[Habitation] Le clos des roses

[Kasumi]

En guise de nouvelle, Amélie entra immédiatement en arborant un sourire charmeur et un plateau chargé de victuailles des plus appétissantes.

- Retourne te coucher ! Je voulais te faire la surprise et t’amener ton petit déjeuner au lit ce matin ! On ne pourra bientôt plus s’autoriser ce genre de fantaisies alors profitons-en !

Angèle eut à peine le temps de remarquer que le plateau comportait deux bols et largement de quoi combler l’appétit de deux personnes même quand l’un des deux était Amélie.

[Althéa]

L'espace d'un instant, elle resta totalement interdite. Déjeuner au lit ... Cela faisait une éternité. Mais c'était ce qu'affectionnait Morgan. Tout comme sa fille, elle avait un solide coup de fourchette. Elle n'avait pas son pareil pour improviser des repas impromptus, et même des petits-déjeuners au milieu de la nuit. Une fois encore, Angèle se souvenait. Et il lui fut difficile de sourire. Elle y parvint pourtant.

"Merci mais il ne fallait pas. Ensuite, je risque d'en prendre l'habitude et ce ne serait pas bien. D'un autre coté, je suis sure que c'est pour t'assurer que je mange. Hé bien soit ..."

Elle alla s'assoir en tailleurs sur son lit.

[Kasumi]

Amélie ne tarda pas à la rejoindre et à s’installer en face d’elle, faisant preuve d’une grande habileté pour tenir le plateau en équilibre et éviter d’en renverser l’intégralité du contenu sur les draps propres. En tous cas, la jeune femme semblait apprécier de partager ce moment d’intimité avec son aînée.

- On dirait qu’il va faire beau aujourd’hui, une fois de plus ! Finalement, les légendes sur le temps exécrable de Manost ne se vérifient pas toujours. De ça aussi on pourrait prendre l'habitude.

[Althéa]

Angèle sourit et hocha la tête.

"Il fait un temps exécrable pour qu'on apprécie d'autant plus les temps doux. C'est le propre du climat manostien, tu vois ? Il se mérite. Et puis, nous allons avoir beau temps pour nous occuper du jardin. Nous avons vraiment de la chance."

Elle commença son petit-déjeuner par une tasse de thé. Une manière idéale de commencer la journée.

[Kasumi]

Déjeuner dans cette position et en évitant de disperser des miettes partout était un jeu d’équilibriste et il fallait reconnaître à Amélie qu’elle était tout sauf maladroite. Elle aussi entama son petit déjeuner avec une belle concentration. Puis, sans prévenir, elle leva la tête et déclara :

- Tu crois qu’il accepterait de venir ici de temps à autre si je lui demandais ? Enfin, si tu étais d’accord bien entendu !

[Althéa]

Angèle était moins experte mais le thé avait le mérite de ne pas laisser de miettes. Quand Amélie l'interrogea, elle se demanda durant quelques secondes de qui elle voulait parler. Elle peinait toujours à émerger du sommeil. Puis elle hocha la tête avec un sourire.

"Bien sûr, pourquoi ne le voudrait-il pas ? Et puis, il y a de la place ici. Certes, cela va le changer un peu de Cojum mais tu as survécu, toi."

Et elle était curieuse de le rencontrer.

[Kasumi]

Amélie lui dédia un sourire tranquille mais ne répondit pas malgré l’émotion que cette perspective devait représenter pour elle.

- Oh, tu sais, il est déjà venu une fois rendre visite à sa sœur, il y a de cela quelques années. C’est une jeune femme intéressante à rencontrer d’après le peu qu’il m’en a dit. Et puis d’abord, je fais mieux que survivre et je suis certaine que tu le gâterais lui aussi ! Maie en parlant de gâter : mange donc de ces galettes avant qu'elle ne refroidissent.

[Althéa]

Tout en l'écoutant, Angèle obéit. Du moins, elle croqua dans un bout galette et garda le reste en main. Avec un peu de chance, son amie penserait qu'il ne s'agissait pas du même gâteau. Bien sûr, elle la savait loin d'être bête mais on ne savait jamais, en discutant ...

"J'aimerais bien la connaître alors. Est-ce que tu sais comment elle s'appelle ?"

[Kasumi]

Amélie lui dédia un long regard allant du gâteau à peine entamé à son visage mais elle sembla bien décidée à lui laisser le bénéfice du doute pour ce qui était de son appétit. Au lieu de cela, elle préféra se concentrer sur la question de la paladine et répondit d’un ton mutin :

- Bien entendu que je sais comment elle s’appelle. C’est d’ailleurs un prénom plutôt joli je trouve !

Durant quelques secondes, elle semblait bien décidée à ne pas en dire davantage, par jeu sans aucun doute. Mais elle ajouta finalement :

- Et au cas où tu te poserais la question, elle s’appelle Chandara.

[Althéa]

"Chandara ! Mais je connais une Chandara. Elle a de la famille à Cojum et elle est paladine."

Elle écarquilla les yeux.

"Mais attends, tout concorde. C'est elle. Amélie, je connais la soeur jumelle de Marvin."

Elle sourit.

"C'est effectivement une personne très attachante."

Où était-elle à présent ? Subissait-elle encore de plein fouet les affres de la guerre ? Elle espéra qu'elle la verrait revenir.

[Kasumi]

- Quoi ?!

Amélie ouvrait des yeux ronds comme des soucoupes et répondit non sans une certaine hésitation :

- Tu ne cherches pas à me faire une blague quand même ? Non, ce n’est pas vraiment ton genre… Donc tu connais la sœur jumelle de mon amoureux. Ça fait une sacrée coïncidence tout de même ! Et… Elle n’est pas en ville, je suppose ? C’est que ça me plairait beaucoup de la rencontrer du coup.

[Althéa]

Angèle secoua la tête. Non, elle n'était pas en train de lui faire une blague. D'ailleurs, elle n'en avait jamais faites à qui que ce fut, du moins pas qu'elle sache. Elle hésita quelque peu sur les mots à employer pour ne pas inquiéter la jeune femme.

"Je l'ai rencontrée à Medann. Nous étions dans un détachement de paladins. C'est une jeune femme douée et opiniâtre. Je suis sure qu'elle reviendra."

[Kasumi]

Il ne fallut à Amélie que quelques instants pour déduire l’information qui se cachait derrière cette révélation. Un masque d’angoisse se peignit aussitôt sur son visage et elle répliqua à moitié pour elle-même :

- La guerre ? La sœur de Marvin est partie faire la guerre ? Mais il l'adore ! Il ne pourra pas s'en remettre si... si...

Ses mains se mirent à trembler autour de sa tasse de thé et elle se mordilla la lèvre inférieure sans rien ajouter. Le spectre de Melandis allait-il frapper à nouveau de deuil son entourage ?

[Althéa]

Angèle lâcha son morceau de galette à peine entamée. Son manque d'appétit lui sembla tout d'un coup dérisoire face à la détresse d'Amélie. Doucement, posa ses mains sur les siennes, autour de la tasse de thé. Elle devinait sans mal son cheminement de pensée. Sa mère, puis son entourage.

"Pas cette fois, tu vas voir. Chandara va rentrer. Et tu sais quoi ? Elle pourrait venir habiter ici. Ce n'est pas comme si on manquait de place, non ?"

[Kasumi]

Amélie releva un regard embué de larmes, prit à peine le temps de poser sa tasse à demi entamée sur la table de chevet puis passa ses bras autour des épaules de son aînée avant d’éclater en sanglots sans prononcer le moindre mot. Les deux femmes se comprenaient, avaient perdu la même personne, partageaient beaucoup sans qu’il soit besoin de le verbaliser. Angèle ne sut mesurer le temps qui s’écoula ainsi avant que la jeune barde ne s’apaise et répondre finalement dans un souffle :

- J’aimerais bien si elle est d'accord.

[Althéa]

Elle resta un long moment à serrer Amélie dans ses bras. Elle se sentait malhabile, totalement inutile. Mais elle ne pleura pas. L'absence de Morgan était cruelle, injuste. Mais elle savait que quelque part, elle n'aurait pas voulu cela. En lui dédiant sa lettre, elle lui demandait de soutenir sa fille et non de pleurer avec elle. Il lui fallait qu'elle avance, entraînant Amélie à sa suite. Elle parvint à sourire.

"Je suis sure qu'elle voudra et qu'elle se plaira bien ici."

[Kasumi]

Amélie s’essuya les yeux et leva des yeux un peu rougis vers elle mais sans ressentir de gêne à exprimer ses sentiments. L’étreinte de la paladine, son aplomb ou peut-être même son sourire avaient néanmoins agi et la jeune barde le lui rendait un peu timidement.

- Ce serait formidable, on aurait tant de choses à échanger. Je ne l’ai jamais rencontrée mais Marvin en parlait souvent. Avoir un jumeau, c’est une relation un peu spéciale, non ?

[Althéa]

Elle acquiesça.

"Très spéciale et parfois difficile."

Jusqu'à ce que leur choix de divinité les sépare, elle avait vécu avec Guiguemar une relation fusionnelle. Ils s'étaient subitement éloignés. Elle avait vécu la séparation comme une blessure physique qui jamais ne s'était refermée.

[Kasumi]

Amélie semblait avoir oublié son moment de grande tristesse et lui adressa un nouveau sourire encourageant :

- Mais tu ne veux peut-être pas en parler, si ? Moi-même serait bien en peine de comprendre, ayant été élevée comme fille unique. Et si nous allions parler de tout ça au jardin : il fait trop beau pour passer la journée à l’intérieur et le thé est froid de toute façon. Les roses n’attendent que nous. Que nous soyons à la hauteur pour rendre cet endroit encore plus accueillant.

[Althéa]

Elle se leva. Le thé était bon, même froid. Mais elle avait envie de passer du temps avec Amélie pour s'assurer que les nuages gris avaient bien disparu.

"Laisse-moi juste le temps de mettre une tenue adéquate. Et puis je te rejoins."

Elle alla prendre un chapeau de paille sur le miroir, le tendit à sa cadette.

"En attendant, ne prends pas de coup de soleil."

[Kasumi]

Amélie sembla apprécier l’attention de la paladine et fila forte d’une résolution nouvelle. Angèle la retrouva plus tard exactement là où elle l’attendait, s’occupant minutieusement d’un buisson comme elle avait vu tant de fois sa mère le faire à une autre époque. Amélie semblait totalement absorbée par sa tâche et n’avait pas même remarqué qu’Angèle l’avait rejointe dehors en cette matinée encore un peu fraîche mais radieuse.

[Althéa]

Angèle la regarda sans oser approcher. De loin, l'illusion était parfaite. Mais Amélie n'était pas Morgan et ne le serait jamais. Elle ne prenait pas sa place mais la prolongeait. Elle sentit cependant une pointe de nostalgie l'envahir. Elle rabattit son chapeau sur sa tête pour ne pas que la jeune femme remarque les larmes qui menaçaient d'affluer.

Puis elle toussa poliment pour signaler sa présence.

[Kasumi]

Amélie effectua un bond spectaculaire et manqua de peu se couper avec son instrument quand Angèle se signala. Elle se retourna néanmoins l’air de rien et confessa avoir été « un peu » surprise. Puis elle lui désigna le buisson situé juste à côté d’elle :

- Il y a pas mal de feuilles malades sur celui-ci. Je crois que nous avons un petit problème de pucerons ! Nettoyons-les branches les plus atteintes puis nous devrons trouver de quoi repousser cette engeance maudite ! Une paladine ne peut qu’approuver cette noble quête, non ?

[Althéa]

"Il faut du savon."

Elle resta silencieuse le temps de se souvenir puis expliqua.

"Morgan se servait de savon. A la base du tronc des rosiers et sur le bout des feuilles. Je ne sais pas comment elle savait cela mais ça fonctionnait invariablement. Bien sûr, en petite quantité."

De l'autre coté du temps, elle entendit Morgan ajouter en écho.

"Tout est une question de dosage."

[Kasumi]

Amélie prit un air ravi et frappa même dans ses mains pour ponctuer son enthousiasme. Elle répondit néanmoins d’un air un peu incrédule :

- Du savon sur des rosiers ? Bon bon, je ne remets pas en cause tes techniques et ils seront probablement tout propres ensuite. Allons-y pour du savon donc ! Tu veux que j’aille en chercher ? Mais il va falloir que tu me montres comment on s’y prend !

La jeune barde filait déjà vers la maison avant que la paladine n’ait pu en placer une, fidèle à ses habitudes de foncer une fois qu’elle semblait avoir une idée bien ancrée en tête. Quelques minutes plus tard, elle revenait avec un pain de savon en le regardant drôlement.

[Althéa]

Angèle regarda le savon avec attention et se souvint qu'il manquait quelque chose ...

"En fait, il faut une savonnée mais pas tout le savon. On trempe le savon dans une bassine d'eau et on le frotte. Ensuite, avec un chiffon propre, on frotte les feuilles et la base. Oui, je crois que c'est comme ça qu'on procède."

Elle n'ajouta pas que la plupart du temps, Morgan s'amusait à l'asperger avec ladite bassine, ce qui finissait souvent en bataille d'eau généralisée.

[Kasumi]

Elle ne le précisa pas et pourtant… Après avoir passé près d’une heure à se trouver la technique la plus efficace puis à s’occuper de l’ensemble des rosiers, l’eau n’était plus tout à fait aussi propre mais cela n’empêcha pas du tout Amélie de s’offrir la récréation qu’affectionnait tant sa mère : Angèle reçut une première goutte puis une seconde. Le temps radieux excluait qu’il s’agisse des prémices d’une averse. Le temps qu’Amélie s’enhardisse et ne plonge tout une main dans sa bassine pour lui envoyer cette fois une salve bien plus conséquente. Quand Angèle se tourna vers elle, elle tâchait pourtant de faire l’innocente, contemplant de près le rosier qui lui faisait face. A peine la paladine la surprit à lui jeter un regard à la dérobée, signe évident de culpabilité.

[Althéa]

Angèle ne dit rien. Très calmement, elle alla récupérer la bassine dans les mains d'Amélie. Elle vida son contenu puis la remplit de nouveau à la pompe. Avec un petit sourire, elle revint du coté de sa cadette qui la regardait sans bouger. C'est là qu'elle lui déversa l'intégralité de son contenu sur la tête.

Puis, sans attendre, elle se sauva en courant en direction de la cuisine.

[Kasumi]

Amélie avait regardé Angèle sans comprendre quelles étaient ses intentions avant qu’il ne soit trop tard. Et même alors il lui fallut un long moment pour réaliser ce qui venait de se passer. Angèle avait presqu’atteint la cuisine quand elle l’entendit finalement courir à sa suite en hurlant vengeance :

- Pour ça tu vas payer crois-moi !

Elle n’avait plus d’eau sous la main pour lui rendre la pareille mais elle avait récupéré les serviettes trempées d’eau savonneuse.

- Tu vas réclamer grâce tu vas voir ! Et j’exigerai de tout savoir sur Soren pour te pardonner ! Argh, je suis bonne pour reprendre un bain !

[Althéa]

Angèle l'avait gratifiée d'un grand sourire. Cela faisait longtemps qu'elle ne s'était pas amusée ainsi. Même quand Amélie arriva avec ses serviettes, elle continua de trouver le jeu amusant. D'ordinaire, elle et Morgan inondaient la cuisine et même quelques chambres. Elle se souvint qu'une fois, sa compagne l'avait traînée par les pieds jusqu'à la pompe et l'avait maintenue sous le robinet. Elle avait hurlé, s'était débattue mais ne s'était jamais arrêtée de rire. Alors, ce n'étaient pas des serviettes mouillées qui allaient lui faire peur.

"Tu me menaces ? Tu en es sûre ? Parce que je suis armée."

Pour faire bonne mesure, elle s'empara du pichet d'eau sur la table.