La Couronne de Cuivre

L'homme hocha la tête.
" Je vous souhaite en tout cas une bonne journée. Si vous avez besoin de quoi que ce soit durant votre séjour parmi nous, n'hésitez pas... Et inversement, je compte sur vous pour nous avertir si vous trouviez quoi que ce soit d'inquiétant dans ces bois, si vous dépistez une menace qui nécessiterait une action concertée de tout le village, voire de demander de l'aide aux autorités ou même à Respelm...."

Le demi-elfe sourit : cette rencontre ne s'était pas si mal passée et il pensait maintenant pouvoir disposer sinon de l'aide au moins du soutien tacite des villageois pour la tâche qu'il avait entrepris. Avant de s'éloigner, il rebondit sur la proposition du chef du village :

- Nous n'y manquerons pas ! Et maintenant que j'y pense, si vous aviez une carte, même sommaire et partielle de la forêt environnante, je pense que ça pourrait grandement nous aider à nous y guider.

Quant aux pierres dressées, la menace était trop diffuse et incertaine pour qu'il l'évoque tant qu'il n'aurait pas recueilli d'autres éléments inquiétants : pour l'heure, cela ne justifiait en rien qu'il fasse appel à l'aide des villageois ou des autorités.

L'homme secoua la tête avec une moue désolée.
" Nous n'avons pas de carte, non. Nous connaissons bien les parcelles en lisière du bois, et quelques-uns de mes concitoyens pratiquent occasionnellement la chasse un peu plus à l'intérieur...
- Oui mais en réalité on va pas très loin, confirma l'un de ses compagnons. D'puis qu'le fils à Marco est pas rev'nu, on reste en lisière. Ça nous suffit largement.
- Mais tu saurais tracer une carte des zones que tu connais ?
- Oui, bien sûr. Mais ça ne dépasse guère une lieue et demie en profondeur, ça m'étonnerait que ça suffise..."

Le rôdeur sourit à l'homme qui était intervenu en dernier lieu et répondit calmement :

- Ce serait au contraire un bon début et Sylvia et moi pourrions partir de là pour le compléter en fonction de nos observations. Ce serait joindre l'utile à l'agréable ! Et nous n'avons au final besoin que de connaître quelques points de repères dont vous vous souviendriez : des clairières, des sentiers ou même des rochers ou des arbres à la forme notable.

L'homme haussa les épaules, indécis.
" Bah... si vraiment ça peut vous aider... j'peux essayer. J'vous ferai ça d'ici ce soir si vous voulez, j'suis d'repos c't'après-midi. Vous pouvez même venir prendre l'apéritif à la maison, si ça vous tente ! J'vous préviens juste : j'ai deux neveux qui meurent d'envie de vous assaillir de questions pour pouvoir ensuite frimer auprès de leurs copains ; s'ils vous voient entrer chez moi ils vont débarquer dans la minute. Mais s'ils vous dérangent, je les mettrai dehors...
- Ils ne nous dérangeront pas, assura Sylvia avec un sourire.
- Oh... ben dans ce cas... V'nez c'soir ! "
L'un de ses compagnons, qui n'avait pas décroché un mot depuis le début de l'entretien, intervint subitement, se tournant d'abord vers ses compagnons puis vers Kasumi.
" Mais tout d'même... Vous dites rien vous tous, vous laissez faire, vous les aidez même !... Mais moi j'vous dis, m'sieur, c'est p't'êt pas une bonne chose c'que vous voulez faire avec vot' dam'. J'veux dire... ces bois, y sont pas bons pour les humains. Y'a des gens qui ont disparu, des bêtes sauvages qui en sont sorties pour nous chercher des noises. Croyez-moi, vaut mieux pas aller titiller les forces de ce bois, même si c'est votre métier. Réveiller les esprits anciens, comme vous voulez faire, ça peut aussi amener du mal... J'veux pas voir à nouveau des gens disparaitre ou un gosse être dévoré par un loup !"

Kasumi fit calmement face à l'homme qui venait de s'exprimer et répondit d'un ton serein :

- Je comprends vos inquiétudes et elles sont tout à fait légitime : vous vous inquiétez de ce qui pourrait arriver aux vôtres et c'est le plus noble et le plus humain des sentiments. Sylvia et moi n'avons pas l'intention de mener une croisade et de vous laisser payer les pots cassés. Non, nous cherchons simplement à rendre cet endroit un peu plus lumineux, à rétablir un peu un équilibre qui a été rompu. Si l'on laisse proliférer ce qui se terre au fond de ces bois, cela finira par en sortir, par chercher à détruire ce que vous avez bâti. Peut-être que ces forces vous laisseront tranquilles encore des générations, vous laissant vivre dans la crainte de perdre un être cher. Et je n'ai pas la prétention de parvenir à les repousser seul : il y a bien longtemps que j'ai appris que la meilleure volonté a ses limites surtout si elle agit seule. Mais peut-être que nous pouvons mutuellement nous aider et qu'il en ressortira quelque-chose de bon pour vous et pour ces bois.

" J'vois pas comment vous pourriez v'nir à bout des forces obscures de cette forêt ! Elle mérite amplement son nom, vous savez ! Et c'qui s'terre au fond des bois, comme vous dites, savez-vous seulement si ça existe , si c'est quelque chose de tangible, un adversaire contre lequel se battre ? Moi j'pense plutôt, et j'suis pas l'seul, que cette forêt est maudite, comme son nom le dit, qu'elle génère le mal par sa seule existence et que nul n'y peut rien. Et qu'y vaut mieux, tout simplement, ne pas y entrer, la laisser tranquille, ne pas la provoquer.
- Tu sais, Julien, ça peut pas faire de mal de retrouver un bosquet sacré...
- Ben si ! Parce que ça aussi, ça va perturber à nouveau les équilibres, comme y dit ! C'est bien beau de rendre la forêt lumineuse près de cet endroit, mais si le Mal est chassé du bosquet sacré, il va bien falloir qu'il se déplace en se renforçant ailleurs... qui vous dit qu'il ne va pas au contraire se rapprocher de nous ?

A nouveau, le rôdeur répondit avec calme après avoir souri à l'adresse de l'autre villageois qui était intervenu dans son sens.

- Si le bosquet subsiste mais est endormi comme je le pense, c'est un lieu où le mal n'a pas pu s'ancrer et restaurer sa puissance ne fera que rendre lumineuse toute sa zone d'influence. Et ne doutez pas que le bien a aussi de la force et ses serviteurs : les renforcer n'a jamais profité aux serviteurs de Malar ou aux êtres sombres qui président depuis longtemps sur cette forêt. Faites appel à vos souvenirs ou aux histoire que vous racontez vos ancêtres : ces bois n'ont pas toujours été aussi sombres et hostiles, j'en suis convaincu.

" Il a raison, tu sais... Quand on était gosse, les gens avaient pas peur des bois comme ça, ils étaient moins dangereux...
- Oui, c'est pas faux... Du mal est apparu depuis, et peut-être aussi que du bien a disparu, que ce bosquet s'est endormi, comme vous dites. Je veux bien vous croire quand vous dites que l'équilibre a été rompu, mais vous allez agir dessus à nouveau, et rien ne prouve que le nouvel équilibre sera bon pour nous...
- Tout de même, Julien... Donner des forces au Bien, ranimer un bosquet, ça ne peut que faire reculer le Mal et l'obliger à s'exiler plus profondément dans la forêt, loin de nous. Ça ne peut qu'être bénéfique. Moi, en tout cas, j'en suis convaincu. Ne te fais donc pas tant de souci..."

Sentant l'humeur de ce Julien tourner, Kasumi décida de se montrer conciliant et emboîta le pas de son compatriote :

- Je ne peux rien promettre bien sûr mais il me parait fondamental de tenter quelque-chose et soyez assuré que je ne le ferais pas si je pensais que cela puisse vous mettre en danger.

Il était bien sûr encore trop tôt pour leur donner des espoirs plus concrets, en parlant du gland de Celd par exemple mais les choses étaient tout de même bien mieux engagées qu'il ne l'avait escompté.

Le dénommé Julien finit par hausser les épaules en maugréant quelque chose d'indistinct, mais ne relança pas la discussion. Il était probablement à court d'arguments.
Le chef du village, quant à lui, tendit une main amicale.
" Il nous reste à vous souhaiter une bonne journée. Que Lathandre vous garde. Mais restez tout de même prudents !
- C'est promis," assura Sylvia.

Kasumi serra la main tendue et répondit à la bénédiction en souhaitant une bonne journée aux bûcherons attroupés et renouvela sa promesse de prendre l’apéritif du soir avec celui qui s’était proposé de leur esquisser un plan des environs.

Ceci fait, le demi-elfe s’approcha du pré communal pour s’occuper un instant d’Ombrage et de la jument de Sylvia avant de finalement entraîner cette dernière vers la sortie du village. Il déclara alors - non sans un soulagement manifeste :

- Ça s’est plutôt bien passé, je trouve !

" Oui. A part ce Julien. Mais tout de même, faire revivre un bosquet sacré, c'est une noble tâche, ils ne peuvent pas vraiment nous en vouloir de le tenter. Cela dit, on peut comprendre qu'il y ait des inquiétudes, s'il y a eu des drames récents... "
Ils croisèrent peu de personnes sur le chemin menant à la forêt : deux bergers et leurs troupeaux, un maraîcher ramassant des salades, et quelques enfants jouant dans les prés. Le soleil brillait, une certaine sérénité baignait les lieux, et la forêt leur semblait tout à fait hospitalière. Il leur restait à décider s'ils voulaient se décider plutôt vers le nord-est, comme la veille, ou le sud-est.

Kasumi avait envie d'explorer une autre direction histoire de ratisser largement au cours des prochains jours aussi porta-t-il ses pas vers le sud-est. Il espérait également pouvoir croiser rapidement Première Neige de sorte à vérifier la progression de sa cicatrisation et changer son bandage si ça s'avérait nécessaire. Ensuite, ils pourraient tenter de se diriger vers le fleuve comme la veille et peut-être ramener un peu de gibier s'il en foisonnait.

Première Neige les rejoignit plus rapidement que la veille : peut-être les guettait-elle, et sans doute s'était-elle moins éloignée vu sa blessure. Kasumi put constater que celle-ci cicatrisait peu à peu. La louve se laissa soigner sans crainte, gémissant légèrement lorsqu'il effleura la plaie pour la nettoyer. Il ne lui fallut que quelques minutes pour refaire un bandage neuf, et ils purent se remettre en route.
Dans cette direction, le fleuve était plus éloigné, et midi survint sans qu'ils l'aient atteint. Ils durent faire une pause dans une clairière. La forêt alentour était paisible, les oiseaux nombreux, les traces indiquaient un gibier abondant -il n'auraient aucune difficulté à ramener une proie s'ils le souhaitaient. Ils n'avaient pas traversé de secteur aussi ancien que celui de la veille, ni aperçu de signe inquiétant. Kasumi ne sentait pas non plus l'influence délétère du coeur de la forêt, telle qu'il avait pu la ressentir en d'autres circonstances. Bref, ils se trouvaient apparemment dans une forêt tout à fait ordinaire.

Et c'était déjà rassurant en soi : l'équilibre naturel était encore préservé ici - près du village - et cela faisait chaud au cœur même si ça ne les avançait pas dans leur quête. Kasumi s'occupa de déballer les casse-croûtes et souhaita un très bon appétit à sa dulcinée avant de faire des projets pour l'après-midi :

- On pourrait peut-être légèrement bifurquer vers le nord tout en continuant à progresser vers le fleuve ? Cela nous ferait moins de chemin à parcourir au retour. Et ce serait mieux pour ramener un peu de gibier à Martha. Qu'en dis-tu ?

" Moi, je te suis où que tu ailles !, répliqua Sylvia avec bonne humeur. Il semble y avoir du gibier un peu partout, de toute façon. Et il me semble également qu'on a plus de chance de trouver ce qu'on cherche vers le nord, à en juger par ce qu'on a vu hier. A moins qu'il y ait d'autres zones très anciennes au sud."
Elle s'était allongée à demi sur un carré d'herbe fleurie, à l'ombre d'un hêtre.
" Mais là, tout de suite, j'ai besoin d'une pause, ajouta-t-elle en étouffant un bâillement. Punaise, je crois que je n'ai jamais eu autant besoin de dormir depuis... depuis mon enfance au moins ! Tu veux bien m'autoriser une petite sieste ?"

Kasumi répliqua d'un sourire attendri et vint en outre se placer en tailleur derrière elle pour lui fournir un appui confortable :

- Est-ce qu'un massage des épaules pourrait t'aider à te détendre ? Nous avons tout notre temps pour une petite sieste en tous cas !

Le demi-elfe ne s'inquiétait plus vraiment de son état de fatigue maintenant qu'ils en connaissaient tous les deux la cause mais il avait envie de tout faire pour l'aider à traverser ces difficultés le plus agréablement possible.

" Le massage, je vote pour ! Et je te promets, ce sera une toute petite sieste ! Sinon on n'aura jamais le temps d'arriver jusqu'au fleuve..."

La sieste s'avéra pourtant plus longue que prévu : Sylvia s'était endormie assez profondément après le repas, et elle n'ouvrit les yeux qu'une bonne heure et demie plus tard, bien ennuyée de leur avoir fait perdre autant de temps. Ils pouvaient encore faire un détour vers le nord avant de rentrer, mais sans doute pas atteindre le fleuve, à moins de renoncer à leur désir de ramener du gibier. Sylvia, désireuse de rattraper le temps perdu, insista dès son réveil pour qu'ils se remettent en route sans tarder.

Mais le demi-elfe s'empressa de la rassurer : il l'avait volontairement laissé dormir juste pour le plaisir de la regarder ! Leurs sacs étaient déjà prêts à son réveil et le rôdeur proposa à sa compagne de renoncer à rejoindre le fleuve pour s'adonner à leur petite partie de chasse. Il serait toujours temps de s'attarder ensuite un peu plus au nord si elle se révélait fructueuse.

La chasse, dans cette partie de la forêt désertée par les humains, était presque un jeu d'enfant. Se guidant au bruit de l'eau, ils trouvèrent un petit point d'eau où venaient s'abreuver des bêtes de toute sorte : il ne leur fallut pas longtemps pour débusquer un jeune chevreuil inexpérimenté, qu'ils abattirent de deux flèches soigneusement placées. Il y avait là assez de viande pour nourrir cinq ou six personnes pendant deux jours...
Ils ne leur restait guère de temps pour explorer les bois s'ils voulaient rentrer à une heure raisonnable, surtout en portant leur viande. Ils n'oubliaient pas qu'ils étaient attendus pour un apéritif. Ils se contentèrent donc d'un petit détour légèrement plus au nord. Le hasard leur fit à nouveau découvrir un secteur plus ancien de la forêt, planté de grands arbres majestueux, mais de dimensions beaucoup plus restreintes que celui qu'ils avaient traversé la veille.
Ils parvinrent au village plus tôt que la veille, à l'heure de la traite des bêtes à en juger par l'animation autour des étables.

Kasumi se chargea bien entendu de la viande mais accepta que Sylvia porte son léger sac en plus du sien. Il n'avait du reste pas dans l'idée de s'attarder bien longtemps dans la zone de recherche de sorte de pouvoir amener la viande et la mettre à l'abri avant de se rendre à leur rendez-vous chez les voisins de Martha. Il fut donc satisfait de s'en être tenu à ce programme une fois de retour au village : il ne resterait qu'à faire un brin de toilette pour se rendre présentable et le tour serait joué !

Martha leur indiqua où se trouvait le domicile du bûcheron qui leur avait promis une carte des lieux, quelques maisons plus loin, et ils s'y rendirent après un brin de toilette. Sylvia avait les traits tirés, l'air fatiguée, mais elle tenait à l'accompagner, arguant qu'ils n'en avaient pas forcément pour longtemps. Leur hôtesse avait largement de quoi s'occuper, en les attendant, avec le produit de leur chasse, qu'elle comptait préparer d'ici deux jours, une fois la viande un peu attendrie.

" Entrez, entrez..."
Le bûcheron avait quitté sa tenue de travail, revêtant une tenue plus légère, plus adaptée à la saison.
" Installez-vous", fit-il en leur indiquant deux chaises autour de la table familiale. Il y avait étendu un grand parchemin, où était tracé un plan approximatif de la région.
" Je peux vous proposer du vin de pêche... Ou du vin blanc, tout simplement. Ou de la bière, également."

Kasumi tira galamment une chaise pour sa compagne en lui adressant un sourire lumineux avant de prendre place à ses côtés. Toutefois, avant de jeter un œil à la carte qui se trouvait déjà sur la table, le rôdeur tint à répondre à leur hôte du soir :

- Je prendrais bien un verre de vin de pêche pour ma part.

Et il laissa bien sûr répondre Sylvia pour elle-même en lui adressant un nouveau sourire encourageant.

Sylvia, un peu timidement, ne demanda qu'un doigt d'apéritif, et Kasumi remarqua qu'elle ne buvait pas vraiment son verre. Mais le bûcheron n'y prêta guère attention : penché sur la carte qu'il était en train d'achever, il expliquait :
" Voilà... Vous avez le village, ici, la lisière de la forêt, les parcelles de coupe. Là, la voie de débardage par laquelle vous êtes passés hier. Elle rejoint un petit bief plus loin, qui se jette sûrement dans le fleuve. Ici, plus au sud, un autre sentier qui part dans les bois, celui que vous avez dû suivre aujourd'hui. Il se divise en deux plus loin... Il y a une grande clairière à ce niveau-là, et une rivière qu'on traverse puis qu'on longe un moment si on prend la voie de droite. Vous avez dû voir la petite éminence qui surplombe la région, au nord, par là... Et il y a le fleuve quelque part vers le sud-est, j'ai du mal à estimer la distance... On ne va jamais aussi loin..."

HRP : tu veux que je te dessine une carte ?

HRP : Chiche ? Mais ce n'est pas absolument nécessaire non plus

Le demi-elfe s'était vite désintéressé de son verre - malgré le goût délicieux de ce nectar - pour se concentrer sur la carte et essayer de la mettre en relation avec les premières observations qu'ils avaient relevées durant leurs deux excursions. Les sentiers, l'éminence, même la clairière lui semblaient familier et il se demandait si le bief ou la rivière pouvaient être susceptible d'irriguer le bosquet. Il faudrait sans doute relire le texte qu'il avait recopié à la Grande Bibliothèque de Luménis pour trouver peut-être des indices concordant avec cette carte. En tous cas, il ne manqua pas de remercier le bûcheron pour son excellent travail.

HRP : ben ça attendra que j'aie le temps !

" Le mieux, c'est qu'on la complète avec nos propres points de repère, fit remarquer Sylvia. On a suivi ce sentier tout à l'heure, et là, quelque part plus à l'est, il y avait une clairière... des arbres anciens plus au nord... Et hier, à l'est en poursuivant le chemin de débardage, il y avait tout un secteur, à peu près comme ça, d'arbres anciens. Et le fleuve était approximativement à cette distance... Ici, sur l'éminence, il y a une clairière..."
Elle avait pris le crayon à mine graphite traînant sur la table et traçait quelques traits un peu maladroits pour compléter le plan vers l'est, indiquant notamment l'emplacement du cercle de pierre. Elle n'avait quasiment pas touché à son verre, et faisait mine de l'avoir complètement oublié, mais Kasumi savait qu'il y avait une toute autre raison à son abstinence.
" Ça nous fait une bonne base de départ en tout cas...
- Heureux que ça vous plaise. Si je peux vous rendre service en quoi que ce soit..."
Des coups frappés à la porte l'interrompirent : comme prévu, deux jeunes adolescents entrèrent, dardant des regards curieux sur les rôdeurs.
" On peut v'nir ?" demanda l'aîné avec hardiesse.

Kasumi avait observé d'un œil à la fois amusé et ravi la rôdeuse qui bravait sa réserve pour prendre l'initiative de compléter la carte et de faire la conversation. Et puisqu'elle avait pris soin d'indiquer sa position, le demi-elfe allait aborder la question du cercle de pierre en demandant si ce secteur était particulièrement réputé dangereux ou fréquenté quand il fut interrompu dans son élan par l'arrivée des adolescents. Comme il ne lui appartenait pas de répondre mais qu'on leur demanderait certainement leur avis, il hocha discrètement de la tête en arborant un léger sourire à l'adresse de ses hôtes.

Le bûcheron poussa un soupir à fendre l'âme.
" Bah... Si vous y t'nez..."
A peine avait-il terminé sa phrase que les deux adolescents étaient installés à table.
" C'est quoi ?
- Ben une carte, ça s'voit !
- Là c'est l'village...
- Là le chemin par où on va jouer dans les bois...
- Ici c'est le petit bief qui passe plus au sud...
- Pourquoi vous avez b'soin d'une carte des bois ? Vous voulez vous installer comme bûcheron ? Ou pour la chasse ?"
La question s'adressait à Kasumi.
" Ne soyez donc pas indiscrets ! Vous n'êtes pas obligé de répondre, vous savez..."

Kasumi se contenta de hausser les épaules, philosophe : il s'était attendu à se retrouver sous le feu des questions et cela ne le gênait en rien. Il répondit du ton qu'il employait parfois pour raconter des récits mystérieux à destination des jeunes gens :

- En fait, c'est plutôt exactement l'inverse : ma fiancée et moi cherchons l'endroit idéal pour y planter un arbre un peu spécial et aussi faire office de refuge aux animaux paisibles de la forêt. Et cette carte va certainement nous y aider !

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Peyregorde