en force, ce n'est pas forcément une bonne idée... Ça peut s'avérer utile au cas où ça tourne mal, mais il faut vraiment qu'on les ai retrouvés, et si possible sortis de là, avant... Sinon on aura fait tout ça pour rien...
Elle sourit au drow.
- Et je vous l'ai dit, je ne compte pas prendre de risque. Je sais très bien que je ne vaux pas grand-chose comme combattante. Mais je pense que je saurai me faufiler jusque là-bas sans bruit et sans me faire repérer, sans doute plus facilement que vous avec votre armure, pourvu que la lune m'éclaire assez pour que j'y voie.
Elle observa les environs, repérant les buissons, les zones d'herbes hautes dans lesquelles elle pourrait se dissimuler aisément.
- Je vais aller jusqu'au pied des falaises, et simplement déterminer où se trouve l'entrée de la grotte où ils se trouvent, et l'endroit où sont postées les sentinelles. Puis je reviendrai en arrière vous faire signe de me rejoindre, en vous indiquant où passer pour ne pas être repérés. Et je verrai si je trouve un rat ou une chauve-souris qui accepterait de jouer les espions à l'intérieur...

Quête : Equité

Maedron acquiesça et lui désigna l'endroit où il attendrait avec Tybert, un massif épineux situé à une vingtaine de toises, plus en avant. Ensuite, la rôdeuse put s'élancer.
La lune était capricieuse, surgissant pour mieux disparaître, plongeant parfois Astrée dans une obscurité telle qu'elle ne pouvait plus rien faire sinon attendre. La falaise se rapprochait et la jeune femme entendit le froufroutement d'une petite source quelque part sur sa droite. Des arbres poussaient un peu plus nombreux dans cette direction, profitant sans doute de l'eau bienfaisante pour y étendre leurs racines. Elle était toute proche, à présent. Elle ne voyait ni n'entendait personne, pas de torches brûlant dans la nuit, pas de murmures de conversation, pas même le son feutré d'un cheval qui s'ébroue. Il semblait ne pas y avoir âme qui vive, hormis celle, plus discrète, des lucioles, des moustiques, d'une chauve-souris de passage. Une chouette la survola en poussant son hululement hanté. Plus loin, elle surprit un petit groupe de biches endormies, qui ne la perçurent même pas. Elle parvint à quelques toises seulement de la structure rocheuse. Elle devina un renfoncement qui pourrait être une entrée sur la droite... mais un autre sur sa gauche aussi, et en fait, à la faveur généreuse de l'astre lunaire, une fois encore, elle réalisa que la colline en était truffée : il y avait au moins une dizaine de crevasses prometteuses.

Quête : Equité

Astrée hésita. Elle n'avait pas vu l'ombre d'une sentinelle. Mais cela ne prouvait pas avec certitude qu'il n'y en avait pas. Elle avait envie d'aller voir chaque caverne, une par une, comme elle l'avait annoncé, pour repérer dans laquelle ils se trouvaient. Mais il y en avait tant... Sans doute y avait-il tout un réseau de galeries qui communiquaient entre elles. Certaines nécessitaient qu'elle sorte du couvert des herbes haute pour les atteindre, s'exposant au regard d'une sentinelle qu'elle n'aurait pas vue. Elle avait promis de ne pas prendre de risque. Et ses compagnons attendaient son signal.
Bah, ils ne risquaient rien à la rejoindre, et ils seraient plus nombreux pour fouiller toute la falaise. Elle s'éloigna un peu des rochers, à la recherche d'un endroit d'où elle pourrait voir l'endroit où se cachaient ses amis, et surtout être vue d'eux, sans être trop visible depuis les grottes. En espérant que personne d'autre ne la verrait. Elle ne resterait de toute façon que quelques secondes sur place, avant d'aller à leur rencontre.
Elle attendit, par prudence, un moment où la lune ne brillait pas, puis se dressa un peu, et leur fit signe qu'ils pouvaient venir. Deux ou trois fois, avec des gestes amples, pour être certaine qu'ils l'avaient vue. Puis elle s'éloigna immédiatement du point où elle se trouvait, en guettant des signes de mouvement, à la fois là où ils étaient et autour d'elle.

Quête : Equité

Il n'y eut nul mouvement autour d'elle, personne ne semblait avoir remarqué son geste, hormis ses compagnons, qui la rejoignirent peu après. Maebron scruta la falaise un moment, puis se tourna vers elle.
" Nous savons qu'ils ont des chevaux... Peut-être pourriez-vous retrouver leurs traces, maintenant que nous sommes près du but... Ils ont fatalement dû emprunter une des issues les plus larges... et sans doute trouverez-vous rapidement une source de lumière à l'intérieur : ils doivent être humains, pour la plupart."
Il regarda Tybert qui, tendu, semblait écouter la nuit, ou peut-être la cascade toute proche.
" Je ne suis pas pour que nous nous séparions, une fois à l'intérieur. Même s'ils ne gardent pas l'entrée, ils peuvent avoir piégé le conduit et nous n'en avons nul plan. Nous devrons rester groupés."

Quête : Equité

Astrée grimaça.
- Moi aussi je préférerais que nous restions groupés. Je vais tenter de trouver des traces... Mais si je ne trouve rien, il faudra peut-être qu'on se sépare pour aller plus vite. Pour le moment, je pense plus prudent que vous restiez un tout petit peu en arrière pendant que je longe la roche à la recherche de trace. Je risque par endroit d'être un peu à découvert, si près de la falaise. Vous pourrez surveiller mes arrières, et m'avertir si vous voyez un mouvement suspect.
Elle hésita.
- Mais auparavant, je vais prendre quelques minutes pour essayer de me concentrer, et voir si je peux percevoir la présence de Prince, ou tout simplement d'un groupe de chevaux, et les localiser. Ca nous gagnerait un temps fou si j'y arrivais ainsi...
Elle observa une dernière fois la falaise, ferma les yeux, et se concentra. A la recherche de Prince des Frelons...

Pendant un moment, elle ne perçut pas grand chose. Le vent, les herbes, l'esprit d'un oiseau, d'une souris, d'un renard, peut-être. Puis elle eut une vision d'un immense champ de marguerites. En fait, non. Ce n'était pas une vision. Elle était dans ce champ, debout, et la brise tiède soufflait dans sa crinière. Elle sentit la puissance dans ses muscles, la chaleur dans son organisme, toute cette énergie, toute cette vie, qui voulait exploser au dehors, un besoin de courir, auquel elle succomba, et soudain les fleurs se muèrent en traînées blanches comme elle déboulait à pleine vitesse entre leurs corolles qui pliaient, bourrasque de puissance brute, animale, et le bonheur était indicible et absolu, et rien d'autre n'avait d'importance, que cette sensation enivrante, les fleurs, le vent, plus vite, toujours plus vite, une étoile filante dans les fragrances du printemps, un rayon de soleil baignant la campagne, se déversant sans retenue, sans limites...
Et tout se tut en une fois.
La nuit était noire. Très noire. Et il faisait froid.
Elle se sentait encore plus épuisée qu'un instant plus tôt.

Quête : Equité

Astrée se sentit chanceler, et dut se raccrocher à un branchage quelconque.
- Prince... Il est... Ils l'ont complètement drogué, je crois, pour que je ressente ces sensations-là, tenta-t-elle d'expliquer à ses compagnons.
Elle était épuisée. Il valait mieux qu'elle évite de tenter à nouveau l'expérience. Mais son inquiétude ne faisait que croître. Ils avaient peut-être, déjà, commencé leur cérémonial. Elle ne voyait que cette explication...
Bon. Elle devait se ressaisir, absolument.
- J'y vais, lança-t-elle abruptement en s'avançant vers la falaise. Suivez-moi, mais pas trop près... Et je crois qu'il faut faire vite. Vraiment.
Il fallait qu'elle trouve ces fichues empreintes.

Quête : Equité

Elle parvint rapidement au pied de la petite falaise. Les premières crevasses qu'elle inspecta étaient soit escarpées, soit trop étroites pour que des chevaux puissent s'y glisser. La suivante démarrait bien, mais il n'y avait nulle trace à proximité, et pour cause, c'était rapidement un cul de sac. Après quelques essais infructueux, dont un qui lui fit perdre plusieurs minutes, elle trouva enfin une entrée prometteuse. Un énorme crottin presque frais trônait à quelques mètres de l'ouverture et si la roche ne permettait pas de suivre une réelle piste, il y avait des traces de sabot dans la terre meuble au pied de la falaise. Le conduit semblait s'enfoncer loin dans le noir : aucune lueur en vue, mais il était possible que le tunnel forme rapidement un angle, à moins que les adeptes ne se déplacent toujours avec une torche et qu'il n'y en ait pas à proximité.

Quête : Equité

Astrée n'avait jamais autant regretté de n'avoir pas le talent d'infravision des elfes. La caverne était plongée dans l'obscurité totale, et elle n'y verrait goutte. Et il était bien sûr hors de quesrtion d'allumer une torche : ce serait le meilleur moyen de se faire repérer s'ils étaient juste un coude ou deux plus loin. Elle fit signe à Maedron.
- Il faudrait aller voir un peu plus loin dans cette caverne, discrètement. Il fait trop sombre pour moi... Pendant ce temps, je vais quand même voir, un tout petit peu plus loin, au cas où la piste mène en réalité à une autre entrée. Qu'en pensez-vous ?
Le drow avait davantage qu'elle l'habitude de ce genre de mission, elle le sentait, et elle préférait se fier à son expérience. Il avait dit qu'ils ne devaient pas se séparer... mais elle ne voulait pas perdre de temps. Il y avait urgence.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Bortheias