La Couronne de Cuivre

Un peu tranquillisée de pouvoir compter sur la vigilance de Maelys, Chandara se sentit plus libre d’analyser la situation et surtout d’examiner la maquette. Elle tenta d’en mémoriser certains détails et notamment ceux qui manquaient au plan des deux chasseresses. En apercevant les poupées les représentant, elle ressentit d’abord une vague de colère envers les sinistres psychopathes qui hantaient ces lieux. Mais, en y réfléchissant un peu plus posément, elle se dit qu’ils avaient commis une erreur en voulant les effrayer : maintenant, elle savait où se montrer particulièrement vigilante pour éviter les pièges mis en scène. Chandara pris soin de les noter sur le plan en plus de quelques notes sur des endroits d’intérêt qu’il ne mentionnait pas encore puis annonça à ses acolytes :

- Il y a quelque-chose de bizarre dans une des pièces : ce tas de sable et ce coquillage pourrait être l’indice laissé à notre attention par l’enfant que je recherche. Est-ce que vous êtes d’accord pour aller voir ?

Maelys aprouva.

"De toute façon, quoi qu'il se passe on ne se sépare pas. A mon avis, c'est ce qu'ils attendent. Nous venons de le voir avec Eli. Par contre, il me semble qu'il y a une petite crique pas loin. Il est trop tard pour aller voir aujourd'hui. Par contre, que penseriez-vous d'aller là-bas demain ?"

Elle était un peu sur la défensive comme si elle craignait que son idée soit rejetée d'office.

Chandara n’eut aucune difficulté à tenter de la rassurer sur ces points et elle répondit spontanément d’un air intrigué tout en cherchant à montrer qu'elle était ouverte à toutes les propositions et bonnes idées :

- Oui, il ne faut surtout pas nous éloigner les unes des autres. En aucune circonstance. Mais dîtes m’en plus sur cette crypte ? Est-elle liée à l’esprit ? Pensez-vous que le garçon ait pu s’y rendre ? C’est vrai que le sable et les coquillages sont un indice mais je ne l’avais pas envisagé sous cet angle : c’est bien pensé !

"La crique pas la crypte ..., souffla Maelys avec un brin d'exaspération dans la voix, elle n'est pas très loin du manoir. Il suffit d'emprunter un petit chemin. Par contre, certains racontent qu'un drame a eu lieu par ici. Un autre petit garçon a disparu. Peut-être que ça a un rapport avec ce qu'il se passe d'ici. Mais peut-être pas."

HRP : oups, lapsus révélateur

Maelys semblait disposer d'informations sur l'affaire qui l'intéressait et le moment semblait bien choisi pour prendre le temps de l'interroger. En effet, sa seule piste tangible semblait mener à cette crique et il était hors de question de s'y risquer immédiatement étant donné l'heure tardive.

- Quand ce garçon a-t-il disparu ? La mère de Rodolphe m'a parlé d'une vieille histoire datant de la construction de ce manoir... Est-ce que vous parlez de la même histoire ?

Hrp : hé, y a pas de soucis. Asmodeus est passé par là, je crois

Maelys secoua la tête et sembla se radoucir.

"Non, il me semble que l'histoire est plus récente. Cela s'est passé peu de temps après l'adoption du tout dernier enfant de l'orphelinat. Ensuite, les autres ont disparu et on ne les a jamais retrouvés. Peut-être est-ce le maître des lieux. Ou peut-être quelque chose d'autre. C'est difficile de savoir."

Chandara esquissa une nouvelle grimace, ses yeux brillant de colère à nouveau. Une colère toute dirigée vers l'entité lâche et veule qui s'en prenait à des enfants, êtres sans défense par excellence. Ah, comme elle aurait aimé pouvoir le débusquer en cet instant et lui faire comprendre son point de vue ! Mais elle savait que de tels sentiments étaient mauvais conseillers et qu'elle n'avait pas le droit à l'erreur étant donné les enjeux. Elle répondit avec une pointe de tristesse :

- Je ne sais pas si on pourra sauver tous ces petits malheureux mais je voudrais pouvoir les apaiser s'ils sont retenus ici.

Ou en tous cas leurs âmes. Les pauvres n'avaient jamais eu de chance dans la vie. Il lui appartenait de leur ouvrir les portes du royaume enchanté de sa déesse. C'était la seule chose décente à faire. Mais peut-être était-il encore temps de secourir le petit Rodolphe plus prosaïquement.

Maelys la considéra avec perplexité quelques secondes avant de laisser tomber.

"Moi, ce qui m'importe c'est d'emprisonner le maître des lieux. Pour le reste ... C'est ton métier."

Eli, derrière elle soupira avant de secouer la tête comme pour demander à Chandara de l'excuser. Mais le voulait-elle ?

La paladine comprenait la volonté de Maelys de mettre un terme à la menace représentée par l’esprit mais avait un peu plus de mal à accepter ses motivations : la vengeance était très mauvaise conseillère. Pour autant, tant que les objectifs et les actes de la jeune femme restaient compatibles avec ceux qu’elle-même défendait, elle pourrait en faire son affaire. Chandara cherchait plutôt à débarrasser les lieux d’une présence maléfique et à sauver les pauvres âmes qu’elle retenait prisonnières. Cherchant à reprendre la main sur les débats – et peut-être aussi à affirmer sa position de chef – la paladine répondit d’un ton décidé :

- Je pense qu’il n’y a plus rien à découvrir dans cette pièce. Nous devrions nous rendre à l’endroit indiqué par le sable et le coquillage par acquis de conscience : peut-être y trouverons-nous un autre indice avant de gagner cette crique dont vous parliez.

Maelys soupira.

"Aller à la crique alors que la nuit est en train de tomber ? Vous voulez nous faire tuer ou quoi ?"

Eli tourna la tête vers Chandara visiblement très gênée par son attitude. Maelys avait l'air de chercher le conflit. Elle n'avait peut-être pas envie de se laisser dominer par la jeune paladine. Eli quant à elle avait l'air de craindre l'affrontement.

On avait enseigné à la paladine à compter davantage sur la diplomatie - et la séduction - que sur les rapports de force. Chandara choisit donc de faire face à Maelys et lui adressa un sourire désarmant :

- J'avais bien compris qu'il valait mieux ne pas risquer une sortie de nuit la première fois que vous en avez parlé ! Je songeais juste qu'il fallait aller vérifier dans la maison avant de songer à aller à la crique. Autant employer le temps qui nous est imparti pour tenter de découvrir quelque-chose d'utile puisque nous sommes coincées à l'intérieur. A moins que voua ayez une meilleure suggestion ?

Maelys croisa les bras butée et secoua la tête.

"Non, je n'ai pas d'autre suggestion ... Et si vous voulez explorer la maison nous vous accompagnerons."

Elle eut l'air de se détendre quelque peu avant de reprendre.

"Par où voulez-vous que l'on commence ? Parce qu'à mon avis, il vaut mieux débusquer les ennuis avant qu'ils nous tombent dessus."

Pendant toute la durée de leur conversation, Chandara n'avait pas perdu des yeux Eli pour éviter qu'elles ne soient à nouveaux surprises par une présence hostile. A présent que Maelys était assez calme pour redevenir vigilante, la paladine s'autorisa un nouveau regard en direction de la maison miniature pour déterminer le plus court chemin les séparant de l'endroit où avait été posé le sable et le coquillage. Ceci fait, elle répondit à son aînée :

- Je suis parfaitement d'accord : nous devrions explorer cet étage pour voir s'il ne recèle pas de mauvaise surprise. Et aussi commencer à préparer un point de repli où passer la nuit : dans l'idéal, il faudrait au moins une cheminée pour y faire du feu et tenir les ombres à l'écart.

Chandara réfléchit quelques instants à leurs possibilités avant de livrer son point de vue à ses deux compagne d’aventure :

- Je suis d’avis de vérifier dans la salle d’eau s’il reste une pompe active au cas où nous soyons retenues plus de quelques heures ici. Ensuite, je pense que le dortoir sera un bon endroit où envisager de se barricader pour la nuit. Il reste beaucoup de travail : monter une réserve de bois, vérifier l’état des cheminées et préparer deux couchages, vérifier aussi l’état des serrures si nous devons nous retrancher jusqu’au matin. Et avant tout cela, je voudrais que nous ayons fait un tour complet de cet étage au moins : il ne faut pas que nous nous laissions surprendre.

Eli écouta attentivement les propositions de Chandara avant de hocher la tête.

"Ton plan me paraît très censé. Mais par quoi veux-tu que l'on commence ? L'exploration, la réserve de bois ou l’aménagement du dortoir ? Tout me semble tellement important ..."

Maelys écoutait, attentive.

Chandara était soulagé d'obtenir le soutien des deux aventurières plus expérimentées qu'elle : en tant que jeune paladine, elle avait besoin de cette légitimité à commander qu'elle découvrait à peine. Eli s'en remettait à elle, Maelys semblait moins désireuse de la remettre en question : elle ne pouvait se permettre de les décevoir aussi proposa-t-elle ce qui lui sembla le plus logique :

- Commençons d'abord par explorer chaque pièce de cet étage pour vérifier que rien ne s'y tapit.

Elle avait l'intention de procéder avec la même méthode que précédemment : vérifier chaque porte puis explorer chaque pièce dans l'ordre.

Derrière elle, elle perçut la voix angoissée d'Eli.

"Chandara. Dis-moi ce qu'il se passe. Je perçois une immense douleur ici ! Qu'est-ce que tu vois ? Est-ce que les enfants sont ici ?"

Elle semblait affolée, prête à fondre en larme. A coté d'elle, Maelys la regardait interloquée. Elle ne devait rien percevoir.

"Eli, calme-toi s'il te plait ? Chandara, est-ce que vous pouvez me dire ce qui se passe ?"

Sa voix était inquiète, signe qu'elle tenait à son aînée beaucoup plus qu'elle pouvait le laisser voir.

Chandara était tout aussi surprise que Maelys de l'étrange perception dont venait de faire preuve Eli. Celle-ci n'était pas paladine mais Chandara avait lu bien assez d'histoires pour se douter que ses confrères n'étaient pas les seuls à savoir se montrer sensibles à certains sens dont ne disposaient pas le commun des mortels. C'était tout de même un peu désolant que cette sensibilité puisse ainsi desservir Eli en cette triste circonstance et elle entreprit de la rassurer. Quoiqu'elle ne voulait pas non plus lui mentir :

- J'ai aperçu des images du passé, je crois. Des enfants ont souffert ici. Mais je ne crois pas qu'ils soient encore là. Plus vraiment en tous cas.

Maelys fronça les sourcils et croisa les bras. Elie quant à elle baissa la tête avant de murmurer.

"Il faut les libérer. Leurs âmes sont encore là. Le monstre les retient prisonniers. Je le sens. Ils ne doivent pas rester dans ce lieu de perdition."

Chandara se tourna aussitôt vers Eli et lui saisit doucement les poignets avant d'affirmer avec une grande détermination :

- C'est exactement ce pour quoi nous sommes ici : Sunie ne permettra pas que ces enfants restent sous le joug d'une horreur telle que cet esprit !

Venant de tout autre personne, ces paroles auraient certainement semblé naïves et futiles mais la paladine affichait une assurance et une résolution telle qu'on ne pouvait que la croire. Et elle ferait tout ce qui était en son pouvoir pour respecter ce serment.

Hrp : suis désolée pour l'erreur de compte.

Elle entra la première dans la salle d'eau. Elle vit une dizaine de petits baquets dans lesquels les enfants devaient faire leurs ablutions réchauffés par une grande cheminée. L'espace d'une seconde, elle vit justement ces enfants debout, immergés jusqu'à la taille et qui la regardaient fixement. Trois petits garçons, deux petites filles entre six et dix ans.

Le temps qu'elle entre dans la pièce, ils disparurent.

Cette vision, même fugace, avait été incroyablement révoltante. Au-delà même du fait qu’elle avait affaire à des fantômes du passé, l’expression hagarde que les petits avaient manifestée allait à l’encontre de tout ce à quoi elle était attachée. Ces petits auraient dû être pleins de vie et de joie à leur âge ! C’était une nouvelle motivation – si besoin en était encore – de chasser l’esprit qui les retenait contre leur gré et de rétablir l’ordre naturel des choses. Elle intervint à l’intention de ses deux camarades d’une voix légèrement affectée, un peu moins joyeuse, malgré tous ses efforts pour masquer son trouble et ne pas le leur communiquer :

- Je crois que nous devrions nous contenter d’aménager le dortoir pour cette nuit nous n’avons pas assez de bois pour alimenter les deux cheminées.

"Tu as vu quelque chose ?", lui demanda Eli, inquiète en posant sa main sur son épaule.

La paladine perçut le regard attentif de Maelys posé sur elle. L'animosité latente semblait avoir disparu quand elle lui demanda.

"Que fait-on pour sécuriser le dortoir ? A mon avis, notre hôte va attendre la nuit pour nous attaquer. La moindre erreur ... Et nous irons rejoindre les enfants ..."

Chandara ne voulait ni mentir à son amie, ni s’appesantir sur la vision démoralisante qu’elle venait d’avoir. Elle se contenta donc de répondre à Eli de manière évasive, tout en appréciant son geste d’amitié :

- Encore des images de fantômes. Mais nous allons les libérer !

Il était manifeste qu’elle essayait elle aussi de s’en convaincre. Et aussi de s’attacher au présent quand elle répliqua d’un ton plus assuré :

- Barricader la porte de l’intérieur ne nous servira pas vraiment contre un esprit : nous devons au contraire nous ménager le moyen de nous replier rapidement en cas d’attaque. Nous nous contenterons de fermer la porte à clé si nous la trouvons. Notre meilleure défense sera la lumière : nous devons avoir de quoi alimenter le feu de la cheminée pour toute la nuit et de quoi le rallumer à portée de main. Tâchons aussi de garder d’autres sources de lumière comme les lanternes et des bougies si nous en trouvons. L’esprit cherchera sans doute à éteindre les sources de lumière et plus il y en aura, plus il aura la tâche difficile. Il faut aussi qu’au moins une de nous soit toujours être réveillée et alerte pour prévenir les autres en cas de phénomène troublant. Et bien sûr, nous garderons toutes une arme à portée de main.